Revenir sur la généralisation imposée du tiers payant et rompre avec le cloisonnement entre cliniques et hôpitaux que votre récente loi a aggravé, telles sont les deux principales voies de correction que nous proposons aux Français. Mais cette proposition de loi n’a pas seulement vocation à dire non et à s’opposer à des choix idéologiques. Comme je l’ai dit en introduisant mon propos, notre groupe entend bien tracer des perspectives. Il propose notamment d’explorer enfin deux domaines trop longtemps mis à l’écart, la réorganisation du parcours de soins et la prévention. Comment ne pas voir en effet que le parcours de soins a profondément évolué ? Comment ne pas s’attendre à de nouvelles transformations à l’aune du numérique et de la santé connectée ?
Le temps du tout-curatif assuré par le médecin de famille, des ordonnances à rallonge, des séjours hospitaliers et de l’absence de dialogue entre patients et médecins spécialistes et hospitaliers est révolu. Dans ces conditions, le rôle du législateur consiste à faire travailler ensemble autour du patient des professionnels de santé connectés qui connaissent leur mission et dont la rémunération tient plus à leur conseil qu’à la longueur des ordonnances qu’ils rédigent et à rendre les patients plus responsables et davantage acteurs de leur propre santé. C’est la raison pour laquelle nous plaidons pour des plateformes territoriales d’appui à la médecine libérale afin d’éviter les ruptures dans le parcours de soins et d’assurer un meilleur maillage territorial de la médecine.
La mission de conseil au patient du médecin doit être renforcée. Le pharmacien ne peut plus se contenter d’être un débitant de produits de santé déconnecté du médecin généraliste. Le chirurgien ne peut plus opérer un patient sans mieux connaître les praticiens qui assurent sa rééducation et les soins de suite. En assurant ce lien entre acteurs du parcours de santé, nous traitons du fameux virage ambulatoire dont la Cour des comptes attend des économies de 5 milliards d’euros. Sans forcément atteindre ou dépasser ce chiffre, il est essentiel de placer la réorganisation et le renforcement de la cohésion de la chaîne curative au coeur des priorités du Gouvernement. En la matière, les mesures que vous avez prises depuis le début du quinquennat se sont révélées lapidaires et très insuffisantes, madame la ministre.
À l’évidence, vous auriez dû encourager le développement de la filière de la santé numérique et de l’open data en introduisant une dose de souplesse dans le fonctionnement du système de santé, au lieu de quoi la loi que vous venez de faire adopter fera stagner et même reculer la libération des données et leur partage entre professionnels. Il en résultera une fuite à l’étranger des entreprises innovantes, comme le rappelle d’ailleurs la Cour des comptes qui déplore que l’assurance maladie se comporte en propriétaire des données de santé et non en support technique.
La deuxième voie que nous comptons explorer est celle de la prévention. En France, moins de 6 % des dépenses de santé sont consacrées à la prévention des pathologies. Après avoir trop souvent mis le patient à l’écart de la chaîne de soins, après l’avoir plus souvent traité en malade ignorant qu’en patient impliqué et après en avoir payé le prix par des scandales sanitaires retentissants, notre système se doit de renforcer la culture de la prévention en matière de santé. Une vraie stratégie de prévention nécessite mieux que les bavardages du titre I de votre loi et suppose d’agir de concert avec les assurances complémentaires qui seront selon moi amenées à prendre le relais de l’assurance obligatoire dans les étapes précédant la réponse médicale.