Intervention de Jacques Myard

Réunion du 8 juin 2016 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Myard :

Après avoir écouté attentivement les rapporteurs, le moins que l'on puisse dire, c'est que la Défense européenne n'est pas pour demain. Je voudrais rappeler ce qu'Elisabeth 1ère a dit à Sir Francis Blake : « salut aux chercheurs d'aventure ». Il faut rester réaliste, et malgré toute l'agitation autour de cette nouvelle stratégie, j'ai des doutes, des réserves, voire de l'hostilité sur cette démarche car, je le crois, nous perdons notre temps.

Les rapporteurs ont parlé du nécessaire renforcement du marché intérieur. Le problème, c'est que cette politique, mise en oeuvre depuis des décennies, ne marche pas. On le voit tous les jours ; si on ne change pas de logiciel macro-économique en Europe, celle-ci ira dans le mur et nous avec.

En ce qui concerne l'industrie européenne de Défense, ne nous berçons pas d'illusions : à part la nôtre, il n'en reste rien. Les Américains se sont joués de nous dans l'aéronautique en promettant monts et merveilles mais ils ont gardé pour eux les brevets et sous-traité le reste. C'est ainsi qu'il n'y a plus d'industrie aéronautique de Défense aujourd'hui en Europe, mis à part Dassault. Quant à la recherche, Yves Fromion a raison ; sous prétexte qu'elle est financée par des crédits européens, ses résultats sont diffusés urbi et orbi, y compris aux Américains !

Enfin, je voudrais revenir sur l'hypocrisie qui, selon moi, caractérise tous ces discours en faveur de la Défense européenne. L'article 42 du Traité sur l'Union européenne stipule que « la politique de l'Union au sens de la présente section n'affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres, elle respecte les obligations découlant du traité de l'Atlantique Nord pour certains États membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et elle est compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre ». En d'autres termes, qu'on ne raconte pas d'histoire : l'OTAN est le cadre de la Défense et de la sécurité de certains États-membres de l'Union qui sont par ailleurs membres de l'OTAN. La France en fait partie, et on sait pourquoi : elle voulait, par son ralliement, rallier les États-membres à la Défense européenne. Force est de constater que c'est un échec.

Votre rapport est intéressant mais il ne changera pas mes convictions sur la Défense européenne qui est une utopie. À 28 États-membres, rien n'est et ne sera possible en matière de Défense. Les quelques États-membres qui ont de réelles capacités de défense, à savoir la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni, voire l'Italie et l'Espagne, doivent travailler ensemble, en tenant à l'écart le SEAE qui est une machine à anglicisation lorsqu'il n'est pas frappé de paralysie.

Philippe-Armand Martin. Je tiens à remercier les rapporteurs pour ce rapport qui, s'il est favorable à cette nouvelle stratégie européenne, ne cache rien de ses difficultés de mise en oeuvre, parmi lesquelles les divergences d'intérêts entre les États-membres. Toutefois, j'aurais aimé qu'il insiste plus que la nécessité d'une coopération avec des États tiers ainsi qu'avec Interpol.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion