Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, notre assemblée examine ce matin la proposition de loi déposée par notre collègue Jean-Pierre Door et le groupe Les Républicains, portant sur l’avenir de notre système de soins. Ce texte, qui a vu ses douze articles supprimés lors de l’examen en commission, est une charge lourde contre des points clés de la loi santé du 26 janvier 2016.
Ce texte vise à redonner « toute sa place » à la médecine de ville, en revenant sur le tiers payant généralisé ou encore sur le rôle que l’Agence régionale de santé – ARS – tient dans la problématique concernant les communautés professionnelles de santé.
L’article 1er vise à compléter la définition des objectifs de la politique de santé en confiant à l’État un rôle de régulation de la concurrence entre les offreurs de santé et en rappelant le principe fondamental du libre choix. Il prévoit d’inscrire dans l’article L. 1411-1 du code de la santé publique, modifié par la loi Santé de 2016, le fait que l’État respecte le droit du citoyen au libre choix de son professionnel de santé et de son établissement de santé et, pour cela, garantit une mise en concurrence régulée entre les offreurs de soins, en ville comme à l’hôpital. Or l’article L. 1110-8 du code de la santé publique garantit déjà ce libre choix du patient.
L’article 2 revient sur la généralisation du tiers payant. Lors des discussions sur la loi Santé, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, par la voix de Dominique Orliac, l’a répété à maintes reprises : nous n’étions pas opposés au tiers payant généralisé mais nous en contestions la façon de le mettre en place. Effectivement, certains professionnels de santé se sont opposés à cette mesure et l’ont fait savoir lors de plusieurs jours de grève et de manifestations, avec les journées « santé morte ». Mais ce tiers payant est désormais une réalité, et si nous en contestions la méthode, nous le soutenons. Revenir en arrière n’aurait pas de sens. Vous comprendrez donc, chers collègues, que nous rejetterons les dispositions de l’article 2.
L’article 3 propose de revenir sur les modifications des conditions d’exercice des missions de service public hospitalier par les établissements de santé privés. Alors que vous dénoncez les rigidités que la loi Santé leur impose, notre groupe estime normal que les établissements privés qui exercent des missions de service public hospitalier en acceptent les règles et les contraintes.
Prévue à l’article 4, l’expérimentation sur cinq ans maximum de la transformation du statut juridique des établissements publics de santé en un statut d’association ou de fondation ne nous semble pas opportune.
L’article 5 porte sur la durée des autorisations accordées par les ARS aux établissements de soins. Vous souhaitez que cette durée soit la même pour tous les établissements, quel que soit leur statut. Comme l’a rappelé Bernadette Laclais en commission, cette mesure est superflue car l’article L. 6122-8 du code de la santé publique ne prévoit pas de différences de traitement selon le statut de l’établissement. Certes, il s’agit selon vous d’assurer une « meilleure sécurité juridique », mais un tel alourdissement législatif ne nous semble pas opportun.
Avec l’article 6, vous créez un nouvel outil, les « plateformes territoriales d’appui de la médecine libérale », en étendant à la médecine libérale les plateformes territoriales d’appui – PTA –, créées par l’article 74 de la loi Santé. Monsieur le rapporteur, vous avez déclaré en commission que les professionnels de santé – les médecins et les autres – seraient écartés de ces PTA. Pourtant, le décret d’application de l’article 74 fait actuellement l’objet d’une concertation. Laissons du temps au temps ; chacun doit prendre ses responsabilités et participer au débat, afin de défendre ses intérêts.
Avec l’article 7, votre objectif est de supprimer des décisions prises par les ARS en renforçant les communautés professionnelles territoriales de santé qui devraient être issues uniquement de projets venant du terrain et de la volonté des professionnels de santé, et non des ARS.
L’article 8 propose une régionalisation des épreuves classantes nationales en les remplaçant par des épreuves interrégionales, organisées en Île-de-France, dans le Nord-Ouest, le Sud-Ouest, le Sud-Est et le Nord-Est. Les places seraient définies pour chaque spécialité en fonction des besoins démographiques de la région.
Diverses dispositions portent encore sur la création de centres ambulatoires universitaire – article 9 –, ou encore sur l’autorisation, pour les pharmaciens qui délivrent des médicaments, d’accéder à l’historique de remboursement de médicaments d’un patient – article 10. Notons que le pharmacien dispose déjà du dossier pharmaceutique qui retrace l’historique de la délivrance des médicaments ; cette disposition est donc inutile.
Nous comprenons votre intérêt pour la remise d’un rapport gouvernemental au Parlement, prévue à l’article 11. Toutefois, cet article, qui concerne les conditions de mise en place d’un parcours de prévention en matière de santé tout au long de la vie donnant lieu à la signature d’un contrat conclu entre l’organisme compétent et l’assuré s’engageant à être acteur de son maintien en bonne santé, peut soulever des questions.
Cette mesure me fait penser à une question qui s’était posée en Suisse il y a cinq ans. Santésuisse, l’association regroupant les organismes de complémentaires santé prônait alors un système d’assurance « bonus-malus » : les personnes ne fumant pas, exerçant une activité physique et mangeant sainement devaient payer leur affiliation à leur mutuelle moins cher que celles mettant leur santé en péril. Cette responsabilité, en surface, peut sembler intéressante. Mais force est de constater que la politique de notre voisin helvétique est plus axée sur la prévention que le traitement. Dès lors, il nous semble plus intéressant de mettre en avant des mécanismes permettant le développement du plan « prévention » au sein du système de santé français.
Vous l’aurez compris, bien que le groupe RRDP se soit trouvé partagé sur la loi Santé, il ne soutiendra pas cette proposition de loi, tant sur la forme que sur le fond.