Intervention de Cees Van Dam

Réunion du 18 mai 2016 à 9h30
Commission des affaires européennes

Cees Van Dam, professeur au King's College de Londres :

(interprétation de l'anglais). Pour répondre à Mme Hautala, le rapport du Haut-Commissariat aux droits de l'homme des Nations unies, qui promeut une initiative au niveau international, ne saurait évidemment être ignoré, mais les Nations unies n'ont pas la faculté d'imposer des règles contraignantes à des États. Il faut donc toujours chercher à faire appliquer les principes directeurs, mais cela ne se fera pas automatiquement, du jour au lendemain, par la seule action de l'ONU. De même, les traités sur lesquels l'accord s'est fait dans le cadre des Nations unies ne sont contraignants que pour les pays qui les ont ratifiés. C'est dire en creux que si les pays en développement ratifient un texte visant à renforcer la responsabilité sociétale des entreprises, cela peut avoir un impact considérable pour les sociétés occidentales qui travaillent avec des fournisseurs situés dans les pays du Sud ou qui ont des filiales dans ces pays.

Par souci de précision, on pourrait faire référence non seulement aux « conventions clés » mais aussi au document-cadre rédigé par John Ruggie, qui cite les traités signés aux Nations Unies et les conventions de l'OIT.

Ma présentation ne tendait pas à expliquer que réglementer compliquerait les choses, monsieur Teeven, mais qu'il était compliqué de réglementer, singulièrement par la voie du droit de la responsabilité civile, et que pour faciliter ce qui pouvait l'être il serait bon de privilégier la voie du droit administratif. En l'état, le droit administratif ne prévoit pas le droit à réparation pour les victimes ; c'est là que le bât blesse. Dans la plupart des cas, les mesures volontaires n'entraînent pas non plus de droit à dédommagement. Le volontariat est une option très intéressante, mais sa portée diffère selon les pays. Les Pays-Bas, où les consultations entre les entreprises, les ONG et les pouvoirs publics sont de tradition, sont à l'avant-garde en ce domaine, mais il n'en est pas ainsi dans tous les pays de l'Union. Cela étant, il est intéressant d'analyser comment les Pays-Bas procèdent pour changer les choses.

Enfin, il a été question des difficultés d'application de règles à visée extraterritoriale. Mais les lois britanniques relatives à la corruption et à l'esclavage moderne montrent qu'une législation extraterritoriale existe déjà. Ces lois concernent pour l'essentiel des activités qui ont lieu au-delà des frontières du Royaume-Uni ou de l'Union européenne, mais elles ne sont pas centrées sur ceux qui se livrent à ces activités illégales hors des frontières de l'Union : la responsabilité pénale pèse sur les entreprises installées au Royaume-Uni, contraintes de mettre au point des stratégies de prévention. Je donnerai pour conclure l'exemple frappant d'une procédure dans laquelle une société-mère installée dans un pays européen a été assignée pour répondre de dommages provoqués par l'une de ses filiales dans un pays tiers. Il s'agit en l'espèce de la société anglo-néerlandaise Shell : les plaignants, des paysans nigérians, ont attaqué la société-mère, sise aux Pays-Bas, et aussi sa filiale Shell Nigeria. Le tribunal néerlandais n'a pas retenu la plainte contre la société-mère, mais il a déclaré fondée la plainte à l'encontre de la filiale, se prononçant donc sur le comportement d'une entreprise dont le siège et les activités sont au Nigeria. La situation n'est donc pas aussi tranchée qu'on veut bien le dire : l'extra-territorialité existe déjà et l'on ne peut arguer qu'elle empêcherait absolument de faire progresser le dossier qui nous occupe aujourd'hui.

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