Intervention de Victorin Lurel

Réunion du 19 juillet 2012 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Victorin Lurel, ministre des Outre-mer :

Je souscrirais volontiers à vos propos sur les Comores, M. Pietrasanta. Malgré des efforts importants, nous faisons encore trop peu en faveur de la coopération : un traité me semble tout à fait nécessaire. Quoi qu'il en soit, je pense qu'une nouvelle ambition est possible avec le nouveau Président de la République.

La coopération doit notamment porter sur le domaine sanitaire, et nous devons nous efforcer, dans ce cadre, d'obtenir la bienveillance des Comores afin de garantir un meilleur contrôle des départs, notamment à Anjouan ; mais ce n'est pas simple, et il nous faudra aller au-delà des sommes que nous consacrons aujourd'hui à la coopération, en approfondissant nos échanges diplomatiques.

Les mêmes problèmes de coopération transfrontalière se posent d'ailleurs en Guyane, à propos de l'orpaillage, avec le Surinam et le Brésil : il devront être réglés au plus haut niveau.

Une solution plus polémique, pour Mayotte, consisterait à abroger ce que les sénateurs, dans un rapport publié hier, appellent le « visa Balladur » de 1995. D'aucuns préconisent une ouverture des frontières assortie de la délivrance contrôlée de visas. Rappelons que Mayotte compte plus de 50 000 étrangers en situation irrégulière sur son territoire, ce qui doit porter sa population à plus de 250 000 personnes. Tout changement de politique doit être mûrement réfléchi, mais nous sommes très préoccupés par la situation sur place.

J'ai en effet été député d'une circonscription réunissant la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, M. Gibbes. Cela me paraissait une curiosité, même si l'on m'avait expliqué, dans cette même commission, qu'un député ne représente pas tel ou tel territoire mais la nation tout entière. Vous voici en tout cas député de ces deux îles, puisque l'on a estimé que leur population totale – un peu moins de 50 000 habitants – ne justifiait pas deux circonscriptions distinctes.

Quoi qu'il en soit, le statut de Saint-Martin est en effet particulier, puisque les dispositions de l'article 74 y sont en quelque sorte aménagées. Pour l'heure, vous relevez des programmes opérationnels pour la Guadeloupe ; mais à partir de 2014, vous gérerez votre propre ligne budgétaire. Saint-Martin, dont la situation financière est particulièrement lourde, devait recevoir 52 millions d'euros aux termes de la convention de développement qu'il a signée avec l'État en 2007, après être devenu collectivité d'outre-mer. L'État propose, comme je l'ai indiqué au président de la collectivité, M. Alain Richardson, une avance de trésorerie de 18 millions remboursables sur six ans, en attendant la signature du plan de redressement.

Il en va de même, mutatis mutandis, en Polynésie et à Mayotte. En Guyane et en Martinique, la création de la collectivité unique se fait à budget constant, malgré toutes les contraintes financières.

Quant au plan « Corail » qu'avait lancé M. Yves Jégo, ce n'est pas un grand succès : beaucoup d'entreprises, même guadeloupéennes, n'ont pu en bénéficier car elles n'étaient pas à jour de leurs cotisations. Il sera donc très difficile d'y associer rétroactivement Saint-Martin, qui en revanche pourra profiter du plan de redressement.

L'île de Saint-Barthélemy a aussi ses problèmes, puisque, depuis l'autonomie, elle doit 28 millions d'euros à l'État. La dotation globale de fonctionnement (DGF) accuse un solde négatif pour elle, qui rembourse au total 5 millions d'euros par an à l'État. J'ajoute que le Gouvernement précédent n'a jamais fait émettre les titres de recettes, alors que cela engage la responsabilité pénale du préfet.

Je m'efforcerai d'être plus vigilant à la spécificité des territoires, Mme Girardin. Il est vrai que, si l'on excepte la Nouvelle-Calédonie, ceux qui relèvent de l'article 73 ont peut-être fait l'objet d'une plus grande attention que ceux qui sont régis par l'article 74. Or les compétences existent sur tous les territoires, notamment à travers leurs institutions propres ; de sorte que la République admet, si l'on me passe cette expression par laquelle je ne voudrais pas choquer, une dose de fédéralisme. Le titre XIII de la Constitution sur la Nouvelle-Calédonie n'offre-t-il pas un exemple de ce pouvoir normatif que l'on cherche comme un « Graal », et qui pourrait inspirer la future réforme territoriale ? Les outre-mer sont un authentique laboratoire en ce domaine. J'ai pu prendre, en tant que président du conseil régional de Guadeloupe, des décisions qui seraient impossibles dans les régions métropolitaines.

Les relations avec l'Union européenne doivent en effet être réexaminées. Un accord passé avec l'Organisation mondiale du commerce (OMC) a ainsi fait baisser le prix de la tonne de bananes, en huit ans, jusqu'à 114 euros, ce qui est déjà considérable ; et voici qu'en application d'accords bilatéraux avec la Colombie et le Pérou, entre autres, ce prix chute à 76 euros ! De plus, l'Union européenne refuse la dotation de 40 millions destinée à compenser les pertes de revenus et de parts de marché, si bien que les « bananiers » se tournent vers l'État français.

Sur la recommandation du Président de la République, je me suis récemment rendu à la Commission européenne. J'y ai rencontré les commissaires Michel Barnier et Johannes Hahn ainsi que le président Barroso lui-même. Sachez que nous perdrons de l'argent dans les arbitrages, notamment en matière de coopération. Je m'y étais déjà rendu, lors du quinquennat de M. Nicolas Sarkozy : on m'avait demandé de m'adresser au Président de la République pour qu'il change de position sur le budget de l'agriculture !

Oui, les accords de libre-échange posent problème, nous allons les revoir.

Les conventions d'association des pays et territoires d'outre-mer (PTOM) sont actuellement en discussion. Nous participerons en septembre au Groenland à un forum qui réunira l'ensemble des PTOM et nous permettra de renégocier les accords passés avec l'Union européenne. La Nouvelle-Calédonie devrait théoriquement sortir du fonds européen de développement (FED), comme c'est déjà le cas de Saint-Barthélemy. La France entend conserver les enveloppes. Nous ne devons pas avoir moins que nos voisins du groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP). Soyons vigilants car la nouvelle stratégie de l'Europe consiste à privilégier les ACP au détriment des PTOM français.

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