Intervention de Gérard Sebaoun

Séance en hémicycle du 16 juin 2016 à 9h30
Avenir du système de soins — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Sebaoun :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il y un plus d’un an, nous débattions déjà du projet de loi de modernisation du système de santé – et non du système de soins. L’opposition avait alors un fil rouge, la dénonciation tous azimuts du projet. Nos collègues du groupe Les Républicains, c’est leur droit, nous invitent à jouer les prolongations avec cette proposition de loi. J’y voyais un effet de l’Euro 2016 mais, après avoir écouté attentivement Arnaud Robinet, ce serait plutôt un regard très appuyé vers 2017.

Faut-il louer leur constance et leurs convictions, ou plutôt y voir une démarche opportuniste ? Je rappelle que nos débats, en première comme en seconde lecture, ont été longs, argumentés, parfois houleux, et que le Parlement a pleinement joué son rôle en contribuant à l’amélioration du texte. La majorité l’a voté parce qu’elle en partage et la philosophie et les réelles avancées, ce qui n’est pas nécessairement le cas de tous les projets de loi.

Monsieur le rapporteur, vous plantiez le décor dès les premières lignes de votre projet de rapport, jugeant que notre système de santé était « à bout de souffle » et qu’il conviendrait d’assurer une concurrence équilibrée entre les différents offreurs de soins. Nous divergeons sur au moins trois points que j’aborderai succinctement.

Le premier concerne votre réaction presque pavlovienne contre le service public hospitalier – dont vous doutez manifestement, ce qui m’étonne – quand le privé est au contraire l’objet de toutes vos attentions. Dénonçant un système « hospitalocentré » qui exclue la plupart des cliniques privées, vous nous proposez avec l’article 3 une solution radicale, la suppression du service public hospitalier, pour en revenir à la loi HPST de 2009.

Le deuxième est votre critique du rôle des agences régionales de santé – que pourtant vous avez contribué à créer –, dont vous contestez l’intervention en dernier recours en l’absence de communauté professionnelle territoriale. N’est-ce pas, là encore, un propos de circonstance qui sert simplement à nourrir l’idée d’une administration toujours plus rigide et inefficace ?

Le troisième point, sur lequel je vais m’attarder, est votre vision à mon sens dépassée de l’exercice de la médecine libérale. Vous faites mine de voir dans la loi Santé un bouleversement des principes de l’exercice libéral, alors que ces derniers ne sont nullement concernés.

Ainsi, le premier principe, celui du libre choix du médecin par le patient, n’est pas du tout remis en question, sauf à épouser les faux arguments de ceux qui mènent un combat idéologique.

Le deuxième principe, la liberté de prescription, n’est pas davantage concerné. Qui peut être opposé, par exemple, au développement de l’aide à la prescription, qui est devenue indispensable ? Comme la professeure Agnès Buzyn, présidente de la Haute autorité de santé, nous l’a utilement rappelé hier, l’article 143 de la loi santé prévoit l’établissement de listes préférentielles de médicaments au regard des recommandations de bonne pratique. Ces listes, qui sont en cours d’élaboration, ne seront pas opposables, mais les médecins seront évidemment incités à les suivre. C’est un progrès.

Le troisième principe est celui de la liberté tarifaire, mais celle-ci a depuis très longtemps laissé place à la négociation conventionnelle, laquelle est d’ailleurs en cours ; quant aux honoraires libres, nous avons contribué à mieux les encadrer.

Enfin, le quatrième principe, le paiement à l’acte, n’est nullement menacé et n’a, répétons-le une nouvelle fois, rien à voir avec la généralisation progressive du tiers payant, sauf à tenter de créer à tout prix de la confusion, et c’est ce que vous faites.

Je reviens pour terminer sur les propos tenus par la présidente du Syndicat national des jeunes médecins généralistes au début de l’année 2016, dans lesquels elle insiste sur la nécessaire revalorisation de la médecine générale et une meilleure protection sociale des médecins. J’y souscris. Elle indique que « Les Jeunes médecins ne souhaitent pas forcément du tout-paiement à l’acte, mais veulent une diversification des modes de rémunération ». On ne peut qu’être d’accord.

Elle relève en outre le succès du praticien territorial de médecine générale et ajoute que « Les jeunes médecins ne sont pas fainéants, ils ne refusent pas de travailler mais ils veulent le faire différemment et sans prendre des risques pour eux-mêmes ou pour leur famille ». Et elle poursuit : « Nous avons conscience que le paiement à l’acte est à bout de souffle ». « Cela deviendrait insupportable si la contrainte était trop forte. J’irais alors vers le salariat ». Ces propos lucides doivent nous amener à nous poser des questions.

La loi de modernisation de notre système de santé a posé un cadre et nous a dotés de nouveaux outils avec, entre autres, la volonté d’améliorer l’accès aux soins au plus près des territoires, d’améliorer la prévention et d’organiser une meilleure prise en charge des patients grâce à une coordination ville-hôpital, devenue indispensable.

Nous devons rester vigilants à son application, mais pour cela, chers collègues de l’opposition, il faut d’ores et déjà lever le nez du guidon électoral.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion