Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, souvenons-nous ! La conférence nationale de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, organisée les 10 et 11 décembre 2012 a constitué, pour beaucoup d’entre vous – je n’étais pour ma part pas encore député –, le point d’orgue d’un travail de concertation inédit avec l’ensemble des acteurs des politiques de solidarité. Je veux aujourd’hui saluer devant vous la volonté forte alors manifestée par Marie-Arlette Carlotti et le travail remarquable qu’elle a accompli.
Ces dernières années, en France, les inégalités ont légèrement régressé, pour la première fois depuis longtemps. L’augmentation des minima sociaux, la prime d’activité, dont j’ai parlé ici même récemment, et beaucoup d’autres mesures y ont sans doute largement contribué.
Mais cela est insuffisant. Les inégalités entre les territoires, notamment entre les communes, demeurent criantes, même si la politique de la ville a eu et a aujourd’hui encore des résultats probants.
Ainsi, lors de nos débats de l’automne prochain, il me semble fondamental pour le vivre-ensemble que les dotations de péréquation en faveur des territoires relevant de la politique de la ville, mais aussi des territoires ruraux en souffrance, soient au coeur de nos préoccupations budgétaires en vue de 2017.
L’une des inégalités les plus insupportables – Mme la secrétaire d’État sera sans doute d’accord – est celle concernant l’égal accès aux soins de chaque Français, soixante-dix ans après la création de la Sécurité sociale, dont l’esprit est envié et copié par de nombreux peuples du monde. Chers collègues, toutes les études sans exception montrent que les classes populaires ont beaucoup moins accès que les autres aux médecins spécialistes. Les mêmes études nous montrent qu’un généraliste sur quatre aura été perdu entre 2007 et 2025, alors même que les spécialistes médicaux verront leurs effectifs – il est vrai avec beaucoup de contrastes – augmenter de l’ordre de 15 % sur la même période.
Une étude récente de l’Association des maires - Ville et banlieue de France, que j’ai eu l’honneur de présider il y a quelques années, est riche d’enseignement quant aux inégalités d’accès à la médecine de proximité pour les habitants des quartiers populaires. Ainsi, concrètement, l’absence d’ophtalmologiste rend impossible, pour nos gamins, à l’âge de trois ans, le dépistage des troubles visuels, dont on sait qu’ils génèrent des retards de scolarité durables. Ainsi également, la pénurie de pédopsychiatres et de psychiatres dans nos cités a des conséquences quotidiennes pour le vivre-ensemble. Moins d’une commune de banlieue sur deux dispose des moyens dédiés à la lutte contre toutes les addictions. À l’exception notable de quelques villes disposant d’un plateau hospitalier public ou privé, nos villes de banlieue manquent plus que les autres de généralistes et de spécialistes. Les deux chiffres suivants sont édifiants : dans nos villes de banlieue, 0,59 généraliste pour 1 000 habitants, contre 1,56 dans l’ensemble de l’hexagone ; 0,47 spécialiste contre 1,62 – quatre fois moins – dans les autres villes.
Certes, ces dernières années, l’installation de 750 maisons de santé – qui n’ont d’ailleurs pas toujours trouvé tous les praticiens attendus – a sans doute été positive, à l’heure où les jeunes médecins aspirent davantage au salariat qu’à l’exercice libéral, comme c’était le cas autrefois.
Au final, sur cet aspect important de la santé que je tenais à évoquer, deux réflexions sont incontournables, il ne faut pas s’en cacher.
Premièrement, après les décisions positives du Gouvernement, prises notamment par Marisol Touraine, il convient maintenant d’amplifier la lutte contre les dépassements d’honoraires et leurs excès, sur l’ensemble du territoire national.
Deuxièmement, juste après les mesures incitatives portant sur les installations des jeunes médecins, et quarante ans après les mesures coercitives prises pour les installations de certaines professions comme les pharmaciens, il convient, chers collègues, de réfléchir à l’utilité ou non de mesures coercitives visant à l’installation de médecins sur le territoire français, tout en sauvegardant, évidemment, l’indispensable liberté de choix de son médecin, à laquelle je tiens particulièrement, comme chacun de vous.
Madame la secrétaire d’État, chers collègues, j’aurai évidemment plaisir à voter cette proposition de loi, comme j’aurai plaisir, dans les années à venir, parce que mon coeur, comme le vôtre, bat chaque seconde, à voter toutes les autres propositions de loi allant dans ce sens, d’où qu’elles viennent.