Intervention de Carlo Sommaruga

Réunion du 18 mai 2016 à 9h30
Commission des affaires européennes

Carlo Sommaruga, membre de la commission de politique extérieure du Conseil national de la Confédération helvétique :

Je vous remercie, madame la présidente, de m'avoir invité à témoigner au nom du Parlement d'un État non-membre de l'Union européenne, la Suisse. Depuis 2011 et l'adoption des principes de John Ruggie, un groupe de travail informel réunissant parlementaires et société civile a été installé en Suisse pour accompagner la réflexion politique sur les mesures relatives à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Il en est résulté, en 2012, une motion demandant au Conseil fédéral de présenter à l'Assemblée fédérale un rapport visant à l'instauration d'une « stratégie Ruggie » pour la Suisse. Malheureusement, en dépit de la décision majoritaire du Parlement, nous attendons toujours que le Conseil fédéral nous soumette un document en ce sens. Cela s'explique par la bataille interministérielle qui oppose le département des affaires étrangères et le département fédéral de l'économie, ce dernier freinant des quatre fers. La commission de politique étrangère que je présidais a présenté d'autres requêtes qui ont permis quelques avancées timides, mais le débat au Parlement s'est bloqué en 2015 après qu'une intervention directe de l'organisation faîtière des grandes entreprises suisses auprès de députés a eu pour effet que l'on revienne sur un vote.

Deux démarches parallèles ont alors été entreprises. D'une part, une pétition a sensibilisé la population et le monde politique à la responsabilité sociétale des entreprises. D'autre part, une initiative populaire a été lancée. Cet instrument particulier à la Suisse permet, pour peu que 100 000 signatures soient réunies en dix-huit mois, de demander une révision de la Constitution. Cela permet d'envisager un débat au sein du Conseil fédéral d'abord, au Parlement ensuite ; si ces discussions n'aboutissent pas à un texte allant dans le sens de l'initiative, un débat populaire aura lieu, suivi d'un vote par referendum. Étant donné le contexte politique, les chances que cette initiative aboutisse sont minces, mais elle peut déboucher sur une contre-proposition parlementaire. Elle a reçu le soutien de 77 organisations, d'anciens ministres, de l'ancien président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), d'universitaires et de bien d'autres personnalités.

On trouve dans l'initiative populaire les éléments essentiels qui figurent dans la proposition de loi française visant à imposer le respect du devoir de diligence – identification des risques, mesures à prendre, nécessité d'un rapport – en excluant toute dimension pénale. Le texte, qui vise principalement à renforcer la responsabilité civile des entreprises, compte à ce jour 140 000 signataires ; il sera déposé incessamment et nous espérons que le débat qui s'ouvrira alors permettra d'avancer. Mais nous comptons beaucoup sur le travail du Parlement européen à ce sujet car, vous le savez, la Suisse est affligée d'un syndrome sévère, dit « du secret bancaire » : il a pour conséquence qu'elle ne fait progresser les dossiers que si elle y est un peu poussée par les pays étrangers…

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