Intervention de Guy Delcourt

Séance en hémicycle du 14 juin 2016 à 15h00
Discrimination et précarité sociale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Delcourt :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, s’il existe un ADN de la gauche en politique, la lutte contre la précarité en est sans conteste le coeur. Tout d’abord, parce que la précarité est contraire au projet d’émancipation de chacun de nos concitoyens : comment, en effet, se projeter sereinement dans l’avenir quand l’instabilité économique et sociale fait partie du quotidien ? Ensuite, parce qu’elle touche de nombreux secteurs de la vie quotidienne – l’emploi, la santé, le logement, la culture –, mais aussi parce qu’elle ne se circonscrit pas à une personne mais touche au couple, aux enfants, et qu’il est tout simplement insupportable qu’elle brise des familles entières. Enfin, parce qu’elle touche à une notion fondamentale : la rupture d’égalité entre nos concitoyens.

La précarité se définit en premier lieu par la notion d’incertitude, quant à sa capacité à conserver un statut, l’accès à un service. Elle se définit aussi en comparaison avec la situation économique et sociale des autres membres d’une même société, et donc par une notion d’inégalité, comme l’illustre ce proverbe arabe : « Le pauvre est un étranger dans son pays. »

La volonté d’assurer l’équité, d’organiser la solidarité et de donner les mêmes chances à chacun, quel que soit son milieu social et économique, est le moteur de l’action politique. J’espère donc, madame la secrétaire d’État, que cette proposition de loi recueillera les suffrages de la plus large majorité de cette assemblée.

Depuis 2008, la dégradation de la conjoncture économique a entraîné une phase de récession dans les pays industrialisés et conduit à une forte hausse du chômage. Mécaniquement, le nombre de nos concitoyens en situation de précarité a beaucoup augmenté. Aujourd’hui, cette précarité prend différentes formes, dont le Gouvernement a pris la mesure dès le début de ce quinquennat, avec l’adoption, en 2013, du plan de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. En voici quelques illustrations.

Contre la précarité économique, qui concerne les Français en recherche d’emploi mais aussi les jeunes et certains travailleurs pauvres, nous avons adopté plusieurs mesures comme la revalorisation du RSA, la garantie jeunes ou la prime d’activité.

Contre la précarité liée au logement, nous avons créé 360 000 logements sociaux et des places de logements dits « accompagnés », mais aussi renforcé les mesures d’hébergement d’urgence.

Contre la précarité sanitaire, nous avons assoupli les critères d’accès à la couverture maladie universelle, le tiers payant sera élargi dès le 1er janvier prochain et des efforts conséquents ont été consentis en faveur des hôpitaux publics, comme le centre hospitalier de Lens, dans ma circonscription, qui bénéficiera de 102 millions d’euros pour sa reconstruction.

Contre la précarité énergétique, nous avons renforcé l’encadrement du prix du gaz et mis en place le chèque énergie.

Enfin, la précarité qui touche les enfants et les familles mobilise toute mon attention : nous avons instauré la garantie contre les impayés de pensions alimentaires, revalorisé le complément familial et augmenté les aides pour les élèves dont les parents sont en difficulté financière.

Toutes ces mesures portent leurs fruits, même si leurs effets semblent toujours trop longs à se faire ressentir et sont toujours, hélas, insuffisants.

Mais, au-delà des faits, se cache une réalité insidieuse, plus complexe à mesurer mais tout aussi scandaleuse, que dénoncent depuis de nombreuses années les associations de soutien aux plus fragiles. Élu du bassin minier du Pas-de-Calais, les indicateurs sociaux, économiques et sanitaires sont pour moi plus que des chiffres : ils ont un visage, celui des femmes et des hommes qui subissent quotidiennement la précarité, malgré leurs efforts pour en sortir. Face à leurs difficultés financières concrètes, s’ajoutent parfois, souvent même, le mépris, le regard des autres, lourd à porter, voire la honte d’avoir recours aux dispositifs de solidarité et de soutien. Cette stigmatisation silencieuse a des conséquences importantes pour nos concitoyens.

Une petite musique entonnée par certains responsables politiques consiste à rendre les Français responsables de leur situation économique. Ce discours permet de se dédouaner de la responsabilité collective que la société doit assumer envers ses citoyens. Pour ne prendre que l’exemple du logement, comment accepter les présupposés sur les précaires, qui les conduisent parfois à se voir refuser l’accès au logement, malgré leur solvabilité ?

La précarité et la pauvreté ne sont pas des maladies, elles ne sont pas transmissibles à qui se préoccupe de celles et ceux qui les vivent. Au contraire, c’est par un réveil des consciences et une action collective que nous pourrons les endiguer. Que notre devise républicaine, « Liberté, égalité, fraternité », soit bien plus que des mots ! C’est la raison même de notre appartenance à la représentation nationale et nous pouvons en être fiers.

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