Intervention de Danielle Auroi

Réunion du 18 mai 2016 à 9h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, Présidente de la Commission :

C'est pour moi un honneur et une joie de vous recevoir si nombreux dans cette salle symbolique, Lamartine ayant aussi été l'un des précurseurs de l'idée européenne. Notre premier sujet portera sur la responsabilité des entreprises, qui est à la fois sociale et environnementale. Nous en débattrons en deux temps : nous brosserons d'abord un état des lieux de la responsabilité sociétale des entreprises en Europe, puis tracerons les perspectives possibles et souhaitables de renforcement de la RSE dans les entreprises européennes. Notre deuxième sujet, cet après-midi, sera le détachement des travailleurs, qui engage lui aussi la responsabilité des entreprises.

S'agissant de la RSE, notre commission souhaite vous proposer un « carton vert », cette formule qui permet aux parlementaires d'attester de leur volonté de s'impliquer concrètement dans l'élaboration des règles européennes.

Une responsabilité sociétale effective et efficace suppose en effet de renforcer le devoir de vigilance des entreprises européennes tout au long de la chaîne de valeur. Les chaînes d'approvisionnement sont désormais mondialisées et les entreprises européennes possèdent des filiales et ont recours à des sous-traitants et à des fournisseurs dans le monde entier. La mondialisation du commerce présente un intérêt économique évident, mais les entreprises multinationales ne peuvent cependant pas se limiter à la recherche du profit en ignorant les conséquences humaines, sociales et environnementales de leur activité, qui peuvent être tragiques. L'effondrement du Rana Plaza, qui a fait 1 127 morts en 2013, nous le rappelle chaque jour, et encore n'est-il qu'un exemple parmi d'autres. Trois ans plus tard, il est manifeste que la bonne volonté ne suffit pas. Pourtant, le droit européen, en l'état, considère qu'une RSE principalement fondée sur le volontariat des entreprises et de leurs fédérations professionnelles suffit. Certaines ont joué le jeu en créant des mécanismes propres à prévenir les dommages pouvant être provoqués par leurs activités dans les pays en développement mais, hélas, elles ne constituent pas la majorité. Or, l'intérêt général commande de pouvoir contrôler l'efficacité de ces mesures qui nous engagent et engagent l'Union, ses valeurs et sa réputation.

Heureusement, le droit européen prévoit déjà quelques règles contraignantes en matière de devoir de vigilance dans certains secteurs à haut risque, comme ceux du diamant ou du bois, et peut-être demain dans celui des « minerais de conflit ». Quant à la seule règle applicable à toutes les entreprises, quel que soit leur secteur d'activité, il ne s'agit que d'une simple obligation d'information découlant de la directive 201495 du 22 octobre 2014. Malgré le progrès qu'elle constitue en matière de transparence, cette obligation ne concerne qu'un nombre réduit d'entreprises et ne leur impose qu'une obligation d'information, et non une responsabilité vis-à-vis de leurs filiales, encore moins de leurs sous-traitants et de leurs fournisseurs. Les bonnes pratiques ne suffisent pas à elles seules à réparer et à prévenir les drames.

Vous l'aurez compris : ce devoir de vigilance issu des Principes directeurs des Nations Unies et de l'OCDE est, au niveau européen, encore largement en devenir. Il est heureusement plus élaboré dans certains États membres comme le Royaume-Uni et le Danemark. La France, elle aussi, participe de ce mouvement, puisqu'une proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre est en cours d'adoption. Nous sommes nombreux à souhaiter que ce processus soit entrepris au niveau européen par l'élaboration à bref délai d'une directive.

Ces initiatives doivent être saluées, car elles contribuent à faire avancer la cause de la RSE au niveau européen : nos expériences nationales doivent être une source d'inspiration et un appel à agir en commun.

Pour entamer nos échanges, dont je suis convaincue qu'ils seront fructueux, je passe d'abord la parole à nos deux intervenants liminaires, M. Pedro Ortún Silván puis M. Pascal Durand.

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