N'étant pas membre de la commission des Lois, je vous remercie, M. le président, de m'avoir invité à cette audition. Je me réjouis tout d'abord de la création d'une délégation aux Outre-mer.
Je partage le diagnostic de M. Victorin Lurel qui, ayant présidé la région Guadeloupe, a une très bonne connaissance des réalités locales. Son constat est à la fois plein d'espoir et extrêmement alarmant.
Plein d'espoir parce qu'il entend résister aux pressions et s'engage à lutter contre la vie chère – j'ai noté au passage que les exemples de prix cités ont surpris certains d'entre vous, chers collègues. Je rappelle en outre que l'outre-mer s'illustre par un taux de chômage supérieur à la moyenne : 22 à 30 % de chômeurs et jusqu'à 60 % chez les moins de 25 ans.
Alarmant parce qu'il ne se borne pas à une réponse financière, que d'ailleurs nous ne demandons pas à l'État, en dehors de l'exigence de solidarité. Nous devons nous attaquer à des oligopoles et à des monopoles, engager une puissante mutation économique en faveur des productions locales et revenir sur des décisions stupides en matière écologique et économique. Actuellement, il est tout à fait possible d'importer un produit qui part du Brésil pour être transformé à Bordeaux avant de revenir dans les Caraïbes ! Je me réjouis que des expertises soient prévues à cet égard.
Le constat du ministre est alarmant également compte tenu du contexte de rigueur budgétaire dans lequel nous nous trouvons, qui exige un accompagnement exceptionnel des territoires et des pays d'outre-mer tout en respectant la solidarité nationale. Il va falloir faire de bons choix.
Comment la France peut-elle faire respecter par l'Union européenne l'article 349 du traité de Lisbonne, qui donne un statut dérogatoire et spécifique aux outre-mer ? Nous assistons à un effritement de la législation. Il serait bon que le Président de la République le rappelle aux instances européennes.
Le cabotage en est un bon exemple. Pourquoi l'Europe accepte-t-elle d'assurer le financement des réseaux de transport transeuropéen (RTE-T) à l'intérieur de ses frontières mais refuse-t-elle celui du cabotage et des liaisons de nos territoires avec les pays transfrontaliers ? Or il faut que nous soyons en mesure de mettre en place des synergies de développement économique et des stratégies de coopération avec nos voisins.
Est-il souhaitable de rester dans le cadre du libre-échange, sachant que nos importations massives couvrent la production locale ? Ne peut-on trouver une solution passant par l'inclusion sociale, comme le prévoit le budget européen pour 2014, mais aussi par l'inclusion économique, qui offrirait une protection a minima à la production locale ?
Le mot de « protection » peut paraître barbare, mais j'ai été heureux d'entendre le ministre du Redressement productif, M. Arnaud Montebourg, le prononcer et annoncer qu'il prendra contact avec le ministre des Outre-mer de façon à étudier les modalités d'incubation économique pendant une période donnée. Nous ne pouvons rester dans une logique d'enfermement et raisonner en termes de compensation financière : il faut laisser croître les économies locales pour les rendre compétitives. Préférons-nous une croissance captive ou une croissance qui crée de l'activité, et donc de l'emploi ?
Vous allez présenter une loi spécifique pour l'agriculture. Je salue cette initiative. Y aura-t-il également une loi de programmation dédiée à l'outre-mer ou une loi de programmation comprenant un volet outre-mer ?
Quelle est votre position sur la défiscalisation, plus particulièrement celle destinée à soutenir la production économique ? Je suis d'accord avec le Gouvernement sur la nécessité de procéder à des rabotages, mais ils ne doivent pas être systématiques. Je pense notamment à la défiscalisation sur le logement intermédiaire, qui risque de disparaître le 1er janvier 2014. Que pensez-vous du lien qui a été fait entre défiscalisation du logement social et ligne budgétaire unique (LBU) ?
En Guyane et à la Martinique, les populations ont fait un choix clair en faveur de la collectivité unique. Des discussions subsistent concernant sa mise en oeuvre, notamment sur la question de la prime majoritaire accordée à la liste électorale arrivée en tête. En ce qui concerne la date, j'ai cru comprendre que la suppression par le Sénat du conseiller territorial introduira un décalage dans la mise en place des collectivités uniques et que les élus locaux martiniquais et guyanais auraient à se prononcer.
L'outre-mer doit être serein, déterminé et lucide face à la situation en Europe et en France ; il ne demande d'ailleurs pas de dérogations spécifiques. Conformément au terme employé par le Président de la République, il faut en revanche rechercher de la justice dans le traitement des dispositifs d'État considérés comme prioritaires et permettant d'accompagner le développement économique – éducation, santé, logement et emploi. Je ne doute pas que nous évoluerons vers un statut respectant l'égalité des droits mais aussi le droit à l'expression de la différence – qui manque à mon sens dans le panel des possibilités et que M. Victorin Lurel a exposé à travers le mot « fédéralisme ».