M. le ministre, je suis heureux que le choix du Président de la République se soit porté sur votre personne. J'y vois une lueur d'espoir pour l'outre-mer et vous souhaite bon courage dans l'accomplissement de votre tâche – difficile si l'on en juge par le nombre de questions et de demandes de mes collègues députés.
La Polynésie française n'est pas confrontée aux mêmes problématiques que les départements d'outre-mer, car elle dispose d'un statut d'autonomie, articulé autour d'un parlement local, d'un gouvernement local et d'un représentant de l'État chargé des missions régaliennes et de la bonne application des lois. En revanche, la situation de l'emploi et du logement est très difficile : la Polynésie est en effet frappée par la crise économique, en dépit même de sa proximité avec les puissances émergentes du Pacifique. Ces difficultés sont renforcées par le désengagement de l'État, qu'il s'agisse des aides à l'investissement ou de l'accompagnement financier des communes.
Vous avez récemment reçu le Président de la Polynésie française, M. Oscar Temaru, qui vous a exposé les problèmes auxquels nous sommes confrontés : un fort ralentissement économique, un taux de chômage de plus de 20 % (soit une situation inédite depuis plus de dix ans), une pauvreté qui s'accroît. Pouvez-vous nous indiquer les engagements de l'État que vous avez alors annoncés, en particulier l'enveloppe d'avances remboursables ?
J'attire par ailleurs votre attention sur les salariés du centre d'expérimentation du Pacifique (CEP), victimes des essais nucléaires. Le précédent Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, avait reconnu la véracité des faits et des préjudices subis. Malheureusement, en pratique, la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, dite « loi « Morin », ne facilite pas l'indemnisation des salariés du CEP.
S'agissant de la zone économique exclusive (ZEE), de près de 5 millions de km2, elle représente pour la Polynésie française un potentiel largement sous-exploité. Il appartient à l'État de faire preuve de vigilance en la matière, ceci d'autant plus que la Chine s'emploie à tisser des liens avec plusieurs pays du Pacifique, ce qui peut susciter l'inquiétude.
Je suis par ailleurs étonné de votre intention de modifier la loi électorale applicable à la Polynésie française et de reporter à plus tard le scrutin actuellement prévu en février 2013.
Autre sujet essentiel : la question foncière, qui représente un « verrou » économique et social. La loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française avait autorisé le Gouvernement à fixer par ordonnance les règles relatives à l'organisation et au fonctionnement du tribunal foncier de Papeete. Mais du fait de l'inaction de l'exécutif, cette ordonnance n'a jamais été prise et l'habilitation n'est désormais plus valable. Le nouveau Gouvernement va-t-il s'emparer de cette question ?
Les communes polynésiennes sont, par ailleurs, en grande difficulté. On compte 48 communes, souvent de très petite taille et guère capables de se développer économiquement par leurs propres moyens. En particulier, l'article 52 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, qui définit les relations financières entre le Pays et les communes, mériterait d'être clarifié. Alors qu'il y a quelques années le Fonds intercommunal de péréquation (FIP) permettait de subventionner les communes jusqu'à 17 milliards de francs pacifiques, ce montant est aujourd'hui ramené à environ 12 milliards. Sans l'intervention financière de l'État, les communes polynésiennes ne pourront plus continuer à fonctionner.
Ces difficultés se doublent de l'insuffisante compensation financière par l'État des compétences transférées à la Polynésie (qu'il s'agisse du pays ou des communes), notamment en matière d'assainissement, de traitement des ordures ou de distribution d'eau. Les engagements mis à la charge de la Polynésie par le code général des collectivités territoriales ne peuvent être honorés, faute de moyens suffisants – ce que devrait constater la Commission consultative sur l'évaluation des charges (CCEC).
Un effort de l'État en faveur des communes est donc d'autant plus nécessaire qu'elles sont non seulement les bases de notre démocratie, mais aussi des acteurs essentiels du développement économique de la Polynésie française.