« L’eau, déclarait-elle au Forum mondial du développement durable de Marcoussis le 24 juin 2010, est le dénominateur commun de toutes les formes de vie sur terre et, probablement, dans l’univers. La vie est fille de l’eau, la vie des bactéries, des plantes des animaux et des hommes. Dès l’origine, elle a été et reste le lieu de rencontre unique des éléments constitutifs de la vie, les acides aminés, les ADN, les minéraux. Sans eau, l’improbable rencontre de ces divers éléments n’aurait jamais eu lieu.
« L’eau est à la fois le préalable et le composant essentiel de la vie. Et pourtant la vie ne consomme pas l’eau. Bien qu’elle participe à une multitude de combinaisons chimiques, l’eau n’est pas détruite, ou si peu. Éternellement, elle se recycle, toujours prête à entrer dans une nouvelle noria : macronoria de la mer, de l’évaporation et des nuages, micronoria des échanges cellulaires, et noria interhumaine, celle de l’eau "usée" que la nature régénère pour une nouvelle consommation.
« L’eau est partout où se trouve la vie, la vie est partout où se trouve l’eau.
« Comment ne pas considérer avec infiniment de respect ce "cristal liquide" qui a la propriété, sous ses multiples apparences, de transporter l’énergie du ciel dans ses puissants cumulus, de charrier des sédiments dans ses fleuves, de transporter les aliments jusqu’à la plus petite cellule végétale ou animale ?
« Dès lors, on comprend – enfin, je l’espère ! – que l’eau ne peut pas avoir un statut économique ordinaire. »
L’eau comme source de vie, l’eau comme bien collectif, l’eau comme droit individuel, l’eau comme objet économique singulier, nécessitant des dispositions singulières : tout est dit dans ces quelques phrases lumineuses qui ont à l’évidence inspiré une partie de vos travaux.
Je tiens tout d’abord, au nom du Gouvernement, à saluer la démarche de co-construction de la proposition de loi examinée cet après-midi.
La co-construction s’est d’abord faite avec de nombreuses associations et organisations non gouvernementales humanitaires, caritatives et environnementales regroupées autour d’une plate-forme coordonnée par la fondation France Libertés et la Coalition eau. C’est la preuve que nos institutions peuvent pleinement fonctionner en lien avec la société et ses forces vives, et c’est la richesse de notre procédure parlementaire que de permettre à des démarches citoyennes de cette nature de nourrir la discussion dans l’hémicycle et d’être examinées par la représentation nationale. Vous savez quel a été mon engagement quand j’occupais mes précédentes – mais pas si anciennes – fonctions parlementaires ; je ne peux donc qu’aborder avec grand intérêt la discussion de ce texte aujourd’hui.
Cette co-construction a également été transpartisane, ce qui n’a rien d’un hasard car votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, suscite l’intérêt et le soutien de plusieurs groupes parlementaires. Elle est le fruit du dialogue que vous avez su établir et entretenir, de sa conception à son examen en commission. Cela s’explique également par un besoin réel de la société française et par les difficultés réelles que connaissent nos concitoyens les plus fragiles et les plus modestes en matière d’accès à l’eau. Introduire dans la loi un droit d’accès à l’eau potable et à l’assainissement peut sembler superfétatoire tant il relève de l’évidence – j’allais dire qu’il coule de source (Sourires) –, pour l’immense majorité de nos concitoyens, mais c’est oublier la réalité que vivent des milliers de femmes, d’hommes et d’enfants qui, aujourd’hui encore, sont privés de ces droits qui semblent acquis au plus grand nombre, parce que leur mode de vie n’est pas sédentaire, parce qu’ils vivent éloignés des réseaux, disposent de ressources trop contraintes ou ont perdu leur toit.
Ce droit garanti, les conditions de sa mise en oeuvre et de son financement seront au coeur de la discussion parlementaire. Le Gouvernement sera présent pour accompagner vos réflexions et vos orientations, dans le respect de l’initiative parlementaire qui caractérise le texte. Celui-ci prévoit la mise à disposition par les collectivités d’équipements sanitaires et d’accès à l’eau potable pour les personnes non raccordées. La décentralisatrice convaincue que je suis, défenseur de la liberté des collectivités locales, n’y voit aucune contradiction avec votre approche du sujet. Si la France est une République décentralisée, elle est avant tout une République, qui se doit de garantir l’universalité des droits s’agissant des besoins essentiels de ses concitoyens.
La décentralisation – il me semble bon de le rappeler en ces temps de délitement de l’esprit républicain et de tentations de replis identitaires –, c’est la liberté des territoires de déterminer les conditions les plus adaptées à la réalité de chacun d’entre eux pour garantir l’égal exercice des droits. Votre proposition de loi s’inscrit dans cette exigence. Bains douches municipaux, équipements spécifiques dans les centres sociaux : chaque collectivité doit avoir le choix des solutions pourvu que le droit des plus démunis à accéder facilement et sans excès de démarches à l’eau potable et à des équipements sanitaires indispensables à leur dignité leur soit garanti.
Inscrire cette exigence dans la loi permet également d’aider les élus locaux qui se heurteraient à des oppositions dans la réalisation de tels équipements. Nous savons tous qu’il est difficile de développer des projets de ce type car ils suscitent d’abord bien souvent – trop souvent – des réticences de voisinage et alimentent des fantasmes. En faire une obligation législative permet aussi d’aider les maires. La démocratie locale, votre proposition l’aborde et c’est heureux.
Je citais au début de cette intervention Danielle Mitterrand, qui a beaucoup travaillé sur l’accès à l’eau. Elle y a travaillé et réfléchi dans une optique internationale, bien entendu, car l’accès à l’eau est un déterminant de plus en plus important des enjeux géopolitiques, mais aussi à l’aune de la réalité française.
Il me semble que nous devons être lucides sur les erreurs qui ont été commises en France dans les années 1980. Lorsque le coût d’entretien des équipements de distribution, de collecte et de traitement de l’eau a commencé à peser sur les finances des communes ou des syndicats mixtes, de nouveaux acteurs sont arrivés sur le marché et la place des dispositifs publics a reculé. Assez paradoxalement en somme, dès que l’eau s’est démocratisée, elle a commencé à échapper au contrôle démocratique.