Commission des affaires européennes

Réunion du 8 juin 2016 à 16h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • SVE
  • civique
  • jeunesse
  • États-membres

La réunion

Source

I. Examen du rapport d'information de MM. Yves Fromion et Joaquim Pueyo sur la stratégie européenne globale en matière de politique étrangère et de sécurité commune

II. Examen du rapport d'information de Mme Sandrine Doucet pour observations sur le projet de loi Égalité et citoyenneté (n° 3679)

III. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 8 juin 2016

I. Examen du rapport d'information de MM. Yves Fromion et Joaquim Pueyo sur la stratégie européenne globale en matière de politique étrangère et de sécurité commune

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Les 28 et 29 juin prochains, la Haute représentante Federica Mogherini va présenter au Conseil européen une nouvelle « Stratégie européenne globale pour la politique étrangère et de sécurité », à laquelle elle travaille sur demande du Conseil européen des 25 et 26 juin 2015.

Ce travail est d'importance et il doit être salué, à la fois parce que l'Union européenne fait face à des enjeux considérables en matière de politique étrangère et de sécurité mais également parce que la Stratégie actuelle, dénommée « Stratégie européenne de sécurité », date de 2003. La nouvelle Stratégie viendra donc se substituer à cette dernière. C'est pourquoi, avant d'aborder le coeur de notre sujet, nous voudrions revenir sur cette Stratégie, le contexte dans lequel elle a été conçue et les conditions de sa mise en oeuvre, ce qui oblige à faire un détour plus général par la PESC.

Héritière de la coopération politique, la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) est devenue une politique européenne avec le Traité de Maastricht. Sans vouloir refaire toute l'évolution de la PESC depuis, il nous semble important de citer le préambule de ce traité : ses signataires s'y affirment « résolus à mettre en oeuvre une politique étrangère et de sécurité commune, y compris la définition progressive d'une politique de défense commune, qui pourrait conduire à une défense commune, renforçant ainsi l'identité de l'Europe et son indépendance afin de promouvoir la paix, la sécurité et le progrès en Europe et dans le monde ».

Dans la même phrase figure ainsi à la fois l'ambition des États européens d'agir en commun sur la scène internationale et les objectifs de cette action qui sont extérieurs mais également intérieurs. En effet, définir une politique étrangère et de sécurité commune oblige les États-membres à s'accorder, au-delà de ce qui les divise, sur ce qu'ils partagent, sur les intérêts à défendre, leurs valeurs et, en définitive, leur identité en tant que membres de l'Union européenne et, au-delà, l'identité de l'Union européenne elle-même.

Après le Traité de Nice, la PESC est ainsi devenue une véritable politique européenne avec ses institutions et organes propres, son cadre juridique, ses moyens et ses objectifs. Toutefois, mentionnés dans le Traité lui-même, ces objectifs étaient en réalité des déclarations de principes très vagues, insuffisantes pour fournir un cadre à la prise de décision en matière de politique extérieure et de sécurité. De même, s'agissant du rôle de l'instrument militaire, le traité intégrait bien les « missions de Petersberg » mais tel qu'il est rédigé, il ne donnait pas plus d'indications sur les circonstances dans lesquels cet instrument pouvait être utilisé. En d'autres termes, une stratégie se définissant comme la détermination d'objectifs et des moyens pour les atteindre, force est de reconnaître que l'Union européenne n'avait pas de stratégie pour la PESC.

Pour autant, cette absence de stratégie n'a pas eu de conséquence tant que les actions de la PESC étaient d'une portée très limitée et obéissaient plus à une logique humanitaire et de gestion de crise dont les effets n'impactaient pas directement l'Europe. En revanche, dans le cas d'une crise de grande ampleur, avec de fortes implications politiques et militaires, cette absence peut avoir des effets bien plus importants en révélant les divisions stratégiques des États-membres, paralysant de fait l'action de l'Union européenne tout en soumettant celle-ci à de très fortes tensions.

La guerre en Irak en 2003 a été ce révélateur. Nous nous souvenons des profondes divisions entre les États-membres qui, pourtant, étaient tous convaincus d'agir dans l'intérêt non seulement de leur pays mais également de l'Union européenne.

L'élaboration d'une stratégie européenne de sécurité était donc devenue une priorité afin tout à la fois de donner une cohérence à la politique étrangère et de sécurité commune mais également et de renforcer l'identité de l'Europe par la révélation et la mise par écrit des intérêts communs de ses membres. Ce travail a été confié au Haut Représentant de l'époque, M. Javier Solana, qui a présenté la « Stratégie européenne de sécurité » au Conseil européen du 12 décembre 2003. Elle a fait l'objet d'un rapport de mise en oeuvre présenté au Conseil européen du 11 décembre 2008.

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La Stratégie européenne de sécurité de 2003 présente des avantages qu'il est utile de rappeler avant de présenter les critiques dont elle fait aujourd'hui l'objet. Élaborée par M. Solana, assisté d'un petit groupe de hauts fonctionnaires, elle présente une grande cohérence et les menaces qu'elle identifiait ont conservé leur pertinence jusqu'à aujourd'hui, parmi lesquelles la déliquescence des États, le terrorisme, la cybersécurité, la sécurité énergétique ou le changement climatique.

Elle permet également d'identifier les éléments qui caractérisent la culture de sécurité européenne et les perspectives stratégiques de l'Union :

– le soutien à un multilatéralisme efficace, considéré comme l'une des caractéristiques primordiales de son identité internationale ;

– la notion de souveraineté responsable ;

– la forte attention portée au voisinage de l'Union européenne qui, dans un contexte tendu, apparaît comme un « pôle de sécurité » dont l'élargissement a un impact stabilisateur ;

– l'importance accordée à la prévention et aux causes profondes des menaces sécuritaires. L'Union a conscience du lien entre sécurité et développement ainsi qu'entre les conflits et la fragilité des États tout en soulignant l'importance des implications du changement climatique et de la question de l'exploitation des ressources comme sources de conflit ;

– enfin, la nécessité d'améliorer la cohérence des différents outils de l'Union dans une approche d'ensemble de la sécurité.

Toutefois, cette cohérence de la Stratégie a été mise à mal par le rapport de 2008 qui, à l'inverse du processus d'élaboration de la Stratégie elle-même, a largement impliqué les États-membres dont les préoccupations stratégiques sont divergentes. Si elle présente une liste de défis et de menaces auxquels est et sera confrontée l'Union européenne, elle est fondamentalement dépourvue de toute portée opérationnelle ; d'une part, elle ne hiérarchise pas les intérêts européens entre eux, pas plus que ces derniers par rapport aux intérêts nationaux et, d'autre part, les développements relatifs aux capacités sont particulièrement vagues, laissant croire que l'Union a pris le parti de déléguer aux États membres etou à l'OTAN la responsabilité d'intervenir pour assurer sa sécurité, y compris à l'intérieur de son territoire.

En outre, la Stratégie européenne de sécurité apparaît singulièrement datée. Le rapport de 2008 n'était pas une réelle actualisation, si bien que jusqu'en 2016, le seul document stratégique global dont disposait l'Union européenne datait de 2003. Il n'est guère étonnant que, dans le contexte de la guerre en Irak, elle considère que « la prolifération des armes de destruction massive constitue potentiellement la menace la plus importante pour sa sécurité ».

De même, les défis tenant à la stabilité du système financier international ne sont pas évoqués et le rôle majeur de la Russie pour la stabilité et la sécurité de l'Union, tant à l'intérieur (énergie) que dans son voisinage, est à peine mentionné, comme les défis posés par la Chine. Le défi que posent aujourd'hui les migrations n'est pas évoqué. Enfin, s'agissant des moyens d'action, la stratégie ne tient pas compte des avancées intervenues avec le Traité de Lisbonne, pas plus que du nouveau concept stratégique de l'OTAN adopté en 2010.

Enfin, d'une manière générale, et c'est peut-être le plus grave défaut de la stratégie européenne sécurité de 2003, le lien n'est pas réellement fait entre sécurité intérieure et sécurité extérieure.

Avec le recul, force est de constater que la Stratégie a largement échoué, dans sa mise en oeuvre, à dépasser les divergences d'intérêts entre les États-membres ainsi qu'à donner une cohérence à l'action extérieure de l'Union. En effet, les États-membres ont des intérêts nationaux forts en matière de sécurité, tant à l'intérieur de leur territoire qu'à l'extérieur, et ont poursuivi, sans se sentir tenus par la Stratégie, leur propre politique. Quant aux institutions européennes, premières concernées par la Stratégie, elles ne vont pas toutes dans le même sens en matière de PESC. Les études sont nombreuses qui montrent la lutte d'influence et le manque de coordination, voire la méfiance, entre la Commission, le Secrétariat du Conseil et le SEAE. Sans un leadership au niveau européen, la Stratégie ne pouvait évidemment pas être mise en oeuvre ;

Par conséquent, si l'Europe est parvenue parler d'une seule voix sur les sujets les plus consensuels, notamment sur le commerce et le développement, si les mécanismes de la PESC et ses institutions (à commencer par le SEAE) ont fait prospérer une réelle socialisation diplomatique européenne et une habitude de se concerter, les divisions ressurgissent dès que les enjeux touchent directement aux intérêts de certains États-membres. Après les divisions sur la guerre en Irak, les Européens se sont à nouveau divisés, notamment sur la Géorgie (2008), sur l'opportunité de recourir à la force en Libye (2011), au Mali (2013) et en Syrie (2013), sur le Kosovo (que tous ne reconnaissent toujours pas comme un État) ou sur l'admission de la Palestine à l'UNESCO (2011) puis comme État observateur à l'ONU (2012)…

L'absence de réaction de l'Union, en particulier lors de graves crises internationales, a eu deux conséquences :

– certains États-membres ont fait le choix d'agir seuls, sans l'accord de l'UE et des autres États-membres mais, le cas échéant, avec l'aide de l'OTAN (c'est-à-dire, en pratique, des États-Unis) : c'est le cas notamment de la France en Géorgie (2008) qui a élaboré avec la Russie un plan de paix, contre l'avis de certains États-membres. De même notre pays est-il intervenu en Libye en 2011, avec le Royaume-Uni, puis au Mali en 2013 ;

– deuxièmement, les institutions européennes ont, sans le dire, largement délaissé la Stratégie à laquelle elles ne faisaient plus que de très rares allusions. La Haute Représentante Mme Catherine Ashton, nommée en 2009, privilégiait pour l'Europe une approche par stratégie thématique et géographique qui s'est matérialisée, le temps de son mandat, par la multiplication des documents stratégiques spécifiques qui ne font pas référence à la Stratégie européenne de sécurité, visiblement considérée comme inutile et dépassée. Quant au Conseil européen, il a tout simplement ignoré les questions de Défense jusqu'au sommet des 19 et 20 décembre 2013.

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Voilà où nous en étions en 2013. L'Europe avait bien, formellement, une Stratégie mais celle-ci était datée et marginalisée. Sa modernisation, à la lumière des changements intervenus dans l'environnement de sécurité et de l'expérience de sa mise en oeuvre, était unanimement considérée comme nécessaire et urgente. La crédibilité de l'Union sur la scène internationale comme vis-à-vis de ses citoyens, en attente forte de sécurité, impliquait ainsi une stratégie claire et ambitieuse qui ne pouvait plus être celle de 2003

Le Conseil européen des 19 et 20 décembre 2013 a pris la mesure des enjeux. Il a fait le constat qu'« il n'y a pas de vision commune de long terme sur le futur de la PSDC » et a invité la Haute Représentante « à évaluer, en coopération étroite avec la Commission les conséquences des changements intervenus sur la scène internationale et à rendre compte au Conseil, dans le courant de 2015 et après consultation des États membres, des défis qui attendent l'Union et des possibilités qui s'offriront à elle ». Le processus de révision de la Stratégie européenne de sécurité est alors officiellement lancé.

Malgré l'arrivée d'une nouvelle Commission, l'agenda défini par le Conseil européen précité n'a pas été modifié et, lors du Conseil européen des 25 et 26 juin 2015, Federica Mogherini a présenté un rapport sur les menaces et défis auxquels l'Union devra faire face. Ce rapport est une analyse fine et franche des évolutions du contexte régional et international, montre un changement radical par rapport à l'analyse faite en 2003.

En effet, à la satisfaction du constat que « l'Europe n'a jamais été aussi prospère, aussi sûre ni aussi libre » s'est substitué celui d'une « Europe entourée par un arc d'instabilité » avec, à l'Est, la remise en cause des principes du droit international, à commencer par l'inviolabilité des frontières, au Proche-Orient, des rivalités de puissances, les guerres et les attentats terroristes, en Asie, les tensions régionales suscitées par la Chine, sans oublier les menaces globales comme le changement climatique et la rareté des ressources.

L'étape de l'évaluation de l'environnement stratégique franchie avec la présentation du rapport de la Haute représentante, le Conseil européen a donné mandat à cette dernière de lancer – je cite – « un processus de réflexion stratégique en vue d'élaborer, en étroite coopération avec les États membres, une stratégie globale de l'UE concernant les questions de politique étrangère et de sécurité, qui sera soumise au Conseil européen d'ici juin 2016 ». En pratique, le processus d'élaboration écarte à la fois l'option retenue en 2003 d'une élaboration par le seul Haut représentant et l'option de 2008 d'une très grande implication des États-membres. Dans le premier cas, le risque est d'aboutir à un document, certes cohérent, mais que les États-membres n'endosseraient pas forcément et, dans le deuxième cas, d'aboutir à une stratégie incohérente, brouillonne et, de fait, inapplicable.

C'est ainsi que la Stratégie est rédigée par une conseillère de la Haute Représentante assistée du SEAE. Certes, les États-membres sont régulièrement consultés et des réunions mensuelles sont organisées avec les « points de contact » nationaux qui, de fait, peuvent faire passer leurs idées et indiquer quelles sont leurs lignes rouges mais ils ne tiennent pas la plume. C'est donc une action d'influence qu'ils doivent mettre en oeuvre afin de faire prévaloir leurs positions qui, une fois de plus, sont divergentes sur des points aussi importants que les relations avec la Russie ou la question des migrants. Pour notre pays, cette action est conduite par le Centre d'analyse, de prévision et de stratégie (CAPS) du Ministère des Affaires étrangères, qui centralise l'ensemble des contributions des différentes parties prenantes françaises.

Ce processus d'élaboration, largement inclusif, s'achèvera avec le Conseil européen des 28 et 29 juin prochains, sous réserve que son ordre du jour ne soit pas bouleversé par les résultats du référendum britannique. Près de trois ans auront donc été nécessaires pour actualiser la Stratégie européenne de sécurité.

Quelle doit donc être cette stratégie ? Contrairement à la Stratégie de 2003, qui était une stratégie de sécurité, la Stratégie en cours d'élaboration est globale, c'est-à-dire qu'elle a vocation à englober l'ensemble des politiques européennes afin de leur donner une cohérence dans la perspective de la politique étrangère et de sécurité commune. Par conséquent, elle devra faire le lien avec d'autres politiques comme la politique commerciale, la politique en faveur du développement et la politique de lutte contre le changement climatique, sans oublier les dimensions intérieures de la sécurité extérieure.

Globale, la nouvelle Stratégie devra également être précise et définir de manière claire quels sont les intérêts de l'Union européenne. L'Europe est une communauté de droit mais également une communauté de valeurs. Dès lors, les conditions nécessaires pour préserver à l'intérieur les valeurs qui sont les siennes sont ces intérêts. La préservation des valeurs européenne est également un intérêt pour la PESC car les droits humains, l'État de droit, la démocratie, la prospérité et le bien-être des peuples, sont la condition de la stabilité et de la sécurité de l'Europe. Il est donc dans l'intérêt de l'Union européenne qu'ils soient répandus dans le monde et vital qu'il le soit dans son voisinage où certains pays font face à de nombreuses menaces susceptibles de les déstabiliser et, par conséquent, de déstabiliser l'Europe. Enfin, la stratégie devra aussi contenir des éléments précis fondant le recours légitime à la force

Une fois les objectifs généraux stratégiques définis sur la base des valeurs européennes, encore faut-il les décliner en objectifs opérationnels et, surtout, les hiérarchiser entre eux. Concrètement, les priorités pourraient s'organiser selon trois cercles concentriques : priorités intérieures de l'Union, priorités dans le voisinage et priorités globales qui, toutes, doivent tendre vers un objectif fondamental qui est l'autonomie stratégique à des fins de résilience de l'Union.

Les priorités intérieures. La première priorité de l'Union devrait donc être l'achèvement du marché intérieur. En effet, c'est en s'appuyant sur sa croissance, sa richesse et ses emplois que l'Europe pourra s'affirmer et agir sur la scène internationale. La deuxième priorité, c'est évidemment le renforcement de la sécurité intérieure. Outre l'amélioration des échanges en matière de renseignement intérieur, de coordination des polices et des autres services de sécurité, l'Europe a le devoir d'assurer la protection de ses frontières tout en accueillant dignement ceux dont la situation l'exige. Enfin, réduire la dépendance énergétique doit être la troisième priorité de l'Union sur la scène intérieure car elle la rend vulnérable aux ruptures d'approvisionnement comme aux fluctuations de prix, lesquels mettent en danger à la fois l'autonomie de sa politique étrangère et sa compétitivité.

Les priorités de voisinage. La stabilité du voisinage de l'Union doit être une priorité car toute déstabilisation d'un pays du voisinage impacte directement la stabilité et donc la sécurité de l'Union. Cependant, nous estimons que le voisinage être défini du point de vue stratégique et non géographique et, par conséquent, inclure la Turquie et la Russie mais également la Chine et les États-Unis. Dans le rapport, nous développons ce que devrait être la stratégie européenne vis-à-vis de ces quatre pays clés.

Enfin, les priorités globales. L'Union européenne est, par ses valeurs, son histoire et sa puissance commerciale, un acteur global qui doit continuer à poursuivre des objectifs stratégiques globaux, lesquels sont d'ailleurs inséparables des autres objectifs intérieurs et de voisinage. L'action de l'Union doit viser prioritairement les objectifs suivants :

– la politique de sécurité a incontestablement une dimension économique. L'extrême pauvreté, les violations de l'État de droit et des droits humains et, d'une manière générale, le manque de perspective pour la jeunesse forment le terreau idéal pour les troubles civils, la déstabilisation des États et l'implantation de mouvements terroristes qui, à terme, frapperont l'Europe. L'Union est d'ores et déjà le premier contributeur à l'aide au développement. Elle doit poursuivre dans cette voie en renforçant, par son aide, la résilience des pays les moins avancés les plus fragiles, notamment en Afrique ;

– une autre priorité globale de l'Union doit être ce qui apparaît de plus en plus comme la principale menace pour notre planète et ceux qui l'habitent : la lutte contre changement climatique. L'Union doit donc prioritairement poursuivre l'application des Accords de Paris adoptés lors de la COP21 ;

– l'Union devra travailler à améliorer la gouvernance économique mondiale car les États peuvent être autant, voire plus déstabilisés par une crise économique majeure que par des mouvements terroristes. La lutte contre les paradis fiscaux, qui sapent les ressources budgétaires, doit être une priorité.

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La Stratégie devra, bien plus que celle de 2003, mettre l'accent sur les moyens. En effet, sans des développements précis consacrés au renforcement des capacités civiles et militaires ainsi qu'aux autres moyens d'action de l'Union sur la scène internationale, il est plus que probable que la Stratégie resterait un exercice théorique sans portée pratique.

Ce renforcement des capacités de l'Union repose avant tout sur les États-membres. C'est en effet dans le cadre national que s'effectue, aujourd'hui encore, l'effort de Défense. Au niveau de l'Union, les dépenses consacrées à la Défense ne représentent que 1,2% du PIB. Il va sans dire que sans un effort supplémentaire, l'Union européenne ne pourra jouer un rôle majeur sur la scène internationale ni atteindre les objectifs fixés par la nouvelle Stratégie.

Même si l'année 2015, marquée par les attentats de Paris, la multiplication des crises et la montée générale de l'insécurité internationale, a vu les budgets consacrés à la Défense augmenter dans plusieurs États-membres, notamment en Allemagne, en Pologne et dans les Pays Baltes, il est évident que les États-membres ne pourront pas seuls, indépendamment les uns des autres, mobiliser les sommes considérables qu'exigent les programmes d'armement modernes. C'est pourquoi la Stratégie devra réaffirmer la nécessité d'une coopération entre les États-membres, à la fois pour identifier les lacunes capacitaires et développer leurs capacités respectives selon une programmation cohérente. L'Agence européenne de Défense (AED) aura un rôle majeur à jouer dans la mise en oeuvre de cette politique de renforcement en commun des capacités de Défense de l'Union.

Le rôle de l'AED est également important en matière de recherche puisqu'elle est en charge de l'Action préparatoire du futur programme de recherche européen consacré à la Défense et à la sécurité à partir de 2021. D'une manière générale, 20% des 2% de PIB consacrés à la Défense (comme le demande l'OTAN) devraient l'être à la recherche et au développement, à la fois pour améliorer la performance des armements mais également pour soutenir l'industrie européenne de Défense. En effet, si le renforcement des capacités de Défense européenne a pour objectif, comme la Stratégie elle-même, l'autonomie stratégique de l'Union, cette dernière serait réduite à néant si les Européens devaient se fournir à l'étranger – notamment aux États-Unis, faute d'une industrie européenne performante. Préserver les capacités industrielles de l'Union en matière de Défense et de sécurité doit aussi être un objectif mentionné en tant que tel dans la Stratégie. Il apparaît également nécessaire de changer les règles européennes de partage des résultats de cette recherche afin d'en réserver le bénéfice à ceux, industriels et États-membres, qui l'ont financée.

Le renforcement des moyens doit également concerner le renseignement intérieur qui, malgré les attentats réguliers sur le territoire de l'Union souffre encore d'un manque de coordination entre les services nationaux et de l'absence d'un service européen de renseignement, sur le modèle d'Europol.

Dotée de nouvelles capacités, en particulier militaires, l'Union doit être capable de les déployer sur le terrain, notamment en Afrique, en renforçant ses structures de planification et de conduite des opérations. Toutefois, un tel déploiement repose aujourd'hui sur les États-membres qui non seulement fournissent les troupes mais doivent en plus assumer l'essentiel du coût, même lorsqu'elles sont déployées dans le cadre de la PSDC. Compte tenu des contraintes budgétaires des États, surtout s'ils doivent accroître leur effort de Défense, le renforcement du mécanisme Athéna apparaît nécessaire pour lever leurs réticences à déployer leurs troupes.

Ce renforcement des capacités des États-membres, la mutualisation de celles-ci et l'augmentation des financements européens sont la voie vers une Défense intégrée européenne plus que jamais nécessaire. En effet, l'étape suivante pourrait être la mutualisation permanente d'unités militaires sous commandement européen via un quartier général européen, dont la doctrine d'emploi serait fixée par l'équivalent européen des « Livres blancs » nationaux. Maintes fois annoncé et a priori prévu pour l'automne, ce « Livre blanc » apparaît comme le complément indispensable de la Stratégie.

Enfin, la Stratégie doit être l'occasion pour l'Union européenne de clarifier ses relations avec l'OTAN, à laquelle appartiennent 22 de ses membres. Les relations sont aujourd'hui apaisées et l'appartenance à l'OTAN ne suscite plus – même dans notre pays – de controverses idéologiques. Cependant, la question reste ouverte des rapports entre les deux organisations. L'autonomie stratégique de l'Union, qui est l'objectif fondamental poursuivi par la Stratégie, ne peut se satisfaire d'une subordination de la Défense européenne à l'OTAN. En revanche, la Défense européenne pourrait devenir le « pilier » européen de ce l'OTAN et son premier partenaire sur le continent. L'Union européenne doit ainsi coopérer avec l'OTAN, notamment en matière de renseignement, de réalisation et d'interopérabilité des armements comme de planification ou de conduite des opérations. Cette coopération intelligente doit être un choix, non une contrainte. L'Union sera par ailleurs d'autant plus considérée comme un partenaire de valeur par les États-Unis qu'elle aura renforcé ses propres capacités.

Enfin, au-delà du contenu de la Stratégie, nous nous interrogeons sur sa portée, qui nous semble incertaine pour deux raisons.

La première est conjoncturelle. En effet, nous avons pu constater, au cours de nos travaux, combien le référendum britannique, par sa seule perspective, influençait négativement le processus d'élaboration de la Stratégie. À l'origine, selon nos informations, le Conseil « Affaires étrangères » du 23 mai aurait dû se voir présenter un résumé de la Stratégie, voire même l'adopter. Or, il n'en a rien été. Les ministres ont simplement évoqué le sujet lors de leur déjeuner sans disposer d'aucun document. La Stratégie ne sera par ailleurs transmise que quelques jours avant le Conseil européen des 28 et 29 juin afin d'éviter qu'elle puisse être instrumentalisée dans le débat sur le « Brexit ».

De même, la Haute représentante a, jusqu'ici, soigneusement évité le terme de « Livre blanc » de la Défense qui doit décliner la Stratégie sur le plan plus opérationnel et si la fin de l'année a pu être évoquée comme calendrier, ce n'est pas officiellement. Une fois de plus, le référendum britannique oblige à la prudence sur une question – celle de la Défense et de sécurité – qui est très sensible dans le contexte actuel.

Enfin, il est probable qu'en cas de « non » le 23 juin, l'ordre du jour du Conseil européen soit complètement chamboulé, renvoyant la présentation de la Stratégie à une date indéterminée. En outre, un éventuel départ du Royaume-Uni de l'Union européenne, compte tenu de l'importance de ses capacités, remettrait largement en compte, au moins à court terme, les avancées de l'Europe de la Défense comme la perspective d'un « Livre blanc » ambitieux.

L'autre raison est quant à elle plus structurelle. En effet, élaborée par la Haute représentante via une plume assistée par le SEAE, la Stratégie a vocation à guider son action – et celle du SEAE – pour les prochaines années. Il n'est pas certain, en revanche, qu'elle engage réellement la Commission tout entière. Certes, la Haute Représentante est aussi vice-Présidente de la Commission et a un rôle de coordination des Commissaires en charge des relations extérieures. La Stratégie a donc vocation à être celle de la Commission européenne pour l'ensemble de son action extérieure. Cependant, seule la pratique montrera si une telle coordination est possible.

Enfin, à supposer même qu'elle soit endossée par la Commission tout entière, la Stratégie ne serait pas pour autant celle de l'Union européenne, à moins que les États-membres en décident autrement. En effet, les 28 et 29 juin prochains, il semblerait que le Conseil européen se contente de « prendre note » ou de « prendre acte » de la Stratégie sans la reprendre à son compte. Une telle formulation aurait pour conséquence que les États-membres, en tant que Conseil européen, ne s'approprieraient pas la Stratégie alors même qu'individuellement, ils garderaient toute latitude dans la définition de leur politique étrangère et de sécurité nationale.

Au final, même si la Stratégie n'est finalement que celle de la Commission, voire seulement de la Haute représentante, elle peut néanmoins jouer un rôle important, à l'extérieur comme à l'intérieur, d'une part en affirmant publiquement les intérêts de l'Union européenne sur la scène internationale et, d'autre part, en tant que texte fondateur, en contribuant à faire émerger le SEAE comme corps diplomatique à part entière au service d'une politique européenne cohérente. L'importance de la Stratégie serait encore renforcée si sa durée de validité était calée sur celle du mandat de la Commission, permettant ainsi au Parlement européen comme aux Parlement nationaux de contrôler sa mise en oeuvre par la Haute représentante.

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Après avoir écouté attentivement les rapporteurs, le moins que l'on puisse dire, c'est que la Défense européenne n'est pas pour demain. Je voudrais rappeler ce qu'Elisabeth 1ère a dit à Sir Francis Blake : « salut aux chercheurs d'aventure ». Il faut rester réaliste, et malgré toute l'agitation autour de cette nouvelle stratégie, j'ai des doutes, des réserves, voire de l'hostilité sur cette démarche car, je le crois, nous perdons notre temps.

Les rapporteurs ont parlé du nécessaire renforcement du marché intérieur. Le problème, c'est que cette politique, mise en oeuvre depuis des décennies, ne marche pas. On le voit tous les jours ; si on ne change pas de logiciel macro-économique en Europe, celle-ci ira dans le mur et nous avec.

En ce qui concerne l'industrie européenne de Défense, ne nous berçons pas d'illusions : à part la nôtre, il n'en reste rien. Les Américains se sont joués de nous dans l'aéronautique en promettant monts et merveilles mais ils ont gardé pour eux les brevets et sous-traité le reste. C'est ainsi qu'il n'y a plus d'industrie aéronautique de Défense aujourd'hui en Europe, mis à part Dassault. Quant à la recherche, Yves Fromion a raison ; sous prétexte qu'elle est financée par des crédits européens, ses résultats sont diffusés urbi et orbi, y compris aux Américains !

Enfin, je voudrais revenir sur l'hypocrisie qui, selon moi, caractérise tous ces discours en faveur de la Défense européenne. L'article 42 du Traité sur l'Union européenne stipule que « la politique de l'Union au sens de la présente section n'affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres, elle respecte les obligations découlant du traité de l'Atlantique Nord pour certains États membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et elle est compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre ». En d'autres termes, qu'on ne raconte pas d'histoire : l'OTAN est le cadre de la Défense et de la sécurité de certains États-membres de l'Union qui sont par ailleurs membres de l'OTAN. La France en fait partie, et on sait pourquoi : elle voulait, par son ralliement, rallier les États-membres à la Défense européenne. Force est de constater que c'est un échec.

Votre rapport est intéressant mais il ne changera pas mes convictions sur la Défense européenne qui est une utopie. À 28 États-membres, rien n'est et ne sera possible en matière de Défense. Les quelques États-membres qui ont de réelles capacités de défense, à savoir la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni, voire l'Italie et l'Espagne, doivent travailler ensemble, en tenant à l'écart le SEAE qui est une machine à anglicisation lorsqu'il n'est pas frappé de paralysie.

Philippe-Armand Martin. Je tiens à remercier les rapporteurs pour ce rapport qui, s'il est favorable à cette nouvelle stratégie européenne, ne cache rien de ses difficultés de mise en oeuvre, parmi lesquelles les divergences d'intérêts entre les États-membres. Toutefois, j'aurais aimé qu'il insiste plus que la nécessité d'une coopération avec des États tiers ainsi qu'avec Interpol.

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Ces questions soulevées aujourd'hui ont été évoquées hier pendant l'audition de Michel Barnier, Conseiller spécial du Président de la Commission européenne pour la Défense et la sécurité. Pour l'avoir récemment entendu à la fondation Schumann, ce dernier est d'ailleurs très conscient de la nécessité de progresser sur ces sujets dans le contexte actuel. Cependant, la question reste entière de la volonté des États-membres d'aller de l'avant. Certains le veulent, d'autres non. Peut-être un accroissement des budgets européens en matière de sécurité et de Défense pourrait convaincre les plus réticents.

Je voudrais également insister sur un point évoqué par les rapporteurs, à savoir que la sécurité ne peut être garantie, à long terme, sans agir contre la pauvreté, à la fois à l'intérieur et à l'extérieur de l'Union. C'est d'autant plus nécessaire qu'une nouvelle pauvreté va apparaître avec le changement climatique, qui risque de pousser vers nos frontières des millions de réfugiés qu'il faudra gérer. L'Europe ne peut être une forteresse assiégée et si la sécurité doit être un objectif de sa politique étrangère, celui-ci doit être concilié avec l'impératif de solidarité.

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Si on croit à la construction européenne, la stratégie européenne est indispensable ; si on n'y croit pas, comme Jacques Myard, alors effectivement, la coopération bilatérale entre États est suffisante. J'étais présent hier à l'audition de Michel Barnier et ses déclarations allaient dans le sens des constatations de notre rapport : dégradation de l'environnement de sécurité, attente de sécurité de la part des citoyens européen, prise de conscience des institutions européennes, retrait américain... Bien sûr, le chemin sera long et la stratégie n'est qu'un premier pas mais j'observe d'ores et déjà des progrès, comme la future création d'un corps de garde-frontières européens. Il faut être optimiste, je le suis, et ne jamais perdre de vue que, sans l'Europe, la situation serrait très probablement pire encore.

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Je partage l'optimisme de Joaquim Pueyo. La démarche de la Haute représentante, Mme Federica Mogherini, est importante car plus que jamais, l'Union européenne a besoin d'une stratégie globale pour faire face à l'ensemble des menaces qui l'entourent. Celle-ci lui donnera un cap alors que, jusqu'à présent, c'était l'impression d'une navigation à vue qui dominait. Bien sûr, la mise en oeuvre sera compliquée mais ce n'est pas une raison pour ne pas saluer cette avancée que constitue la stratégie.

La Défense européenne est un concept flou qui prête à confusion et permet toutes les exagérations. Personne ne peut raisonnablement soutenir qu'elle a pour objectif la fusion des forces armées des États-membres. Il s'agit simplement de faire coopérer et de coordonner celles-ci qui, par ailleurs, ont des doctrines et des armements proches. C'est d'ailleurs l'esprit de la coopération structurée permanente prévue par la Traité de Lisbonne et qui, malheureusement, n'est toujours pas mise en oeuvre.

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Nous allons passer à la discussion de l'amendement déposé par Yves Fromion sur la proposition de résolution européenne.

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L'amendement porte sur le point 10 de la proposition de résolution. Il me semble en effet important de rappeler que le modèle d'organisation des capacités militaires de l'Union doit permettre de rationaliser les dépenses des États-membres en évitant les doublons et les gaspillages.

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Comme l'a dit hier Michel Barnier, six programmes de construction de frégates ont été lancés par les États-membres. C'est un bel exemple du gaspillage évoqué par Yves Fromion.

L'amendement n° 1 de M. Yves Fromion est adopté.

Je mets aux voix la proposition de résolution européenne ainsi amendée.

La proposition de résolution ainsi amendée est adoptée, à l'unanimité moins un vote contre (M. Jacques Myard).

« L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu le Traité sur l'Union européenne et, en particulier, l'article 18,

Vu la Stratégie européenne de sécurité du 12 décembre 2003 et le rapport de mise en oeuvre du 11 décembre 2008,

Vu les conclusions des Conseils européens des 19 et 20 décembre 2013 et des 25 et 26 juin 2015,

Vu le rapport de la Haute représentante intitulé « L'Union européenne dans un environnement mondial en mutation – Un monde plus connecté, plus contesté et plus complexe »,

Vu la résolution du Parlement européen du 13 avril 2016 sur « l'Union européenne dans un environnement mondial en mutation – un monde plus connecté, plus contesté et plus complexe »,

Vu l'avis du Comité économique et social européen du 28 avril 2016 sur la nouvelle Stratégie globale européenne en matière de politique étrangère et de sécurité commune,

Considérant que, par rapport à 2003, l'Union européenne fait aujourd'hui face à une dégradation considérable de son environnement de sécurité, l'exposant à des menaces hybrides d'acteurs étatiques et non étatiques cherchant à la déstabiliser, tant à l'intérieur de ses frontières que dans son voisinage ; que celui-ci, comme les pays plus lointains, est marqué par la multiplication des conflits et des zones de non-droit, aux mains de mouvements terroristes etou criminels ; que ces menaces s'ajoutent, en les aggravant, aux défis posés par les enjeux globaux que sont le changement climatique, la cybercriminalité, la lutte pour les ressources naturelles, l'accélération du progrès technologique, les migrations incontrôlées, l'extrême pauvreté, l'instabilité résultant de l'accroissement des flux financiers et la montée des tensions identitaires et religieuses ;

Considérant que l'ensemble de ces menaces, défis et, plus généralement, l'environnement de sécurité de l'Union européenne ont été analysés dans le rapport de la Haute Représentante intitulé « L'Union européenne dans un environnement mondial en mutation – Un monde plus connecté, plus contesté et plus complexe », présenté au Conseil européen des 25 et 26 juin 2015 ;

Considérant que cette dégradation de l'environnement de sécurité, à l'oeuvre depuis plusieurs années, a d'ores et déjà des conséquences à l'intérieur des frontières européennes, comme le montrent les attentats de Paris en novembre 2015 et de Bruxelles en mars 2016, ainsi que la crise des migrants, lesquels sont directement liés à la guerre en Syrie et, plus généralement, au développement du terrorisme islamiste ; que, sans réaction forte et rapide, tant des États-membres que des institutions européennes, ses conséquences iront en s'aggravant au point de remettre en cause les acquis, voire la pérennité de l'Union européenne elle-même ;

Considérant qu'une menace ou une crise affectant un État-membre les affectent tous, solidaires au sein de l'Union européenne, et que, vu l'ampleur qu'elles peuvent prendre, une action commune sera bien plus efficace pour les conjurer qu'une initiative individuelle ;

Considérant que la Stratégie européenne de sécurité adoptée le 12 décembre 2003 et complétée par le rapport de mise en oeuvre du 11 décembre 2008, même si un certain nombre des menaces et des défis qu'elle avait identifiés restent d'actualité, n'est plus adaptée à l'environnement de sécurité actuel de l'Union, pas plus qu'au cadre institutionnel découlant du Traité de Lisbonne ;

Considérant que les multiples stratégies sectorielles adoptées par l'Union européenne depuis 2009, malgré leur pertinence, ne sauraient se substituer à une stratégie globale qui, impliquant l'ensemble des instruments à sa disposition, est la seule à même de permettre une réponse adaptée à des menaces qui sont elles-mêmes globales ;

Considérant qu'il est à l'avantage de l'Union européenne d'affirmer ses intérêts stratégiques dans un document rendu public ; qu'une telle affirmation, en tant que telle, renforce la crédibilité de son action sur la scène internationale en mettant en avant le consensus des États-membres en matière de politique étrangère et de sécurité ; qu'elle contribue également, de ce fait et au-delà des différences nationales, à forger l'identité européenne par la révélation et la mise par écrit des intérêts communs de ses membres ;

Considérant que le processus d'élaboration de la nouvelle Stratégie a su maintenir l'équilibre entre la cohérence de son contenu et la nécessaire prise en compte des intérêts des États-membres, en confiant son écriture à une plume unique, sous le contrôle de la Haute Représentante et avec l'aide du Service européen pour l'action extérieure tout en informant et en consultant régulièrement les États-membres ; que la société civile a également participé à ce processus d'élaboration jalonné de très nombreux évènements lui ayant permis de donner son point de vue ;

Considérant que sécurité intérieure et sécurité extérieure sont liées et qu'une Stratégie de sécurité doit avant tout contribuer à la résilience de l'Union européenne, en renforçant sa capacité à surmonter les crises qu'inévitablement, elle devra affronter ;

Considérant que la crédibilité de l'Union européenne sur la scène internationale exige non seulement une stratégie claire, identifiant les menaces et fixant les objectifs en les hiérarchisant, mais également la définition des moyens nécessaires à sa mise en oeuvre, lesquels doivent être à la hauteur des ambitions affichées ;

Considérant que parmi les plus grandes menaces auxquelles est confrontée l'Europe figurent les réseaux terroristes et criminels qui ne prospèrent jamais tant que sur la faiblesse des États, la pauvreté, l'ignorance, l'absence de perspectives économiques et le désespoir de la jeunesse qui en découle ; que la sécurité de l'Union, à long terme, exige de renforcer la résilience des États dont le territoire est susceptible d'abriter de tels réseaux, d'aider à leur développement économique et social et de veiller à ce que l'État de droit y soit respecté ;

1. Attire l'attention sur la dégradation considérable de l'environnement de sécurité de l'Union européenne depuis 2003, désormais entourée par un arc d'instabilité constitué d'États en faillite, en guerre etou abritant des réseaux terroristes ou criminels, susceptibles d'aggraver les menaces globales auxquelles, comme l'ensemble des pays du monde, elle est et sera confrontée.

2. Se félicite que les institutions européennes comme les États-membres aient pris la mesure de cette dégradation en demandant à la Haute représentante Federica Mogherini, lors du Conseil européen des 25 et 26 juin 2015, d'établir une nouvelle Stratégie européenne en matière de politique étrangère et de sécurité, comme d'un processus d'élaboration de celle-ci qui permet d'en assurer la cohérence tout en impliquant les États-membres et la société civile.

3. Rappelle que les menaces auxquelles est et sera confrontée l'Europe ne peuvent être conjurées par un ou des États-membres individuellement mais par une action concertée au sein l'Union, dans le cadre d'une Stratégie commune et par la mise en commun de leurs moyens, sous l'égide d'un multilatéralisme fondé sur les règles de droit.

4. Souhaite que la Stratégie soit véritablement globale ; qu'à ce titre, elle englobe l'ensemble des politiques européennes afin de leur donner une cohérence dans la perspective de la politique étrangère et de sécurité commune ; que, par conséquent, elle fasse le lien avec d'autres politiques comme la politique commerciale, la politique en faveur du développement et la politique de lutte contre le changement climatique, sans oublier les dimensions intérieures de la sécurité extérieure.

5. Estime nécessaire que la Stratégie soit précise et définisse de manière claire quels sont les intérêts de l'Union européenne ; que l'Union étant une communauté de droit autant qu'une communauté de valeurs, les conditions nécessaires pour préserver à l'intérieur les valeurs qui sont les siennes devront être considérées comme les intérêts vitaux de l'Europe ; qu'il en va de même en matière de politique extérieure et de sécurité : le respect des droits humains et de l'État de droit, la démocratie et la bonne gouvernance, la prospérité, le développement durable et le bien-être des peuples dans les États tiers, en particulier ceux de son voisinage, sont la condition de la stabilité et de la sécurité de l'Europe.

6. Souligne l'importance d'aller au-delà de l'affirmation des intérêts de l'Union et de fixer des priorités stratégiques précises en matière de politique étrangère et de sécurité, y compris à l'intérieur, et de les hiérarchiser, tout en les subordonnant à l'objectif fondamental qu'est l'autonomie stratégique de l'Union.

7. Estime que cette autonomie stratégique ne pourra être atteinte sans un renforcement substantiel des capacités civiles et militaires de l'Union européenne ; que celui-ci repose avant tout sur les États-membres qui devront augmenter la part de leur budget consacré à la Défense à 2% au moins de leur PIB, dont 20% à la recherche ; que cet effort individuel sera d'autant plus efficace qu'il s'accompagnera d'une coopération étroite entre les États-membres pour identifier les lacunes capacitaires et développer leurs capacités respectives selon une programmation cohérente ; que ces dépenses sont également nécessaire pour soutenir l'industrie européenne de Défense, sans laquelle l'autonomie stratégique que poursuit l'Union avec la Stratégie serait réduite à néant.

8. Considère que ce renforcement des capacités doit s'intégrer dans un cadre européen de défense et de sécurité renouvelé, à la fois dans ses institutions avec la promotion du rôle de l'Agence européenne de défense dans la coopération entre les États-membres, voire la mise en oeuvre de la coopération structurée permanente prévue par le Traité de Lisbonne, ses financements avec l'amélioration du mécanisme Athéna et la doctrine d'emploi avec l'établissement de l'équivalent européen des « livres blancs » nationaux.

9. Rappelle l'importance des relations transatlantiques et le fait que les États-Unis demeurent le principal partenaire stratégique de l'Union européenne ; que la Stratégie doit ainsi être l'occasion de clarifier les relations UE-OTAN sans perdre de vue l'objectif de l'autonomie stratégique de l'Union, laquelle ne doit cependant pas empêcher une coopération pleine et entière avec l'OTAN, notamment en matière de renseignement, d'interopérabilité des armements et de planification et de conduite des opérations.

10. Souligne qu'il est dans l'intérêt de l'Union de promouvoir un modèle d'organisation des capacités militaires de ses États-membres qui leur permettra, outre un usage à finalité nationale, d'être employées indifféremment dans le cadre de l' OTAN pour ceux qui en sont membres comme dans un cadre propre à l'Union européenne, au service de ses propres objectifs ; que ce modèle est le seul moyen d'éviter les redondances tout en préservant l'autonomie de décision et d'action de l'Union.

11. Estime que l'augmentation des capacités militaires de l'Union ne peut, à elle seule, garantir sa sécurité sur le long terme ; que des menaces comme le terrorisme ou les réseaux criminels exigent d'agir préventivement en s'attaquant à leurs causes que sont la faiblesse des États, l'extrême pauvreté, l'ignorance, l'absence de perspectives économiques et le désespoir de la jeunesse qui en découle ; que l'aide au développement, dont l'Union européenne est le premier bailleur mondial, est le meilleur moyen de prévenir ces menaces comme elle l'est également pour d'autres, notamment pour lutter contre le changement climatique.

12. Regrette qu'il ait fallu attendre 2016 pour adapter à un environnement se dégradant rapidement une Stratégie datant de 2003 ; que la future Stratégie européenne globale en matière de PESC est également susceptible d'être dépassée, si bien qu'il apparaît nécessaire de prévoir d'ores et déjà sa révision d'ici à cinq ans ; qu'un tel délai permettrait en outre au Parlement européen comme aux Parlement nationaux de contrôler sa mise en oeuvre dans le cadre du mandat de la Haute représentante.

13. Souhaite qu'au-delà de cette Stratégie, les questions de défense et de sécurité, aujourd'hui au coeur des préoccupations des citoyens européens, le soient également de leurs dirigeants, notamment par des réunions régulières du Conseil européen et du Conseil des ministres qui leur seraient consacrés. ».

II. Examen du rapport d'information de Mme Sandrine Doucet pour observations sur le projet de loi Égalité et citoyenneté (n° 3679)

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Madame la Présidente, mes chers collègues, le rapport d'observation que je vous présente aujourd'hui porte sur son titre I, intitulé « Citoyenneté et émancipation des jeunes », et plus particulièrement sur le dispositif du Service civique instauré par la loi n° 2010-241 du 10 mars 2010. Notre pays a fait de la lutte en faveur de la jeunesse l'une de ses priorités, voire LA priorité du quinquennat. Celle-ci s'est traduite de manière concrète autour du « Plan Priorité Jeunesse » dans de nombreuses mesures telles que les emplois d'avenir à hauteur de 250 000 emplois, les contrats de génération, l'encadrement des stages, la revalorisation des bourses étudiantes, la relance de l'apprentissage ou encore la création de la « garantie jeunes ». Le Projet de loi « Egalité et citoyenneté » qui passe en commission spéciale la semaine prochaine veut aller encore plus loin. Je me permets à ce titre de reprendre les propos du Ministre, Patrick Kanner, précisant bien qu'il ne s'agit pas là de faire la voiture-balai de tout ce qu'on n'aurait pas fait pour la jeunesse mais de faire avancer l'égalité et l'émancipation de la jeunesse.

On connaît le succès du Service civique : 53 000 missions étaient prévues en 2015, 110 000 en 2016 et conformément à l'ambition clairement énoncée par le Président de la République qui veut instaurer un « parcours citoyen généralisé », il est prévu que d'ici à trois ans la moitié d'une classe d'âge puisse être accueillie en mission de service civique, soit près de 350 000 jeunes par an s'ils le souhaitent. L'enjeu ne vise donc pas moins que d'assigner au service civique l'ambition de devenir un droit universel, ce qui est un projet largement partagé au niveau européen. On va le voir, ce projet est partagé par d'autres pays européens.

Dans le contexte des événements dramatiques qui ont frappé notre pays en janvier et novembre 2015 derniers et qui réactivent le besoin d'assurer l'adhésion à des valeurs républicaines et nationales de tous les citoyens, je ne peux, nous ne pouvons, que nous féliciter haut et fort d'une telle ambition de parfaire encore davantage l'engagement citoyen.

Ce projet de loi, vu sous l'angle européen, est le moyen d'évaluer les expériences qui sont réalisées dans d'autres pays européens. Les exemples de l'Allemagne, de l'Italie et du Royaume-Uni sont développés dans ce rapport. L'expérience de ces trois pays en matière de service civique est très riche, d'abord parce que concernant l'Allemagne et l'Italie, nous avons affaire à des systèmes d'esprit assez comparables à ce que nous avons en France. Nous avons donc avec eux des programmes bilatéraux permettant d'envoyer des jeunes en service civique dans le pays partenaire. Je pense au programme franco-allemand de l'Office franco-allemand de la jeunesse. Ou encore, plus récemment, au programme pilote franco-italien dont l'accord a été conclu par MM. Harlem Désir et Patrick Kanner avec le gouvernement italien le 16 octobre 2015 dernier et qui doit permettre à 100 jeunes Français et Italiens de pratiquer une mobilité de deux mois dans l'autre pays dans le cadre de leur service civique.

Concernant l'Italie, une décision législative du 18 mai dernier vient de faire du servizio civile nazionale un service civique universel. Hasard du calendrier encore puisque au Royaume-Uni, le gouvernement vient d'annoncer, dans le Discours de la Reine le même jour, la pérennisation législative d'un dispositif, le National Citizen Service, qui pour ne pas être universel – il ne concerne que les jeunes de 16 et 17 ans – n'en a pas moins des résultats très prometteurs en termes d'intégration et de mixité sociale. Mais, j'ajouterai à cela qu'à l'occasion d'un déplacement que j'ai fait hier à Bruxelles, il est apparu qu'en matière de volontariat le poids de l'histoire pouvait jouer : les pays de l'Est sont réticents à l'égard des politiques en faveur du volontariat des jeunes parce qu'il était obligatoire sous la période communiste.

Mais le point de vue européen n'est pas seulement d'ordre comparatif. Les programmes éducatifs ou de jeunesse bien que relevant toujours de l'ordre des compétences nationales ne sauraient plus être pensés en dehors des dispositifs européens qui irriguent désormais, aux niveaux nationaux et régionaux mais aussi associatifs, tout le tissu social de notre société. Vous êtes, chers collègues de cette Commission, bien placés pour le mesurer. Considérer le projet de loi « Égalité et citoyenneté » sous l'angle européen, c'est donc aussi mesurer que très tôt, dès les années 90, dans le contexte d'une panne de l'identité européenne, celle-ci a cherché des outils pour favoriser une « citoyenneté européenne active », laquelle passe prioritairement par l'expérience d'une mobilité européenne. S'il est évident que la mobilité ne saurait constituer la panacée susceptible de résoudre les problèmes d'adhésion aux valeurs républicaines et démocratiques, il n'en ressort pas moins qu'elle participe d'une expérience concrète de l'autonomie du jeune et, par la confrontation avec d'autres pratiques et habitudes culturelles, favorise son adhésion à l'idée européenne.

Parmi les outils de promotion de la mobilité européenne au service d'une citoyenneté européenne, figure non seulement le dispositif phare bien connu des bourses d'études et de stages Erasmus sur lequel, vous le savez, j'ai travaillé en 2013 et 2014, mais également un dispositif dont les principes et la déclinaison ont inspiré le Service civique français. Je veux parler du Service volontaire européen ou SVE.

Le SVE est associé en France par l'article L.121-1 du code du Service national à un service civique, ce qui constitue un élément de comparaison intéressant. L'Union européenne a, dès les années 1990, mesuré l'opportunité en matière d'insertion sociale et d'accès à la citoyenneté que représentent les activités de volontariat pour les jeunes européens. Pour compléter les dispositifs d'échanges existant au bénéfice des étudiants (Erasmus, …) et offrir aux jeunes (quel que soit leur niveau de formation) un accès démocratique à la mobilité, l'Union européenne a lancé le 23 décembre 1996 un « Service volontaire européen pour les jeunes ». Depuis 2007, il est un des volets du programme européen « Jeunesse en action » (2007-2013) et s'inscrit désormais dans le nouveau dispositif Erasmus + (2014-2020) dont le volet Jeunesse reprend les principaux éléments de « Jeunesse en action ».

Le SVE permet aux jeunes entre 17 et 30 ans de s'engager personnellement dans une cause en travaillant à plein temps entre 2 semaines et 12 mois comme bénévoles dans un pays étranger, dans ou hors de l'Union européenne. Dans le contexte de la crise de 2008, on a également affaire là à un dispositif qui se professionnalise de plus en plus en permettant d'ajouter une plus-value au CV.

Cette année, le SVE a 20 ans. Son succès est important car on constate avec tous les services civiques européens une montée en charge, les jeunes se sentant de plus en plus concernés. Le SVE permet donc à des jeunes de 17 à 30 ans sans condition de diplômes d'être candidats. Et il est ouvert aux publics les moins enclins à celle-ci : « les jeunes avec moins d'opportunités » (JAMO) qui concernent la tranche d'âge de 16 ans.

Il s'agit donc d'un dispositif très démocratique mais pour autant, comme dans le constat que j'avais fait à l'occasion de mon rapport sur la démocratisation d'Erasmus, il reste relativement confidentiel et on se rend compte que ceux qui s'en emparent sont les publics socio-économiquement et culturellement déjà enclins à la mobilité. En France, il faut nuancer ce constat puisque le SVE qui est géré par l'Agence Erasmus + Jeunesse et Sport a compté en 2015 plus de 40 % de « jeunes ayant moins d'opportunités » (JAMO). Je me réjouis de cette tendance et appelle à poursuivre le volontarisme en faveur de ces catégories plus défavorisées. On peut déplorer le caractère trop modique des indemnités versées qui sont comprises entre 50 € et 160 € selon le pays de mobilité, chiffre bien inférieur à celle du Service civique. Mais compte tenu de l'esprit du volontariat, malgré cela, le SVE constitue un outil intéressant d'autant que tous les frais occasionnés par cette mobilité sont pris en charge dans le cadre d'Erasmus +.

La comparaison des deux dispositifs est donc importante pour répondre à la question cruciale suivante : comment démocratiser au maximum un dispositif pour en faire bénéficier le plus grand nombre sans porter préjudice à ses exigences de qualité ? Autrement dit, comment concilier massification et une exigence de qualité ?

D'où deux pistes principales selon qu'on envisage le Service civique tel qu'élargi par le projet de loi « Égalité et Citoyenneté » ou selon qu'on envisage le SVE.

Vis-à-vis de l'Union européenne, il s'agit de plaider pour une politique d'élargissement du SVE, notamment en augmentant les crédits et les ambitions du dispositif. Il conviendra donc d'être très vigilant sur les propositions de la Commission européenne à l'occasion du vingtième anniversaire du SVE et de l'étude d'impact qu'elle prévoit de réaliser cette année.

Il existe une Charte européenne pour les organismes d'accueil des volontaires du SVE qui porte principalement sur les exigences d'assurance-qualité. À l'instar de ce que le projet de loi « Égalité et Citoyenneté » préconise, il conviendrait que l'Union européenne élabore une Charte des valeurs fondamentales de l'Union à destination des jeunes du SVE afin de les sensibiliser à la dimension citoyenne de leur mobilité. Donc pas seulement une charte d'assurance qualité mais un document qui rappelle aux jeunes les valeurs et les modalités du SVE. Le projet de loi Egalité et Citoyenneté pourrait donc inspirer le SVE dans ce sens-là.

Enfin, dans l'axe du rapport que j'ai écrit en 2015 sur la validation des acquis de l'apprentissage non formel et informel, il convient de militer auprès de l'Union européenne, et de la Commission européenne en particulier, pour un agenda renouvelé sur la mise en oeuvre de la recommandation du 20 décembre 2012. Je fais le lien entre cette recommandation et l'article 14 du projet de loi avec son dispositif de « validation législative obligatoire » par les établissements d'enseignement supérieur des compétences, savoir-faire et connaissances acquises à l'occasion d'une mobilité à l'étranger et d'un service civique à l'étranger s'inscrit en effet résolument et positivement dans ce sens. Compte tenu du caractère non contraignant d'une recommandation au niveau européen, il est en effet impératif si l'on souhaite répondre à l'échéance de 2018 fixée par la recommandation pour permettre la validation des huit compétences sociales et civiques de la recommandation de 2006, d'inciter davantage à un état d'avancement en la matière dans les pays européens. On a l'impression qu'il y a une panne en Europe dans la mise en oeuvre de la recommandation. Avec le projet de loi Egalité et Citoyenneté, nous manifestons, nous, que la France avance dans ce dossier.

Dans ce contexte, il convient d'optimiser les outils européens, Europass et le Passeport Jeunesse, pour les rendre plus simples donc plus lisibles et plus accessibles pour les bénéficiaires, et plus attractifs et plus opérationnels auprès des institutions et organismes susceptibles de reconnaître ces compétences, à savoir les opérateurs d'enseignement et de formation mais également les employeurs.

Vis-à-vis du service civique français, voici quelques pistes de réflexion et d'amélioration : dans la mesure même où le SVE, qui constitue selon la loi un service civique, s'avère une réussite, il faut chercher les moyens d'augmenter le nombre de jeunes qui partent dans le cadre de ce dispositif.

Comme je le montre dans ce rapport, le dispositif du SVE, géré par l'agence nationale chargée des programmes européens de jeunesse, l'Agence Erasmus + Jeunesse et Sport, relève d'un « sur-mesure », pensé en termes de projet individuel. Il faudrait tirer les leçons pour le Service civique des richesses méthodologiques du SVE, par exemple en termes d'encadrement et d'accompagnement des bénéficiaires. L'accompagnement dispensé autour du SVE pourrait inspirer celui du service civique.

Cet accompagnement, en amont, pendant et en aval, pourrait notamment être pensé autour du rôle pivot d'une Charte de l'engagement citoyen, à l'instar de celle prévue par l'article 1er du projet de loi pour la réserve citoyenne, qui devient structurante et responsabilisante à la fois pour les structures d'accueil et les volontaires dès lors que, conformément à l'article 3 du projet de loi, le service civique serait subordonné à son adhésion et conditionné à son respect.

On pourrait également prendre modèle sur les outils de soutien post-mission à l'auto-évaluation de façon à appuyer les efforts de reconnaissance et de validation des acquis de l'apprentissage, préconisés dans l'article 14 du projet de loi. Je reviens à mon rapport d'information sur la validation des acquis de l'apprentissage non formel et informel. Un service civique est une expérience qui relève d'un cadre informel et non formel. C'est à ce titre qu'il faut lui appliquer les outils d'évaluation des compétences du type Youthpass. Mais pour garantir la pertinence de cet outil par lequel un jeune s'autoévalue, un accompagnement à l'autoévaluation doit être prévu également en aval. Des sessions communes auraient en outre le mérite de fédérer les jeunes qui entreprennent un service civique.

Faire monter en puissance ces programmes de volontariat, cela passe aussi par une publicité, au sens noble du terme. Cela pourrait notamment être fait en associant les anciens volontaires aux campagnes annuelles de service civique comme de véritables ambassadeurs.

Pour conclure, le projet de loi « Egalité et Citoyenneté » s'inscrit dans une dynamique générale, forte et nécessaire, visible en Europe et par l'Europe, en faveur d'un dispositif noble qu'est le service civique ou encore la réserve citoyenne. Cette tâche est délicate car elle cherche à concilier encouragement à l'engagement citoyen et respect de l'initiative individuelle dans une optique quantitative qui ne porte pas ombrage à l'exigence qualitative, consubstantielle à la démarche d'un engagement authentique.

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Je crois que le sillon que notre rapporteure trace depuis longtemps sur cette logique de la jeunesse française et européenne trouve une belle illustration ici. C'est un des aspects sur la loi Egalité et citoyenneté que notre Commission peut, me semble-t-il, soutenir. On n'a pas besoin de voter sur un rapport d'information, mais vous avez tout à fait notre admiration et notre soutien. Et j'espère que la convergence entre les deux systèmes, français et européen, ne fera que progresser grâce à ce rapport, entre autres.

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Je voudrais féliciter la rapporteuse parce que c'est un très bon rapport. Je suis un député très attentif à la construction européenne. Tout compte fait, le service volonta ire européen contribue à renforcer la construction européenne et le mettre en lien avec le service civique est donc une très bonne chose. J'ai beaucoup apprécié la manière dont le rapport a été présenté et le fait de dire que le service volontaire européen est lié à des valeurs concernant les droits humains, les droits de l'homme, ainsi que l'environnement et sa protection. C'est donc un rapport plein d'humanité et qui doit effectivement bien être exploité parce que l'avenir de l'Union européenne passera par les jeunes. On le voit dans tous les chantiers financés par l'Union européenne en liaison notamment avec des collectivités territoriales. Avec Concordia par exemple, des jeunes de toute l'Europe viennent, chaque année en France pour faire des chantiers. Moi chaque année, en tant qu'Européen, j'accueille des jeunes européens qui viennent en faire et je peux vous assurer que ça donne vraiment du sens à ce qu'on fait pour renforcer la construction de l'Union européenne. Donc félicitations pour ce rapport.

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Merci à tous de la qualité du travail de notre commission et en particulier aux rapporteurs.

III. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport de la Présidente Danielle Auroi, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

l Textes « actés »

Aucune observation n'ayant été formulée, la Commission a pris acte des textes suivants :

Ø ESPACE LIBERTÉ SÉCURITÉ JUSTICE

- Proposition de décision d'exécution du Conseil arrêtant une recommandation pour remédier aux manquements constatés dans l'évaluation de 2015 de l'application, par les Pays-Bas, de l'acquis de Schengen dans le domaine de la politique commune de visas (COM(2016) 96 final – E 11160).

- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 5392001 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation (révision du mécanisme de suspension) (COM(2016) 290 final – E 11162).

l Textes « actés » de manière tacite

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Accords tacites de la Commission, du fait de la nature du texte

En application de la procédure d'approbation tacite, dite procédure 72 heures, adoptée par la Commission les 23 septembre 2008 (textes antidumping), 29 octobre 2008 (virements de crédits), 28 janvier 2009 (certains projets de décisions de nominations et actes relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) concernant la prolongation, sans changement, de missions de gestion de crise, ou de sanctions diverses, et certaines autres nominations), 16 octobre 2012 (certaines décisions de mobilisation du fonds européen d'ajustement à la mondialisation), et 1er décembre 2015 (mesures de dérogations en matière de TVA, de décisions relatives à la réduction facultative de droits d'accise et de décisions relatives aux contributions nationales pour financer les tranches du Fonds européen de développement), celle-ci a approuvé tacitement les documents suivants :

Ø INSTITUTIONS COMMUNAUTAIRES

- Décision du Conseil portant nomination d'un membre titulaire et de membres suppléants du comité consultatif pour la sécurité et la santé sur le lieu du travail pour la Roumanie (915816 – E 11220).

- Décision du Conseil portant nomination d'un suppléant du Comité des régions, proposé par le Royaume d'Espagne (929316 – E 11221).

Accords tacites de la Commission liés au calendrier d'adoption par le Conseil

La Commission a également pris acte de la levée tacite de la réserve parlementaire, du fait du calendrier des travaux du Conseil, pour les textes suivants :

Ø BUDGET COMMUNAUTAIRE

- Projet de budget rectificatif n° 2 au budget général 2016 : Budgétisation de l'excédent de l'exercice 2015 (COM(2016) 227 final – E 10387-2).

Ø ESPACE LIBERTÉ SÉCURITÉ JUSTICE

- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision-cadre 2009315JAI du Conseil en ce qui concerne les échanges d'informations relatives aux ressortissants de pays tiers ainsi que le système européen d'information sur les casiers judiciaires (ECRIS), et remplaçant la décision 2009316JAI du Conseil (COM(2016) 7 final – E 10873).

- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 5392001 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation (Kosovo*) (COM(2016) 277 final – E 11222).

Ø POLITIQUE ÉTRANGÈRE ET DE SÉCURITÉ COMMUNE (PESC)

- Décision du Conseil abrogeant la décision 2010656PESC renouvelant les mesures restrictives instaurées à l'encontre de la Côte d'Ivoire (931216 LIMITE – E 11202).

- Règlement du Conseil abrogeant le règlement (CE) n° 1742005 imposant des mesures restrictives à l'égard de l'assistance liée aux activités militaires en Côte d'Ivoire et le règlement (CE) n° 5602005 infligeant certaines mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Côte d'Ivoire (938416 LIMITE – E 11203).

- Décision du Conseil modifiant l'action commune 2008124PESC relative à la mission "État de droit" menée par l'Union européenne au Kosovo (EULEX KOSOVO) (845716 LIMITE – E 11218).

- Décision du Conseil modifiant la décision 2014386PESC concernant des mesures restrictives en réponse à l'annexion illégale de la Crimée et de Sébastopol (898016 LIMITE – E 11219).

Ø PÊCHE

- Proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la gestion durable des flottes de pêche externes, abrogeant le règlement (CE) nº 10062008 du Conseil (COM(2015) 636 final – E 10802).

- Proposition de directive du Conseil portant mise en oeuvre de l'accord entre la Confédération générale des coopératives agricoles de l'Union européenne (Cogeca), la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF) et l'Association des organisations nationales d'entreprises de pêche de l'Union européenne (EUROPÊCHE), conclu le 21 mai 2012, tel que modifié le 8 mai 2013, et relatif à la mise en oeuvre de la convention sur le travail dans la pêche, 2007, de l'Organisation internationale du travail (COM(2016) 235 final – E 11141).

Ø SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

- Règlement (UE) de la Commission portant modification et rectification du règlement (UE) n° 102011 concernant les matériaux et objets en matière plastique destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires (D04471103 – E 11165).

La séance est levée à 18 heures.