Séance en hémicycle du 14 juin 2016 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • discrimination
  • pauvreté
  • précarité

La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

la haine et l’homophobie ont frappé la ville d’Orlando, aux États-Unis, dans la nuit de samedi à dimanche dernier. Quarante-neuf victimes de ces actes terroristes ont été sauvagement assassinées ; cinquante-trois autres ont été blessées. Certaines d’entre elles sont, encore aujourd’hui, entre la vie et la mort.

Ce massacre suscite en nous douleur, indignation et colère. La liberté, la tolérance et la démocratie ont été une nouvelle fois prises pour cible. Répondons à la haine en défendant ensemble ces principes qui auront toujours raison de la barbarie.

En cet instant, nos pensées vont d’abord à toutes les victimes, à celles qui ont perdu la vie, à celles qui luttent contre la mort. Au nom de la représentation nationale, j’adresse à leur famille et à leurs proches le témoignage de notre compassion et de notre soutien dans cette terrible épreuve. En votre nom à tous, je souhaite exprimer notre solidarité indéfectible au peuple américain, représenté aujourd’hui dans notre hémicycle par son ambassadrice.

Vingt-quatre heures après avoir appris ce drame, la France a été une nouvelle fois victime du terrorisme. Deux de nos compatriotes, Jean-Baptiste, commandant de police, et Jessica, fonctionnaire du ministère de l’intérieur, ont été assassinés lâchement, dans des conditions effroyables, dans leur maison, à Magnanville. Cet acte odieux, ignoble, intolérable est une nouvelle épreuve pour notre communauté nationale. J’adresse, en notre nom à tous, nos condoléances à leur famille et à leurs proches. J’ai en particulier, comme vous tous ici, une pensée émue pour ce petit garçon de trois ans qui vient de perdre ses parents dans ces conditions atroces.

Je souhaite rendre ici hommage aux forces du RAID, aux femmes et aux hommes du ministère de l’intérieur, durement éprouvés par cet acte abject et, au-delà, à toutes les forces qui concourent à notre sécurité, parfois au prix de leur vie.

En la mémoire des victimes de ces lâches assassinats, je vous invite à observer une minute de silence.

Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.

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Je vous remercie. Je tiens à remercier une nouvelle fois de sa présence Mme l’ambassadrice des États-Unis.

Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement applaudissent longuement.

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L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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Monsieur le Premier ministre, comme les États-Unis, samedi, à Orlando, la France vient d’être de nouveau frappée par la folie sanguinaire, avec l’assassinat d’un couple de policiers, hier, dans leur maison du département des Yvelines.

Nous avons, en cet instant, une pensée émue pour leur petit garçon, que la haine a rendu orphelin. Nous avons également une pensée émue pour leur famille et leurs collègues. Je voudrais dire toute notre solidarité aux forces de l’ordre, dont la mobilisation de tous les instants, sur tous les fronts, exige, chacun le sait, sang-froid et abnégation.

Applaudissements sur tous les bancs.

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Face à l’horreur du terrorisme, il nous faut agir sans attendre, et je tiens à vous assurer, monsieur le Premier ministre, du soutien que nous apportons à Bernard Cazeneuve, aux mesures qu’il a annoncées ce matin, notamment à la possibilité donnée aux policiers de rentrer chez eux avec leur arme de service. Mais nous devons également tirer les enseignements de l’enquête en cours, dont les premiers éléments laissent penser qu’il y aurait eu des failles, puisque l’assassin avait été condamné pour association de malfaiteurs en vue de préparer des actes terroristes.

Monsieur le Premier ministre, notre groupe a toujours répondu présent, sans esprit de polémique, chaque fois que vous avez pris des mesures destinées à assurer la sécurité des Français. C’est dans le même état d’esprit que je vous pose la question suivante : êtes-vous prêt, comme nous l’avions demandé, à prendre des mesures fortes de restriction des libertés, allant jusqu’à la détention, pour neutraliser les individus qui se trouvent sur notre sol ou qui voudraient rentrer en France, et qui représentent une réelle menace terroriste ?

Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Monsieur le président Vigier, hier soir, vous l’avez dit, deux policiers, deux courageux serviteurs de la nation ont été lâchement assassinés, victimes du terrorisme islamiste et, comme vous, une nouvelle fois, j’ai naturellement une pensée pour Jean-Baptiste Salvaing et Jessica Schneider.

Cela suscite émotion – et cette émotion ne doit pas passer –, mais aussi effroi car, en matière d’horreur, un cap a été franchi : c’est le domicile, l’intimité même d’une famille, d’un couple de fonctionnaires de police, qui a été pris pour cible. Toutes nos pensées vont vers les victimes, leurs proches, vers ces enfants qui devront grandir sans leur père et sans leur mère.

Nos pensées, monsieur le président, vont aussi – dans de tels moments, il faut le rappeler avec force – vers tous les policiers, tous les gendarmes de France, toutes les forces de l’ordre qui ont, une fois encore, payé le prix – en l’occurrence, celui de leur vie. Oui, nous leur devons la solidarité, et nous devons nous rassembler autour des membres des forces de sécurité. Nos policiers, nos gendarmes s’engagent pour défendre l’ordre républicain, pour nous défendre et pour nous protéger. Nous devons à ces femmes, à ces hommes, une infinie gratitude.

Je n’accepte plus – je le dis avec force dans cet hémicycle – les mises en cause permanentes de ces hommes et de ces femmes qui risquent leur vie pour notre liberté.

Applaudissements sur tous les bancs.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Nous devons être aux côtés de nos forces de l’ordre, particulièrement sollicitées aujourd’hui, et leur dire notre respect et notre affection.

En deux jours, à Orlando – avec cette terrible attaque terroriste homophobe – et à Magnanville, une même idéologie de mort est passée à l’acte, certes de manière différente, mais avec les mêmes objectifs : tuer, semer la terreur, contester ce que nous sommes et nous empêcher de vivre librement.

Nous nous trouvons face à une menace globale, et il faut bel et bien partir de là, monsieur le président Vigier. C’est pourquoi j’avais évoqué la fin d’une forme d’insouciance au sein de nos sociétés. Cette menace globale réclame de notre part de la maîtrise et du sang-froid. Le combat sera de longue haleine. Il se mène aussi bien dans les zones de guerre, en Syrie et en Irak – où, aujourd’hui, l’État islamique recule mais est toujours présent – que sur notre sol. De fait, la radicalisation est un phénomène massif : je veux rappeler que 2 116 de nos ressortissants sont impliqués dans les filières syro-irakiennes et que 180 ont trouvé la mort en Syrie ou en Irak. Dans notre seul pays, 9 500 individus ont été signalés à la plateforme nationale.

C’est donc la société tout entière qui doit se mobiliser, et c’est le sens du plan d’action que j’ai présenté, avec le ministre de l’intérieur, il y a quelques semaines. Notre première arme est le droit pénal, et la légitimité de l’État de droit, qui nous permet de poursuivre, d’incarcérer et de mettre hors d’état de nuire tous ceux qui s’engagent dans ces filières. Mais, monsieur le président Vigier, il faut refuser toute tentation de recourir aux aventures extrajudiciaires – telles celles expérimentées dans certains pays au cours des années 2000 –, qui ont parfois mené à de véritables impasses. Il faut, en revanche, affecter tous les moyens à l’action répressive, et agir partout contre la radicalisation, y compris en milieu carcéral. Il faut aussi mobiliser les familles, les services publics sociaux et donc, je le répète, toute la société.

Actuellement – il faut être précis –, 295 dossiers judiciaires, relatifs à 1 216 individus, sont ouverts à la Direction générale de la sécurité intérieure. Au cours des quinze derniers jours – le ministre de l’intérieur aura l’occasion de le rappeler –, seize personnes soupçonnées d’activité terroriste ont été interpellées et présentées aux magistrats antiterroristes.

Nous avons tiré les leçons des attentats de ces trois dernières années : beaucoup a été fait, qu’il s’agisse des moyens – je pense par exemple à ceux qui ont été affectés au renseignement –, de la législation antiterroriste ou, bien entendu, de la mise en oeuvre de l’état d’urgence. Tout doit être fait, tous les éléments doivent être examinés avec la plus grande attention, en fonction de ce que nous dira l’enquête – le procureur Molins s’est exprimé il y a un instant. Mais c’est un combat dans la durée ; c’est sans doute l’affaire d’une génération. En outre, vous le savez parfaitement, il n’existe malheureusement pas de risque zéro.

Le terrorisme veut imposer la peur, et notre réponse, c’est bien de résister. Combattre le terrorisme et résister aux peurs et aux violences – à toutes les formes de violence qui s’emparent de notre société. Avec nos forces armées, avec nos forces de sécurité, avec la force de l’État de droit et de la démocratie – c’est en effet ainsi que l’on impose l’autorité –, sans faiblir et avec sang-froid, nous mènerons ce combat.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.

Lutte contre le terrorisme

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Monsieur le Premier ministre, je voudrais à mon tour saluer la mémoire de l’officier de police et de sa compagne, de Jean-Baptiste et de Jessica, tués à Magnanville par un homme se réclamant de Daech.

Je voudrais exprimer notre intense émotion, présenter à leurs proches nos condoléances et assurer l’ensemble des forces de l’ordre de notre solidarité et de notre reconnaissance pour la tâche éminemment périlleuse qu’ils accomplissent au service de la protection des Français.

Permettez-moi également d’avoir une pensée pour le petit Mathieu, à présent sans père ni mère, et dont la protection revient à la nation tout entière. L’émotion que nous ressentons depuis l’annonce de ce double crime, mes chers collègues, prolonge celle qui est la nôtre depuis ce week-end et le massacre homophobe commis à Orlando par un homme se réclamant lui aussi de Daech.

Mes chers collègues, la menace terroriste est mondiale et diffuse. Elle vise toujours les mêmes cibles : toutes les personnes et les lieux qui peuvent symboliser la démocratie, l’État de droit, un certain art de vivre et surtout la liberté, en particulier la liberté d’être ce que l’on est.

Monsieur le Premier ministre, la France est pleinement et résolument engagée dans la lutte contre Daech. Au plan extérieur, Daech recule en Irak et en Syrie. Nos forces armées y ont pris une grande part ; je veux ici leur rendre hommage et les remercier. Sur le plan intérieur, nos services sont totalement mobilisés et, dans le cadre de la loi, ont pu déjouer de nombreux projets d’attentats sur notre territoire.

Monsieur le Premier ministre, face aux Français, qui regardent avec effroi, émotion ce qui se passe aujourd’hui dans le monde, notamment ces attentats, nous voulons que vous confirmiez la détermination de la France à vaincre cet ennemi, à protéger nos concitoyens et à neutraliser cette menace sur le territoire national.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Monsieur le président Le Roux, nous avons déjà eu l’occasion de le dire ici même, dans cet hémicycle, dans le respect des uns et des autres : nous faisons face à un défi considérable. Il est considérable non seulement parce que nous menons la guerre au terrorisme en Syrie et en Irak par l’action des coalitions auxquelles nous participons, mais aussi parce que nous faisons face à un ennemi intérieur, dont l’existence s’est révélée sans doute essentiellement au cours de l’année 2012.

C’est pour cela que, au nom même de notre idéal démocratique, de la protection de nos libertés, nous nous sommes dotés des moyens d’agir : deux lois antiterroristes, une loi qui vient d’être promulguée pour mieux lutter contre le terrorisme et le crime organisé, deux lois sur le renseignement, des moyens supplémentaires pour nos forces de sécurité, nos forces armées et bien sûr pour le renseignement. Nous savons en effet que le suivi d’un nombre aussi important d’individus – je vous ai donné les chiffres à l’instant – nécessite des emplois, des moyens considérables, techniques, qualifiés. Bernard Cazeneuve, Jean-Yves Le Drian et moi-même nous y employons depuis quatre ans s’agissant de nos services de renseignement. Il faut donc poursuivre cet effort avec la plus grande détermination.

Les éléments de l’enquête demeurent bien sûr parcellaires et je demande que nous respections le rythme décidé par le procureur de la République. Nous savons d’ores et déjà que le meurtrier était lié aux filières djihadistes. Interpellé en mai 2011, il a été incarcéré et condamné en 2013 pour participation à une association de malfaiteurs en vue de préparer des actes terroristes, sans avoir d’ailleurs lui-même quitté le territoire national. Depuis août 2015, il avait fait à nouveau l’objet d’une judiciarisation.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe Les Républicains

Et alors ?

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Seule l’enquête judiciaire – je le répète : il faut laisser à la justice le temps de mener ce travail avec méthode et sans pression – pourra établir comment et quand l’assassin a conçu son projet, avec quel degré de planification, de complicité ou de soutien il a pu agir et, le cas échéant, avec quelle méthode de dissimulation il est parvenu à en cacher l’existence. La multiplication des appels au meurtre déversés par les organes de propagande des groupes terroristes, messages qui touchent une partie de notre jeunesse, la diffusion des messages racistes et antisémites, de haine de la France, de la démocratie et de notre mode de vie nous obligent, puisque nous avons été touchés comme l’ont été il y a quelques jours les États-Unis, puisque nous avons été touchés en 2015, à mobiliser non seulement toutes nos forces de sécurité, mais aussi la société.

Monsieur président Le Roux, je suis inquiet, comme vous, non seulement face à cette menace et à ses actes, mais aussi face à ce qui se passe parfois dans la société française, face aux actes de violence. Et rien ne peut être banalisé, surtout dans ces moments-là. La seule réponse possible, ce sont donc les moyens que nous mettons au service des forces de sécurité et de la justice, ce sont les moyens que nous mettons au service de l’autorité au nom même de la République et de l’État, mais toujours dans le respect de nos libertés fondamentales. Puisque le terrorisme entend s’en prendre à ces libertés fondamentales, les armes pour lutter contre le terrorisme sont la liberté, la démocratie et l’État de droit. Sur ce point aussi, vous pouvez compter sur ma détermination.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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La parole est à M. David Douillet, pour le groupe Les Républicains.

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Ma question s’adresse au ministre de l’intérieur.

La France a replongé hier soir dans l’horreur terroriste. Elle a de nouveau été frappée par la sauvagerie. Cette nuit, Jean-Baptiste et Jessica ont été lâchement assassinés à leur domicile en présence de leur petit garçon de trois ans parce qu’ils étaient tous deux policiers. Au nom de l’ensemble de mes collègues du groupe Les Républicains, mais je pense aussi de tous les bancs de cet hémicycle, je veux exprimer mon indéfectible soutien et ma solidarité à ce petit garçon désormais orphelin, à sa famille, aux collègues policiers des commissariats de Mantes-la-Jolie et des Mureaux, ainsi qu’à l’ensemble de nos forces de l’ordre, qui chaque jour mettent leur vie en danger pour garantir notre protection face à l’ignominie.

Je veux remercier du fond du coeur nos policiers, gendarmes et militaires, car sur eux pèse une immense responsabilité : être le dernier rempart face à ceux qui veulent nous priver de notre liberté. Je veux leur dire que la nation tout entière leur est infiniment reconnaissante pour leur engagement, leur courage, leur héroïsme. C’est cet héroïsme qui a conduit Jean-Baptiste hier soir à exhorter ses voisins de fuir devant la menace alors qu’il venait d’être mortellement blessé.

Monsieur le ministre, ce matin, dans le commissariat des Mureaux, mes collègues élus et moi-même avons assisté à une leçon d’exemplarité. Malgré la douleur et le chagrin, nos policiers font preuve en ce moment même d’un professionnalisme qui force l’admiration. Nos forces de l’ordre sont les cibles privilégiées des terroristes et continuent, malgré la menace, de remplir leur devoir, dans des conditions difficiles.

Après le choc et l’émotion, nous avons tous besoin de réponses pour comprendre les faits et continuer à mieux anticiper les attaques terroristes qui pèsent sur l’ensemble de nos concitoyens. Sans perturber l’enquête en cours, et pour la famille,…

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Je vous remercie, monsieur le député.

La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Monsieur le député Douillet, vous étiez avec moi, avec Gérard Larcher, Valérie Pécresse et l’ensemble des parlementaires du département ainsi que le maire des Mureaux ce matin dans les Yvelines auprès des policiers très durement éprouvés par la disparition de Jessica et de son compagnon.

Vous avez vu ce matin avec moi la dignité des policiers. Vous avez vu les larmes contenues, vous avez vu la rectitude des comportements et vous avez vu à chaque instant – c’était palpable – l’amour irrépressible de la République. Et nous nous sommes dit en sortant de cet entretien avec les policiers que par-delà ce qui nous séparait, la dignité de leur comportement devait nous servir de boussole et que nous devions préférer ce qu’ils incarnent par l’uniforme qu’ils portent à tous les charmes de la politique lorsqu’elle oublie l’essentiel.

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Qu’est-ce que cela veut dire, monsieur le député ? Comme vient de le rappeler le Premier ministre, nous avons voté trois lois antiterroristes, nous créons 9 000 postes supplémentaires dans la police et la gendarmerie, nous avons créé 1 500 postes supplémentaires dans les services de renseignement, nous avons voté une loi sur le renseignement et nous avons, depuis le début de l’année, car il faut également parler des résultats, procédé à l’interpellation de 187 personnes, à la mise sous écrou de 71 d’entre elles, les services qui sont sous ma responsabilité et sous celle de Jean-Jacques Urvoas travaillant sans trêve ni pause.

Nous allons poursuivre cette action inlassablement, et nous allons le faire avec une seule et unique volonté : puiser dans la République et ses principes de droit la force de résister à ceux qui veulent atteindre ces principes en donnant aux forces de l’ordre tous les moyens dont elles ont besoin pour résister à l’ennemi.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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La parole est à M. Patrick Mennucci, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

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J’associe à cette question notre collègue Henri Jibrayel.

Des violences que vous avez vous-même qualifiées d’inacceptables, monsieur le ministre de l’intérieur, ont eu lieu dans le centre-ville de Marseille et au stade Vélodrome à la fin du match Angleterre-Russie, alors même que vous aviez fait mettre en place par la préfecture des Bouches-du-Rhône un dispositif de sécurité correctement dimensionné, ayant fait l’objet d’une concertation avec la municipalité de Marseille.

Je veux témoigner que les affrontements ont été contrôlés en quelques dizaines de minutes par les CRS postés sur le Vieux-Port. Méfions-nous de l’effet de répétition des images diffusées en boucle !

Je salue la réactivité et le courage des forces de l’ordre

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain

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qui ont réussi à séparer des milliers d’Anglais suralcoolisés et 150 Russes décidés à les battre comme plâtre pour asseoir la suprématie du hooliganisme russe constitué de groupes paramilitaires.

Je veux témoigner de l’efficacité des CRS qui ont immédiatement secouru le ressortissant britannique tabassé par des voyous russes en lui faisant un massage cardiaque, permettant que l’on tente de lui sauver la vie, ce que l’on fait précisément en ce moment à l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Je m’interroge sur la coopération des autorités russes, qui ont laissé passer plusieurs dizaines de hooligans ultra-violents, soutiens du régime, sans vous prévenir, alors que les Anglais ont retenu sur leur territoire national 3 000 hooligans, et sur la mansuétude de l’UEFA, qui vient d’infliger une exclusion temporaire…

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Merci, monsieur Mennucci.

La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Je répondrai très précisément à votre question, monsieur le député, ainsi qu’à toutes celles qui ne proviennent pas seulement de ces bancs, à propos des conditions dans lesquelles les forces de l’ordre sont intervenues samedi à Marseille. Des supporters ivres de bière se sont affrontés avec une violence extrême dans les rues de Marseille ; 1 000 policiers étaient présents et il aura fallu une heure et quart aux CRS pour mettre fin à ces affrontements.

Je salue vos remerciements à leur égard, à un moment où les forces de l’ordre sont très durement éprouvées, car elles méritent aussi qu’on leur rende justice lorsqu’elles interviennent dans des conditions difficiles. Il convient également de ne pas leur imputer la violence émanant de personnes n’ayant plus aucun repère ni aucune notion de ce qu’est la culture du sport.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, ainsi que sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Dans ce contexte, les élus marseillais ont été très dignes et je salue également les remerciements prononcés par le maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin, devant son conseil municipal. Il ne s’est pas laissé aller à des polémiques inutiles sur ces sujets et a rappelé le rôle et l’efficacité des forces de l’ordre.

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Le problème qui se pose à présent est très concret : il faut empêcher ces hooligans de nuire. Au moment où je vous parle, monsieur Mennucci, une opération de police a lieu en vue de l’interpellation d’une quarantaine d’entre eux qui sont susceptibles d’avoir participé aux violences à Marseille afin qu’ils ne puissent plus récidiver, à l’occasion des matchs suivants, avec la même violence que celle que l’on a connue. Nous disposons de photos et de vidéos ; l’enquête judiciaire suit son cours et ils seront mis hors d’état de nuire. Par ailleurs, nous avons prévenu ces actes en liaison avec les autres pays de l’Union européenne…

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La parole est à M. Jean-Marie Tétart, pour le groupe Les Républicains.

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Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Ce matin, au commissariat des Mureaux, en présence de M. le ministre de l’intérieur, nous avons témoigné à l’ensemble des personnels, choqués mais dignes, unis et forts, notre compassion et notre soutien face au drame qui a frappé l’un d’entre eux, le commandant Jean-Baptiste Salvin, et son épouse Jessica, fonctionnaire de police au commissariat de Mantes-la-Jolie.

J’ai avec vous, monsieur le Premier ministre, une pensée pour le fils qu’ils laissent, pour leur famille et pour leurs collègues. À tous, j’adresse à mon tour mes plus sincères condoléances et celles des Yvelinois. Je tiens à exprimer ma gratitude à nos forces de l’ordre, qui ont fait preuve une fois encore d’un professionnalisme forçant le respect.

Nos policiers acceptent de payer un lourd tribut dans l’exercice de leurs missions mais ne peuvent accepter davantage d’être ciblés pour ce qu’ils sont jusque chez eux, dans leur foyer. Ils ne peuvent pas non plus accepter d’être la cible, à longueur de temps et d’éditoriaux, d’accusations de violences policières alors qu’on ne compte plus les blessés dans leurs rangs, victimes de casseurs et d’extrémistes de tous bords, sans foi ni loi.

Il est temps de dire stop à tous ceux qui propagent cette « haine du flic » par leurs affiches, leurs écrits, leurs slogans et leurs réseaux sociaux. Ces mêmes réseaux sociaux diffusaient cette nuit des messages de joie pratiquant l’apologie ordinaire du terrorisme qu’il faut traquer par un renforcement de la surveillance des réseaux sociaux.

Nos forces de l’ordre sont sollicitées sur tous les fronts. Elles sont éreintées, attaquées, calomniées mais elles sont solides, debout, respectueuses de nos lois. Elles constituent un rempart contre la barbarie et le fascisme islamique et pour le maintien de l’ordre républicain et de la démocratie. Elles le resteront si les Français continuent à leur montrer soutien, respect et affection. Aujourd’hui comme demain, nous sommes tous policiers !

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Vous étiez présent ce matin, monsieur le député, et je vous en remercie du fond du coeur au nom des policiers des Yvelines, avec l’ensemble des élus de ce département – de toutes tendances politiques –, aux côtés des policiers pour leur exprimer votre gratitude et celle des élus.

Vous avez eu raison de le faire car ils ont payé un lourd tribut depuis les premiers attentats terroristes. Quatre d’entre eux ont trouvé la mort dans des conditions atroces et indescriptibles. Après la visite que nous avons effectuée ensemble ce matin aux commissariats des Mureaux et de Mantes-la-Jolie, je suis allé à la rencontre des policiers du RAID, auxquels j’ai tenu à exprimer mon immense gratitude d’avoir sauvé cet enfant, dans des conditions très périlleuses. Hier, les policiers du RAID ont été formidables en diffusant ce message de solidarité.

Je rejoins en tout point ce que vous venez dire. En tant que ministre de l’intérieur, je constate la dignité des policiers, les souffrances accumulées et les familles déchirées derrière des cercueils, non seulement lorsque les policiers sont atteints par des actes terroristes mais aussi lorsqu’ils le sont par la violence quotidienne, qui prend, dans notre pays comme dans le reste de l’Europe, des proportions qu’elle ne devrait pas prendre, et je ne peux plus supporter ces postures, ces propos et ces affiches mettant en cause ceux qui portent l’uniforme et, de ce fait, incarnent le droit !

Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Tandis que des manifestations ont lieu à Paris, j’appelle tous ceux qui pratiquent la violence, qui s’attaquent aux policiers et cherchent à s’en prendre à eux, à retrouver au fond d’eux-mêmes un peu d’humanité, de tolérance et de respect, simplement par respect de ceux qui sont tombés hier et de ce petit enfant auquel nous devons donner une image digne de la France !

Même mouvements.

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La parole est à M. Jean-Jacques Cottel, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Ma question, que j’adresse au ministre de l’intérieur, concerne les intempéries qui sont survenues dans le Pas-de-Calais, causant notamment la mort d’un septuagénaire. J’y associe mes collègues concernés.

Un épisode orageux très violent s’est abattu la semaine dernière sur le Pas-de-Calais. Des pluies aussi rapides que brutales ont causé des coulées de boue et des inondations, provoquant d’importants dégâts. De nombreux établissements recevant du public ont été évacués, ou mis en sécurité, tandis que plusieurs axes de circulation devenaient subitement impraticables. Malheureusement, à Mondicourt, un homme a perdu la vie dans sa voiture prise par les eaux.

Sur place tout au long de la semaine, j’ai pu constater les dégâts impressionnants et la désolation parmi mes concitoyens, choqués et abattus. Un véritable torrent de boue s’est déversé dans la commune de Pas-en-Artois et dans plusieurs autres, envahissant des centaines de maisons, touchant de nombreux bâtiments publics et emportant çà et là les réseaux et voies de circulation.

Je tiens à saluer la solidarité qui s’est immédiatement manifestée dans la population, pourtant dans la détresse, pour venir en aide aux victimes et débuter les travaux de nettoyage. Je remercie également les agents des services publics locaux qui sont intervenus, et rends hommage au dévouement des sapeurs-pompiers, à l’image de celui des forces de gendarmerie et de police.

Ces communes, ces élus et ces populations attendent que l’État exprime sa solidarité et leur vienne en aide, notamment pour faciliter les démarches de réparation. La reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle me semble justifiée. Monsieur le ministre, je vous sais attentif à ce type de situation : quelles dispositions comptez-vous prendre ?

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Monsieur le député, vous avez raison d’évoquer la détresse extrême de ces personnes victimes d’inondations et d’intempéries soudaines dans de nombreux départements. Ces familles, parmi les plus modestes, sont nombreuses à avoir tout perdu. Lorsque, il y a quelques jours, je me suis rendu avec le Premier ministre à Montargis, j’ai pu mesurer l’ampleur de leur détresse et de leur souffrance.

Les instructions que le Premier ministre et moi-même avons données aux préfets sont très claires : tous les dossiers qui permettent de déclencher le dispositif catastrophe naturelle doivent remonter très rapidement des territoires, notamment du Nord où les dégâts sont importants, pour que les remboursements interviennent vite et que la vie normale puisse reprendre son cours.

La semaine dernière, 867 dossiers ont été examinés par le Conseil des ministres. Demain, 732 dossiers, dont beaucoup concernent des communes de votre région, seront pris en compte afin que nous puissions engager rapidement la réparation.

Par ailleurs, le Premier ministre a souhaité qu’un plan d’urgence soit mis en place pour que les familles les plus modestes puissent percevoir une aide directe leur permettant d’acquérir du mobilier et les biens indispensables à la vie courante, et de réintégrer ainsi plus rapidement leur appartement. Pour les équipements publics, le fonds de soutien aux collectivités locales pourra prendre en charge entre 30 % et 60 % du montant total des travaux à engager, et ce rapidement, puisque nous avons raccourci les procédures. C’est vous dire à quel point la mobilisation de l’État, sur ces sujets, est totale.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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La parole est à M. Éric Ciotti, pour le groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Cette nuit, notre pays a été, une fois de plus, touché au coeur. Une famille, celle d’un couple de policiers, a été frappée dans des conditions terrifiantes, barbares. C’est la grande famille des policiers, à laquelle je veux rendre hommage pour son courage, qui a été également prise pour cible parce que ces policiers portent l’uniforme de la République et qu’ils incarnent une de ces parcelles essentielles de l’autorité républicaine.

Monsieur le Premier ministre, notre groupe a toujours été au rendez-vous de l’unité nationale pour lutter contre le terrorisme. Nous avons voté les neuf textes relatifs à la lutte contre le terrorisme que vous avez présentés depuis 2012.

Pourtant, aujourd’hui, des questions se posent. Les Français se posent des questions, les policiers se posent des questions ; nous nous devons de vous les poser aujourd’hui. Pourquoi, monsieur le Premier ministre, avez-vous systématiquement refusé les amendements, les propositions de notre groupe, visant à priver de liberté les individus connus, identifiés, signalés, placés sur écoute – l’auteur de cette tragédie, vous l’avez rappelé, faisait l’objet d’une procédure judiciaire ? Nous vous demandons leur placement dans des centres de rétention administrative !

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Le président du groupe Les Républicains, Christian Jacob, Guillaume Larrivé et moi-même déposerons bientôt une proposition de loi en ce sens. Nous comptons sur votre soutien, monsieur le Premier ministre.

Une autre question se pose : pourquoi avez-vous affaibli, vidé de son sens l’état d’urgence, qui prendra fin le 26 juillet ? Pourquoi n’y a-t-il plus de perquisitions administratives ? Et vous n’interdisez pas les manifestations, qui nécessitent le déploiement de policiers !

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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La parole est à M. le Premier ministre.

Chers collègues, gardons à cette séance la dignité qu’elle mérite !

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Monsieur Ciotti, toutes les questions sont légitimes. À l’enfant, aux familles, aux collègues et camarades de ces deux fonctionnaires de police, nous devons bien sûr toute la vérité. Nous la devons en permanence à la nation tout entière, qui fait preuve de force et de courage face à ce qu’elle subit. Mais, monsieur le député, je vous le dis très franchement : je n’ai envie d’aucune polémique !

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Bien sûr, c’est le rôle du Parlement que d’évoquer ce sujet et vous-même avez mené, avec Patrick Mennucci, un travail fort intéressant sur les filières djihadistes. Une commission d’enquête parlementaire sur les attentats du 13 novembre dernier est par ailleurs en cours. Le ministre de l’intérieur, le garde des sceaux et moi-même nous posons en permanence toute une série de questions afin de comprendre les faits, aidés en cela par le regard acéré, professionnel, de la justice et du procureur Molins.

Mais au moment où les forces de l’ordre sont particulièrement éprouvées – en ce moment même des casseurs oeuvrent à Paris contre ces mêmes forces de l’ordre –, au moment où des responsables politiques de notre pays tiennent des discours intolérables à l’égard des forces de l’ordre et de ceux qui en ont la responsabilité, c’est-à-dire le Gouvernement et le ministre de l’intérieur, ne soyez pas contradictoires ! Vous avez vous-même voté les neuf textes qui nous ont permis, ensemble, de montrer que, lorsque le terrorisme nous attaque, il faut être unis, rassemblés, responsables (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), parce que le terrorisme cherche à diviser les Français, à les jeter les uns contre les autres, à mettre en cause l’État de droit et la démocratie.

Et puisque vous voulez aller jusqu’au bout du débat, monsieur Ciotti – c’est là où il peut y avoir, en effet, des différences –, je vous le dis très clairement : nous sommes prêts à examiner toutes les propositions, mais pas celles qui mettent en cause l’État de droit.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Moi, je ne veux ni de la peine de mort, ni de Guantánamo, ni de la vente des armes, car je sais ce que peut donner ce modèle.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Le meilleur moyen de lutter contre le terrorisme, c’est la démocratie, c’est l’État de droit, c’est la détermination, c’est le sang froid. Et quand on lutte contre le terrorisme, monsieur Ciotti, quand on est en guerre, on ne dévie pas d’une ligne : on va jusqu’au bout et on combat le terrorisme, droit dans les yeux, parce que c’est ça qu’on attend d’une démocratie !

Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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La parole est à Mme Annick Lepetit, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Monsieur le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, pour que vivent les valeurs de la République, nous devons les rendre visibles, concrètes, palpables afin que chacun en prenne réellement conscience. Telle est l’idée centrale du projet de loi égalité et citoyenneté, qui répond à une nécessité que l’actualité nous rappelle malheureusement trop souvent et très durement.

Les attentats de 2015 ont éclairé d’un jour nouveau les fractures qui minent notre société. En réponse, le Gouvernement s’est attaqué concrètement à ces maux qui poussent à la division, à la défiance, à la haine de l’autre.

À travers plusieurs comités interministériels consacrés à l’égalité et à la citoyenneté, le Gouvernement a décidé de mettre en oeuvre des mesures destinées à favoriser la mixité sociale, lutter contre les discriminations, apprendre à mieux vivre ensemble. Ce projet de loi en est l’une des traductions législatives.

L’égalité impose de sortir de la logique de ghettos où tous les problèmes se concentrent. C’est le sens de la politique que nous conduisons depuis 2012 et nous allons encore plus loin, notamment en menant des actions fortes en faveur du logement.

L’égalité impose également de renforcer notre arsenal contre les discriminations, le racisme, l’antisémitisme, le sexisme, ou encore l’homophobie. Ces discriminations se propagent vite et sèment la violence. Si elles doivent être sanctionnées, nous devons aussi apprendre à mieux les prévenir pour préparer les nouvelles générations à construire un monde plus sûr.

Une société apaisée passe par une ouverture plus grande aux autres.

Debut de section - Permalien
Un député du groupe Les Républicains

Votre discours est complètement décalé ! Dans quel monde vivez-vous ?

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Encourager, valoriser le volontariat en développant le service civique, inciter l’engagement dans les associations avec un congé spécifique : nous aurons, ici, l’occasion d’en débattre.

Monsieur le ministre, devant la commission spéciale chargée de l’examen du projet de loi, vous avez souhaité que le Parlement se saisisse du texte et l’enrichisse. Vous avez été entendu car, avec le rapporteur,…

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Merci, madame Lepetit.

La parole est à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.

Debut de section - Permalien
Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

Madame la députée, les débats au sein de la commission spéciale, dont vous êtes la présidente, démarreront en effet dans une heure, et nous pourrons apprécier les avancées contenues dans le projet de loi égalité et citoyenneté,…

Debut de section - Permalien
Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

…un texte qui concerne tous les Français.

Nous créons, au titre I, une réserve citoyenne regroupant des volontaires sollicités pour des tâches d’intérêt général. Les récentes inondations montrent qu’une telle mesure ne pourra qu’être très utile à notre pays.

Nous mettons en place le congé d’engagement pour les salariés bénévoles, afin que ceux qui assument des responsabilités associatives puissent prendre six jours pour faire vivre l’association dans laquelle ils sont investis.

Nous accélérons la montée en charge du service civique, afin d’atteindre la moitié d’une classe d’âge d’ici à 2018. D’autres mesures sont encore à remarquer, comme la reconnaissance systématique de l’engagement dans les diplômes de l’enseignement supérieur ou le renforcement de l’accès à l’autonomie des jeunes, notamment dans le domaine de la santé.

Les mesures du titre II, que portera Emmanuelle Cosse, vont encore plus loin pour assurer l’égal accès au logement et renforcer l’efficacité de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain. Nous consolidons, avec le soutien d’Ericka Bareigts, notre arsenal législatif destiné à lutter contre les discriminations et nous mettons l’accent sur l’apprentissage de la langue française, tout en ouvrant la fonction publique à la diversité de notre société au travers du recrutement.

Mesdames et messieurs les députés, grâce au travail de la commission spéciale, présidée par Mme Lepetit, mais aussi du rapporteur général, Razzy Hammadi, et des rapporteurs thématiques, ce texte sera enrichi et renforcé de 1 100 amendements.

Parce que la République est un bien précieux, parce que l’égalité et la citoyenneté ne se décrètent pas, nous devons en permanence renforcer nos valeurs afin que les progrès se concrétisent. C’est cela, la République en actes que nous devons défendre plus que jamais.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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La parole est à M. Guy Teissier, pour le groupe Les Républicains.

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Ma question, à laquelle j’associe Mme Boyer, s’adresse au ministre de l’intérieur.

Monsieur le ministre, le week-end dernier, la bière et la bêtise ont transformé le centre-ville de Marseille en un champ de bataille d’une violence inouïe, faisant quarante-quatre blessés dont quatre très grièvement, terrorisant les passants, effrayant les commerçants.

L’objet de mon intervention n’est pas de revenir sur la gestion plus ou moins hasardeuse de la sécurité de cet événement,…

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…mais plutôt de mettre les faits en perspective avec les scènes d’ultra-violence et d’exactions que nous connaissons ces derniers temps.

En dépit de l’état d’urgence, notre pays n’a jamais connu autant de manifestations, voire de révoltes. Le mouvement Nuit debout occupe toujours la place de la République ; des grèves et des occupations en tout genre ont lieu malgré les catastrophes naturelles ; un syndicat ose placarder des affiches injurieuses à l’encontre des policiers, alors même que plus de 400 d’entre eux ont été blessés.

Bien sûr la répression n’est pas la seule réponse à tous ces maux mais ne faut-il pas, sur ce sujet, sortir de l’idéologie rousseauiste et post-soixante-huitarde,

Exclamations et huées sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain

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dont Mme Taubira a sans doute été la dernière thuriféraire ?

Aujourd’hui, l’action de la police et de la justice n’est plus adaptée aux situations de guérilla urbaine que nous connaissons, tant nos forces de l’ordre sont désarmées – au sens propre comme au sens figuré.

Nous devons repenser radicalement les techniques du maintien de l’ordre face à toutes les violences et au hooliganisme, comme d’autres pays d’Europe l’ont déjà fait avant nous.

Nous devons réévaluer sans tarder les moyens financiers et matériels de la police, de la gendarmerie et de la justice. L’autorité de l’État en dépend.

Monsieur le ministre, a-t-on pris toute la mesure de la gravité de la situation ? La majorité silencieuse de notre pays demande des comptes et tient à être rassurée. En conséquence, dans ce contexte inédit, je vous demande, monsieur le ministre, de m’indiquer les dispositions que vous envisagez de prendre pour restaurer la confiance de nos forces de police et de gendarmerie ?

Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Monsieur le député, nous devons garder à l’esprit deux éléments si nous voulons tous – et je sais que c’est le cas pour un très grand nombre d’entre nous – que l’autorité de l’État soit respectée.

Tout d’abord, les forces de sécurité intérieure doivent avoir les moyens de fonctionner. Je ne veux pas polémiquer, mais je vous sais trop attaché à la vérité pour ignorer – qui plus est après avoir été un très éminent président de la commission de la défense – que les armées ont perdu 54 000 emplois dans une période qui n’est pas si lointaine, pendant que la police et la gendarmerie en perdaient 13 000, et que les crédits de fonctionnement diminuaient de 17 %.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Eh oui ! Cela vous fait mal de l’entendre, mais c’est la vérité !

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Les résultats ne sont pas bons aujourd’hui !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Je vous le dis sans aucune agressivité : aucune vocifération ne couvrira jamais cette réalité dont les policiers ont parfaitement conscience. Ils savent parfaitement que nous avons mis en place un protocole indemnitaire de 850 millions d’euros pour reconnaître leur travail. Ils savent les efforts que nous faisons pour leur donner les moyens de fonctionner.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Par ailleurs, monsieur Teissier, l’État puise sa force et son autorité dans le droit.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Reprenons les événements de Marseille. L’ensemble des personnes interpellées ont été jugées. Ceux qui sont étrangers seront reconduits dans leur pays puisque les obligations de quitter le territoire français ont été prononcées.

En ce moment même, une opération de police est menée pour interpeller quarante supporters violents russes, qui subiront le même sort.

Dans un État de droit, pour administrer la preuve, il faut la chercher ; pour judiciariser, il faut la preuve...

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La parole est à M. Thierry Robert, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Monsieur le président, permettez-moi tout d’abord, en y associant les collègues de mon groupe, de rendre hommage à ces deux policiers qui ont été victimes du terrorisme, avec une pensée toute particulière pour leur petit garçon orphelin.

Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Madame la secrétaire d’État chargée de la biodiversité, une mobilisation citoyenne est menée à la Réunion par les habitants opposés au projet d’ouverture d’une carrière de roches massives aux dimensions colossales – 36 hectares de surface et 60 mètres de profondeur – sur le littoral ouest de l’île. La zone est pourtant classée par la région Réunion comme un espace naturel remarquable.

Et les raisons de s’opposer à ce projet sont légion.

Dans un rapport de 2008, le BRGM – Bureau de recherches géologiques et minières – affirmait qu’une exploitation du site était « inenvisageable ». Évidemment, la nature du sous-sol n’a pas évolué depuis !

Une enquête publique a également débouché sur un avis défavorable du commissaire enquêteur.

Beaucoup avaient par ailleurs été surpris du désaveu par le Conseil d’État de son rapporteur public, qui préconisait le rejet de la modification du schéma départemental des carrières permettant l’ouverture.

Enfin, ce dimanche 12 juin, à l’occasion d’un référendum local organisé à Saint-Leu, 81 % des votants se sont prononcés contre la modification du PLU – plan local d’urbanisme – et l’ouverture de la carrière.

Récemment encore, un collectif de 300 médecins s’est également mobilisé pour signaler les risques sanitaires induits par cette carrière située à 100 mètres des premières habitations. Saint-Leu est une zone balnéaire où se trouvent quatre musées, une réserve marine, et dont le littoral est un atout touristique majeur pour La Réunion. En outre, le schéma de mise en valeur de la mer vaut « loi littoral » à La Réunion et celui-ci ne prévoit en aucun cas l’ouverture d’une carrière à Saint-Leu.

Pour toutes ces raisons, madame la secrétaire d’État, je vous interpelle solennellement aujourd’hui afin de connaître votre position sur le sujet et, surtout, pour rassurer les habitants.

Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili, secrétaire d’état chargée de la biodiversité

Monsieur le député, vous m’interrogez au sujet d’un projet de carrière de roches massives à Bois Blanc, quartier de la commune de Saint-Leu de La Réunion. Ce projet, porté par la société de concassage et de préfabrication de La Réunion, fait partie d’un projet plus global de sécurisation du réseau routier, soumis à des risques d’éboulement de la falaise qui surplombe la route.

Comme vous le signalez, le schéma départemental des carrières de La Réunion a été modifié en 2014 pour permettre la création de cette carrière. L’arrêté du préfet modifiant ledit schéma a fait l’objet d’une requête en référé devant le Conseil d’État demandant la suspension de la modification du schéma. Récemment, le Conseil a en effet rejeté la requête. Il revient donc désormais au tribunal administratif de se prononcer sur le fond quant à la légalité de la modification du schéma départemental des carrières.

La demande d’autorisation d’exploitation de la carrière a par ailleurs fait l’objet d’un avis défavorable du commissaire enquêteur.

Le porteur de projet devra donc déposer un nouveau dossier comprenant une étude d’impact plus complète qui permettra notamment de mieux évaluer l’impact sanitaire de l’exploitation de la carrière sur les populations riveraines. La surface exploitée devra également être revue à la baisse. Ce dossier sera de nouveau soumis à enquête publique et c’est à l’issue de cette procédure que le préfet devra prendre une décision quant à la modification ou non du document d’urbanisme de la commune.

Ségolène Royal et moi-même serons évidemment très attentives à l’ensemble des enjeux sanitaires et environnementaux du projet. C’est à l’issue de l’examen de ce nouveau dossier qu’une décision sera prise concernant l’avenir de cette carrière.

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La parole est à M. Olivier Dassault, pour le groupe Les Républicains.

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Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

« Du pain et des jeux » n’est plus l’opium du peuple, qui réclame, à notre époque, des emplois et un avenir,…

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…loin de la crise sociale, politique et économique que nous traversons. Des millions de Français, victimes silencieuses, ne supportent plus le délitement de notre pays. À cette triste ambiance s’ajoute le spectacle de la honte aux yeux du monde.

Protestations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Le terrorisme, réveillé par l’horreur survenue dimanche dernier à Orlando – oui, il faut le dire et le redire ! –, et plus encore par l’assassinat du couple de policiers à Magnanville hier soir, rappelle, si besoin en était, combien l’Euro est une manifestation à haute tension.

S’y ajoutent les protestations violentes, les occupations stratégiques, l’accumulation des ordures dans nos rues,…

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…le hooliganisme, qui donnent l’image d’un pays au bord de l’implosion. Ne laissez pas le terrain du culte de la grève gâcher plus longtemps la fête !

Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe socialiste, écologiste et républicain

Cela n’a rien à voir ! Vous mélangez tout !

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Le peuple de France rayonne par la qualité de ses sportifs, bien sûr, mais aussi par ses inventeurs, ses talents, sa gastronomie, son cinéma, la diversité de ses paysages bucoliques,…

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…en un mot, son art de vivre. C’est le scénario que nous devons offrir aux téléspectateurs du monde, aux 2,5 millions de supporters et visiteurs étrangers, pour qu’ils viennent, visitent et reviennent encore et encore chez nous.

Après le coup de sifflet final viendra l’heure du bilan, le moment de compter les points et de savoir si notre image a perdu plus qu’elle n’aura gagné.

Monsieur le Premier ministre, faites le nécessaire pour que la France ne soit pas disqualifiée ! Maintenant que vous avez cédé aux revendications de toutes sortes, quelle réponse comptez-vous apporter pour rétablir l’ordre dans notre pays, qui depuis plus de six mois est maintenant non seulement en état d’urgence, mais, je dirai même plus, en état de guerre ?

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains. – Exclamations sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

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Vite, commandez-lui un Rafale, monsieur le secrétaire d’État !

Debut de section - Permalien
Jean-Marie le Guen, secrétaire d’état chargé des relations avec le Parlement

Monsieur le député, j’ai eu l’impression que votre question était légèrement décalée par rapport à l’état d’esprit et aux préoccupations qui ont prévalu dans cette séance, de quelque bord que soient venues les questions. Car si vous abordez beaucoup de sujets, chacun mérite du sérieux et de la maîtrise, certainement pas de l’outrance et de la caricature.

Oui, monsieur le député, un certain nombre de nos compatriotes ont eu à subir ces dernières semaines différentes gênes dans leur vie quotidienne. Il y a plusieurs semaines, ils ont rencontré des problèmes pour se fournir en essence, mais le blocage des raffineries a été levé.

Oui, monsieur le député, il y a eu des problèmes à la SNCF dans le cadre de la renégociation de conventions collectives et de l’application d’une nouvelle législation permettant la concurrence. Là aussi, nous avons fait face. Il y a eu à la fois des négociations et des avancées. Et s’il reste des blocages, je puis vous dire qu’ils sont en train d’être levés.

« Ah bon ? » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean-Marie le Guen, secrétaire d’état chargé des relations avec le Parlement

Je vous annonce que, demain, 90 % des TGV, 80 % des TER, 80 % des trains d’équilibre du territoire et 80 % des Transilien circuleront.

Rires et exclamations sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean-Marie le Guen, secrétaire d’état chargé des relations avec le Parlement

Voilà, monsieur le député, ce qu’est un gouvernement qui travaille et qui ne se laisse pas aller comme ceux qui veulent donner une mauvaise image de la France – vous y contribuez, mais malheureusement d’autres le font aussi –, une France qui serait bloquée alors qu’elle avance, qu’elle se réforme, qu’elle progresse. Et là-dessus, nos concitoyens savent qu’ils peuvent compter sur l’action de ce gouvernement.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

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La parole est à Mme Jacqueline Maquet, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, face à la maladie, tous les Français sont égaux. Chacun dans sa vie a été confronté, à un moment ou à un autre, au cancer ou à une maladie grave qui l’a touché directement ou s’est attaqué à un proche. Dans ces situations difficiles, tout doit être mis en oeuvre pour faciliter l’accès aux soins des patients.

Notre pays, fervent défenseur du principe de solidarité, possède l’un des systèmes de sécurité sociale les plus performants au monde. Chaque Français, chaque Française peut bénéficier d’un accès efficace aux soins, et il n’est pas question de remettre en cause ce droit universel.

Pourtant, certains laboratoires pharmaceutiques qui mènent de front la recherche et l’innovation pour le développement du médicament innovant réalisent aujourd’hui des bénéfices en total décalage avec le prix réel des médicaments. Cette situation est incompréhensible pour nos compatriotes.

L’État doit peser de tout son poids pour lutter contre les pratiques abusives et encourager parallèlement la recherche et le développement. À ce titre, le Gouvernement et vous-même avez déjà oeuvré pour réduire le coût parfois trop élevé de certains médicaments innovants. Ainsi, dans le cas des traitements contre l’hépatite C, un accès universel aux soins a été mis en place et des négociations ont été engagées en vue de changer le prix des médicaments.

Dans ce combat pour la protection de notre système de santé, la France doit promouvoir une meilleure coopération internationale afin de limiter les prix imposés par les laboratoires pharmaceutiques. Pour citer le Président de la République, il nous faut bâtir une véritable couverture sanitaire universelle.

Madame la ministre, alors qu’une campagne de Médecins du monde sur les laboratoires pharmaceutiques devait être engagée, pouvez-vous nous dire quelle est la position de la France et quels sont les moyens mis en oeuvre par le Gouvernement pour faciliter l’accès des malades aux traitements lourds ?

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

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Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Madame la députée, vous avez raison de le souligner, nous sommes aujourd’hui face à un défi, mais ce défi a une cause heureuse : voilà de très nombreuses années qu’il n’y avait pas eu autant d’innovations qu’aujourd’hui en matière de médicaments, et ces innovations offrent des perspectives de traitement à des malades qui auparavant n’en avaient pas.

Mais ces nouveaux traitements sont trop souvent accompagnés d’un prix extrêmement élevé. Vous l’avez dit, il est normal que les efforts de recherche et de développement des entreprises soient rémunérés et que les prix des produits le leur permettent, mais certains des prix proposés vont au-delà et sont légitimement incompréhensibles. C’est pourquoi nous avons engagé un certain nombre d’actions.

Tout d’abord, comme je l’ai indiqué il y a quelques jours, je veux généraliser l’accès au traitement contre l’hépatite C. À cette occasion, j’ai annoncé qu’une renégociation des prix serait engagée – car il est normal que les prix baissent au fur et à mesure que les traitements sont rentabilisés.

Par ailleurs, j’ai fait voter par la Sécurité sociale un mécanisme de régulation qui exige, au-delà d’un certain seuil, que le laboratoire lui reverse une partie de ses bénéfices.

Mais la régulation ne peut pas s’appliquer seulement au niveau national. C’est pour cette raison que le Président de la République a lancé ce débat au niveau du G7, à Tokyo. En tant que ministre de la santé, je participerai – également au Japon – à une réunion internationale afin de rechercher des solutions nouvelles en matière de régulation du prix des médicaments au niveau international.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Régulation du prix des médicaments

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La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Je voudrais à mon tour dire mon émotion et celle des députés de mon groupe face au meurtre atroce du couple de fonctionnaires de police qui a eu lieu à Magnanville.

Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé et concerne également le prix des médicaments.

La dernière campagne d’information de Médecins du monde sur le prix des médicaments a été censurée par les principaux annonceurs sous la pression des lobbies pharmaceutiques. Pourtant, cette campagne est justifiée quand on sait que le nouveau traitement de douze semaines contre l’hépatite C est facturé 41 000 euros, ce qui conduit à limiter la prise en charge à certains patients.

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Cette situation n’est pas admissible. Vous avez d’ailleurs annoncé le mois dernier, madame la ministre – et vous venez de le rappeler –, votre souhait d’instaurer la prise en charge universelle de ce traitement, ce qui devrait intervenir prochainement.

Reste la question de fond, plus générale, du prix des médicaments. Il y a trois mois, 110 cancérologues ont dénoncé le coût exorbitant des traitements contre le cancer et l’opacité qui entoure les décisions prises par le Comité économique des produits de santé.

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Par ailleurs, je me félicite que la commission des affaires sociales se saisisse elle aussi de ce dossier. Mais j’insiste sur l’urgence à intervenir, d’autant plus que les bénéfices indécents de l’industrie pharmaceutique se font au détriment des comptes sociaux et des malades.

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D’où ma question : allez-vous réformer le fonctionnement du Comité économique des produits de santé pour le soustraire à l’influence des lobbies et renforcer la transparence de ses décisions ?

Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

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Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Madame la députée, comme je viens de l’indiquer à votre collègue Mme Maquet, le Gouvernement est très fortement impliqué et tient à ce que l’innovation à laquelle nous assistons dans le domaine de la santé, qui est une chance pour les patients, soit soutenable sur le plan financier pour notre sécurité sociale et, plus largement, pour l’ensemble des sécurités sociales et des systèmes de financement internationaux.

C’est pour cela que j’ai mis en place des mécanismes de régulation à l’échelle nationale. Depuis 2012, les industries de santé ont apporté plus de 3 milliards d’euros, qui ont contribué aux économies réalisées par notre système de sécurité sociale.

De la même manière, des négociations sont engagées pour que les prix soient aussi justes que possible. J’ai ainsi souhaité que le prix du traitement contre l’hépatite C, aujourd’hui très élevé, soit renégocié à la baisse. Mais je tiens à souligner, madame la députée, que je n’ai pas attendu que cette renégociation intervienne pour annoncer l’accès universel au traitement.

Au-delà, nous devons travailler à l’instauration d’une régulation internationale. Avec mon collègue allemand, j’ai mis en place un groupe de travail qui nous permettra de présenter des propositions communes.

S’agissant du Comité économique des produits de santé, qui fixe les prix, je vous rappelle que, dans le cadre de la loi de modernisation de notre système de santé, vous avez voté de nouvelles dispositions : désormais il n’y a plus de représentant de l’industrie au sein de ce comité ; par ailleurs, un accord-cadre permet de discuter avec les représentants des patients.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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La parole est à M. François Scellier, pour le groupe Les Républicains.

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Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, depuis deux ans, notre pays est confronté à une pénurie de vaccins.

Bien que la vaccination BCG ne soit plus obligatoire depuis 2007, elle demeure fortement recommandée, surtout en Île-de-France, pour les enfants entrant en crèche ou à l’école.

Les PMI vers lesquelles les professionnels de santé orientent les parents sont elles-mêmes démunies, ce qui amène chacun à se procurer les vaccins dans des régions moins touchées par la pénurie, voire à l’étranger.

Depuis fin avril, le laboratoire Sanofi Pasteur ne disposant plus d’aucune dose du seul vaccin contre la tuberculose commercialisé en France, le BCG SSI, un produit de substitution est proposé aux parents : l’Infanrix Hexa, qui immunise aussi contre l’hépatite B, dont la vaccination n’est pas obligatoire. Mais ce vaccin contenant de l’aluminium, des interrogations se sont élevées s’agissant de son innocuité. On l’accuse aussi de favoriser le développement de la sclérose en plaques. De nombreux parents saisissent ce prétexte pour refuser toute vaccination.

Par ailleurs, l’Infanrix Hexa est beaucoup plus coûteux que les autres vaccins. Enfin, immuniser les enfants contre six maladies d’un coup constitue en soi un geste médical risqué, qui peut déclencher une réaction immunitaire incontrôlée et augmenter le risque de maladie auto-immune sur le long terme.

À l’heure actuelle, après avoir fait appel à des stocks danois, c’est aux vaccins polonais que l’on recourt, alors même que ceux-ci présentent des différences avec le vaccin français, notamment en matière de conservation et de doses. En outre, le vaccin polonais ne serait disponible que dans les centres de protection maternelle et infantile, les PMI.

Madame la ministre, que comptez-vous faire pour mettre fin à cette pénurie ?

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

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La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

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Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Monsieur le député, la question de la pénurie de vaccins BCG est posée à notre pays, comme à tous les pays européens depuis plusieurs mois. La pénurie tient au fait que le laboratoire danois produisant les vaccins mis ensuite sur le marché par les laboratoires Sanofi Pasteur MSD a été confronté à une défaillance technique, qui a abouti à une rupture en approvisionnement.

Nous avons cherché des solutions. Depuis le mois d’avril dernier, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a autorisé la mise sur le marché d’un autre vaccin, produit par un laboratoire polonais, le laboratoire Biomed-Lublin, après s’être évidemment assurée que toutes les garanties de sécurité sont apportées pour permettre la vaccination.

Quelle est la situation actuelle ? Le conditionnement de ce vaccin n’est pas le même que celui qui existait auparavant, ce qui provoque dans les PMI un certain nombre d’incompréhensions ou de difficultés.

C’est la raison pour laquelle certaines PMI – peut-être est-ce le cas dans votre département – n’ont pas procédé à la commande de ces vaccins. J’ai donc demandé que la Direction générale de la santé appelle au téléphone toutes les PMI de France pour faire oeuvre de pédagogie et s’assurer que celles-ci seront en mesure de proposer le vaccin BCG à tous les enfants qui en ont besoin.

Quant à moi, je réunirai les laboratoires pharmaceutiques à la fin du mois de juin, comme je m’y étais engagée, pour faire le point avec eux sur la situation des vaccins en France.

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La parole est à M. Christian Franqueville, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Monsieur le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, en septembre dernier, à la suite de la mission que m’avait confiée le Premier ministre sur les exportations de bois bruts, je vous ai présenté vingt-cinq propositions visant à rééquilibrer notre balance du commerce extérieur.

Depuis, beaucoup a été fait par votre ministère pour les mettre en oeuvre. Désormais, par l’intermédiaire de l’Office national des forêts, les acheteurs de bois s’engagent, sous peine de sanctions, à transformer la ressource au sein de l’Union européenne.

De plus, la priorité a été mise par le Gouvernement sur la conservation de la valeur ajoutée au sein du territoire français, à travers le Programme national de la forêt et du bois.

Pour autant, nous ne pouvons nous satisfaire de la méthode de certification phytosanitaire par pulvérisation à l’air libre en forêt, encore acceptée actuellement.

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D’une part, le produit pulvérisé dit « cyperméthrine » est toxique, alors que des solutions alternatives respectueuses de l’environnement existent, comme je l’ai rappelé dans mon rapport. D’autre part, cette méthode sauvage est difficile à contrôler. Elle se révèle à la fois très peu contraignante et très peu onéreuse pour les exportateurs, en comparaison de ce qui se fait ailleurs, par exemple en Belgique ou en Allemagne.

Le dumping à l’export ainsi créé porte très fortement préjudice non seulement à notre balance commerciale, mais aussi et surtout à l’approvisionnement des scieries françaises, donc à notre industrie de transformation.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous confirmer que le traitement de nos bois et grumes par la pulvérisation de cyperméthrine sera bien interdit au 1er juillet, comme vous l’aviez annoncé en avril dernier ?

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

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Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le député, vous avez évoqué votre rapport. Vous le savez, toutes les recommandations qui avaient été faites, à l’occasion de sa présentation, sont progressivement mises en oeuvre. Je pense en particulier à la prolongation, dans les contrats de l’ONF, du label « Transformation UE », réservé aux chênes dont la transformation s’opère au sein de l’Union européenne.

Cette mesure s’inscrit dans le droit-fil de ce que vous aviez souhaité : la valorisation de nos bois, ici, en France, pour la première, la deuxième et la troisième transformations.

J’ajoute que, la semaine dernière, un excellent colloque s’est tenu à Paris. Un appel à manifestation d’intérêt a été lancé sur les tours en bois. Emmanuelle Cosse va constituer un écosystème d’architectes, d’urbanisme et de constructeurs de bois qui utilisent ce matériau à l’intérieur des immeubles, afin de favoriser des débouchés pour nos bois, qu’ils soient résineux ou feuillus.

S’agissant de la cyperméthrine, son interdiction devait intervenir le 1er avril, mais j’ai repoussé cette échéance de trois mois pour permettre à certains ports, vers lesquels les grumes sont envoyées pour être exportées, de s’adapter. Le 1er juillet, nous interdirons donc la pulvérisation de cyperméthrine en marge des forêts. C’est le sujet important de l’utilisation de produits phytosanitaires qu’il faut réduire. Les ports les plus concernés par les exportations – Le Havre et Fos – nous ont proposé des traitements thermiques qui sont au point et qui permettront d’exporter dans de bonnes conditions phytosanitaires, sans avoir recours à la cyperméthrine.

Voilà, je crois, monsieur le député, la réponse que vous attendiez.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt-cinq.

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L’ordre du jour appelle les explications de vote communes et les votes par scrutin public sur le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (nos 3623, 3785, 3756, 3778) et la proposition de loi organique relative à la compétence du Défenseur des droits pour la protection des lanceurs d’alerte (nos 3770, 3786).

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Dans les explications de vote, la parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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Monsieur le président, monsieur le ministre des finances et des comptes publics, mes chers collègues, nous sommes arrivés au terme de l’examen, en première lecture, d’un projet de loi que le groupe UDI avait suggéré de rebaptiser « projet de loi portant diverses dispositions d’ordre économique, social et financier ». En effet, véritable fourre-tout, traitant de sujets aussi divers que variés, ce texte est la triste mais habituelle illustration de l’absence de cap de ce gouvernement. Il ne sera nullement en mesure de répondre aux grands défis que doit relever notre pays.

Toutefois, globalement, les dispositions qu’il comporte, aussi minimes soient-elles, vont plutôt dans la bonne direction.

Nous saluons tout particulièrement le travail accompli par notre assemblée, plus spécialement les trois commissions concernées, s’agissant notamment de l’encadrement de la rémunération des mandataires sociaux des sociétés, désormais soumise à la décision des assemblées générales d’actionnaires. C’est une mesure que le groupe UDI défendait depuis des années.

Notre groupe est en outre favorable aux mesures de lutte contre la corruption et de protection des lanceurs d’alerte. Pour autant, il est regrettable que l’alerte ne puisse se rapporter qu’à des faits constituant un risque grave pour la santé publique, l’environnement ou la sécurité publique. Ce champ nous paraît trop restrictif ; il aurait mérité d’être élargi.

Quant aux mesures relatives aux représentants d’intérêts, même si la définition qui en est faite ainsi que la liste des acteurs visés ont été utilement précisées et complétées, elles relèvent du pur affichage et ne permettront pas d’améliorer véritablement un système qui devrait gagner en transparence.

Nous regrettons également que le Gouvernement ne nous ait pas entendus sur nos propositions visant à restaurer la confiance des Français dans la vie politique, en refusant, d’une part, d’interdire aux citoyens condamnés pour atteinte à la probité de se présenter aux élections et, d’autre part, d’exiger un certificat de conformité fiscale de la part de tous les candidats à une élection au suffrage universel.

Concernant les mesures liées à l’agriculture, nous regrettons que le Gouvernement se soit montré peu réceptif aux très nombreuses propositions formulées par l’opposition, en grande partie par notre spécialiste des questions agricoles, Thierry Benoit.

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Ainsi, l’amendement sur la décartellisation des centrales d’achat a été balayé d’un revers de main par le ministre Stéphane Le Foll, pourtant conscient de l’importance des enjeux d’une telle disposition.

Nous notons néanmoins quelques avancées pour garantir une plus grande transparence des relations commerciales entre producteurs, industriels et distributeurs, traduisant notamment les préconisations du rapport de Thierry Benoit et d’Annick Le Loch relatif à l’avenir des filières d’élevage. Nous saluons ainsi l’adoption de plusieurs de nos amendements visant à renforcer les pénalités contre les pratiques commerciales abusives de la grande distribution, à prévoir la publication des abus, à mieux contrôler la répartition des marges au niveau européen et à supprimer les pénalités pour retard de livraison imposées aux industriels en cas de force majeure.

Pour autant, nous déplorons que la refonte de la LME – loi de modernisation de l’économie –, annoncée depuis plusieurs mois par le Gouvernement, n’ait pas eu lieu, alors que la crise agricole se poursuit et que les revenus de beaucoup d’ agriculteurs sont négatifs.

Concernant les dispositions adoptées dans la partie consacrée à l’artisanat, le groupe UDI salue la démarche d’écoute tant du Gouvernement que du rapporteur – surtout du rapporteur, dirai-je –,…

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…qui a abouti à une rédaction intelligente et équilibrée de l’article 43.

Nous déplorons toutefois que les micro-entrepreneurs demeurent soumis à l’obligation de détenir un compte bancaire dédié à leur activité professionnelle.

Par ailleurs, nous regrettons qu’un véritable débat n’ait pas été engagé, au sein de la représentation nationale, à propos de la transposition en droit français de plusieurs textes européens, sur ces sujets très importants. Ces transpositions font en effet suite à un travail considérable au niveau européen, reflétant plusieurs mois de travail, voire plusieurs années sur certains thèmes. La rapidité avec laquelle elles sont examinées au niveau national est choquante au regard de nos convictions européennes.

Mes chers collègues, si le groupe UDI déplore l’absence totale de vision politique et d’ambition de ce projet de loi, conformément à ce que nous avions annoncé lors de la discussion générale, nous ne nous opposerons pas aux quelques mesures intéressantes, quoique souvent insuffisantes, qu’il contient. Toutefois, nous aurions espéré que le Gouvernement se montre plus ouvert à nos propositions. C’est pourquoi le groupe UDI s’abstiendra sur ce texte.

Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, chers collègues, au nom des députés du groupe RRDP, je salue le travail parlementaire qui, tant en commission qu’en séance publique, a permis d’améliorer significativement ce projet de loi destiné à prévenir et combattre la corruption, et à moderniser la vie économique.

Certains apports méritent d’être soulignés, qui s’inscrivent dans la lignée des lois sur la transparence de la vie publique et sur la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique. Je pense ainsi au renforcement des pouvoirs de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, à la transparence des emprunts bancaires contractés par les partis politiques et les candidats, à la transparence renforcée pour l’inscription d’États sur la liste des paradis fiscaux, à la création, pour les multinationales, d’un reporting allant au-delà du projet de directive européenne, aux mesures destinées à lutter plus efficacement contre les fonds vautours, à la prise en compte contraignante, lors des assemblées générales, du vote des actionnaires sur les rémunérations versées aux dirigeants ou au renforcement des attributions de la nouvelle Agence française anticorruption, à l’initiative, notamment, de notre collègue Joël Giraud.

Le groupe RRDP se félicite de l’adoption de ces mesures, qui vont dans le bon sens, même si – nous ne sommes pas naïfs – elles seront toujours insuffisantes pour mettre fin aux abus de la finance internationale.

Nous sommes satisfaits de l’adoption d’un amendement de notre groupe, reprenant une partie de notre proposition de loi adoptée à l’unanimité de cette assemblée le 10 mars dernier, qui prévoit le report du point de départ du délai de prescription de l’action publique pour les infractions occultes ou dissimulées.

D’autres amendements déposés par le groupe RRDP ont été adoptés ou satisfaits.

Sur le volet agricole, nous notons les améliorations obtenues au cours des débats afin de corriger certaines défaillances de la LME, en rééquilibrant les relations commerciales. Je me félicite de l’instauration, dans les contrats agricoles, d’une référence à des indicateurs publics de coût de la production en agriculture, ou encore de l’interdiction pour sept ans de la revente des contrats laitiers entre producteurs et industriels.

Nous avons aussi limité la dérive des promotions sur les produits alimentaires. Nous avons enfin obtenu qu’un travail d’analyse aboutisse à un rapport évaluant la mise en oeuvre de la clause de renégociation prévue par le code du commerce. Enfin, le renforcement de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires a été voté.

Nous avançons, même si nous sommes encore loin du compte, et je suis convaincue que nous devrons aller encore plus loin, dans les mois et les années à venir, pour rééquilibrer le rapport de forces entre agriculteurs, industriels et distributeurs. L’adoption d’un amendement de compromis visant à mieux réguler la vente au déballage de fruits et légumes frais et à éviter toute forme de concurrence déloyale ne nous satisfait pas encore. Vous pouvez compter sur nos propositions pour l’améliorer d’ici à la seconde lecture.

Par ailleurs, la réduction de douze à six mois de la durée de validité des chèques nous semble présenter des difficultés. Comme le souligne le Conseil d’État dans son avis, les conséquences n’en ont probablement pas été suffisamment analysées.

Quant aux dispositions relatives aux artisans, nous sommes fermement attachés à la défense des savoir-faire et qualifications professionnels et nous sommes satisfaits du maintien du stage préalable à l’installation et de la reconnaissance du statut d’artisan cuisinier.

Nous étions favorables à la suppression de l’article 43 mais le travail réalisé en séance – je salue à cet égard la détermination de la présidente de la commission des affaires économiques, Mme Frédérique Massat – a profondément et heureusement corrigé et expurgé les dispositions fortement contestées. La nouvelle mouture, plus raisonnable, a donc été adoptée, après plusieurs heures de débat.

Sachez, monsieur le ministre, que les radicaux de gauche resteront vigilants quant à la préservation de l’équilibre de la loi du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, défendue par notre collègue Sylvia Pinel, qui était alors ministre.

Malgré toutes ces réserves, les membres du groupe RRDP voteront le projet de loi et la proposition de loi organique.

Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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La parole est à M. Alain Bocquet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Monsieur le ministre, sous l’intitulé ronflant de « transparence, lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique », votre projet de loi est, en fait, réduit à la portion congrue. Après les espoirs suscités par la qualité des travaux de la commission des lois, la déception est au rendez-vous pour tous ceux qui attendaient un tournant dans la politique d’une France qui restera longtemps au vingt-troisième rang du baromètre mondial des pays les moins corrompus. En fait, vous êtes resté au milieu du gué. C’est une occasion manquée, qui peut toutefois encore être rattrapée d’ici à la fin de la navette parlementaire.

La création de l’Agence française anticorruption, dont les objectifs sont louables, voit sa portée limitée, faute d’indépendance véritable à l’égard de toute influence politique. Et quid des moyens qui lui seront accordés ?

En rejetant nos amendements, vous avez, une fois de plus, tiré le « verrou de Bercy », cette exception française qui permet aux « triche-fisc » de s’acheter l’impunité, voire l’immunité. Comme l’a dit un collègue dans le débat : « Les amendes ne les effraient aucunement car ils savent qu’elles seront payées, soit par les entreprises, soit par les bénéfices redistribués. Le système de transaction fiscale tel qu’il existe actuellement encourage donc la fraude, dans la mesure où il neutralise le risque. »

À propos des lanceurs d’alerte, la définition retenue est insatisfaisante car elle ne protège pas ceux qui dénoncent une menace ou un préjudice grave pour l’intérêt général : elle ne couvrirait pas le cas d’Antoine Deltour, lanceur d’alerte du scandale LuxLeaks. On doit pouvoir faire mieux !

La création d’un registre des lobbyistes va dans le bon sens mais son efficacité nécessite de le doter d’une procédure de sanction effective des lobbyistes peu scrupuleux. Allez-vous vous y engager ?

En vous retranchant derrière une directive européenne en préparation, qualifiée de « fumisterie » par l’un de nos collègues, vous proposez une usine à gaz, au lieu d’un vrai reporting pays par pays. Celui-ci reste confiné dans le secret des administrations fiscales,…

Sourires.

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…alors que la transparence véritable réclame qu’il soit public. Si les choses restent en l’état, ce sera à coup sûr l’inefficience, alors que la France devrait être pionnière dans la lutte contre la fraude fiscale, qui coûte chaque année 80 milliards d’euros à notre pays et 1 000 milliards à l’Europe.L’heure n’est vraiment pas à la mièvrerie.

Le manque de traçabilité de la décision publique, les conflits d’intérêts et les pantouflages – tel celui de M. Bézard, passé de la direction générale du Trésor à la direction d’un fonds franco-chinois, dont on dit qu’il a des intérêts dans certains paradis fiscaux – passent très mal auprès des Français. Or votre projet de loi, au point où nous en sommes, fait un peu sabre de bois.

Face à cela, monsieur le ministre, soyons clairs : l’ambition affichée ne saurait suffire. Seuls les actes seront susceptibles d’orienter notre vote définitif. Bien sûr, les dispositions déplorables visant à « macroniser » l’artisanat et les petites entreprises ont été très justement liquidées, une à une, par l’Assemblée.

Enfin, pour encadrer les rémunérations patronales, ce projet de loi se contente de rendre le vote des actionnaires décisionnel. C’est clairement insuffisant quand le pacte social est en jeu. Vous avez décidé de rejeter toutes nos propositions, pourtant adoptées en mai dernier, qui visaient à encadrer les dérives de ces prétendus « super-patrons ».

Au bout du compte, les réponses apportées ne sont pas à la hauteur des enjeux. Les fraudeurs de la finance, les optimisateurs, blanchisseurs et évadés ou exilés fiscaux qui nous volent pourront encore dormir sur leurs deux oreilles si rien ne bouge d’ici à la fin du parcours de cette loi anticorruption.

Pour toutes ces raisons, notre groupe s’abstiendra sur ce texte, mais nous restons évidemment prêts à discuter avec le Gouvernement pour l’améliorer.

Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Sur l’ensemble du projet de loi et de la proposition de loi organique, les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

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De HSBC au scandale du Mediator, de Volkswagen aux Panama papers, l’actualité nous appelle à être plus efficaces pour lutter contre l’opacité, les trous noirs de la finance internationale, la corruption et ceux qui en profitent.

À l’initiative du groupe socialiste, la protection des lanceurs d’alerte – qui, malgré le discours de certains, ne sont pas des délateurs, mais au contraire des défenseurs de l’intérêt général – est désormais confiée au Défenseur des droits, institution bien identifiée, présente sur tout le territoire et intouchable, puisqu’elle a rang constitutionnel.

Nous avons du reste prévu une mesure de référé prud’homal, demandée sur de nombreux bancs de cette assemblée, car les premières représailles auxquelles s’exposent les lanceurs d’alerte, ce sont le harcèlement et le licenciement. Transparence, lutte contre la corruption, modernisation de l’économie : ces objectifs se nourrissent mutuellement et ne s’opposent pas les uns aux autres. Le projet de loi que nous allons voter offrait d’emblée un cadre ambitieux, que l’Assemblée a considérablement enrichi, même si c’est peut-être encore insuffisant.

Pour notre groupe, la transparence n’est pas la tyrannie contemporaine que certains dénoncent mais une exigence de nos concitoyens et une condition de la confiance qu’ils placent dans leurs institutions. Rendre accessible et lisible la façon dont se forge une décision publique ou dont s’exerce un mandat électif ou une haute fonction publique, avec la création d’un registre des représentants d’intérêts, que nous avons voulu commun à l’exécutif, aux parlementaires et aux collectivités territoriales, constitue une grande avancée.

C’est aussi pourquoi nous avons souhaité rendre publics les avis de la commission de déontologie à propos du passage des hauts fonctionnaires dans le privé.

Nous avons aussi voulu aller plus loin pour prémunir notre démocratie contre des influences occultes, en instaurant une obligation de transparence sur les emprunts qui financent les campagnes et les partis politiques.

Oui, nous pensons que la transparence est souhaitable, y compris en matière économique.

Notre groupe a soutenu des amendements permettant de mieux encadrer les relations commerciales entre producteurs agricoles, entreprises agroalimentaires et distributeurs, afin de permettre une plus juste répartition de la valeur entre ces différents acteurs.

Le texte prévoit également de nombreuses mesures utiles de modernisation de l’économie ; certaines d’entre elles inquiétaient.

Sous l’égide de Frédérique Massat, présidente de la commission des affaires économiques, l’article 43 articule désormais la préservation et la reconnaissance des qualifications nécessaires aux artisans avec l’indispensable valorisation des acquis de l’expérience pour les personnes qui recherchent un emploi et pourraient le trouver dans ces secteurs.

Pour nous, la transparence est aussi une arme dans la lutte contre l’optimisation fiscale et nous avons adopté ensemble de nouvelles mesures dans ce domaine. Je pense en particulier aux prix de transfert ou au registre des bénéficiaires effectifs des sociétés.

Nous avons voulu aller plus vite et plus loin encore que ce que prévoit la directive européenne en discussion à propos du reporting public, en prévoyant un périmètre mondial : la France dira désormais que c’est à l’échelle du monde que doit être établi, pays par pays, un reporting sur les entreprises et leurs activités.

Oui, ce texte traduit une lutte déterminée contre la corruption, avec une Agence française anticorruption, dotée de moyens importants.

Nous avons voulu compléter ce dispositif en travaillant contre l’impunité dans ce domaine. Grâce au rapporteur, Sébastien Denaja, que je salue, le juge devra désormais obligatoirement se prononcer sur l’inéligibilité des élus condamnés pour corruption.

L’impunité, c’est aussi celle dont bénéficient les entreprises coupables de la corruption transnationale : aucune d’entre elles n’a jamais été condamnée définitivement en France. C’est pourquoi nous avons adopté un dispositif de convention judiciaire d’intérêt public,…

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…qui entraînera des sanctions financières lourdes et rapides à l’encontre de ces entreprises, c’est-à-dire des réparations pour les victimes, pour la société et pour nos finances publiques. Cette convention, qui sera publique et prononcée par un juge, associera les victimes à la détermination de la peine qu’effectueront les entreprises condamnées.

Nous menons ensemble – toute la gauche, et même ceux qui, sur les bancs de l’UDI, ont décidé de s’abstenir –, avec notre rapporteur et nos rapporteurs pour avis, Sébastien Denaja, Romain Colas et Dominique Potier, et avec tous les élus membres du groupe que je représente à cette tribune,…

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…la bataille contre l’optimisation fiscale, contre les fonds vautours, pour la transparence et contre l’impunité, afin de mettre de l’éthique dans la mondialisation. Dans les semaines qui viennent, j’en suis sûre, nous continuerons ce combat.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Je demande aux uns et aux autres de regagner leur place en silence.

La parole est à M. Olivier Marleix, pour le groupe Les Républicains.

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Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis aujourd’hui aurait pu être consensuel, mais il aura eu la malchance d’arriver au mauvais endroit, au mauvais moment, en quelque sorte.

Plutôt que de rechercher un consensus droite-gauche, qui aurait été possible sur bien des objectifs – nous n’avons ainsi pas eu de divergences de fond sur le respect des décisions des conseils d’administration en matière de rémunération –, le Gouvernement a donné la priorité à un consensus interne au groupe socialiste.

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Dans les circonstances actuelles, ce fut un exercice bien compliqué, qui nous a éloignés de l’esprit initial du texte.

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Au final, ce projet de loi pavé de bonnes intentions condamne un peu plus à l’enfer nos entreprises françaises, en leur imposant de nouvelles contraintes.

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Le cas du reporting public pays par pays est sans doute le plus significatif. Même si ce reporting est conditionné par l’adoption d’une directive européenne sur le sujet, ce texte fait le choix fou d’aller plus vite et plus loin que les pays concurrents,…

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…en abaissant le seuil de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires prévu dans la directive à 500 millions d’euros dans deux ans, puis à 250 millions d’euros dans quatre ans.

Cette mesure est évidemment néfaste pour l’attractivité économique de notre pays et nos entreprises, lesquelles verront ainsi toutes les informations relatives à leurs positions à l’étranger livrées à leurs concurrents mondiaux.

Vous faites aussi le choix de baisser le seuil du reporting aux administrations fiscales en l’étendant à toutes les entreprises dont le chiffre d’affaires excède à 50 millions d’euros, contre 750 millions d’euros aujourd’hui : là encore, vous créez un nid à contentieux pour nos entreprises au lieu de soutenir leur compétitivité.

De la même façon, vous retenez des seuils très bas pour les obligations de prévention de la corruption – exigence d’un code de bonne conduite, cartographie des risques, vérification de l’intégralité des clients et fournisseurs –, qui seront très lourdes pour des entreprises généralement dépourvues des moyens pour s’en acquitter.

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La lutte des classes existe encore de nos jours !

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Enfin, vous contraignez les entreprises de plus de cinquante salariés à se doter de procédures internes pour le recueil d’alertes : avec un seuil aussi bas, on est loin de créer un environnement administratif favorable aux entreprises.

S’agissant des représentants d’intérêt, le débat, là aussi, s’est achevé de manière bien caricaturale, les syndicats d’employeurs étant suspectés de moins bien représenter l’intérêt général que les syndicats de salariés. Nous n’avons visiblement pas la même lecture de ce qui se passe en ce moment dans notre pays.

Comment se satisfaire, par ailleurs, d’un dispositif qui traite les représentants des cultes comme des représentants d’intérêts particuliers, soumis à une longue liste d’obligations, en ces temps où la République aurait besoin, plus que jamais, de discuter avec eux ?

En revanche, n’étant pas à une contradiction près, la majorité a repoussé tous les amendements, fussent-ils du rapporteur, qui entendaient mieux contrôler le pantouflage des hauts fonctionnaires dans le privé, en les faisant par exemple entrer dans le champ de contrôle de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, comme le proposait Sébastien Denaja, ou en rendant obligatoire la publication des avis de la Commission de déontologie, qui ne sera que facultative. Les relations d’influence constituant pourtant un réel sujet. Nous ne pouvons que constater que votre texte reste boiteux.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.

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Vous créez également un répertoire des représentants d’intérêt commun au Parlement et à l’exécutif, géré par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, dont le président, je le rappelle, sera nommé par décret du Président de la République. Nous espérons que les précautions de procédure qui ont été prévues seront respectées et que ces dispositions ne permettront aucune forme d’atteinte à la séparation des pouvoirs, par une quelconque immixtion dans le travail parlementaire.

Sur le volet anticorruption, nous saluons le retour d’un dispositif de transaction pénale, que nous avions appelé de nos voeux, notamment avec Pierre Lellouche : il permettra aux entreprises de payer une amende plutôt que de subir une condamnation judiciaire.

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Nous craignons cependant que l’Agence française anticorruption et ses préoccupations ne soient globalement trop franco-françaises et que cette agence ne se concentre sur nos entreprises plutôt que de cibler les faits de corruption transnationaux, qui devraient constituer sa cible prioritaire.

Nous regrettons aussi que le Gouvernement n’ait pas profité de ce texte pour mieux défendre nos entreprises, notamment dans les secteurs stratégiques, face au dispositif de justice négociée de grandes puissances étrangères. L’affaire Alstom a pourtant montré qu’il existait un lien direct entre ces sujets et que nous étions trop désarmés.

Quant à la LME, qui s’est invitée dans ce débat, vous aurez passé quatre ans à dire qu’il fallait la réformer sans jamais rien proposer pour ce faire.

Au bout du compte, notre seule vraie satisfaction tient au renoncement du Gouvernement sur l’article 43, demandé d’ailleurs sur tous les bancs de notre assemblée, pour préserver les exigences de qualification professionnelle de nos artisans.

Vous l’aurez compris, le groupe Les Républicains votera contre ce texte.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants: 548 Nombre de suffrages exprimés: 503 Majorité absolue: 252 Pour l’adoption: 304 contre: 199 (Le projet de loi est adopté.)

Vote sur l’ensemble

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Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi organique.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants: 548 Nombre de suffrages exprimés: 504 Majorité absolue: 253 Pour l’adoption: 304 contre: 200 (La proposition de loi organique est adoptée.)

La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à seize heures cinquante-cinq, sous la présidence de M. David Habib.

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L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à lutter contre la discrimination à raison de la précarité sociale (nos 2885, 3799).

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La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville, secrétaire d’état chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mesdames et messieurs les députés, nous sommes ici pour faire barrage à une nouvelle forme de discrimination qui a tendance à se propager dans le pays : la mise à l’écart de celles et ceux qui sont les plus fragiles, les plus vulnérables, celles et ceux qui, justement, ont le plus besoin d’aide.

Vous le savez, mais il convient de rappeler, la vie est faite de va-et-vient successifs, de petits pas, parfois de grands bonds en avant, mais aussi de périodes difficiles, d’accidents, de séparations, de ruptures. L’important, pour celles et ceux qui, à un moment donné, traversent un de ces moments difficiles, est de ne pas se sentir seuls, de ne pas se sentir isolés et de garder confiance en eux, dans leur environnement, dans leur entourage, bref, de garder confiance dans la société à laquelle ils appartiennent.

Le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale – dont certains, au demeurant, semblent ignorer l’existence, à tel point qu’ils en font un argument de campagne dans le cadre des primaires de la droite – a été adopté dès le mois de janvier 2013. Il est destiné à permettre à chacun d’accéder à une vie digne sur le plan matériel, avec la revalorisation des minima sociaux et des prestations familiales, mais aussi, au-delà des questions purement financières, d’accéder à l’emploi, à la formation, au logement, aux soins et aux services de santé. Ce plan a été évalué chaque année depuis 2013 et régulièrement renforcé, enrichi, à partir de ces évaluations, afin de l’adapter à l’évolution des besoins et des situations. Il est conçu à la fois comme un bouclier social, protégeant ceux qui font face à des difficultés, mais aussi comme un tremplin social, afin de permettre aux personnes de se saisir des opportunités qui se présentent à elles pour rebondir et pour s’émanciper. C’est l’idée qu’il faut adapter l’environnement aux individus et non les individus à leur environnement, afin que chacun puisse trouver la liberté d’agir, de choisir et de s’émanciper pleinement.

Qu’est-ce que la précarité ? C’est une absence d’opportunités : telle est la définition qu’en a donné le prix Nobel d’économie Amartya Sen. Elle peut conduire à la grande pauvreté lorsqu’elle compromet gravement les chances de reconquérir ses droits. Et c’est bien de cela qu’il s’agit aujourd’hui : ce qui est au coeur de ce texte, déposé par le sénateur Yannick Vaugrenard, dont je veux saluer ici l’engagement et la détermination, c’est l’idée de garantir les mêmes droits et les mêmes chances à tous nos concitoyens ; c’est aussi celle de ne pas enfermer définitivement les personnes dans leurs difficultés.

L’accès aux droits est précisément au coeur du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté. Même si, bien sûr, il reste encore beaucoup à faire, nous avons mis en place, avec Marisol Touraine – et aussi avec Christophe Sirugue –, un certain nombre d’actions très concrètes pour simplifier les démarches des personnes en difficulté et ainsi simplifier l’accès au droit. Nous avons par exemple mis en place les rendez-vous des droits dans les caisses d’allocations familiales et nous avons mis en ligne un simulateur des droits sociaux qui permet à chacun de connaître, en quelques clics, l’ensemble de ses droits.

Mais force est de constater qu’un certain nombre de personnes se heurtent encore à des parois invisibles, dressées souvent involontairement par la société elle-même : ces parois invisibles empêchent les personnes non seulement d’accéder à leurs droits mais aussi de rebondir quand elles sont en difficulté.

Le plan pauvreté affirme le principe d’objectivité comme un principe fondamental face aux situations de pauvreté et d’exclusion : il s’agit de ne pas porter de jugement sur les personnes confrontées à des difficultés et de ne considérer que les faits.

Le second principe affirmé par le plan pauvreté est le principe de non-stigmatisation : on n’a pas à s’excuser d’être pauvre, comme si l’on avait choisi d’être pauvre. Certains pensent encore qu’on choisit de l’être, par volonté ou par paresse ; ce plan pluriannuel affirme exactement le contraire.

Oui, les personnes en difficulté sociale sont encore trop régulièrement perçues comme responsables de leur situation. Or, la plupart du temps, elles n’osent même plus faire valoir leurs droits : chacun sait ici que le non-recours aux droits, en France, représente une masse financière plus importante que la prétendue fraude aux prestations sociales. Beaucoup de personnes renoncent, de peur d’avoir à essuyer un refus et d’être renvoyées à leur situation, comme si elles ne devaient plus jamais espérer en sortir.

Ces situations ne sont absolument pas dignes de la France et de ses valeurs, valeurs d’humanité, de fraternité, d’égalité et de solidarité qui semblent parfois bien fragiles. C’est pourquoi nous devons, au quotidien, réagir collectivement.

Au-delà de ses intentions louables que personne ne conteste, je sais qu’un certain nombre de questions se posent quant à l’intérêt et à l’utilité de cette proposition de loi ; ces questions sont légitimes et je veux y répondre précisément.

Tout d’abord, en quoi ce texte permettra-t-il de faire progresser réellement les droits des personnes en difficulté ? Ne disposons-nous pas déjà un arsenal juridique suffisant, comportant vingt critères de discrimination, dont certains ajoutés très récemment, comme l’apparence physique ou le lieu de résidence, en 2014 ?

Avant d’entrer au Gouvernement, j’ai moi-même contribué, en tant que parlementaire, à faire ajouter, dans la loi relative au harcèlement sexuel, une circonstance aggravante en cas de vulnérabilité économique de la personne victime, afin que l’abus de faiblesse soit puni plus sévèrement dans ce domaine. Mais je suis aujourd’hui convaincue que ce critère doit désormais valoir dans tous les domaines.

Pourquoi ? Parce qu’il n’est pas acceptable que des personnes déjà en difficulté se voient refuser l’accès à des biens essentiels, qui leur permettraient pourtant de s’en sortir, pour la simple raison qu’on les soupçonne de façon injustifiée de ne pas être en capacité de payer.

Je pense bien sûr au logement, préalable essentiel pour pouvoir envisager sereinement le quotidien. Il n’est pas question, bien sûr, de remettre en cause le refus de vente ou de location en cas d’insolvabilité, expressément prévu par la loi. Mais l’insolvabilité présumée, pour la simple raison qu’on serait par exemple bénéficiaire de prestations sociales, ne peut en aucun cas constituer un motif légitime de refus : cela reviendrait à condamner ces personnes et à les assigner à leur situation. Face à ce risque de dérive vers ce que je qualifierai de société du soupçon et de l’arbitraire, nous avons un devoir d’objectivité, qui nous oblige à poser de nouvelles limites.

Après la logement, je pense également à l’accès aux services publics : ils doivent être ouverts à tous de façon universelle et inconditionnelle, sans quoi ils cesseraient d’être des services publics. L’accès à la culture pour tous, à l’emploi, à l’énergie, à l’eau et maintenant à internet : ces services, essentiels pour accéder à la vie sociale et professionnelle, doivent être garantis à tous, dans les mêmes conditions, afin que chacun dispose des mêmes opportunités pour s’émanciper. C’est à cette condition que nous pourrons redonner confiance à l’ensemble de nos concitoyens.

Ce nouveau critère permettra également, je l’espère, de dissuader les tentatives de retraits de droits au préjudice de personnes en difficulté, comme on en voit parfois, aussi bien que les tentatives d’ajouts de devoirs supplémentaires. Par exemple, il y a deux semaines, une proposition de loi sur la fraude sociale était examinée au Sénat : l’un de ses articles consistait à imposer la signature d’une charte des valeurs républicaines aux bénéficiaires du RSA, et seulement à eux, comme si cette charte n’était valable que pour les bénéficiaires du RSA et non pour l’ensemble des citoyens français. Les allocataires du RSA seraient-ils des sous-citoyens, qui auraient un devoir de réparation vis-à-vis de la République ? Quelle faute ont-ils commise ? Avec de telles propositions, nos valeurs républicaines sont en partie brouillées, je le crains. C’est pourquoi je crois nécessaire que la législation soit renforcée, afin qu’elle puisse jouer son rôle de garde-fou.

Cette proposition de loi n’est pas un simple étendard que l’on brandirait pour se donner bonne conscience. Il s’agit bel et bien de se doter d’un nouvel arsenal juridique, qui devra se traduire par des peines, afin qu’il puisse pleinement jouer son rôle de sanction mais aussi de dissuasion des comportements qui s’écarteraient de la loi. C’est de cette façon que nous avons pu faire reculer le racisme, le sexisme ou l’homophobie. Eh bien, nous aurons désormais une nouvelle tâche : celle d’inventer un terme pour désigner cette forme de discrimination à l’encontre des plus précaires.

Bien sûr, pour être appliquée, cette loi devra être interprétée par les juges de façon équilibrée, afin de préserver à la fois la liberté économique et la non-discrimination. Pour cela, je fais confiance à tout ce que notre pays compte de juristes.

Quoi qu’il en soit, la complexité de ce nouveau critère – sachant que la difficulté n’est pas plus grande que lorsque nous en avons défini d’autres – ne doit pas faire obstacle au combat essentiel que nous devons mener pour l’égalité entre les citoyens. Vous le savez, à chaque fois qu’est ajouté un critère de discrimination dans la liste, l’argument des opposants – en tout cas de ceux qui ne sont pas pour – est de dire qu’il sera inapplicable ou trop compliqué à invoquer. C’est ce qui s’est produit au sujet de l’apparence physique. Je crois qu’il ne faut pas céder à cet argument parce que, de fait, prouver la discrimination est toujours difficile, quel que soit le critère.

Au-delà des contentieux juridiques qui pourront intervenir, cette loi vise par ailleurs à agir contre les stéréotypes, car la loi a aussi un rôle pédagogique : en établissant une nouvelle norme, elle permettra de faire évoluer les représentations, de faire prendre conscience à tous que la pauvreté n’est pas une fatalité, qu’on n’est pas responsable de sa situation et que celle-ci n’est pas irréversible ni innée.

Cette loi vise aussi à redonner confiance à celles et à ceux qui ont perdu espoir, afin qu’ils sachent que le droit peut être de leur côté, qu’il est possible de demander un logement, un emploi, une place en crèche, dans les mêmes conditions que les autres. Si on est insolvable, on est insolvable, mais on n’a pas moins de droits que les autres. Ces personnes ne doivent pas être renvoyées à leur situation, comme s’il ne leur était jamais permis d’en sortir. De telles attitudes sont contraires à nos valeurs ; grâce à ce texte, je l’espère, elles deviendront contraires à nos lois.

Vous l’avez compris, le Gouvernement est donc tout à fait favorable à cette proposition de loi.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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La parole est à M. Michel Ménard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, l’Assemblée nationale est appelée à se prononcer sur une proposition de loi visant à lutter contre la discrimination à raison de la précarité sociale. Rédigé par le sénateur Yannick Vaugrenard, dont je tiens ici à saluer le travail, et appuyé par ses collègues du groupe socialiste et républicain, ce texte a été adopté il y a près d’un an au Sénat, par tous les sénateurs de gauche, sans aucun vote contre, les sénateurs des groupes Les Républicains et Union des démocrates et indépendants ayant très majoritairement voté pour ou s’étant abstenus.

Dans la France du XXIe siècle, la lutte contre la pauvreté doit demeurer une préoccupation prioritaire des pouvoirs publics. Alors que le chômage vient d’entamer sa décrue mais touche encore près de 10 % des actifs, l’INSEE a estimé la proportion de pauvres au sein de la population à plus de 14 % en 2014, soit 8,5 millions de personnes.

Le Gouvernement et les collectivités territoriales se mobilisent au quotidien pour lutter contre l’exclusion des plus fragiles, contre leur relégation au ban d’une société qui ne se montre guère clémente envers les plus faibles. L’action des associations ne saurait davantage être tue : sans le dévouement des bénévoles, sans la générosité des donateurs, sans l’abnégation des intervenants sur le terrain, un grand nombre de situations humaines basculeraient immanquablement dans l’indignité.

Mais le traitement social de la pauvreté ne la rend pas supportable, tolérable, acceptable pour autant. L’objet de cette proposition de loi n’est d’ailleurs pas seulement social, il est aussi et surtout juridique : il s’agit d’éviter qu’à la dureté d’une condition économique viennent s’ajouter les rigueurs d’une discrimination d’autant plus scandaleuse qu’insidieuse, qui dénie aux victimes les droits dont elles sont pourtant légitimement assurées.

La prise en compte juridique de la précarité sociale dans une optique de lutte contre les discriminations demeure toutefois délicate, compte tenu de la multiplicité des situations de fait imaginables. S’il n’est pas douteux que les personnes en grande pauvreté peuvent faire l’objet de perceptions négatives, voire d’un traitement différent en raison de ces perceptions, toute rupture d’égalité ou traitement différentiel ne constitue pas, en soi, une discrimination : le principe d’égalité n’interdit pas de traiter différemment des personnes placées dans des situations différentes et, dans une situation de concurrence économique pour l’accès à un bien rival, il n’est pas illégitime que le critère financier entre en compte pour départager les acquéreurs potentiels. En droit, une discrimination se définit comme une distinction fondée sur des raisons ou des critères spécialement désignés par la loi. Avant de prohiber l’exclusion des pauvres sur le seul motif de leur pauvreté, il convenait donc de prêter un soin particulier à la rédaction retenue : toute imprécision, source d’incertitude et d’insécurité juridique, aurait pour seule conséquence de rendre la norme inapplicable en pratique.

Or, l’étude des faits témoigne de l’existence bien réelle d’une discrimination à l’encontre des pauvres et des précaires. Citée par le rapporteur du Sénat, une enquête d’ATD Quart Monde montre que 97 % des Français tiennent pour véridique au moins un préjugé sur les personnes pauvres : pour 51 % des sondés, « les pauvres font des enfants parce que les allocations leur donnent plus de pouvoir d’achat » ; pour 32 % d’entre eux, « les pauvres fraudent plus que les autres ». Ces préventions ne sont pas seulement détestables . elles accroissent surtout la détresse des personnes touchées parce qu’elles présument de leur malhonnêteté, de leur simplicité d’esprit ou, plus tristement, de leur absence d’humanité. Mes chers collègues, juger un pauvre inapte à occuper un emploi ou à prendre soin d’un logement simplement parce qu’il est pauvre, c’est se donner toutes les raisons d’écarter sa candidature sans autre motivation, et c’est la logique même d’une discrimination contraire à nos idéaux républicains.

En 1993, la contribution de l’association ATD Quart Monde à l’ouvrage La lutte contre le racisme et la xénophobie, 1993 : exclusion et droits de l’homme de la commission nationale consultative des droits de l’homme soulignait déjà : « Certaines personnes sont victimes d’une discrimination caractérisée quand tout à la fois la responsabilité de leur situation leur est imputée, leur passé de misère et d’exclusion leur est reproché, leur parole est discréditée, leurs entreprises ou leurs comportements sont dénigrés du seul fait qu’ils apparaissent comme des individus sans statut reconnu ni représentation agréée. […] Cette discrimination sociale et politique génère chez ceux qui la subissent des sentiments de honte, de culpabilité et de souffrance de ne pas être considérés à égalité avec les autres êtres humains de leur propre société. Elle cultive chez ceux qui la reproduisent, même de façon passive, une banalisation du mépris ou de l’indifférence à l’encontre des plus pauvres. » Ce constat conserve toute sa pertinence vingt-trois ans plus tard, quand l’hostilité diffuse à laquelle se heurtent les plus pauvres se double parfois de l’écho détestable conféré à la parole de certains, qui s’autorisent à fustiger un prétendu « assistanat » et à pointer du doigt les plus vulnérables, sans rien connaître des souffrances qu’ils endurent du fait de leur condition ni des efforts qu’ils déploient pour tenter d’en extraire.

Afin que chacun comprenne bien les cas qu’il s’agit de combattre avec cette loi, je me permets de reprendre deux exemples, que j’ai cités devant la commission des lois après les avoir empruntés au sénateur Yannick Vaugrenard.

Il y a d’abord cette famille composée d’une mère avec sept enfants vivant dans un logement insalubre. Elle présente un dossier pour obtenir un logement décent et suffisamment grand pour l’accueillir. Deux semaines après avoir donné son accord, le bailleur revient sur son engagement : il refuse de louer son bien à cette famille « parce qu’elle présente un risque d’insolvabilité élevé ». Cela pourrait être un motif légitime de refus mais le montant de l’aide personnalisée au logement couvrait intégralement le montant du loyer et le fonds de solidarité pour le logement apportait en sus sa garantie.

Le deuxième exemple concerne le domaine de la santé. Un enfant est suivi par un dentiste. Au début des soins, la famille bénéficie d’une mutuelle et tout se passe très bien. Puis, pour diverses raisons, elle est amenée à relever de la couverture maladie universelle complémentaire. Avant la consultation, la mère de l’enfant prévient de ce changement de situation. Le dentiste vient alors dans la salle d’attente et, devant les autres patients, explique à la famille qu’il ne peut poursuivre le traitement, qu’il arrête les soins et les renvoie en conséquence vers l’hôpital.

Le fait discriminatoire existe donc bel et bien au quotidien. Il faut incombe dès lors de le traduire en droit pour le sanctionner efficacement.

Sur ce point, le Sénat a amélioré la qualité du texte qui lui était soumis. Sa commission des lois a approuvé le principe d’une inscription de l’interdiction de la discrimination sur le fondement de la situation sociale, non seulement dans le droit pénal mais aussi dans le code du travail et dans la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation du droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Elle a cependant écarté avec raison l’expression « précarité sociale », excessivement floue, qui figurait dans la rédaction initiale, pour retenir en tant que critère prohibé la « vulnérabilité » des personnes « résultant de leur situation économique », déjà connue dans le droit français. Cette option satisfait l’exigence constitutionnelle de précision et de légalité de la loi pénale. Elle présente l’avantage de l’objectivité, quand l’appréciation de la précarité et de la pauvreté relève d’un jugement subjectif, qui aurait pu poser des difficultés aux juridictions ou, plus grave encore, conduire le Conseil constitutionnel à censurer les travaux du Parlement, dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité.

Dans le texte adopté par le Sénat, la discrimination serait constituée en cas de distinction opérée entre des personnes à raison « de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue » de l’auteur de la discrimination.

Certes, la preuve d’un comportement fautif sera difficile à apporter, comme elle l’est dans toutes les affaires de discrimination. Avec une vingtaine de cas chaque année, ces dossiers ne sont pas de ceux qui engorgent les tribunaux. Mais qu’il me soit permis de penser que la vertu de la loi ne se limite pas à l’évaluation quantitative de la répression. Affirmer que la relégation des pauvres, des personnes précaires et également des jeunes – auxquels ce texte s’adresse aussi – hors de la société est contraire aux valeurs communes, cela fera déjà changer les regards et évoluer les pratiques, cela éveillera les consciences et étouffera les mauvais instincts. La mobilisation de chacun, en faisant connaître le caractère inacceptable de telles injustices, fera reculer ces dernières, comme hier le racisme, l’homophobie ou le sexisme.

Le Sénat a également choisi de réprimer exclusivement les comportements discriminatoires aboutissant à des exclusions d’accès aux biens et aux services, non les propos et discours, pour méprisables qu’ils soient. Parce que les commentaires malveillants à l’encontre des personnes en situation de précarité sont déjà réprimés par le délit d’injure et parce qu’il ne semble pas souhaitable de créer une circonstance aggravante qui les mettrait sur le même plan que les injures raciales, il semble préférable de laisser inchangée la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Enfin, le Sénat a souhaité assurer la légalité des politiques de retour vers l’emploi, favorables aux embauches de personnes en grande précarité, qu’une lecture rigoriste du texte aurait pu conduire à juger discriminatoires. Ce dispositif, comme l’ensemble de la proposition de loi, a été étendu aux territoires d’outre-mer disposant d’une autonomie législative.

Les travaux du Sénat permettent à l’Assemblée nationale d’être saisie d’un texte cohérent. Aucun obstacle ne s’oppose ainsi à une adoption rapide de la proposition de loi, réclamée par les associations actives dans la lutte contre l’exclusion. Cela nous permettra de surcroît de réaffirmer ici cette priorité de l’État qu’est la lutte efficace contre les discriminations.

La pauvreté est déjà une épreuve ; elle n’a pas à se doubler d’humiliation, de stigmatisation, de rejet. Inscrire aujourd’hui dans la législation le critère de la discrimination en raison de la vulnérabilité économique, c’est rendre aux exclus une part de leur dignité, affirmer qu’ils possèdent des droits et n’ont pas à en avoir honte. C’est aussi dire aux personnes mieux dotées qu’elles doivent garder à l’esprit l’idéal fédérateur de la République française, les sensibiliser afin qu’elles dépassent des préjugés dont elles aussi auront honte lorsqu’elles auront pris conscience.

Par le vote de cette proposition de loi, qui n’a pas rencontré d’opposition lors de son examen par la commission des lois, l’Assemblée nationale promouvra une nouvelle fois, selon le mot de Voltaire, « ce commencement de fraternité qui s’appelle la tolérance ».

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Jacques Candelier.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en 2014, l’INSEE estimait la proportion de pauvres en France à plus de 14 %, soit 8,5 millions de personnes.

En situation de pauvreté et de précarité, ces dernières subissent une double peine puisqu’à la pauvreté s’ajoute la discrimination dans tous les domaines : santé, logement, emploi, formation, justice, éducation, vie familiale, exercice de la citoyenneté et relations avec les services publics. Cette double peine engendre le cercle vicieux de la pauvreté car les discriminations dont peuvent faire l’objet les personnes pauvres contribuent à aggraver leur situation et à accroître l’exclusion sociale.

De nombreuses études ont mis en exergue le lien entre pauvreté et discrimination ainsi que ses conséquences. Voilà plus de vingt ans, la contribution de l’association ATD Quart Monde à l’ouvrage La lutte contre le racisme et la xénophobie, 1993 : exclusion et droits de l’homme de la commission nationale consultative des droits de l’homme, pointait déjà le phénomène de discrimination sociale et politique, et relevait qu’elle « génère chez ceux qui la subissent des sentiments de honte, de culpabilité et de souffrance de ne pas être considérés à égalité avec les autres êtres humains de leur propre société ».

Dans le même sens, plusieurs travaux menés ces dernières années ont mis en évidence une réalité très présente mais jusqu’à présent largement occultée : lorsque, pour une raison ou pour une autre, on est repéré comme pauvre, on subit des comportements particuliers qui humilient. De nombreux exemples ont été évoqués : refus de location immobilière, refus ou limitation d’accès à la cantine scolaire des enfants de personnes sans emploi, obstacles rencontrés dans l’accès aux soins par les personnes bénéficiant de la CMU ou de l’AME – la couverture maladie universelle et l’aide médicale de l’État –, notamment difficulté à obtenir un rendez-vous auprès des personnels de santé.

Les personnes vivant dans la pauvreté se heurtent ainsi, du seul fait de leur pauvreté, à des comportements discriminatoires et stigmatisants qui entravent leurs diverses démarches administratives. La discrimination est donc à la fois une cause et une conséquence de la pauvreté.

En dépit de ce constat cinglant, inacceptable, les comportements discriminatoires à l’endroit des personnes pauvres ne sont pas assez encadrés juridiquement et la réalité sociale de la discrimination en raison de la pauvreté n’est pas encore reconnue.

Aussi les députés du Front de gauche soutiennent-ils pleinement cette proposition de loi, réclamée par de nombreux acteurs de défense des droits et libertés fondamentales, qui ajoute un nouveau critère de discrimination dans le code pénal et le code du travail. À côté de l’origine ethnique, de la religion, du sexe ou de l’orientation sexuelle, pour ne citer que les critères les plus connus, on trouvera désormais la vulnérabilité économique.

Le Sénat a écarté l’expression « précarité sociale », excessivement floue, qui figurait dans la rédaction initiale. Cette notion subjective, source d’incertitude et d’insécurité juridique, aurait en effet rendu le dispositif inapplicable. Le Sénat a judicieusement retenu, comme critère prohibé, la « vulnérabilité résultant [d’une] situation économique », déjà connu du droit français. Cette notion, entendue comme la situation dans laquelle des personnes ne sont pas en mesure d’exercer correctement leurs droits et libertés, semble en effet plus précise.

L’ajout de la condition sociale comme critère discriminatoire permettrait utilement de mieux cerner les réalités de la discrimination dans leur ensemble et d’appréhender au plus près les discriminations multiples dont sont victimes les personnes cumulant les désavantages sociaux. Il offrirait au droit français une grille d’analyse plus fine, permettant d’examiner avec précision les traitements inégalitaires dont sont victimes certaines catégories de la société.

Comme le souligne parfaitement le rapporteur, la reconnaissance d’un vingt et unième critère de discrimination dans le code pénal revêtirait une forte portée symbolique, en procurant aux victimes, individus et familles le sentiment d’une reconnaissance par la nation du caractère injuste des vexations subies.

Elle aurait également une triple incidence politique et juridique : elle permettrait la saisine du Défenseur des droits pour connaître les discriminations motivées par la situation sociale des personnes, instruire à leur encontre et concourir à leur répression ; elle confierait aux juridictions répressives le soin de prononcer à l’encontre de l’auteur de la discrimination une sanction administrative ou pénale ; elle inscrirait la lutte contre les discriminations fondées sur la pauvreté dans les politiques publiques de formation, d’information et de sensibilisation déjà engagées auprès des opérateurs de service public et au sein des entreprises de biens et de services.

La reconnaissance de la discrimination à raison de la précarité sociale, au-delà de son caractère symbolique, a pour objet de renforcer l’effectivité des droits économiques, sociaux et culturels, civils et politiques, garants du respect de l’égale dignité de tous les êtres humains.

Or, sur ce point, des doutes sont légitimes. En effet, le Défenseur des droits, en particulier, s’interroge sur les conditions de l’efficacité d’une réponse juridique fondée sur le droit des discriminations. En tant qu’institution ayant vocation à mettre en oeuvre cette protection, il insiste sur la nécessité d’assurer l’efficacité juridique de la protection contre les discriminations. Il préconise également de poursuivre le travail préparatoire à propos de ce nouveau critère, afin d’évaluer, d’une part, l’impact du critère fondé sur le lieu de résidence, ajouté en 2014, qui avait vocation à offrir une réponse aux personnes stigmatisées du fait de leur quartier de résidence, et, d’autre part, la portée de la protection qui sera offerte par ce nouveau critère, fondé sur la pauvreté ou la précarité sociale.

Surtout, il est bien évident que cette évolution ne permettra pas de résoudre le problème de la pauvreté et de l’exclusion sociale. La lutte contre les inégalités doit demeurer la priorité et ne saurait être effacée par la répression de la discrimination.

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La lutte contre la pauvreté nécessite en effet une mise en oeuvre pérenne des droits sociaux, garantis notamment par la Constitution : droit à la protection de la santé, droit à des moyens convenables d’existence, droit à la Sécurité sociale, possibilité d’accéder à un logement décent. Ces droits sociaux sont également garantis par les traités internationaux ou européens, notamment la Charte sociale européenne.

En définitive, la reconnaissance et la sanction de la discrimination fondée sur la condition sociale constituent une avancée avant tout symbolique et pédagogique. Elles visent à reconnaître et à lutter contre certains comportements et décisions qui ont pour effet de stigmatiser et d’exclure. Pour autant, elles ne résoudront pas, à elles seules, le problème de l’effectivité des droits des personnes pauvres. Surtout, elles ne parviendront pas à faire contrepoids aux mesures d’austérité mises en oeuvre depuis 2008, lesquelles, contrairement aux objectifs affichés, accroissent les inégalités et renforcent la pauvreté et l’exclusion sociale.

En dépit de ces réserves, les députés du Front de gauche voteront pour cette proposition, qu’ils considèrent comme un moyen utile de faire évoluer les mentalités.

Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de saluer les représentants d’ATD Quart Monde, que je sais nombreux dans les tribunes.

La lutte contre les discriminations, dont le drame d’Orlando nous a rappelé qu’elle ne devait faire l’objet d’aucun relâchement, est un chemin pavé de sang, de larmes, et de mots. De sang et de larmes, tant celles et ceux qui sont discriminés sont en souffrance – on va parfois jusqu’à les tuer. De mots, tant la lutte pour davantage d’égalité et de justice passe par le verbe et l’écriture, notamment pour écrire en termes juridiques précis ce qui doit être combattu et condamné. La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, l’a signalé, en spécifiant qu’elle manquait d’outils juridiques.

Voici le sujet qui nous mobilise tout particulièrement sur ces bancs aujourd’hui : trouver le verbe juste pour servir une règle de droit efficace. En intégrant dans le code pénal le motif de précarité sociale comme vingt et unième critère de discrimination et en ratifiant le Protocole no 12 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, nous répondons à cette nécessité de modifier le droit pour l’adapter aux évolutions de notre société.

Lors des auditions, ATD Quart Monde nous a fait part de nombreuses situations de discrimination, que le rapporteur a détaillées. Elles ont la particularité d’être insidieuses, voire perverses. Elles ne sont pas nouvelles mais prennent de nouveaux traits, parce que notre société est elle-même en pleine mutation et que nous nous trouvons à un moment particulier de l’histoire où quelques-uns savent qu’il est plus facile de jouer le fort contre le faible, le sachant contre celui qui ne sait pas, le possédant contre le dépossédé. Celles et ceux qui agissent en rapaces doivent se savoir surveillés et doivent être sanctionnés.

Notre majorité a joué son rôle en portant l’attention nécessaire aux plus modestes, avec la mise en oeuvre du plan de lutte contre la pauvreté, Mme la secrétaire d’État l’a rappelé. Il agit en effet aux racines de la pauvreté : le non-recours aux droits, le manque d’accompagnement ou de formation, ou encore l’isolement face aux accidents de la vie. Les politiques d’accès à l’emploi, aux soins, à l’éducation, au logement, ainsi que les politiques d’aide aux familles, prennent désormais pleinement en compte les personnes les plus fragiles.

Une étape doit maintenant être franchie. Il est temps que la « particulière vulnérabilité résultant de la situation économique, apparente ou connue » entre dans notre code pénal. Il est temps – pour reprendre les propos de Pierre-Yves Madignier, président d’ATD Quart Monde, en introduction du livre blanc Discrimination et Pauvreté, de mettre fin à « une réalité très présente, mais jusqu’à présent largement occultée : lorsque, pour une raison ou pour une autre, l’on est repéré comme pauvre, on subit des comportements particuliers qui humilient ».

Mes chers collègues, il n’y a pas de petite discrimination, il n’y a pas de souffrance moins estimable qu’une autre. Il nous revient, à nous, parlementaires, d’agir en permanence pour que celles et ceux qui sont chargés de sanctionner les abus puissent s’appuyer sur des textes précis et solides.

Je disais, en ouverture de mon propos, que le sang, les larmes et les mots pavaient le chemin de la lutte contre les discriminations. Il me faut aussi parler de la joie, notamment en ce jour tout particulier : joie pour celles et ceux qui militent pour détruire la misère ; espoir pour celles et ceux qui la subissent ; satisfaction pour celles et ceux qui ne la vivent peut-être pas au quotidien mais sont convaincus que l’amélioration du sort du plus grand nombre d’entre nous est un pas de plus vers le bonheur de vivre ensemble.

Le groupe socialiste, écologiste et républicain aura donc grand plaisir à voter conforme cette proposition de loi.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui, en première lecture, à l’Assemblée nationale, d’une proposition de loi d’origine sénatoriale, visant à lutter contre la discrimination à raison de la précarité sociale, dont l’ambition est d’ajouter un vingt et unième critère de discrimination dans le code pénal, fondé sur la précarité sociale d’une personne. Ce nouveau critère serait également inséré dans le code du travail, ainsi que dans la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Modifiant le texte initial, le Sénat a choisi de remplacer le critère de « précarité sociale » par un critère fondé sur la « vulnérabilité » des personnes « résultant de leur situation économique », afin de répondre aux exigences constitutionnelles de précision de la loi pénale. Le groupe Les Républicains du Sénat s’était très largement abstenu sur cette proposition de loi. Sachez que les députés du groupe Les Républicains sont eux aussi très réservés sur ce texte, pour les raisons que je vais exposer.

L’idée de compléter notre palette répressive en matière de discrimination part d’un constat évidemment partagé par tous, sur l’ensemble de ces bancs : les personnes en situation de précarité ou de pauvreté peuvent faire l’objet de stigmatisations et de discriminations, ce qui aggrave encore, injustement, leur exclusion. C’est ainsi, par exemple, que de nombreux bénéficiaires de la CMU rencontrent des difficultés pour obtenir un rendez-vous chez certains professionnels de santé.

Mais la réponse que vous proposez face à ce diagnostic partagé, la réponse pénale, est-elle vraiment la meilleure ? En matière de loi pénale, le choix des mots et l’interprétation que l’on peut en faire revêtent une importance particulière. Or il n’est vraiment pas chose aisée de définir juridiquement la pauvreté, la précarité sociale et la vulnérabilité économique – c’est le moins qu’on puisse dire. Une définition trop souple et approximative entraîne par nature une insécurité juridique, en réalité nuisible à l’effectivité des droits, et ne fait que concourir à l’augmentation du contentieux. C’est la raison pour laquelle le Sénat a substitué à la notion de précarité sociale celle de vulnérabilité économique, déjà existante en droit français.

Mais reconnaissez, madame la secrétaire d’État, que cette notion reste elle aussi assez subjective et qu’elle regroupe une grande diversité de situations. Or il ne devrait pas incomber au juge de devoir la circonscrire ultérieurement, via sa jurisprudence ; il appartient bien plutôt au législateur de la définir précisément. En matière de discriminations, notre droit connaît déjà cet écueil.

Au demeurant, du fait de règles procédurales particulièrement strictes en droit pénal, le taux de condamnation pour discrimination reste très faible : on n’en a dénombré que treize en 2013 ; aucune condamnation pour discrimination n’a pu être prononcée, par exemple, sur le fondement de l’apparence physique ou de la situation de famille.

Les deux rapporteurs, dans leurs chambres respectives, ont donné des exemples de situations qu’ils entendaient régler grâce à cette proposition de loi. J’évoquerai celles du bailleur et du dentiste. Croyez-vous vraiment qu’un bailleur qui refuserait de louer son bien à une personne ne lui semblant pas solvable encourrait une condamnation par principe ? J’ai peine à le croire. L’exposé des motifs de la proposition de loi initiale donne également l’exemple d’un orthodontiste qui, suite au changement de situation d’une famille, passant d’une mutuelle à la CMU, informe la mère de son patient que ses soins ne seront plus couverts et l’envoie à l’hôpital. Faut-il imaginer que votre proposition de loi permettra de condamner ce médecin à continuer les soins, à ses propres frais ? Je ne le crois pas non plus.

Madame la secrétaire d’État, ce qui est à craindre, même si vous pensez le contraire, c’est que ce texte ne présente en réalité qu’une très faible portée normative et que, au-delà du symbole, il n’aboutisse pas, ou rarement, au prononcé de sanctions.

La principale difficulté, du reste, réside moins dans l’effectivité de la répression que dans l’accès au juge. Les personnes victimes de telles discriminations, dans la plupart des cas, n’iront pas saisir la justice ; elles n’oseront pas, par peur, par manque d’informations, et par manque de soutien.

Cette proposition de loi apparaît donc avant tout comme un texte d’affichage et, au mieux, comme une sorte de marqueur d’interdit, un code inversé de bonne conduite à destination des citoyens. Sans doute fait-elle écho à la conjoncture économique et à la nécessité de réaffirmer les valeurs de solidarité et de fraternité. Mais insérer ce nouveau critère de discrimination au sein de notre législation ne fera qu’apaiser les bonnes consciences. Il ne suffira pas à corriger le constat de départ.

Montesquieu disait des « lois inutiles » qu’elles « affaiblissent les lois nécessaires ». Sans aller jusqu’à qualifier cette proposition de loi d’inutile, je me permets d’émettre un doute quant à sa nécessité juridique. À cet égard, il aurait été opportun de la soumettre, comme nous en avons la possibilité depuis la réforme constitutionnelle de 2008, à l’avis éclairé du Conseil d’État, à défaut de pouvoir disposer d’une étude d’impact.

Mes chers collègues, il reste bien entendu essentiel de continuer de lutter contre toutes les formes de discrimination et d’encourager les pouvoirs publics à réfléchir aux moyens de combattre concrètement les stigmatisations et de réhabiliter les valeurs de solidarité et de fraternité. Cela étant, nous sommes convaincus, malgré vos bonnes intentions, que votre texte posera des problèmes juridiques incommensurables et aggravera encore l’insécurité juridique dont souffre notre pays, par la création de règles ou de normes de plus en plus floues et subjectives. Madame la secrétaire d’État, alors que le Gouvernement prône le choc de simplification, créer un nouveau critère de discrimination dans notre droit pénal aura pour effet de contribuer à l’inflation normative, tant décriée par tous.

Vous l’aurez compris, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, au-delà de la valeur symbolique de cette proposition de loi, nous n’avons pas été convaincus par vos arguments respectifs quant à l’utilité d’introduire un vingt et unième critère de discrimination dans notre code pénal et notre code du travail. C’est pourquoi le groupe Les Républicains s’abstiendra sur ce texte.

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« La force d’une nation est dans sa ressource humaine. Un pays n’est puissant que par les hommes et les femmes qui le composent, par l’envie qu’ils ont de vivre et de construire ensemble, par le rayonnement de leur confiance dans l’avenir et par la cohésion sociale qui les unit. » Tel était, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, le préambule du plan de cohésion sociale qu’avait présenté Jean-Louis Borloo, dans ce même hémicycle, en 2005. C’était il y a plus de dix ans et, depuis lors, les choses ne se sont pas arrangées.

L’objectif poursuivi par la présente proposition de loi est effectivement au coeur de l’exigence républicaine. Je ne me résous pas à ce que, dans notre pays, 8,5 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté. Je ne me résous pas à ce qu’un pays comme la France compte plus de 3 millions d’enfants pauvres.

Pire, dans le contexte de crise que notre pays connaît depuis plusieurs années, notamment en raison de la hausse massive du chômage, de plus en plus de familles sont plongées quotidiennement dans la précarité et la détresse. Cette situation n’est pas acceptable dans une société démocratique et avancée. La puissance publique se trouve bien souvent impuissante face à la pauvreté ; cela nous condamne à l’humilité.

Chacun ici a bien conscience que la précarité matérielle se double trop souvent d’une stigmatisation. Or, dans la patrie de la déclaration des droits de l’homme, ces atteintes au principe d’égalité ne sauraient être tolérées. Renforcer l’effectivité des droits des personnes en situation de pauvreté et lutter contre les discriminations sont des combats prioritaires, que le groupe UDI mène depuis longtemps.

Afin de sensibiliser le plus grand nombre à cette cause, nous sommes convaincus que l’école a un rôle majeur à jouer. C’est dans les salles de classe que les enfants apprennent les valeurs républicaines et la promotion de l’égalité. L’école est la pierre angulaire de notre République et doit également être le creuset de l’égalité, le lieu du vivre ensemble.

Depuis les années 2000 et les premières lois contre les discriminations, des progrès ont été accomplis, mais les situations de stigmatisations perdurent. Il ne faut jamais baisser la garde. Aussi, l’introduction dans le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle de la procédure d’action de groupe contre les discriminations est une mesure louable, sous réserve qu’elle soit limitée aux associations agréées.

En octobre 2013, Dominique Baudis, alors Défenseur des droits, avait appelé l’attention du Parlement sur deux nouveaux critères de discrimination, qui devaient, selon lui, être introduits dans le code pénal : le critère de discrimination à raison du lieu de résidence et le critère de discrimination à raison de la pauvreté. En 2014, nous avons soutenu l’insertion de ce premier critère dans le code pénal lors de l’examen du projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, dite « loi Lamy ». Néanmoins, en nous associant à la lutte contre la discrimination à raison du code postal, nous pensions que cette lutte devait nécessairement s’accompagner d’une mobilisation accrue en faveur du développement économique et de l’emploi dans les quartiers.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, mes chers collègues, vise à ajouter le critère de lutte contre la discrimination à raison de la pauvreté. Comment être opposé à une telle mesure, d’autant – notre collègue Patrice Verchère l’a dit – que les travaux du Sénat ont permis utilement de remplacer les termes assez flous de « précarité sociale » par la notion juridique beaucoup plus précise de « vulnérabilité résultant de la situation économique » ?

Malheureusement, nous savons bien qu’interdire la discrimination à l’égard des plus pauvres n’aboutira pas à éradiquer la pauvreté. Aussi considérons-nous que cette proposition de loi n’est pas une finalité et qu’il faudrait accompagner le combat contre les discriminations à raison de la situation économique d’un véritable plan de lutte contre la pauvreté, beaucoup plus ambitieux que celui proposé par le Gouvernement – même si, lorsque vous êtes venue le présenter, madame la secrétaire d’État, j’ai eu l’occasion de saluer la qualité du travail réalisé par votre ministère.

Mes chers collègues, depuis plusieurs années, on constate une aggravation des situations de détresse sociale dans la société française, en raison notamment du chômage de masse – vous en conviendrez, madame la secrétaire d’État. La crise économique brise toutes les certitudes et alimente tous les malaises. La méthode pour sortir de la crise ne passera que par le décloisonnement, le partenariat entre les collectivités, l’échange avec l’ensemble des acteurs. Les bonnes initiatives émergent partout sur le terrain ; encore faut-il que la puissance publique les remarque.

Cette proposition de loi était attendue depuis plusieurs années par le secteur associatif, notamment par l’association ATD Quart Monde, bien connue de nos concitoyens. Il y a quelques mois, nous avons déjà adopté, dans un consensus heureux, une loi d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée. Le pari était assez audacieux et nous scruterons avec attention les premiers résultats.

le groupe UDI en est convaincu, la lutte contre la pauvreté passera d’abord par la lutte contre le chômage. À ce titre, nous pouvons entendre les critiques concernant l’utilité d’introduire ce critère de discrimination, qui aura malheureusement surtout une valeur symbolique et ne fera reculer ni le chômage ni le chômage ni la pauvreté. La liste des discriminations répréhensibles par la loi s’allonge tandis que nos tribunaux s’engorgent. Ainsi, au-delà de la lutte juridique contre les discriminations, peut-être serait-il préférable d’engager une réflexion globale sur les moyens de lutter contre celles-ci.

On peut également regretter que le droit de la discrimination se constitue de façon empirique, par strates successives, sans véritable vision d’ensemble. Il en résulte un morcellement de l’incrimination de discrimination. Un effort important est attendu pour permettre une application effective des normes existantes, y compris par les pouvoirs publics, madame la secrétaire d’État. Nous en sommes conscients et cette proposition de loi en témoigne, il serait nécessaire de regrouper une fois pour toutes les dispositions existantes, afin de mettre en lumière d’éventuelles incohérences et lacunes.

Ces remarques faites, regrettant le caractère symbolique de la proposition de loi, et parce que notre combat doit avant tout permettre de vaincre la précarité sociale, le groupe UDI s’abstiendra. À titre personnel, madame la secrétaire d’État, je tiens à le dire, c’est avec fierté que je voterai ce texte. Si nous l’adoptons conforme, il sera promulgué dans une dizaine de jours, conformément aux lois de la République, et je serai très heureux d’y avoir contribué.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi visant à lutter contre la discrimination à raison de la précarité sociale.

Comme l’a révélé l’UNICEF – le Fonds de nations unes pour l’enfance – début juin 2016, un enfant sur cinq est pauvre, ce ratio s’établissant même à un sur deux dans les zones urbaines sensibles. Rapporté au nombre d’habitants, cela représente 3 millions d’enfants en France. Si notre pays est riche, 8,5 millions de personnes y vivent sous le seuil de pauvreté, fixé à 60 % du niveau de vie médian, soit 987 euros par mois. Aussi, selon l’INSEE, notre pays compte entre 4,9 et 8,5 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, soit 14,3 % de la population. Au premier trimestre 2016, il était précisé que 10,2 % de la population active était touchée par le chômage, ce qui atteste de l’ampleur du phénomène.

De nombreux drames liés à la non-effectivité des politiques publiques ou à l’absence de politiques publiques de lutte contre la précarité ont été rappelés au Sénat par l’auteur de cette proposition de loi, Yannick Vaugrenard. À mon tour de faire référence à Esther Duflo, économiste française spécialiste des questions de pauvreté, qui explique l’échec de nos politiques par les « 3 i » : ignorance, idéologie, inertie.

Face à ce constat, il semble temps de retenir la précarité sociale comme critère de discrimination, d’autant que celle-ci revêt plusieurs formes, qui se manifestent directement dans tous les domaines de la vie quotidienne : en matière d’accès au logement, des bailleurs écartant des familles modestes par crainte de leur insolvabilité, même si elle n’est pas avérée ; en matière d’accès à des services comme la restauration scolaire, un enfant pouvant être évincé de la cantine à la suite du licenciement d’un de ses parents, censé être désormais disponible pour s’occuper de lui pour le repas de midi.

Les radicaux de gauche sont attachés à la lutte contre les discriminations.

Ainsi, sur l’initiative de son président Roger-Gérard Schwartzenberg, notre groupe avait défendu, le 12 mars 2015, une proposition de loi visant à garantir le droit d’accès à la restauration scolaire de tous les élèves des écoles primaires, afin de mettre fin à une discrimination injuste et inacceptable. En effet, les services de restaurations scolaires se permettaient de refuser l’accès de certains enfants à la cantine, invoquant le motif de la prétendue disponibilité des parents pour s’occuper de leurs enfants lors du repas midi, en raison de leur absence d’emploi. En plus d’être fallacieux, cet argument ne fait que renforcer l’exclusion et la précarité des parents, la multiplication de démarches complexes induites par la recherche d’un emploi étant en opposition même avec le fait de se rendre disponible pour s’occuper de ses enfants au moment du repas du midi.

Plus récemment, notre groupe a également présenté une proposition de loi, pour laquelle j’ai été nommée rapporteure, visant à renforcer la protection des jeunes parents contre les discriminations. Ce texte, adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale lors de notre journée d’initiative parlementaire du 10 mars dernier, prévoit de porter de quatre à dix semaines la période légale de protection contre le licenciement à la suite de l’arrivée d’un enfant. Les jeunes parents qui faisaient l’objet de discrimination et se voyaient licenciés au retour de leur congé parental voient donc leur protection accrue. Je tiens d’ailleurs à remercier l’auteur de la présente proposition de loi, Yannick Vaugrenard, pour son soutien à la démarche alors entreprise par notre groupe.

Avant d’entrer dans le détail du présent texte, je tiens à préciser que l’ajout d’un nouveau critère de discrimination a déjà été évoqué par nos assemblées, afin de répondre aux préconisations formulées en octobre 2013 par Dominique Baudis, alors Défenseur des droits : il s’agissait d’insérer deux nouveaux critères de discriminations dans le code pénal : le critère de discrimination à raison du lieu de résidence et le critère de discrimination à raison de la pauvreté. Si la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine a consacré ce premier critère dans le code pénal et dans la loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, nous sommes tout à fait satisfaits de la mise à l’ordre du jour de la question de la discrimination en raison de la pauvreté, d’autant que cette question a déjà été prise en compte par certains de nos voisins européens, notamment la Belgique.

Ce texte vise à retenir un vingt et unième critère de discrimination pouvant donner lieu à des poursuites, fondé non pas sur la « précarité sociale » des personnes mais sur la notion, qui lui a finalement été préférée, de « la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue » de l’auteur de la discrimination. L’insertion de ce nouveau critère répond aux préconisations du Défenseur des droits et de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, mais aussi aux demandes de plusieurs associations de lutte contre l’exclusion. C’est également l’un des thèmes principaux du rapport « Comment enrayer le cycle de la pauvreté ? Osons la fraternité ! », publié en février 2014 au nom de la délégation sénatoriale à la prospective.

Ainsi, afin d’éviter toutes discriminations, l’article unique de cette proposition de loi vise à insérer le critère de la « particulière vulnérabilité » des personnes « résultant de [leur] situation économique, apparente ou connue » de l’auteur de la discrimination, dans le code pénal, le code du travail, la loi no 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, et à rendre ces mesures applicables à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française ainsi que dans les îles Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

Au Sénat, sur proposition du rapporteur Philippe Kaltenbach, la commission des lois a adopté la proposition de loi modifiée par quatre amendements.

Ainsi, le critère initial de la précarité sociale a été remplacé par un critère fondé sur la vulnérabilité de la personne résultant de sa situation économique. Cette nouvelle dénomination permet de répondre au principe constitutionnel de légalité des délits et des peines, ainsi qu’à celui d’interprétation stricte de la loi pénale, et évite la notion trop subjective de précarité sociale, que le Conseil constitutionnel aurait certainement rejetée.

Si l’introduction du critère de la vulnérabilité est apparue légitime et nécessaire dans le code pénal, le code du travail et la loi du 27 mai 2008, il n’a pas été jugé opportun de modifier la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, le délit d’injure ayant été considéré suffisant.

De plus, le code du travail autorisera les entreprises à prendre des mesures en faveur des personnes vulnérables en raison de leur situation économique, afin de favoriser l’égalité de traitement.

Enfin, un nouveau critère concernant les discriminations en matière de protection sociale a été refusé.

Face à la nécessité de reconnaître ce nouveau critère de discriminations et afin que ces dispositions soient promulguées le plus rapidement possible, la commission des lois de l’Assemblée a adopté le texte du Sénat sans aucune modification. Nous souhaitons qu’il en soit de même en séance publique.

En conclusion, vous l’aurez compris, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soutiendra la démarche de nos collègues sénateurs et votera pour ce texte.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Je tiens tout d’abord à saluer le travail de notre rapporteur, Michel Ménard, ainsi évidemment que celui, essentiel, du sénateur Yannick Vaugrenard – je crois le voir dans les tribunes –, car ils donnent du sens aux politiques publiques qui sont déjà conduites et à l’action qu’il nous faut encore développer en matière de lutte contre l’exclusion et la pauvreté.

Maintes fois, au sein du groupe d’études pauvreté, précarité et sans abri, que j’ai l’honneur de présider – des collègues, qui en sont de fidèles piliers, sont présents ce soir –, nous avons tenu à rappeler que, pour lutter contre les discriminations, il est tout d’abord nécessaire de répondre à plusieurs impératifs, de travailler sur plusieurs champs.

Le travail doit se faire en partenariat et, de ce point de vue, je veux dire à mon tour combien le mouvement associatif est important : outre ATD Quart Monde, qui a partie liée à nos travaux, un grand nombre d’associations mènent au quotidien, sur le terrain, en connexion avec les élus, une action de proximité indispensable.

Nous devons aussi savoir nous-mêmes associer les personnes directement concernées – j’ai eu l’occasion de le faire à diverses reprises –, par exemple les membres du 8e collège du CNLE, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, car ils sont riches d’une expérience particulière, de leur connaissance de la réalité, grâce à un vécu quotidien. Chaque fois que j’ai eu l’occasion de travailler avec eux, leur existence même et leurs revendications m’ont beaucoup appris.

Outre ce partenariat, il est évidemment nécessaire d’accorder des moyens à la lutte contre la précarité et la pauvreté. À cet égard, madame la secrétaire d’État, je veux vous dire que nous sommes satisfaits de l’évolution du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. La légitime vigilance dont il fait l’objet nous a permis d’observer les progrès dont il est à l’origine, contrairement à tant de plans antérieurs qui, année après année, suscitaient le constat inverse : rien n’avançait. Ce plan permettra ainsi de tenir l’objectif d’une augmentation de 10 % du montant du RSA. Les 30 000 places d’hébergement d’urgence et les 80 000 places de logements accompagnés en relèvent également. La revalorisation du plafond de la CMU complémentaire a permis d’accroître de 600 000 le nombre de ses bénéficiaires. L’augmentation de 5 % de l’allocation de soutien familial fait partie des éléments positifs qu’il convient de développer car, dans certains domaines, les actions demeurent insuffisantes. Il importe donc de renforcer les moyens.

Des évolutions législatives sont aussi parfois nécessaires, comme cela a été le cas pour le RSA activité ou la prime pour l’emploi, avec la mise en place de la prime d’activité, qui répond pour beaucoup, chacun le constate aujourd’hui, au problème de l’accompagnement des travailleurs modestes, dont le taux de non-recours au RSA activité était extraordinairement élevé. Les travaux en cours nous permettront de procéder à d’autres évolutions législatives : nous devons assumer notre responsabilité politique en la matière.

Il est également nécessaire de lutter contre les préjugés. Ce combat est à mener non seulement dans la société mais également au sein même de l’Assemblée. Souvent, y compris au cours de la rédaction de rapports, j’ai été confronté à l’amalgame entre pauvres et fraudeurs, effectué par certains collègues. Je tiens à rappeler que la fraude au RSA s’élève à 335 millions d’euros, à comparer aux 27 milliards d’euros de la fraude à l’impôt sur les sociétés.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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De même, les 113 millions d’euros de fraude aux prestations familiales sont à comparer aux 17 milliards d’euros de la fraude à l’impôt sur le revenu.

Mêmes mouvements.

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Nous devons donc affirmer que certains propos et raisonnements tenus, y compris dans cette assemblée, ne devraient pas avoir cours et méritent d’être combattus. Nous devons également repousser les fausses bonnes réponses avancées par d’aucuns : une disposition, d’abord envisagée puis finalement abandonnée par le département du Haut-Rhin, aurait contraint les bénéficiaires du RSA à effectuer des heures de bénévolat, et le conseil départemental des Alpes-Maritimes a adopté une délibération à peu près de même nature. De telles mesures prennent modèle sur la politique conduite pendant des années, aux États-Unis, par un ancien maire de New York, consistant à attribuer des points aux familles, en fonction de leur comportement, en vue d’évaluer l’aide à leur apporter : cinq points pour les parents emmenant leur enfant chez le dentiste, dix points s’ils allaient le chercher à l’école.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui traduit une vraie volonté politique : fondée sur la conviction que la précarité est déjà un élément d’exclusion important, elle vise à accompagner des évolutions tant en matière de mentalités qu’en matière législative. C’est pourquoi il convient de suivre le rapporteur.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme tous les orateurs qui m’ont précédé, je ne peux que constater la bonne disposition qui préside à ce texte. Au premier abord, qui pourrait y être défavorable ?

Nous avons déjà 8,5 millions de pauvres et personne ne sait à quel chiffre ce fléau s’arrêtera. J’ai encore en mémoire nos discussions, la semaine dernière, à propos des paradis fiscaux et des rémunérations des vrais maîtres de notre pays et du monde, contre lesquels, disions-nous, nous ne pouvons mener aucune action : agir au niveau mondial risquerait d’affaiblir nos entreprises ; agir au niveau européen est impossible en raison d’une directive européenne en cours d’élaboration ; agir en France, c’est prendre le risque d’attirer sur soi les foudres du Conseil constitutionnel.

Résultat : même si nous avons beaucoup discuté, même si les échanges et la prise de conscience ont été de grande qualité, comment nous convaincre que nous avons encore une once de pouvoir, dès lors que nous consentons à une telle situation ? La réalité, d’ailleurs, n’échappe plus à personne. Nous réussirons encore une fois à la maquiller mais nous ne le ferons pas encore longtemps ; pour nous en convaincre, il suffit d’observer l’état d’esprit de nos compatriotes et, hélas, leur profond rejet de ce que nous sommes et de ce que nous faisons.

Inscrire dans la loi un critère de discrimination en raison de la précarité sociale, en faveur de ceux qui n’ont plus rien, part évidemment d’un bon sentiment. Toutefois, plusieurs collègues l’ont souligné, l’enfer est pavé de bonnes intentions. Cette disposition ne sera pas sans engendrer des difficultés. Au demeurant, nous disposons déjà des textes permettant de résoudre le problème. Les hommes et les femmes que, nous tous, nous recevons dans nos permanences nous suffisent pour connaître l’état de misère noire dans lequel certains ont chuté, parfois très vite et depuis longtemps, pour quelques-uns de père en fils – tout le monde n’a pas eu la chance de voir son arrière-grand-père travailler.

Ne l’oublions pas, nous sommes gravement responsables de ne pas avoir vu venir ce changement de monde, depuis une vingtaine voire une trentaine ans, nous n’avons pas su échapper au piège de l’hégémonie financière, qui a tout pris en main et nous interdit aujourd’hui d’agir tout en nous obligeant à faire semblant. Car il s’agit bien de cela : nous allons faire semblant. Oui, c’est une situation kafkaïenne à laquelle doivent faire face de plus en plus de nos compatriotes. Nous n’avons plus d’industrie, nous avons perdu 750 000 emplois, no remplacés, au cours des quinze dernières années, l’agriculture est à l’agonie et chacun sait dans quel état se trouvent notre artisanat et nos petites entreprises, nos villages et nos banlieues.

Ce n’est pas en se plaignant qu’on refait le monde, c’est en reprenant en main son destin et en ouvrant le vrai débat. J’espère que cela pourra avoir lieu dans les mois à venir, afin de savoir pourquoi un grand pays comme le nôtre est descendu si bas, pourquoi il a sombré, pourquoi il se trouve maintenant dans l’incapacité absolue de faire face à ses devoirs. Si nous faisions le point sur ces questions, notamment sur la dette, sur la dérive de la construction européenne et sur la mondialisation, sans doute obtiendrions-nous quelques réponses.

En attendant, je l’assume, même si cela me sera vivement reproché, je ne peux décidément plus faire semblant : j’en suis désolé, madame la secrétaire d’État, car votre action part d’un très bon sentiment et peut-être mènerais-je la même si j’étais à votre place – je n’y suis pas –, mais je voterai contre ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, en tant que représentante de l’Assemblée nationale au CNLE, présidé par Etienne Pinte, j’attendais vivement, depuis plusieurs mois, l’inscription de cette proposition de loi à l’ordre du jour de nos travaux. En février dernier, j’intervenais en ce sens par écrit auprès du Premier ministre, du président de l’Assemblée, du président de la commission des lois – que je remercie de sa réponse – et de celui des affaires sociales.

J’avais eu l’occasion, madame la secrétaire d’État, d’évoquer de nouveau ce sujet au cours de votre audition devant la commission des affaires sociales, en avril dernier. C’est donc une grande satisfaction, partagée par les associations oeuvrant au quotidien auprès des personnes en situation d’exclusion, de voir inscrit dans la loi ce critère de discrimination à raison de la précarité sociale. Je salue en particulier le travail d’ATD Quart Monde, inspirateur de ce texte, sa présidente Claire Hédon, que je rencontre régulièrement aux réunions plénières du CNLE, ainsi que son prédécesseur Pierre-Yves Madignier, les membres du 8e collège du CNLE et, bien sûr, le sénateur Yannick Vaugrenard.

Depuis 2012, comme rarement auparavant, le Gouvernement s’est totalement engagé dans une politique de lutte contre les exclusions, notamment en matière d’accès aux droits. Cet engagement traduit la volonté de rompre avec le discours qui est habituellement tenu sur les personnes subissant la précarité. Le Premier ministre l’a encore rappelé il y a quelques semaines : la réussite de ce plan et le respect des personnes en difficultés sont des devoirs qui nous concernent tous car c’est une urgence pour notre cohésion sociale.

Or, ces dernières années, on a assisté à une stigmatisation croissante des plus précaires, largement véhiculée par certains discours politiques sur l’assistanat ou la lutte contre la fraude, uniquement ciblée sur le social, discours désormais relayés sans retenue par les réseaux sociaux, sous le couvert de l’anonymat. Cette libération des jugements légitime et conforte nos concitoyens, et parfois même les institutions, dans l’idée qu’ils sont autorisés à porter des regards, voire des jugements discriminants sur les plus fragiles d’entre nous. Cette banalisation de la stigmatisation a des effets ravageurs sur l’accès aux droits d’une partie de nos concitoyens.

Mon collègue Jean-Louis Costes et moi-même menons actuellement, dans le cadre du comité d’évaluation et de contrôle, une mission sur l’accès aux droits sociaux. Une des raisons du non-recours évoquées par un grand nombre des personnes auditionnées est la crainte de la stigmatisation, laquelle explique en partie l’échec du RSA activité et le succès croissant de la prime d’activité mise en place au 1er janvier de cette année, sur la base du rapport de notre collègue Christophe Sirugue.

Améliorer l’accès aux droits, c’est améliorer la dignité des personnes. La République ne fait pas la charité, elle ne pratique pas l’assistanat. La République, c’est le devoir d’assistance, le respect, la solidarité ; pour résumer, c’est une promesse faite à ces citoyens.

L’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale a conduit, ces derniers mois, une série d’études sur l’invisibilité sociale. Les premières conclusions montrent que celle-ci n’est pas toujours subie. Je cite : « Devenir invisible peut être un projet de résistance face aux atteintes des autres. Celui qui n’est pas vu ne peut être rejeté. »

Notre République ne peut tolérer un tel état de fait, pas plus que les exemples cités par notre rapporteur, qui sont édifiants de souffrance et d’injustice. Permettez-moi de rappeler, à cet égard, l’excellent ouvrage réalisé par ATD Quart Monde, destiné à lutter contre toutes les idées fausses à propos de la pauvreté. Ces exemples nous obligent plus que jamais à reconnaître et à inscrire dans la loi ce nouveau critère de discrimination. Considérer, écouter, respecter, reconnaître l’énergie mise à vouloir s’en sortir, redire encore et encore qu’un parcours difficile de vie ne fait pas de vous un citoyen oublié de la République ! Pour ce faire, il faut passer par la loi afin de rappeler aux citoyens français ce qu’ils ne devraient jamais oublier : leur devoir de solidarité et de fraternité. Alors, soyons fiers de voter ce texte !

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, le maître d’école a distribué une belle feuille de papier Canson à l’ensemble des élèves de la classe. « Dessinez-moi vos vacances ! », a-t-il dit. Très vite, les feutres grattent la feuille, des soleils apparaissent, des cimes de montages maladroites, le bleu de la mer, des ruisseaux et toujours le soleil… Sur la feuille de Romain, il n’y a rien. Les yeux dans le vague, il attend. Si on le regardait, peut-être verrait-on une larme perler au coin de ses yeux. « Allons, Romain, décide-toi ! Toujours à rêvasser ? » Le ton n’est pas agressif mais insistant, et Romain se sent perdu. « Pourquoi ne dessines-tu pas ? Tu ne pars pas en vacances ? – Euh, non, pas cette année, monsieur. » Ni celle-ci, ni les autres d’ailleurs. Cela, il ne veut pas le dire. La honte. La culpabilité. Les autres le regardent – certains autres, qui ne comprennent pas. Les vacances ne sont pas pour lui, ni pour son frère, ni pour sa petite soeur. Ce n’est pas un sujet d’actualité.

Son père recherche désespérément un emploi et sa mère fait, chaque fois qu’elle le peut, quelques petits boulots. On évite les voisins, on a perdu ses amis, on fait semblant, on se cache, on ment même sur la réalité. Coupables d’être pauvres, coupables de ne pas travailler, ces fainéants qui vivent au crochet de la société et préfèrent rester chez eux ! Ils s’appellent M. et Mme Tout-le-Monde. Pierre est le grand frère, Romain vient après et Isabelle a de si beaux yeux qu’on aimerait les voir sourire. C’est lors d’une de mes visites aux Restos du coeur – vous savez, on devait les fermer très vite et, trente ans plus tard, ils sont toujours ouverts – que je les ai rencontrés. Je les connaissais et je n’aurais jamais pensé les trouver là. À mon arrivée, ils ont d’abord essayé de se cacher. « Vous savez, monsieur le maire, dès qu’on pourra, on ne viendra plus. » Alors, nous avons parlé, nous avons bu le café ensemble et, bien sûr, j’ai proposé mon aide. La suite n’est toujours pas très glorieuse mais, au moins, nous avons cherché tout ce qu’il était possible de faire et ce que nous avons mis en place a permis de petites améliorations.

« Dis-moi, Romain, qu’est-ce que tu feras quand tu seras grand ? – Moi, monsieur le maire, je veux travailler. » Voilà, mes chers amis, la réalité des choses. Il n’y a ni sensiblerie, ni exagération dans mon histoire : c’est ce que vivent tous les jours des gens dont la situation nous surprend.

La précarité, qui recouvre de nombreuses situations, n’avait pas de définition juridique. Ce terme s’est répandu pour désigner l’incertitude et l’instabilité professionnelles, les difficultés matérielles de toutes sortes. Son apparition est concomitante au creusement des inégalités depuis les années 1980, à la flexibilisation du marché du travail et à la généralisation des formes d’emplois atypiques, que l’on englobe désormais dans le « précariat ».

En tant qu’élus de terrain, nous ne cessons de le répéter : les personnes en situation de pauvreté et de précarité sont d’abord et avant tout des victimes. En matière d’accès au logement, aux soins, à la cantine scolaire ou à la culture, chacun d’entre nous peut constater ces inégalités. Imputer ou reprocher aux précaires la responsabilité de leur situation passée ou présente, c’est mépriser ou ignorer la solidarité républicaine, c’est nier les possibilités d’évolution. Car non, une vie n’est jamais rectiligne !

La spirale de la pauvreté est confortée par ce sentiment de honte qui conduit les précaires à renoncer à exercer leurs droits : le RSA activité se caractérise par un taux de non-recours de 68 %, tandis qu’un tiers des personnes susceptibles de bénéficier du RSA socle n’entreprennent pas la moindre démarche pour l’obtenir. Cette mise au ban de la société couplée à la marginalisation économique les empêche d’accéder à ce qui fait la vie, c’est-à-dire la citoyenneté pleine et entière, souvent dans une indifférence quasi générale. Rappelons que la pauvreté ne relève jamais de la responsabilité individuelle mais qu’elle résulte du contexte économique et social.

Ce texte composé d’un article unique tend à réprimer, en droit pénal, en droit civil et en droit du travail, la discrimination sur le fondement de la vulnérabilité économique des personnes. Ce renforcement de l’effectivité des droits des personnes, issu d’une bonne initiative de notre collègue sénateur Yannick Vaugrenard, a fait l’objet d’un vaste consensus, et je m’en félicite.

Cette proposition de loi a pour esprit de faire évoluer les mentalités, d’élever notre conscience collective en réaffirmant les valeurs républicaines de solidarité et de fraternité, et, je l’espère, de redonner confiance en l’action de l’État. Merci du fond du coeur à toutes celles et à tous ceux qui ont contribué à ce que nous puissions nous retrouver ici, ensemble, pour voter ce texte, sans aucune hésitation !

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, s’il existe un ADN de la gauche en politique, la lutte contre la précarité en est sans conteste le coeur. Tout d’abord, parce que la précarité est contraire au projet d’émancipation de chacun de nos concitoyens : comment, en effet, se projeter sereinement dans l’avenir quand l’instabilité économique et sociale fait partie du quotidien ? Ensuite, parce qu’elle touche de nombreux secteurs de la vie quotidienne – l’emploi, la santé, le logement, la culture –, mais aussi parce qu’elle ne se circonscrit pas à une personne mais touche au couple, aux enfants, et qu’il est tout simplement insupportable qu’elle brise des familles entières. Enfin, parce qu’elle touche à une notion fondamentale : la rupture d’égalité entre nos concitoyens.

La précarité se définit en premier lieu par la notion d’incertitude, quant à sa capacité à conserver un statut, l’accès à un service. Elle se définit aussi en comparaison avec la situation économique et sociale des autres membres d’une même société, et donc par une notion d’inégalité, comme l’illustre ce proverbe arabe : « Le pauvre est un étranger dans son pays. »

La volonté d’assurer l’équité, d’organiser la solidarité et de donner les mêmes chances à chacun, quel que soit son milieu social et économique, est le moteur de l’action politique. J’espère donc, madame la secrétaire d’État, que cette proposition de loi recueillera les suffrages de la plus large majorité de cette assemblée.

Depuis 2008, la dégradation de la conjoncture économique a entraîné une phase de récession dans les pays industrialisés et conduit à une forte hausse du chômage. Mécaniquement, le nombre de nos concitoyens en situation de précarité a beaucoup augmenté. Aujourd’hui, cette précarité prend différentes formes, dont le Gouvernement a pris la mesure dès le début de ce quinquennat, avec l’adoption, en 2013, du plan de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. En voici quelques illustrations.

Contre la précarité économique, qui concerne les Français en recherche d’emploi mais aussi les jeunes et certains travailleurs pauvres, nous avons adopté plusieurs mesures comme la revalorisation du RSA, la garantie jeunes ou la prime d’activité.

Contre la précarité liée au logement, nous avons créé 360 000 logements sociaux et des places de logements dits « accompagnés », mais aussi renforcé les mesures d’hébergement d’urgence.

Contre la précarité sanitaire, nous avons assoupli les critères d’accès à la couverture maladie universelle, le tiers payant sera élargi dès le 1er janvier prochain et des efforts conséquents ont été consentis en faveur des hôpitaux publics, comme le centre hospitalier de Lens, dans ma circonscription, qui bénéficiera de 102 millions d’euros pour sa reconstruction.

Contre la précarité énergétique, nous avons renforcé l’encadrement du prix du gaz et mis en place le chèque énergie.

Enfin, la précarité qui touche les enfants et les familles mobilise toute mon attention : nous avons instauré la garantie contre les impayés de pensions alimentaires, revalorisé le complément familial et augmenté les aides pour les élèves dont les parents sont en difficulté financière.

Toutes ces mesures portent leurs fruits, même si leurs effets semblent toujours trop longs à se faire ressentir et sont toujours, hélas, insuffisants.

Mais, au-delà des faits, se cache une réalité insidieuse, plus complexe à mesurer mais tout aussi scandaleuse, que dénoncent depuis de nombreuses années les associations de soutien aux plus fragiles. Élu du bassin minier du Pas-de-Calais, les indicateurs sociaux, économiques et sanitaires sont pour moi plus que des chiffres : ils ont un visage, celui des femmes et des hommes qui subissent quotidiennement la précarité, malgré leurs efforts pour en sortir. Face à leurs difficultés financières concrètes, s’ajoutent parfois, souvent même, le mépris, le regard des autres, lourd à porter, voire la honte d’avoir recours aux dispositifs de solidarité et de soutien. Cette stigmatisation silencieuse a des conséquences importantes pour nos concitoyens.

Une petite musique entonnée par certains responsables politiques consiste à rendre les Français responsables de leur situation économique. Ce discours permet de se dédouaner de la responsabilité collective que la société doit assumer envers ses citoyens. Pour ne prendre que l’exemple du logement, comment accepter les présupposés sur les précaires, qui les conduisent parfois à se voir refuser l’accès au logement, malgré leur solvabilité ?

La précarité et la pauvreté ne sont pas des maladies, elles ne sont pas transmissibles à qui se préoccupe de celles et ceux qui les vivent. Au contraire, c’est par un réveil des consciences et une action collective que nous pourrons les endiguer. Que notre devise républicaine, « Liberté, égalité, fraternité », soit bien plus que des mots ! C’est la raison même de notre appartenance à la représentation nationale et nous pouvons en être fiers.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, souvenons-nous ! La conférence nationale de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, organisée les 10 et 11 décembre 2012 a constitué, pour beaucoup d’entre vous – je n’étais pour ma part pas encore député –, le point d’orgue d’un travail de concertation inédit avec l’ensemble des acteurs des politiques de solidarité. Je veux aujourd’hui saluer devant vous la volonté forte alors manifestée par Marie-Arlette Carlotti et le travail remarquable qu’elle a accompli.

Ces dernières années, en France, les inégalités ont légèrement régressé, pour la première fois depuis longtemps. L’augmentation des minima sociaux, la prime d’activité, dont j’ai parlé ici même récemment, et beaucoup d’autres mesures y ont sans doute largement contribué.

Mais cela est insuffisant. Les inégalités entre les territoires, notamment entre les communes, demeurent criantes, même si la politique de la ville a eu et a aujourd’hui encore des résultats probants.

Ainsi, lors de nos débats de l’automne prochain, il me semble fondamental pour le vivre-ensemble que les dotations de péréquation en faveur des territoires relevant de la politique de la ville, mais aussi des territoires ruraux en souffrance, soient au coeur de nos préoccupations budgétaires en vue de 2017.

L’une des inégalités les plus insupportables – Mme la secrétaire d’État sera sans doute d’accord – est celle concernant l’égal accès aux soins de chaque Français, soixante-dix ans après la création de la Sécurité sociale, dont l’esprit est envié et copié par de nombreux peuples du monde. Chers collègues, toutes les études sans exception montrent que les classes populaires ont beaucoup moins accès que les autres aux médecins spécialistes. Les mêmes études nous montrent qu’un généraliste sur quatre aura été perdu entre 2007 et 2025, alors même que les spécialistes médicaux verront leurs effectifs – il est vrai avec beaucoup de contrastes – augmenter de l’ordre de 15 % sur la même période.

Une étude récente de l’Association des maires - Ville et banlieue de France, que j’ai eu l’honneur de présider il y a quelques années, est riche d’enseignement quant aux inégalités d’accès à la médecine de proximité pour les habitants des quartiers populaires. Ainsi, concrètement, l’absence d’ophtalmologiste rend impossible, pour nos gamins, à l’âge de trois ans, le dépistage des troubles visuels, dont on sait qu’ils génèrent des retards de scolarité durables. Ainsi également, la pénurie de pédopsychiatres et de psychiatres dans nos cités a des conséquences quotidiennes pour le vivre-ensemble. Moins d’une commune de banlieue sur deux dispose des moyens dédiés à la lutte contre toutes les addictions. À l’exception notable de quelques villes disposant d’un plateau hospitalier public ou privé, nos villes de banlieue manquent plus que les autres de généralistes et de spécialistes. Les deux chiffres suivants sont édifiants : dans nos villes de banlieue, 0,59 généraliste pour 1 000 habitants, contre 1,56 dans l’ensemble de l’hexagone ; 0,47 spécialiste contre 1,62 – quatre fois moins – dans les autres villes.

Certes, ces dernières années, l’installation de 750 maisons de santé – qui n’ont d’ailleurs pas toujours trouvé tous les praticiens attendus – a sans doute été positive, à l’heure où les jeunes médecins aspirent davantage au salariat qu’à l’exercice libéral, comme c’était le cas autrefois.

Au final, sur cet aspect important de la santé que je tenais à évoquer, deux réflexions sont incontournables, il ne faut pas s’en cacher.

Premièrement, après les décisions positives du Gouvernement, prises notamment par Marisol Touraine, il convient maintenant d’amplifier la lutte contre les dépassements d’honoraires et leurs excès, sur l’ensemble du territoire national.

Deuxièmement, juste après les mesures incitatives portant sur les installations des jeunes médecins, et quarante ans après les mesures coercitives prises pour les installations de certaines professions comme les pharmaciens, il convient, chers collègues, de réfléchir à l’utilité ou non de mesures coercitives visant à l’installation de médecins sur le territoire français, tout en sauvegardant, évidemment, l’indispensable liberté de choix de son médecin, à laquelle je tiens particulièrement, comme chacun de vous.

Madame la secrétaire d’État, chers collègues, j’aurai évidemment plaisir à voter cette proposition de loi, comme j’aurai plaisir, dans les années à venir, parce que mon coeur, comme le vôtre, bat chaque seconde, à voter toutes les autres propositions de loi allant dans ce sens, d’où qu’elles viennent.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville, secrétaire d’état chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

Permettez-moi, monsieur le président, d’apporter quelques précisions, mon propos liminaire n’ayant peut-être pas été suffisamment exhaustif, notamment en ce qui concerne le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale.

À partir des chiffres, peut-on en déduire que la pauvreté explose ou que la France est dans une situation différente de celle des autres pays ? Qu’est-ce que le taux de pauvreté ? C’est très simple : il mesure, dan chaque pays, le nombre de personnes dont le revenu moyen se situe en dessous de 60 % du revenu médian. En France, pour une personne seule, cela représente un revenu mensuel inférieur à 970 euros. Pour l’année 2013, selon les chiffres de l’INSEE, le taux de pauvreté s’élevait à 14 %. À combien s’élevait-il en 2012 ? À 14,3 %. En 2003, il était à 13 %, tout comme en 2007. Le taux de pauvreté a donc augmenté au moment de la crise, durant le quinquennat précédent, entre 2007 et 2012. Aussi, même si la pauvreté reste beaucoup trop courante en France, même s’il est intolérable qu’elle frappe 8 millions de nos concitoyens, prétendre que le taux de pauvreté explose actuellement, c’est faux.

Pour l’année 2014, nous ne disposerons des chiffres qu’en septembre 2016, car ils sont établis à partir des données fiscales, soit avec un an de décalage, et il faut ensuite compter un an d’analyse. Il faut donc attendre deux ans pour disposer des chiffres d’un exercice donné. Et même lorsque nous disposerons des chiffres de 2014, on ne pourra pas dire qu’ils résulteront entièrement du plan de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale : une partie seulement de ces effets se seront fait sentir car la prime d’activité n’est entrée en vigueur que cette année et il faut aussi tenir compte de toutes les revalorisations – celles du RSA, du complément familial, de l’allocation de soutien familial, etc. Bref, les 2,7 milliards qui seront distribués aux 2,6 millions de ménages les plus démunis représentent le montant en année pleine du plan pauvreté à la fin des revalorisations.

Ainsi, même si la pauvreté n’explose pas, elle est stabilisée, avant même que le plan pauvreté n’entre dans son rythme de croisière. Dès lors, nous avons toutes les raisons de penser que, dans deux ans, lorsque nous disposerons des chiffres pour 2015 et 2016, c’est-à-dire les chiffres actuels, la pauvreté, en réalité, sera stabilisée, voire en diminution.

Pour le reste, comparons à ce qui se passe dans d’autres pays, notamment l’Allemagne, où le taux de chômage, chacun le sait ici, est bien inférieur à celui de la France – c’est du reste la raison pour laquelle on cite l’Allemagne en exemple, malgré les grandes différences selon les régions et les grandes villes, avec notamment le cas de Berlin. Le taux de pauvreté, en Allemagne est de 16 % – le seuil est à peu près identique, le revenu médian étant du même ordre de grandeur dans nos deux pays – et il augmente, il augmente même beaucoup plus qu’en France : il était de 15 % en 2012, pour ensuite progresser en très peu de temps d’1 point. La situation est donc bien plus inquiétante en Allemagne et, de fait, le même constat s’impose dans les autres pays européens. En France, que constatons-nous ? Notre système de protection sociale a servi d’amortisseur, en conséquence de quoi le taux de pauvreté a moins augmenté que dans d’autres pays et s’est désormais stabilisé. Pour autant, nous n’allons pas nous en satisfaire : loin de moi l’idée de faire un numéro d’autosatisfaction devant vous. Je tenais seulement à rétablir la réalité des chiffres.

Pour certains d’entre vous, l’augmentation de la pauvreté serait due à l’impuissance publique, d’autres se sont demandé pourquoi notre pays a sombré. Si l’on manque d’énergie à ce point, si l’on est autant résigné, on n’est plus bon pour le combat politique, je crois. Pour ma part, je ne suis absolument pas résignée. Évidemment, il reste énormément à faire. Les pouvoirs publics peuvent oeuvrer pour lutter contre la pauvreté, même s’ils ne sont pas les seuls, et tel est bien l’objectif du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale.

La revalorisation des minima sociaux est certes importante mais il ne s’agit pas seulement de cela. Certains ont évoqué l’importance de l’éducation. Il va sans dire qu’elle est au centre du plan pluriannuel. Si l’éducation est une des priorités du Président de la République pour le quinquennat, c’est précisément parce que c’est un moyen de lutter contre la pauvreté. Quand nous entreprenons la réforme des collèges et que nous militons pour davantage de mixité, c’est évidemment pour lutter contre la pauvreté et éviter que certains élèves ne se retrouvent toujours dans les mêmes collèges, ce qui favorise la reproduction sociale et, en quelque sorte, rend la pauvreté héréditaire.

Afin de scolariser davantage d’enfants avant l’âge de trois ans – cela figure dans le plan pluriannuel –, il faut des enseignants, donc des fonctionnaires. Par conséquent, ceux qui veulent éliminer des effectifs d’enseignants et de fonctionnaires, ils ne sont en fait pas favorables à la scolarisation avant trois ans. Celle-ci a pourtant produit ses effets : en permettant aux enfants issus de familles plus précaires d’être intégrés à l’école plus tôt et d’y réussir, pour ensuite accéder aux études supérieures et avoir un emploi, elle contribue à lutter contre le déterminisme social. C’est dans cet esprit que nous menons de telles politiques, sur le long terme. Quand on s’assigne le but de lutter contre la pauvreté, une vision à long terme s’impose.

Cela m’amène à enchaîner sur une autre notion tout aussi importante : l’investissement social. On parle sans cesse de développement économique, d’investissement économique, mais l’investissement en faveur du développement social est au moins aussi importants. Il s’agit d’une notion simple : mener des politiques sociales publiques ne représente pas une charge ou un coût pour la société mais bien un investissement, car on évite ainsi toute une série de dépenses ultérieures. Je l’indique à l’attention de ceux qui ne se placent que sur un plan budgétaire. Ceux qui se placent au contraire sur un plan humain évitent des catastrophes sociales et sanitaires. Si l’on évite à des gens de se trouver à la rue, il y aura moins de dépenses de santé et aussi moins de catastrophes humaines.

L’investissement social est le fil conducteur du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. C’est la raison pour laquelle je lancerai prochainement une fondation pour l’investissement social, justement destinée à financer des projets dont le but est l’investissement social. Pourquoi créer une fondation et lancer de tels projets ? Pour qu’ils puissent être adossés à des projets de recherche. Il est important de disposer, en France, d’équipes universitaires travaillant sur ces sujets et démontrant que les politiques sociales sont un investissement. Cela se pratique dans beaucoup d’autres pays, notamment au Québec. Il importe que la France soit également à la pointe dans ce domaine.

Vous le voyez, le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion est multidimensionnel.

Permettez-moi enfin d’évoquer la notion d’accompagnement. Une fois les minima sociaux accrus, une fois que l’on a pensé à la question de l’éducation, à la question du logement – en faisant en sorte d’accroître le nombre de structures d’hébergement et de logements sociaux –, à la question de l’accès à la formation professionnelle, et donc à celle de l’emploi, il ne faut pas oublier l’accompagnement social, l’accompagnement humain. Pour les personnes en situation de précarité, qui se sentent bien souvent stigmatisées par les institutions, par la population, par la société en général, qui ont perdu la confiance en elles, qui se retrouvent isolées – notamment les jeunes concernés par la garantie jeunes, car ils n’ont pas de famille sur laquelle compter et ne sont entourés que de gens qui leur disent qu’ils n’arriveront à rien –, pour toutes ces personnes, l’accompagnement est essentiel. Il leur permettra de reprendre confiance en eux-mêmes, envers la société et le système de protection sociale, et pourra les conduire à toutes les politiques d’insertion au sens large, c’est-à-dire d’accès au logement, à la mobilité, à l’emploi, à la garde d’enfants, etc. Depuis la dernière évaluation du plan pluriannuel, au mois d’avril dernier, l’accompagnement est devenu une priorité, notamment dans le cadre du plan d’action en faveur du travail social et du développement social. C’est un domaine extrêmement vaste et tous les ministères sont impliqués.

L’un d’entre vous a rappelé que l’ADN de la gauche était de lutter contre la précarité.

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Sous la gauche, la situation ne s’est pas arrangée…

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville, secrétaire d’état chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

Eh bien oui, ce plan pluriannuel – c’est une nouveauté – est interministériel et évalué chaque année par l’inspection générale des affaires sociales, les associations, le CNLE. S’en suit systématiquement un travail, en vue de formuler de nouvelles propositions, d’enrichir le dispositif. M. Sirugue l’a fait observer : c’est la première fois qu’un plan fait l’objet d’un tel suivi.

N’en déplaise aux pessimistes, à ceux qui pensent que tout est perdu, nous poursuivrons dans cette voie car ce Gouvernement est engagé dans la lutte contre l’exclusion.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article unique de la proposition de loi.

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La parole est à M. Hervé Féron, inscrit sur l’article unique.

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Aujourd’hui, dans 90 % des cas de placement d’un enfant, la famille vit sous le seuil de pauvreté. Les éloignements pour faits de maltraitance avérée sont, bien sûr, absolument nécessaires, mais les parents en grande précarité ne sont pas plus maltraitants que les autres. Les sociologues sont d’accord sur ce point : ce sont les conditions de vie, et non des maltraitances parentales, qui conduisent trop souvent au retrait des enfants.

On peut penser qu’il s’agit là d’un cas flagrant de discrimination à raison de la précarité sociale.

Jusqu’à présent, un individu pouvait saisir le Défenseur des droits pour pas moins de vingt motifs de discrimination différents et cumulables, mais non au titre d’une discrimination fondée sur son revenu, sa situation professionnelle ou son mode de logement. En faisant de « la particulière vulnérabilité résultant de la situation économique, apparente ou connue de son auteur » une discrimination désormais répréhensible dans le code du travail et le code pénal, l’insulte proférée dans une cour de récréation envers un enfant traité de « cas soc » pourra désormais être réprouvée.

Cela étant, la pénalisation d’une discrimination ne la fait pas nécessairement disparaître. Depuis des années déjà, ATD Quart Monde pointe du doigt la non-effectivité de la législation et la difficulté qu’éprouvent certains individus à faire respecter leurs droits. Trop de médecins refusent aujourd’hui de recevoir des personnes bénéficiaires de la couverture médicale universelle, de la couverture médicale universelle complémentaire ou de l’aide médicale d’État. Trop de caisses primaires d’assurance maladie ne respectent pas le principe déclaratif de l’adresse, freinant l’accès aux soins de personnes domiciliées dans un centre communal d’action sociale. Il existe aussi une autocensure : de peur d’être stigmatisées, les personnes en situation de précarité ne demandent pas toujours à percevoir les prestations auxquelles elles ont droit.

Ainsi, les difficultés administratives, la méconnaissance des droits de chacun et les réticences des structures contribuent à saper la réalisation des objectifs de la législation, et c’est à l’ensemble des acteurs de veiller à ce que la lutte contre toutes les formes de discrimination, et plus particulièrement celle liée à la précarité sociale, ne reste pas lettre morte. La présente proposition de loi, que nous voterons sans hésitation, est un pas supplémentaire dans cette direction.

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Je suis saisi de cinq amendements, nos 1 , 3 , 4 , 2 et 5 , qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Jacques Bompard, pour les soutenir.

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Madame la secrétaire d’État, il me semble que ce texte apporte assez peu de choses. En effet, la France du XXIe siècle n’est plus celle de Zola. Ce texte va alourdir notre arsenal légal, déjà bien trop complexe et illisible pour nos concitoyens, sans apporter aucune solution réelle. Cette proposition de loi propose en effet des traitements symptomatiques, alors que nous aurions besoin de traitements de fond. Il est évident que discriminer en raison de la précarité sociale est insupportable, car attentatoire à la dignité de l’homme, quelles que soient sa condition et ses faiblesses. Le pape François nous le rappelait à la fin de la semaine dernière. Comme sa parole est très souvent évoquée sur d’autres sujets, je me permets de rappeler ses propos : « Le monde ne devient pas meilleur, parce que composé uniquement de personnes apparemment parfaites. »

Ce qui importe le plus est que la France périphérique, cette France oubliée et brocardée parce qu’elle penserait et réagirait mal, soit effectivement entendue et protégée. On a rappelé que la France des banlieues est montée contre la France périphérique, parce qu’elle bénéficie objectivement de bien plus d’aides et de bien plus d’attention de l’État. C’est ainsi sur tous les sujets. La désertification médicale constitue ainsi une discrimination d’État à l’encontre de mon département de Vaucluse, qui est le septième département le plus pauvre de France. Qui plus est, c’est une discrimination organisée, car cela fait des années que l’on détruit le corps médical dans le silence le plus total. Cette discrimination résulte avant tout d’une politique d’État plutôt que d’un rapport de classes, comme on le présente trop souvent.

Tout en saluant l’ambition du texte, je lui reproche de proposer un traitement symptomatique. Si l’on veut éradiquer la pauvreté, ce que tout le monde souhaite, il faut changer radicalement d’objectif et rétablir le droit au travail ; celui-ci a été remplacé par le traitement social du chômage, qui enclenche un cercle destructeur, et non vertueux.

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M. Bompard n’a pas vraiment présenté ses amendements. Il a plutôt tenu un discours politique qui n’a pas grand-chose à voir avec ceux-ci. Cela dit, je vais exposer rapidement l’avis de la commission sur chacun d’eux.

S’agissant de l’amendement no 1 , qui a pour objet de supprimer la dérogation au bénéfice de la discrimination positive pour le retour à l’emploi, je veux rappeler qu’il existe, dans le droit du travail, un certain nombre d’exceptions à l’interdiction générale de discrimination, lorsqu’elles répondent à une « exigence professionnelle essentielle et déterminante » ; en matière d’âge ; lorsque l’état de santé ou le handicap équivalent à une inaptitude à occuper l’emploi en cause ; lorsqu’il s’agit d’insérer des personnes handicapées ; ou lorsqu’il y a lieu de favoriser l’égalité de traitement dans certaines zones géographiques. Vous le voyez, il existe donc déjà beaucoup d’exceptions. La proposition de loi en ajoute une pour des motifs évidents : dans une action contre l’exclusion, mieux vaut aider les plus vulnérables que les plus aisés. Nous avons là une différence fondamentale avec M. Bompard quant à l’objectif à atteindre.

S’agissant de l’amendement no 3 , la proposition de loi que nous débattons a pour objet de lutter contre les actes et les comportements discriminatoires. Le Sénat a considéré qu’il valait mieux ne pas « fliquer » – j’emploie des guillemets – le langage, en créant des délits d’injure ou d’incitation à la haine contre les pauvres. C’est un choix qui peut se comprendre. D’une part, la police du langage n’est jamais souhaitable ; mieux vaut changer les mentalités par la pédagogie que par la répression. D’autre part, les quelques incriminations qui existent touchent à des interdits absolus dans notre société – racisme, homophobie, handiphobie – dont il vaut mieux garder la spécificité.

S’agissant de l’amendement no 4 , qui a pour objet d’instituer une interdiction absolue de discrimination fondée sur la vulnérabilité économique, je rappelle qu’il existe une discrimination toujours bannie dans notre société : le racisme. Au regard de tous les autres critères, certaines situations peuvent justifier des discriminations ; par exemple, il est légitime qu’un handicap puisse équivaloir à une inaptitude professionnelle, ou que certaines activités soient interdites aux plus jeunes.

L’amendement no 2 , qui concerne la suppression de l’application du dispositif à Mayotte, est très étonnant, quoique rien ne devrait me surprendre de la part de M. Bompard. Cet amendement n’a pas de sens. Nous savons tous que la vulnérabilité économique est une donnée relative et qu’elle doit être appréciée dans son contexte. Je ne vois pas de raison de tolérer l’existence à Mayotte de discriminations que nous interdisons dans les territoires européens de la France.

S’agissant de l’amendement no 5 , j’emploierai des arguments identiques.

L’avis est donc défavorable sur ces cinq amendements.

Debut de section - Permalien
Ségolène Neuville, secrétaire d’état chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

Le rapporteur a très bien expliqué l’ensemble des raisons qui fondent l’avis défavorable de la commission. Le Gouvernement a le même avis sur ces cinq amendements, exactement pour les mêmes raisons.

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Je voudrais dire quelques mots en réaction aux amendements de M. Bompard.

À vous seul, monsieur Bompard, vous avez déposé pas moins de cinq amendements pour vider cette proposition de loi de sa substance et vous y opposer. La réalité, on l’a bien compris, est que ce texte vous dérange, tout simplement parce que vous faites partie de ceux qui véhiculent des préjugés contre les personnes en situation de précarité. Vous préférez stigmatiser et mettre à l’index les exclus que défendre la dignité et l’égalité de tous.

Il ne faut pas se cacher derrière des arguments techniques : les choses sont très claires dans la manière dont est posé le débat politique aujourd’hui, mais vous échouerez, car nous sommes tous déterminés, sur ces bancs, à faire adopter cette proposition de loi.

Je voudrais à mon tour remercier les parlementaires qui ont travaillé sur ce texte, de même que Mme la secrétaire d’État, ainsi que les associations, dont ATD Quart Monde, qui ont beaucoup contribué au lancement de cette démarche. Nous examinons un texte qui envoie un message très fort de dignité et d’égalité en direction des personnes précaires et qui contribuera à lutter contre les préjugés et à réduire concrètement les phénomènes discriminatoires.

Ces amendements n’auront donc pas, me semble-t-il, une longue existence. Nous adopterons sans nul doute cette proposition de loi, et nous pouvons en être fiers.

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Madame la secrétaire d’État, je me suis exprimé tout à l’heure en employant un ton qui n’était pas celui de la résignation. Personnellement, je n’ai pas beaucoup apprécié la réponse que vous m’avez apportée. Je m’étais efforcé d’être élégant à votre égard, je vous ai même dit que je pouvais comprendre que, dans votre situation, vous soyez obligée de vous exprimer de la sorte. Mais j’ai trouvé que vous alliez un peu loin en disant que, quand on est dans mon cas, on n’est plus apte à faire de la politique.

Après ce que vous avez dit, ainsi que d’autres, dans cet hémicycle au sujet de l’état de la pauvreté en France et dans d’autres pays – ce n’est pas parce que d’autres sont aussi pauvres que nous qu’il faut s’en réjouir –, au regard des politiques que nous conduisons, je réaffirme que je ne peux plus faire semblant, que je refuse d’admettre plus longtemps l’hypocrisie. J’ai trouvé que les mots que vous aviez eus à mon égard étaient un peu pathétiques.

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J’ai été un peu surpris par les propos de notre collègue Féron, selon qui on pourra désormais poursuivre l’insulte « cas soc » qui serait prononcée dans une cour d’école. Il faut arrêter de judiciariser les relations au sein des établissements scolaires. Je citerai un exemple récent dans un collège de ma ville de Colmar, où des parents, considérant que le conseiller principal d’éducation et le principal avaient insulté leur enfant, ont fait déférer ces deux personnes devant le tribunal correctionnel, lequel les a – heureusement – relaxés. Laissons l’école fonctionner en interne et arrêtons de judiciariser les relations au sein des établissements scolaires.

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Revenons-en, mes chers collègues, aux amendements.

Je vous donne la parole, monsieur Féron, en vous priant d’être bref et de ne pas relancer le débat.

Sourires.

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Il ne s’agit pas de judiciariser, monsieur Straumann, il s’agit de ne plus banaliser ce qui est de l’ordre de l’insulte et de la stigmatisation.

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Je pense que tout le monde sera d’accord sur ce point, d’autant que M. Bompard n’est plus là.

Les amendements nos 1 , 3 , 4 , 2 et 5 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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La parole est à M. Christophe Sirugue, pour un rappel au règlement.

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Je m’étonne du comportement consistant à déposer des amendements et, avant même qu’ils n’aient été soumis au vote, à quitter l’hémicycle. Je considère que cela exprime un mépris à la fois envers notre assemblée et à l’égard de toutes les personnes avec lesquelles nous avons échangé et débattu. Je ne partage ni les positions politiques de M. Bompard, chacun le sait, ni sa manière d’exercer son droit d’expression démocratique.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Je vous rappelle, mes chers collègues, que je suis tenu, dès lors qu’ils ont été défendus, de mettre aux voix les amendements.

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Je mets aux voix l’article unique de la proposition de loi.

L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble de la proposition de loi.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de MM. Michel Lesage, Jean Glavany, Jean-Paul Chanteguet, Mme Marie-George Buffet, MM. François-Michel Lambert, Bertrand Pancher, Stéphane Saint-André et Mme Martine Lignières-Cassou visant à la mise en oeuvre effective du droit humain à l’eau potable et à l’assainissement (nos 2715 rectifié, 3199).

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La parole est à M. Michel Lesage, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée de la biodiversité, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, mes chers collègues, je tiens à vous exprimer ma joie et ma fierté de voir l’Assemblée nationale examiner une proposition de loi sur l’eau, et d’en être le rapporteur.

L’eau est un sujet dont on parle trop peu dans cet hémicycle. Cette proposition de loi concerne la mise en oeuvre du droit humain à l’eau potable et à l’assainissement, c’est-à-dire l’accès à l’eau pour tous. C’est un enjeu fort, comme tous les défis auxquels nous sommes confrontés concernant l’eau.

L’eau est tellement indispensable à la vie, tellement indissociable de nos existences que l’on en vient presque à négliger son importance, à oublier qu’elle doit être considérée comme un bien commun et sanctuarisée en tant que tel.

« Dis-moi ce que tu fais de ton eau, je te dirai qui tu es », écrit Erik Orsenna. Oui, l’eau est bien le reflet de nos communautés humaines. Elle est un marqueur de l’état de notre société et symbolise tous les défis que nous devons relever : la gestion de nos ressources naturelles, le développement, la dignité humaine, l’accès à la santé et à la sécurité alimentaire. L’eau est donc une question éminemment politique, car nous sommes confrontés à de multiples enjeux la concernant.

Ces enjeux sont de nature quantitative : si l’eau est un bien commun, ainsi que je le rappelais, c’est aussi un patrimoine partagé. L’eau est une ressource unique, mais ses usages sont multiples et, souvent, conflictuels.

Les enjeux sont également qualitatifs. Le temps de l’eau facile est désormais révolu. L’eau est devenue une ressource fragile. Seulement 35 % des eaux de surface sont en bon état écologique et les sources de pollution se multiplient.

Lors de la COP21, les gaz à effet de serre et la transition énergétique ont tenu le haut du pavé. J’ai eu l’occasion déjà de souligner ici que de mon point de vue, et malgré les efforts de certains, l’eau n’avait pas eu toute sa place dans les débats. Il faut se réjouir de l’accord international arraché le 12 décembre 2015 à l’unanimité des 195 États parties. Il est toutefois regrettable que le mot « eau » ne soit mentionné dans aucun des vingt-neuf articles du compromis final. Il est en effet évident que les changements climatiques sont aussi des changements aquatiques, comme on le dit parfois.

En outre, l’eau menacée peut à son tour devenir menaçante et causer des ravages, comme en témoigne la multiplication d’événements extrêmes, qu’il s’agisse de sécheresse ou d’inondations, telles que celles que nous avons subies récemment. Près de 90 % des catastrophes naturelles sont liées à l’eau. L’eau, source de vie, peut alors devenir source de drames, de morts et de conflits.

Dans le monde – et j’en viendrai à la France dans quelques instants, soyez rassurés, mais l’enjeu dépasse largement les frontières de notre pays –, 800 millions de personnes n’ont pas accès à l’eau et 4 milliards, soit la moitié de l’humanité, boivent de l’eau considérée comme douteuse. Enfin, plus de 2 milliards de personnes manquent d’un assainissement permettant une vie digne. Ainsi, même si en 2010 les Nations unies ont reconnu le droit à l’eau potable et à l’assainissement comme un droit de l’homme, force est de constater que l’accès à l’eau potable est loin d’être une réalité pour tous.

Vous me direz que la situation en France est différente. Il est vrai que, dans notre pays, l’eau potable coule aujourd’hui au robinet et à tout moment dans 99 % des logements, et que 90 % des habitations sont raccordées à l’assainissement. Cependant, depuis une douzaine d’années, de nombreux rapports et travaux parlementaires ont mis l’accent sur les lacunes du droit à l’eau pour tous dans notre pays ; le Conseil d’État, le Conseil économique, social et environnemental, le Comité national de l’eau, le Conseil général de l’environnement et du développement durable – ou CGEDD. Ce dernier, dans un rapport publié début 2016, a souligné ces difficultés.

Elles concernent deux catégories de population. Premièrement, sont touchées les personnes démunies qui ont du mal à payer leur eau. Près d’un million de ménages ont accès à l’eau à un coût considéré comme excessif par rapport à leurs revenus, puisqu’il correspond à 3 % de ceux-ci. Il existe en effet un consensus entre les États de l’OCDE pour considérer ce niveau comme inabordable. Deuxièmement, le droit à l’eau n’est pas effectif pour plus de 100 000 personnes qui n’ont pas un accès direct ou permanent à l’eau et à l’assainissement : personnes sans domicile fixe, personnes vivant en habitat précaire, demandeurs d’asile ou réfugiés. Malheureusement, vous le savez, 8 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, et leur situation est avant tout imputable au logement et aux charges afférentes – énergie et eau.

Tels sont les constats qui nous ont amenés à travailler sur cette proposition de loi en étroite relation avec de nombreuses associations et organisations non gouvernementales regroupées au sein d’une plate-forme coordonnée par la fondation de Danielle Mitterrand, France Libertés, le réseau Coordination eau Île-de-France et la Coalition eau. Elles doivent être remerciées et félicitées pour leur importante mobilisation. Cette élaboration partagée et l’implication de nos collègues députés Jean Glavany et Jean-Paul Chanteguet expliquent aussi que la proposition de loi ait été signée par plusieurs parlementaires, dans le cadre d’une démarche transpartisane. Je m’en félicite car, de mon point de vue, c’est trop rare dans cette assemblée. Ce texte est le fruit de trois ans de travail, de nombreuses auditions et réunions.

Le contenu concret de cette proposition s’articule en quatre points.

L’article 1er permet à la France d’introduire le droit à l’eau et à l’assainissement dans son ordre juridique interne et de le définir concrètement au travers de plusieurs exigences : chaque personne doit pouvoir disposer chaque jour d’une quantité suffisante d’eau potable pour répondre aux besoins élémentaires, accéder aux équipements lui permettant d’assurer son hygiène, son intimité et sa dignité, utiliser les services d’eau et d’assainissement dans des conditions compatibles avec ses ressources.

Les articles suivants déclinent les objectifs inscrits à l’article 1er. L’article 2 prévoit ainsi d’introduire dans le code de la santé publique l’obligation pour les collectivités territoriales ou les établissements publics de coopération intercommunale de prendre les mesures nécessaires pour répondre à ces objectifs. Concrètement, toutes les collectivités doivent installer et entretenir des équipements de distribution gratuite d’eau potable. En outre, doivent être accessibles à toute personne, dans chaque commune de plus de 3 500 habitants des toilettes publiques gratuites, et dans les communes de plus de 15 000 habitants des douches gratuites.

Nous considérons que ces dispositions ne devraient pas être difficiles à mettre en oeuvre, car les collectivités sont toutes alimentées en eau potable au moyen de points d’eau ou de bornes-fontaines. Pour les collectivités de plus de 3 500 habitants, qui sont moins de 10 000 en France, soit 7 % de la totalité, des toilettes publiques existent déjà, en particulier sur les terrains de sport. Cette disposition présente un intérêt pour toutes les personnes, et pas seulement pour les personnes en situation d’exclusion, puisque la mise à disposition de tels équipements est aussi un enjeu de santé, d’hygiène et de salubrité publique. Les touristes pourront aussi en bénéficier, bien entendu.

J’ajoute que ces dispositions sont recommandées depuis de nombreuses années par le Conseil d’État, le Comité national de l’eau, l’Association des maires de France et le CGEDD.

Les articles 3, 4, 5 et 6 créent une allocation forfaitaire d’eau pour les personnes raccordées au réseau mais en situation de précarité. Cette allocation nous paraît indispensable pour lutter contre la précarité et parce que les dispositifs actuels tels que le Fonds de solidarité pour le logement – le FSL – interviennent de manière curative. Ils sont stigmatisants, hétérogènes et très souvent inefficaces, puisque plus de 50 % des personnes qui pourraient y prétendre ne font pas la demande.

Le député André Flajolet soulignait, dans l’exposé des motifs d’une proposition de loi qu’il avait déposée en 2010 sur le même sujet, que l’intervention au travers du FSL, « nécessaire pour apporter une réponse aux situations les plus complexes […] ne permet[tait] pas d’assurer une mise en oeuvre complète et équitable de ce droit d’accès à l’eau au niveau national ».

Nous proposons donc un dispositif national de solidarité à caractère préventif, lisible, simple en direction des bénéficiaires du RSA socle ou de la CMU complémentaire. Ce système pourrait évoluer vers le chèque énergie, ce que je suggère dans un amendement.

Le financement de cette mesure a fait l’objet de nombreuses réflexions, de nombreux débats ; c’est le point le plus délicat. Plusieurs options peuvent être envisagées. Plusieurs de nos collègues proposent, à travers des amendements, un financement assis sur une taxe sur le tabac ou sur une taxe sur le chiffre d’affaires des délégations de service public de l’eau. Cette dernière proposition aurait cependant pour conséquence d’augmenter les factures des usagers. Ce n’est pas l’hypothèse que nous retenons.

Nous proposions pour notre part d’instaurer une contribution exceptionnelle sur les eaux embouteillées. Ayant constaté qu’elle ne convenait pas à nos collègues et qu’elle posait problème sur tous les bancs de cette assemblée, il m’a paru finalement nécessaire de déposer un amendement à l’article 5 pour supprimer la disposition créant cette taxe additionnelle. Le fonds de solidarité pour le droit à l’eau serait néanmoins bien créé au sein du Fonds de solidarité pour le logement et abondé par le budget général de l’État, qui apporte déjà 15 milliards d’euros chaque année à ce fonds national.

Je tiens ici à souligner avec force à quel point il est important de conserver dans la proposition de loi le principe de financement de l’allocation par la solidarité nationale ; à défaut, le texte serait vidé de sa substance.

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Les amendements visant à supprimer purement et simplement l’article 5 amputent la proposition de loi de sa portée solidaire et ouvrent la porte à des financements qui pourraient reposer sur les ménages, ce qui n’est pas souhaitable.

Je passe donc sur les raisons qui nous ont amenés à proposer le financement par la contribution sur les eaux embouteillées puisque cette proposition n’est pas en débat aujourd’hui, un retrait souhaité par nombre d’entre vous.

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J’en viens au quatrième point fort de la proposition de loi : vous le savez, ce sont les collectivités locales qui sont les autorités organisatrices des services d’eau et d’assainissement. Il est important de les mobiliser sur la question sociale liée à l’eau car plusieurs leviers peuvent être activés, en particulier la réduction des fuites, les économies d’eau, la réduction de la part fixe par rapport à la part variable dans la facture d’eau. Les collectivités doivent s’approprier cette question. Dans ce but, il est demandé qu’elles fournissent régulièrement des éléments d’appréciation à leurs concitoyens sur la mise en oeuvre du droit à l’eau. Enfin, il est précisé à l’article 8 que le Comité national de l’eau a pour mission de remettre au Parlement et au Gouvernement un rapport triennal sur la mise en oeuvre de ce droit à l’eau.

Pour conclure, et je vous prie de bien vouloir m’excuser d’avoir dépassé le temps de parole qui m’était imparti, cette proposition de loi apporte des solutions concrètes pour permettre l’accès à l’eau des plus démunis. Il s’agit bien d’une urgence sociale. Les mesures ici proposées sont simples, faciles à mettre en oeuvre et complémentaires des dispositifs existants, en particulier de ceux qui ont été institués par la loi Brottes. Si ces derniers ont l’intérêt d’exister, ils ont l’inconvénient d’être territorialisés et expérimentaux. Ces dispositifs s’inscrivent dans une perspective de droit et d’égalité de traitement des citoyens en France. La France, à la pointe de la COP21 et de la COP22, s’offre ainsi l’occasion de donner l’exemple en prouvant dans les faits que le droit à l’eau peut devenir une réalité pour tous non seulement sur son territoire mais aussi dans le monde.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili, secrétaire d’état chargée de la biodiversité

Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, permettez à la secrétaire d’État chargée de la biodiversité que je suis de commencer cette intervention en citant Danielle Mitterrand, qui a consacré tant d’énergie à dénoncer la formidable contradiction qu’il y a entre le statut naturel de l’eau et son statut économique et social.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili, secrétaire d’état chargée de la biodiversité

« L’eau, déclarait-elle au Forum mondial du développement durable de Marcoussis le 24 juin 2010, est le dénominateur commun de toutes les formes de vie sur terre et, probablement, dans l’univers. La vie est fille de l’eau, la vie des bactéries, des plantes des animaux et des hommes. Dès l’origine, elle a été et reste le lieu de rencontre unique des éléments constitutifs de la vie, les acides aminés, les ADN, les minéraux. Sans eau, l’improbable rencontre de ces divers éléments n’aurait jamais eu lieu.

« L’eau est à la fois le préalable et le composant essentiel de la vie. Et pourtant la vie ne consomme pas l’eau. Bien qu’elle participe à une multitude de combinaisons chimiques, l’eau n’est pas détruite, ou si peu. Éternellement, elle se recycle, toujours prête à entrer dans une nouvelle noria : macronoria de la mer, de l’évaporation et des nuages, micronoria des échanges cellulaires, et noria interhumaine, celle de l’eau "usée" que la nature régénère pour une nouvelle consommation.

« L’eau est partout où se trouve la vie, la vie est partout où se trouve l’eau.

« Comment ne pas considérer avec infiniment de respect ce "cristal liquide" qui a la propriété, sous ses multiples apparences, de transporter l’énergie du ciel dans ses puissants cumulus, de charrier des sédiments dans ses fleuves, de transporter les aliments jusqu’à la plus petite cellule végétale ou animale ?

« Dès lors, on comprend – enfin, je l’espère ! – que l’eau ne peut pas avoir un statut économique ordinaire. »

L’eau comme source de vie, l’eau comme bien collectif, l’eau comme droit individuel, l’eau comme objet économique singulier, nécessitant des dispositions singulières : tout est dit dans ces quelques phrases lumineuses qui ont à l’évidence inspiré une partie de vos travaux.

Je tiens tout d’abord, au nom du Gouvernement, à saluer la démarche de co-construction de la proposition de loi examinée cet après-midi.

La co-construction s’est d’abord faite avec de nombreuses associations et organisations non gouvernementales humanitaires, caritatives et environnementales regroupées autour d’une plate-forme coordonnée par la fondation France Libertés et la Coalition eau. C’est la preuve que nos institutions peuvent pleinement fonctionner en lien avec la société et ses forces vives, et c’est la richesse de notre procédure parlementaire que de permettre à des démarches citoyennes de cette nature de nourrir la discussion dans l’hémicycle et d’être examinées par la représentation nationale. Vous savez quel a été mon engagement quand j’occupais mes précédentes – mais pas si anciennes – fonctions parlementaires ; je ne peux donc qu’aborder avec grand intérêt la discussion de ce texte aujourd’hui.

Cette co-construction a également été transpartisane, ce qui n’a rien d’un hasard car votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, suscite l’intérêt et le soutien de plusieurs groupes parlementaires. Elle est le fruit du dialogue que vous avez su établir et entretenir, de sa conception à son examen en commission. Cela s’explique également par un besoin réel de la société française et par les difficultés réelles que connaissent nos concitoyens les plus fragiles et les plus modestes en matière d’accès à l’eau. Introduire dans la loi un droit d’accès à l’eau potable et à l’assainissement peut sembler superfétatoire tant il relève de l’évidence – j’allais dire qu’il coule de source (Sourires) –, pour l’immense majorité de nos concitoyens, mais c’est oublier la réalité que vivent des milliers de femmes, d’hommes et d’enfants qui, aujourd’hui encore, sont privés de ces droits qui semblent acquis au plus grand nombre, parce que leur mode de vie n’est pas sédentaire, parce qu’ils vivent éloignés des réseaux, disposent de ressources trop contraintes ou ont perdu leur toit.

Ce droit garanti, les conditions de sa mise en oeuvre et de son financement seront au coeur de la discussion parlementaire. Le Gouvernement sera présent pour accompagner vos réflexions et vos orientations, dans le respect de l’initiative parlementaire qui caractérise le texte. Celui-ci prévoit la mise à disposition par les collectivités d’équipements sanitaires et d’accès à l’eau potable pour les personnes non raccordées. La décentralisatrice convaincue que je suis, défenseur de la liberté des collectivités locales, n’y voit aucune contradiction avec votre approche du sujet. Si la France est une République décentralisée, elle est avant tout une République, qui se doit de garantir l’universalité des droits s’agissant des besoins essentiels de ses concitoyens.

La décentralisation – il me semble bon de le rappeler en ces temps de délitement de l’esprit républicain et de tentations de replis identitaires –, c’est la liberté des territoires de déterminer les conditions les plus adaptées à la réalité de chacun d’entre eux pour garantir l’égal exercice des droits. Votre proposition de loi s’inscrit dans cette exigence. Bains douches municipaux, équipements spécifiques dans les centres sociaux : chaque collectivité doit avoir le choix des solutions pourvu que le droit des plus démunis à accéder facilement et sans excès de démarches à l’eau potable et à des équipements sanitaires indispensables à leur dignité leur soit garanti.

Inscrire cette exigence dans la loi permet également d’aider les élus locaux qui se heurteraient à des oppositions dans la réalisation de tels équipements. Nous savons tous qu’il est difficile de développer des projets de ce type car ils suscitent d’abord bien souvent – trop souvent – des réticences de voisinage et alimentent des fantasmes. En faire une obligation législative permet aussi d’aider les maires. La démocratie locale, votre proposition l’aborde et c’est heureux.

Je citais au début de cette intervention Danielle Mitterrand, qui a beaucoup travaillé sur l’accès à l’eau. Elle y a travaillé et réfléchi dans une optique internationale, bien entendu, car l’accès à l’eau est un déterminant de plus en plus important des enjeux géopolitiques, mais aussi à l’aune de la réalité française.

Il me semble que nous devons être lucides sur les erreurs qui ont été commises en France dans les années 1980. Lorsque le coût d’entretien des équipements de distribution, de collecte et de traitement de l’eau a commencé à peser sur les finances des communes ou des syndicats mixtes, de nouveaux acteurs sont arrivés sur le marché et la place des dispositifs publics a reculé. Assez paradoxalement en somme, dès que l’eau s’est démocratisée, elle a commencé à échapper au contrôle démocratique.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili, secrétaire d’état chargée de la biodiversité

Sous couvert de solutions techniques et d’externalisations qui se voulaient économes et bénéfiques pour les budgets locaux, des systèmes perçus comme opaques, car ils n’assuraient pas toujours la transparence des coûts, ont été mis en place. Il ne s’agit pas de reproduire en sens inverse cet excès en imposant aux collectivités leurs choix de gestion mais il est indispensable de rappeler, au moyen de débats citoyens sur l’eau et l’assainissement, que l’eau n’est pas un bien ou un service de statut économique ordinaire, comme le soulignait Danielle Mitterrand. Cette affirmation, qui sous-tend le texte, le Gouvernement y souscrit.

Il souscrit de même à la nécessité d’y voir plus clair en matière de zones grises, là où l’accès à l’assainissement est problématique, le plus souvent pour des raisons techniques et de financières. La remise au Gouvernement d’un rapport triennal sur la mise en oeuvre d’un droit à l’eau et l’assainissement, notamment pour ceux qui ne disposent pas d’un raccordement à l’eau potable, retient notre attention et recueille notre assentiment.

Comme vous le savez, mesdames et messieurs les députés, et particulièrement ceux de la majorité, le candidat François Hollande, devenu Président de la République, s’est engagé sur ce point dans son engagement 42. Il écrivait : « Je ferai adopter une nouvelle tarification progressive de l’eau, de l’électricité et du gaz afin de garantir l’accès de tous à ces biens essentiels et d’inciter à une consommation responsable ».

En matière d’énergie, cet engagement est tenu. Plusieurs dispositions de la loi Royal relative à la transition énergétique pour la croissance verte ont mis en place la traduction concrète de ces principes, notamment au moyen du chèque énergie. C’est l’oeuvre du Gouvernement et de la majorité.

En matière d’accès à l’eau et de sa tarification sociale, la loi Brottes, que vous avez adoptée en 2013, a ouvert aux collectivités locales la possibilité d’expérimenter pendant cinq ans de nouvelles tarifications de l’eau etou de l’assainissement ainsi que des systèmes d’aides au paiement de la facture d’eau afin de garantir un meilleur accès de tous à ces services.

Les dispositifs d’aide aux ménages ayant des difficultés à payer leurs factures d’eau sont ainsi complétés car cette expérimentation prévoyait une tarification sociale progressive prenant en compte la situation concrète des ménages, c’est-à-dire leurs revenus et le nombre de personnes composant le foyer. Je salue ici les collectivités locales qui se sont engagées dans cette expérimentation prévue pour cinq ans, à l’issue de laquelle la loi Brottes prévoit que le Comité national de l’eau tire les leçons des dispositifs imaginés par les collectivités et propose la généralisation de ceux qu’il jugera les plus efficaces.

Votre proposition de loi vise à définir non seulement un cadre universel ne reposant pas sur la seule volonté des collectivités mais aussi une démarche répondant plus vite et de façon générale à la problématique. Il s’agit en quelque sorte d’ouvrir une autre voie à l’accélération de la mise en oeuvre complète de l’engagement 42 qui fonde le pacte conclu avec les Français. Cela suppose de préciser les conditions de la création de l’aide forfaitaire préventive pour l’eau prévue dans la présente proposition de loi. La mise en place de cette allocation forfaitaire nécessite de définir avec les acteurs concernés des modalités de mise en oeuvre pour s’assurer de son caractère opérationnel et juste ainsi que pour préciser son financement.

Sur ce point, tant vos travaux en commission que les discussions que j’ai eues avec votre rapporteur amènent le Gouvernement à considérer que la solution idoine n’est pas encore définie. Il incombera largement à la discussion parlementaire d’avancer sur ce point essentiel. Vous trouverez au cours de ce débat un gouvernement attentif, partenaire de votre démarche et disposé à trouver avec vous les meilleures solutions pour garantir la solidarité avec les ménages les plus modestes en matière d’accès à l’eau.

Place, donc, à la discussion, en vous remerciant encore une fois, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les cosignataires de la proposition de loi, de cette initiative.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Martine Lignières-Cassou.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, la proposition de loi que nous examinons ce soir est l’aboutissement heureux de plusieurs engagements pris depuis de nombreuses années par un grand nombre d’acteurs : engagement de la communauté internationale, sous l’égide de l’ONU, qui a reconnu en 2010 le droit à l’eau comme fondamental et essentiel au plein exercice du droit à la vie ; engagement de la France, qui a voté cette résolution ; engagement du candidat François Hollande, qui a promis en 2012 d’instaurer une tarification progressive de l’eau, de l’électricité et du gaz ; engagement des associations comme France libertés, Coalition eau, Obusass et l’Académie de l’eau, dont je salue la présence dans les tribunes ce soir, qui nous ont inlassablement stimulés et ont travaillé à nos côtés ; engagement des députés, parfois depuis longtemps, aidés par le coup de pouce du président Chanteguet et de Bruno Le Roux, qui ont permis l’inscription à l’ordre du jour de cette proposition de loi ; et votre engagement, madame la secrétaire d’État.

Pourquoi un droit à l’eau et à l’assainissement est-il indispensable en France, pays riche, sixième puissance mondiale ? Parce que 150 000 personnes n’ont pas accès à l’eau, en particulier les sans-abri, et environ un million de ménages connaissent des difficultés pour payer des factures trop lourdes. Aussi existe-t-il dans nos rangs un large consensus pour reconnaître ce droit, comme le montrent la proposition de loi de notre ancien collègue André Flajolet et celle-ci, transpartisane, déposée par Marie-George Buffet, Jean-Paul Chanteguet, Jean Glavany, François-Michel Lambert et Bertrand Pancher – entre autres.

Que constatons-nous ? Certes, les départements disposent, dans le cadre du Fonds de solidarité pour le logement, d’une ligne budgétaire destinée à aider les familles en difficulté à faire face à des factures trop lourdes. Certes, la loi Brottes de 2013 reconnaît aux communes le droit d’expérimenter une tarification sociale de l’eau, mais seules une cinquantaine d’entre elles l’ont mise en oeuvre.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dont Libourne en effet !

Néanmoins, ces initiatives ne sont pas à la hauteur de l’enjeu. C’est pourquoi nous proposons que ce sujet relève d’abord de la solidarité nationale et que l’aide apportée soit pensée comme un droit, une aide préventive, à l’image du chèque énergie. Il ne s’agit pas de faire fi des initiatives communales, bien au contraire. Nous proposons aux collectivités territoriales d’approfondir leur implication en ouvrant leurs équipements tels que les points d’eau, toilettes et douches à ceux qui n’ont pas accès à l’eau et à l’assainissement et en organisant un débat au sein des conseils municipaux au cours de la première moitié du mandat.

Oui, nous souhaitons reconnaître un droit à l’eau qui ne soit pas seulement une aide facultative et curative. Cet objectif est d’ailleurs partagé sur tous les bancs. Pour autant, le financement de la mesure s’avère délicat car il engage, outre sa dimension budgétaire, une conception de la solidarité. Doit-il s’agir de solidarité nationale ou de solidarité locale ? De la solidarité des consommateurs d’eau avec d’autres consommateurs ? Ou bien encore faut-il envisager d’autres moyens de financement ? Pourtant, le montant des sommes nécessaires – environ 50 millions d’euros – n’est pas très élevé au regard de celles consacrées par exemple au chèque énergie, qui dépassent 600 millions d’euros.

La proposition de loi, telle que vous l’avez entre les mains, chers collègues, prévoit de financer le dispositif en augmentant la taxe sur les eaux embouteillées, qui existe déjà, mais plusieurs d’entre nous ont fait part de leurs craintes de répercussions négatives sur les petits producteurs d’eau. Cette crainte, Michel Lesage vient de dire qu’il l’a entendue.

D’autres souhaitent que les sommes nécessaires soient prélevées sur les délégataires du service public de l’eau mais cette solution, à nos yeux, aurait comme conséquence de répercuter le coût du dispositif sur la facture des consommateurs. Aussi le rapporteur a-t-il pris l’initiative de déposer un amendement, cosigné par plusieurs d’entre nous, prévoyant un financement par le budget général de l’État. Je ne doute pas, madame la secrétaire d’État, que le débat parlementaire, ici aujourd’hui, demain au Sénat, ne nous permette d’en finaliser les modalités.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la secrétaire d’État, vous avez cité Danielle Mitterrand ; je citerai, quant à moi, Antoine de Saint-Exupéry : « Eau, […] tu n’es pas nécessaire à la vie, tu es la vie ».

La proposition de loi visant à la mise en oeuvre effective du droit à l’eau potable et à l’assainissement repose sur les valeurs de fraternité, de solidarité et de générosité. Est-elle pour autant vertueuse ? En France, nous manquons souvent de pragmatisme et n’avons malheureusement pas la culture de l’évaluation. Cela est bien dommage puisque, depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, l’expérimentation est possible dans les collectivités locales. La loi organique du 1er août 2003 calque le cadre de l’expérimentation ouverte aux collectivités territoriales dans le domaine réglementaire sur celui de l’expérimentation dans le domaine législatif. Il va de soi que l’objet de l’expérimentation doit être précisé, de même que sa durée et les dispositions auxquelles il pourra être dérogé.

Or l’article 28 de la loi du 15 avril 2013 a permis la mise en place de dispositifs sur cinq ans visant à favoriser l’accès à l’eau, avec la participation de 50 collectivités volontaires. Or à quoi sert une expérimentation, si elle n’est pas conduite jusqu’à son terme et si son évaluation n’est pas faite ? À jeter le discrédit sur les initiatives prises par les collectivités, ce que l’on ne peut que regretter. L’adoption de cette proposition de loi réduirait à néant un processus qui relève pourtant du bon sens.

L’article 1er donne une nouvelle définition du droit à l’eau potable et à l’assainissement. Mais celle-ci est-elle compatible avec l’article L. 210-1 du code de l’environnement ? Celui-ci précise en effet : « l’usage de l’eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous.

« Les coûts liés à l’utilisation de l’eau, y compris les coûts pour l’environnement et les ressources elles-mêmes, sont supportés par les utilisateurs en tenant compte des conséquences sociales, environnementales et économiques ainsi que des conditions géographiques et climatiques. »

L’État, les collectivités et leurs établissements publics sont compétents en matière d’eau et d’assainissement, mais il est à relever que le droit à l’assainissement est vu sous l’angle de l’assainissement collectif, alors que le cas des personnes ayant une installation d’assainissement non collectif n’est pas envisagé. Il est surprenant que, dans le cadre de démarches éco-responsables, on ne trouve pas d’encouragement à la consommation raisonnable d’eau potable. Cela devrait être l’un des objectifs de cette proposition de loi.

De même, il est surprenant que ce texte prenne une orientation forte en rattachant la responsabilité opérationnelle concernant les équipements prévus à l’article 2 – toilettes publiques dans les communes de plus de 3 500 habitants et douches gratuites dans les collectivités de plus de 15 000 habitants – aux seuls services de l’eau et de l’assainissement, ignorant les compétences en matière d’aide sociale et d’accès au logement. Qu’en sera-t-il de l’exonération des redevances « pollution » ou des redevances destinées à la modernisation des réseaux ?

Inévitablement, les incidences, notamment financières, seront fâcheuses. L’interdiction récente de toute coupure d’eau dans un immeuble d’habitation principale a un impact négatif sur les services d’eau et d’assainissement, d’autant qu’il est difficile de distinguer entre les personnes en difficulté sociale réelle et les mauvais payeurs. S’agissant des services à caractère industriel et commercial, le jeu des vases communicants fera que les usagers vertueux, souvent issus de milieux modestes et qui se font un honneur de payer leur facture d’eau, seront pénalisés, car les augmentations seront inévitables. Aujourd’hui, on peut constater une croissance des impayés.

Cette proposition de loi est fondée sur des principes fallacieux, car l’eau a non seulement un coût, elle a un prix, forcément acquitté par quelqu’un. Il faut veiller à ne pas déresponsabiliser nos concitoyens.

Cette proposition de loi me semble inutile, dans la mesure où les municipalités, par le biais des centres communaux d’action sociale – les CCAS –, ont déjà prévu des dispositifs d’aide pour les ménages démunis.

Ce texte est aussi nuisible pour les municipalités, car il a pour conséquence de supprimer la possibilité de couper l’alimentation d’eau et, de ce fait, de réduire les moyens d’action pour lutter contre les abus. N’oublions pas que les coupures sont efficaces pour gérer les impayés,…

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…lesquels ne sont pas dus, dans 90 % des cas, à des situations de précarité.

Le groupe Les Républicains a déposé un amendement de suppression de l’article 5. J’ai cru comprendre que la contribution additionnelle de 0,005 euro par litre à la taxe sur les boissons non alcoolisées, définie à l’article 520 A du code général des impôts, ne serait plus d’actualité. Nous resterons vigilants lors de l’examen du texte. L’adoption d’une telle disposition aurait eu, à n’en pas douter, des conséquences négatives sur un secteur déjà fragile économiquement, celui des producteurs d’eaux minérales naturelles.

Les expériences françaises et étrangères montrent que le prix de l’eau doit être abordé avec l’introduction de mesures particulières de solidarité, au bénéfice des plus démunis. Dans le contexte français, l’initiative devra venir des municipalités, le législateur ayant récemment mis en place des instruments adaptés, notamment celui de l’expérimentation.

Il est parfaitement possible de mettre en oeuvre le droit à l’eau sans engendrer des difficultés particulières sur le plan financier et sans dépendre de l’adoption de nouvelles taxes. Pour y parvenir, il faudrait faire appel à plusieurs approches différentes, et non à une approche nationale unique.

Le groupe Les Républicains votera contre cette proposition de loi, qui lui semble inutile et contre-productive pour les municipalités.

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Et pendant ce temps, le chiffre d’affaires de Veolia se compte en dizaines de milliards !

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, le moment est venu de me jeter à l’eau !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cela n’a pas été suffisamment commenté, et je veux le souligner : cette proposition de loi est très originale par sa forme, puisqu’elle est l’expression d’une demande de la société civile, autour d’une plate-forme réunissant les grandes organisations humanitaires de notre pays. La Coalition eau, regroupant trente ONG, et la fondation France Libertés en sont à l’initiative et ont travaillé avec le Secours populaire français, le Grand Orient de France, France nature environnement et la Coordination eau Île-de-France.

Cette proposition de loi est cosignée et a donc été co-élaborée par des responsables politiques de la majorité et de l’opposition, ou du moins d’une partie, puisque je m’y suis spontanément associé en tant que parlementaire UDI. Je veux me réjouir de cette démarche et formuler le voeu que, plus souvent à l’avenir, nous nous réunissions et cassions des codes désuets, afin de travailler tous ensemble.

Il faut dire que l’eau constitue indéniablement l’un des défis les plus importants de notre siècle : cette ressource devient rare dans certaines zones de notre planète, et représente un enjeu de santé publique majeur. Si les sujets en lien avec le réchauffement climatique concentrent les énergies lors des conférences internationales, la place de l’eau y est paradoxalement moins présente. Pour autant, préserver l’eau est une nécessité.

La question de la mise en oeuvre effective du droit fondamental qu’est celui de l’accès à l’eau potable est cruciale. Chaque être humain doit disposer de suffisamment d’eau pour satisfaire ses besoins fondamentaux, ce qui est loin d’être le cas actuellement. L’eau non traitée représente d’ailleurs l’une des causes de mortalité les plus importantes dans le monde.

Certes, 99 % des Français ont accès à l’eau. C’est une traduction de notre développement, qu’il faut cependant nuancer : les difficultés de paiement de la facture d’eau ne sont, par exemple, pas prises en compte dans ce pourcentage. Or, actuellement, près d’un million de ménages français ont accès à l’eau à un prix considéré comme excessif par rapport à leurs revenus. Ces données sont malheureusement en hausse, comme l’ont récemment souligné le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale et l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale.

La loi Brottes du 15 avril 2013 a rendu possible le financement des aides au fonds de solidarité pour le logement par le budget propre des collectivités, ainsi que l’expérimentation d’une tarification différenciée. Elle a également permis l’interdiction des coupures d’eau dans les résidences principales, même en cas d’impayé, et ce tout au long de l’année. Nous nous réjouissons que cette mesure fondamentale ait été adoptée. Ainsi, notre pays a d’ores et déjà mis en place plusieurs dispositifs pour favoriser l’accès à l’eau. La France a d’ailleurs signé plusieurs engagements internationaux en ce sens. Mais cela étant loin d’être suffisant, il convenait de combler les lacunes.

Je suis donc heureux, monsieur le rapporteur, de m’être associé à votre travail et salue votre implication sur un sujet aussi délicat, et surtout méconnu. En cosignant cette proposition de loi et en soulignant son humanisme, je voulais surtout qu’un débat soit ouvert au sein de notre assemblée et que nous nous mettions d’accord sur des propositions nouvelles de prise en charge de la précarité. J’ai récemment organisé, avec vous d’ailleurs, un colloque sur la coopération internationale, et plus particulièrement sur les acteurs de l’eau. J’ai donc tout à fait conscience que le chemin est encore long, et qu’il reste beaucoup à faire.

Si chaque être humain devrait avoir accès à un équipement garantissant hygiène, santé et salubrité, quels que soient sa condition et ses moyens, dans notre pays, plus de 100 000 personnes n’ont toujours pas un accès direct ou permanent à ce type de service. Le 19 novembre, nous célébrons la Journée mondiale des toilettes, qui peut prêter à sourire, mais qui n’en est pas moins importante puisque 2,4 milliards d’individus vivent sans toilettes.

La mise en oeuvre effective du droit à l’assainissement étant également inhérente à la dignité de l’homme, notre devoir est aussi d’intervenir dans ce domaine. C’est d’ailleurs l’un des objectifs de cette proposition de loi, dont l’ambition est tout à fait louable et au-dessus de tout clivage politique.

Nous sommes donc d’accord avec les objectifs visés par ce texte. Alors que la précarité énergétique ne cesse d’augmenter, il est essentiel de réaffirmer le droit à l’accès à l’eau comme un fondement même de notre démocratie. En ce sens, l’article 1er de cette proposition de loi est tout à fait conforme aux valeurs que notre pays se doit de défendre, à travers trois exigences : tout être humain doit disposer chaque jour d’une quantité suffisante d’eau potable pour répondre à ses besoins élémentaires ; il doit disposer ou avoir accès aux équipements lui permettant d’assurer son hygiène et sa dignité ; il doit pouvoir utiliser les services et réseaux d’eau et d’assainissement dans des conditions compatibles avec ses ressources.

Je soutiens évidemment cet article, même si j’attends encore des précisions sur certains points qui me paraissent flous. Ainsi, qu’entendez-vous par « quantité suffisante d’eau potable » ? L’examen du texte en commission n’a pas permis de nous apporter une réponse.

Je suis évidemment favorable à l’article 2 : l’eau potable et les équipements sanitaires devraient être plus facilement accessibles dans l’espace public, et sur tout le territoire. À Marseille, par exemple, on dénombre seulement 6 sanitaires publics pour environ 12 000 personnes sans domicile fixe. Trop de personnes vivent encore dans des conditions inhumaines. L’article 2 prévoit ainsi d’améliorer la situation actuelle en mettant à disposition des points d’eau potable, ainsi que des toilettes ou des douches publiques, dans toutes les communes, selon leur taille. Ces dernières devront alors les installer et les entretenir, tout en y assurant un accès gratuit.

Ce sont des mesures de bon sens. Nous nous interrogeons néanmoins sur leur financement. Ainsi, l’obligation pour les communes d’installer des équipements n’est pas chiffrée. Et ce texte étant une proposition de loi, l’étude d’impact est quelque peu imprécise. À l’heure où la dotation globale aux collectivités est en baisse, il est absolument nécessaire de connaître le coût de ces mesures.

En commission, il a été assuré que cela ne créerait pas de charge nouvelle pour les collectivités qui possèdent, soit dans leur cimetière, soit dans leur salle des sports, au moins un point d’eau et des toilettes. Qu’en est-il pour celles qui n’en disposent pas ? Et les communes qui en disposent garantiront-elles vraiment un accès libre à ces équipements ?

Les articles 3 et 4 visent à introduire une aide préventive pour l’eau à la charge des collectivités, ainsi qu’une nouvelle allocation forfaitaire d’eau. La création d’une allocation de solidarité est indispensable pour les individus qui peinent à honorer leurs factures – ils sont plus d’un million – et ce d’autant que le dispositif FSL connaît des limites. Un système de soutien préventif à la facture d’eau est, pour moi, une bonne idée, dès lors qu’il est limité et qu’il généralise, de fait, beaucoup de pratiques en cours dans nos collectivités.

Certes, beaucoup d’entre elles font des efforts significatifs en ce domaine, mais reconnaissons que toutes ne le font pas et qu’il est dès lors nécessaire d’assurer l’égalité de nos concitoyens sur l’ensemble du territoire.

De même, le versement automatique de l’allocation de solidarité aux bénéficiaires d’allocations sociales est une mesure positive et réaliste, puisqu’elle ne sera pas versée dans les zones où l’eau est bon marché.

Si ces idées sont intéressantes, il reste à connaître les modalités d’application. La multiplication des aides ne risque-t-elle pas d’être contre-productive ? Il en existe en effet déjà trois types : l’aide curative, qui permet de régler les factures impayées, l’aide préventive sous la forme, par exemple, d’un chèque eau pour réduire le montant des factures, et le tarif progressif, qui inclut une première tranche de consommation gratuite modulée en fonction des revenus ou du nombre de personnes composant le foyer.

L’aide préventive et le tarif progressif n’en sont encore qu’au stade des expérimentations. Aussi, pour une majorité de mes collègues de l’UDI, il aurait été plus judicieux d’approfondir les mesures existantes plutôt que de créer d’autres aides dont la gestion peut s’avérer délicate, sans parler des interrogations que soulève l’article 5 de cette proposition de loi.

Cet article prévoit, en effet, de financer l’allocation de solidarité pour l’eau par une contribution additionnelle, qui viendra s’ajouter à la taxe déjà existante sur les eaux embouteillées.

L’augmentation de la taxe sur les bouteilles en plastique pose question. Personnellement, cette tarification me semble être une solution intéressante, pour autant que cette taxe, qui n’est pas nouvelle, puisse être contenue. Néanmoins, nous aurions peut-être pu trouver une meilleure source de financement. Les députés de mon groupe s’interrogent sur cette tarification, craignant qu’elle ne mette en danger les petites et moyennes entreprises d’embouteillage d’eau. Avez-vous mesuré les effets d’une telle taxation tant sur les emplois que sur les consommateurs ? Ce sont les moyens qui incommodent mes collègues et non les objectifs globaux. L’article 5 est source de débats.

Par ailleurs, l’interdiction de couper totalement l’eau, introduite par une disposition de François Brottes, relativise, convenons-en, la question des conditions d’accès à ce droit fondamental.

Si une majorité de mes collègues du groupe UDI souhaite exprimer ses réserves, je soutiendrai, à titre personnel, cette proposition de loi qui concrétise le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiques acceptables. Victor Hugo disait : « Les verres d’eau ont les mêmes passions que les océans ». Je souhaite que ces débats continuent à être dépassionnés sur un sujet aussi sensible, afin de renforcer, ensemble, les conditions d’accès à ces droits humains fondamentaux.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission – cher Jean-Paul Chanteguet –, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce n’est pas une proposition de loi banale qui nous réunit aujourd’hui dans notre hémicycle. Elle vise à mettre en oeuvre une ancienne et honorable volonté d’ériger en droit humain fondamental l’accès à l’eau potable et à l’assainissement. Elle prolonge un travail de fond mené depuis des années par de nombreux parlementaires et experts du sujet de l’eau.

L’eau, c’est une question globale, que les sociétés humaines se posent depuis longtemps, car l’eau est un élément essentiel et non substituable, qui peut être légitimement considéré comme un bien commun. L’eau, c’est une question complexe dont les différents usages sont indispensables aux activités humaines.

Devant ce problème immense, il faut faire preuve d’humilité, avant de se mettre au travail pour mesurer tous les enjeux et les conséquences des modifications législatives qu’il conviendrait d’adopter.

À ce propos, je veux féliciter notre rapporteur pour son implication personnelle et sans faille ; il a accompli un remarquable travail. Des propositions de loi de ce type traduisent la capacité du Parlement à résoudre des questions complexes. Le temps est une ressource rare pour les députés – nous voulons saluer celui que notre rapporteur a consacré à ce texte solide et structuré.

Les propositions de loi cosignées par quasiment l’ensemble des groupes politiques de notre assemblée sont très rares ; elles doivent se compter au maximum sur les doigts d’une main depuis 2012.

Si nous sommes souvent opposés sur plusieurs sujets, nous aurions pu nous retrouver sur celui de l’accès à l’eau. Je salue à ce titre la position du groupe de l’UDI – et particulièrement de notre collègue Bertrand Pancher –, qui pratiquent une opposition constructive et n’hésitent pas à soutenir les bonnes mesures.

De manière générale, je suis convaincu que notre pays ne pourra pas avancer si nous ne surmontons pas les clivages partisans qui perdurent sur des sujets pour lesquels nous devrions nous rassembler. Ce sont des fronts et des conflits souvent inutiles, qui bloquent la France. Nos concitoyens attendent de nous que nous soyons capables de les dépasser ensemble pour le bien commun du pays.

Ce texte présente d’excellentes intentions, et au nom des députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, je tiens à dire que nous sommes unanimement favorables aux objectifs et au principe de l’instauration d’une solidarité minimale pour l’accès à l’eau potable et à l’assainissement.

L’humanisme est consubstantiel à notre groupe. Et comme l’eau c’est la vie, comment pourrions-nous ne pas approuver une telle proposition ? Cependant, comme beaucoup d’autres députés sur tous les bancs, nous partageons les grandes réserves sur les mécanismes de financement prévus par cette proposition.

Pour être clair et précis, les objectifs – louables – devront trouver un autre financement qu’une taxe sur les eaux embouteillées et surtout ne pas se traduire par un nouvel alourdissement des charges pesant sur les communes, principalement rurales ; elles ont assez donné ces derniers temps.

Au-delà de l’épineux problème du financement, nous n’oublions pas qu’aujourd’hui, plus de 2 milliards de personnes n’ont pas accès à une eau potable et non contaminée. Aujourd’hui, environ 4 milliards de personnes ont accès à l’eau potable de façon intermittente.

Compte tenu des évolutions des changements climatiques, il semble que la situation s’aggrave année après année et que nous ne parvenions plus à inverser ces grandes tendances. Les rapports estiment à environ 300 millions le nombre de réfugiés climatiques dans le monde en 2050, notamment en raison de l’accès à l’eau. Au cours de la COP21, la question de l’eau n’a pas eu la place qu’elle mérite. Nous l’avons déjà dit dans cet hémicycle et en commission, nous le répétons à nouveau : il faudra en tirer toutes les conséquences pour la préparation de la prochaine COP22 à Marrakech.

L’accès à l’eau potable, l’accès à l’eau des paysans pour l’irrigation, l’accès à l’eau pour l’industrie, l’accès à l’eau pour tous sont des enjeux majeurs de l’avenir de l’humanité. C’est aussi un facteur majeur de conflits : nombre d’entre eux, au niveau international, sont directement liés à l’eau. N’oublions pas que les premières actions de Daech et de Boko Haram au Moyen-Orient ont consisté à confisquer l’eau.

Dans notre hémicycle, nous devons confirmer qu’un droit à l’eau est une exigence fondamentale. Nous devons réaffirmer la solidarité minimale qu’un pays développé doit à ses habitants.

Le droit à l’eau traduit deux exigences clairement mentionnées dans le titre de ce texte : chaque être humain doit pouvoir disposer de suffisamment d’eau pour satisfaire ses besoins fondamentaux d’hydratation et la réalisation d’un équipement garantissant à chacun l’hygiène, la santé, la salubrité et la dignité.

En France, 99 % des habitants ont l’eau potable tandis que 90 % des logements sont raccordés à un réseau d’assainissement. Ces résultats, qui apparaissent comme bons au regard de ceux des pays développés d’Europe qui soutiennent la comparaison, sont globalement le résultat d’une forte implication des élus locaux. Il convient de saluer leur travail de proximité, mais aussi de réaffirmer que cette solidarité locale doit être doublée d’une solidarité nationale. En effet, malgré ces bons résultats, il existerait encore en France, selon différentes études et rapports, un million de familles qui peinent à s’acquitter de leurs factures d’eau.

On estime entre 100 000 et 150 000 le nombre de personnes qui n’ont pas accès à l’eau – SDF, occupants d’un habitat précaire, etc. Ce chiffre serait même en augmentation depuis plusieurs années.

Les réponses apportées jusqu’à présent, notamment par le législateur, ont concerné uniquement le traitement a posteriori de ces cas de précarité, c’est-à-dire le traitement curatif à travers la prise en charge des impayés par les centres communaux d’action sociale et le Fonds de solidarité pour le logement.

Certaines collectivités se sont emparées du sujet. L’Union des services d’eau du sud de l’Aisne en est un exemple. Nous avons mis en place, au service de nos 62 000 habitants, répartis dans 97 communes, des actions de solidarité dans le domaine de l’eau, à destination des consommateurs rencontrant des difficultés, mais aussi des actions de solidarité vis-à-vis des pays en développement.

Vous pouvez ainsi constater, madame la secrétaire d’État, que nous n’avons pas attendu ce texte pour agir. Je sais malheureusement que ce n’est pas le cas sur l’ensemble du territoire, comme le met en évidence cette proposition de loi.

Issue de longs travaux de concertation et de réflexions menées depuis plusieurs années par différentes familles politiques, la proposition de loi s’articule ainsi autour de quatre axes, que je ne reprendrai pas.

De nombreux débats, en commission et en préparation de notre séance, ont eu lieu sur ses différents articles et sur les modalités d’application. C’est bien la question du financement, de l’ordre de 50 millions d’euros pour l’aide préventive, par la majoration d’une taxe sur l’eau embouteillée, qui cristallise les tensions.

Selon les auteurs, l’accès universel à l’eau potable et à l’assainissement doit être garanti par la création d’une allocation de solidarité préventive pour les personnes les plus précaires. L’article 5 de la proposition prévoit donc que l’allocation de solidarité pour l’eau soit financée par une majoration de 0,005 euro par litre de la taxe existante sur les eaux embouteillées. Le produit de cette contribution additionnelle serait versé à un fonds de solidarité pour le droit à l’eau institué au sein du Fonds national d’aide au logement.

De manière générale, je veux redire notre opposition à un financement qui ne serait pas assuré par la solidarité nationale. On parle ici de 50 millions d’euros. Ce n’est pas rien, certes, mais c’est une goutte d’eau comparé aux 40 milliards du CICE et du pacte de responsabilité. Si nous sommes d’accord pour soutenir les PME, les TPE et les artisans, nous dénonçons encore la part qui a profité essentiellement aux multinationales, sans que la question des contreparties ne soit réellement examinée.

Dans le rapport, de nombreuses pistes de financement sont examinées et analysées. Certaines sont plus légitimes que d’autres ; toutes présentent des avantages et des inconvénients, mais dans tous les cas, le financement des mesures d’accès à l’eau et à l’assainissement ne doit pas se traduire par un alourdissement des charges pesant sur les petites communes rurales et montagnardes.

Dans les communes rurales, l’assainissement requiert des investissements lourds, qui peuvent faire grimper à 8 ou 9 euros le prix du mètre cube d’eau pour la part assainissement dans certaines communes. Il est hors de question d’alourdir ces charges, d’autant plus que la coupe est pleine pour les communes rurales de mon territoire, du fait de l’augmentation du fonds de péréquation intercommunal de 75 % pour financer la réforme du Grand Paris – un comble ! Cette ponction représente plus de 100 000 euros supplémentaires pour la communauté de communes de la région de Château-Thierry et ses vingt-quatre communes rurales.

C’est pourquoi nous disons non à la seule solidarité territoriale. Le groupe RRDP considère que le budget de l’État doit financer intégralement les mesures de solidarité appelées à s’appliquer sur l’ensemble du territoire.

Jean de la Fontaine l’écrivait dans la fable L’Âne et le Chien : « Il se faut entraider, c’est la loi de nature ». Espérons que les débats permettront de trouver un financement qui ne pèse pas sur les collectivités territoriales mais permette de mener des actions de solidarité en faveur de tous les habitants de notre pays.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion de la proposition de loi visant à la mise en oeuvre effective du droit humain à l’eau potable et à l’assainissement.

La séance est levée.

La séance est levée à vingt heures.

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly