Intervention de Gilles Lurton

Séance en hémicycle du 16 juin 2016 à 9h30
Avenir du système de soins — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Lurton :

…madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier notre collègue, Jean-Pierre Door, rapporteur de cette proposition de loi « Pour l’Avenir de notre système de soins », ainsi que tous mes collègues qui ont participé à son élaboration.

Nous vous proposons aujourd’hui un texte de bon sens centré sur la liberté de choix des patients en matière de santé, un texte qui responsabilise les patients et les place au coeur de notre dispositif de santé, un texte qui privilégie la prévention au traitement de la maladie, un texte qui est le fruit de nombreuses auditions et d’une concertation avec toutes les professions de santé. Nous avons voulu par cette concertation briser la fracture que vous avez créée avec l’ensemble de ces professionnels et les réconcilier avec notre système de santé, alors que la loi de modernisation de notre système de santé a constitué pour eux une véritable défiance.

Ce texte revient dans son article 2 sur la généralisation du tiers payant. Jean-Pierre Door a rappelé toutes les raisons justifiant la suppression immédiate de cette mesure, qui continue d’opposer les professions médicales à votre Gouvernement. Je me souviens très bien avoir cité, le 17 décembre dernier, lors de l’adoption définitive de la loi, l’article L. 162-2 du code de la Sécurité sociale, qui dispose que le respect de la liberté d’exercice et de l’indépendance professionnelle et morale des médecins est assuré, notamment, conformément aux principes déontologiques fondamentaux, par le paiement direct de l’acte par le malade.

En commission des affaires sociales, le mardi 7 juin 2016, votre majorité a cru bon de déposer un amendement tendant à supprimer l’article 2 de la proposition de loi. Pourtant, des aménagements au tiers payant auraient pu être envisagés. Nous aurions souhaité en discuter.

Le texte traite aussi de problèmes essentiels auxquels, depuis quatre ans, vous n’avez pas apporté de solutions. Je pense plus particulièrement aux déserts médicaux, de plus en plus nombreux dans notre pays. Oui, contrairement à ce qu’a affirmé la ministre il y a quelques instants, la proposition de loi parle bien des déserts médicaux. C’est d’ailleurs tout le sens de mon intervention, axée sur des articles 6, 8 et 9.

Nous le savons tous : depuis des décennies, les études de médecine sont quasi exclusivement orientées vers l’hôpital et n’incitent pas les étudiants à s’intéresser à ce qu’est réellement la médecine libérale. Les conséquences en sont aujourd’hui évidentes. Le nombre de médecins généralistes a diminué de 8,4 % entre 2015 et 2016, et la situation risque de ne pas s’améliorer.

L’article 8 propose pourtant une solution innovante : faire basculer les épreuves de l’internat, qui clôturent le second cycle des études de médecine, vers des épreuves interrégionales où le nombre de place pour chaque spécialité varierait en fonction des besoins démographiques de cinq grandes interrégions : Île-de-France, Nord-Ouest, Sud-Ouest, Sud-Est et Nord-Est.

Cette répartition devra tenir compte des besoins de la population, de la nécessité de remédier aux inégalités géographiques ainsi qu’aux capacités de formation des établissements concernés. L’article 9 complète cette proposition en créant des centres ambulatoires universitaires.

Oui, cher Jean-Pierre Door, je partage votre sentiment que les étudiants en médecine sont enfermés au sein de l’hôpital. Nous devons leur permettre de compléter leur formation par une pratique dans les maisons médicales, sur les plates-formes territoriales ou auprès des médecins généralistes.

De même, nous devons consacrer plus de moyens à la formation et à la recherche en soins ambulatoires, domaine dans lequel nous accusons d’importants retards. Au reste, je pense, comme Valérie Boyer, que les soins ambulatoires ne sont pas forcément adaptés à tous.

Ces deux mesures s’associent parfaitement à l’article 6 qui propose la création de plates-formes territoriales d’appui à la médecine libérale. Ces plates-formes ont pour objectif de simplifier l’organisation territoriale des soins grâce à une gouvernance partagée entre acteurs et usagers. Elles sont un outil très souple qui s’adapte aux situations complexes nécessitant, selon les cas, l’intervention de plusieurs catégories de professionnels de santé.

Laissez la liberté d’organisation aux signataires des conventions et vous placerez les médecins au coeur du dispositif.

Le texte offre des solutions intelligentes à la problématique des déserts médicaux et fait du médecin de ville un rouage essentiel et stratégique de l’orientation du parcours de santé de ses patients. Je ne comprends toujours pas vos amendements de suppression, alors que nous vous apportons une solution à un problème que personne n’a résolu jusqu’à présent. Au moins, discutons-en !

Hier après-midi, j’ai eu l’occasion, avec quelques-uns de mes collègues de la commission des affaires sociales, de visiter l’Agence nationale de santé publique créée par la loi de modernisation de notre système de santé et fusionnant trois agences : l’Institut de veille sanitaire ou InVS, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé ou INPES, et l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires ou EPRUS.

Nous avons abordé la politique de prévention et la politique curative. Le directeur de l’Agence a insisté sur la nécessité d’abandonner progressivement le curatif et de s’orienter plutôt vers une politique préventive. C’est ce que vous propose ce texte dans son article 11, et je soutiens totalement cette démarche.

Je ne connais qu’un seul moyen de mettre en place une politique préventive en matière de santé : faire de chaque français l’acteur de son parcours de prévention tout au long de sa vie.

La proposition de loi contient donc plusieurs avancées susceptibles de redonner confiance dans notre système de santé. Elle est cohérente dans son ensemble et facilitatrice dans beaucoup de situations.

En conséquence, mes chers collègues, je vous incite fortement à la voter.

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