Au nom du groupe Socialiste, écologiste et républicain, je vous remercie, madame la ministre, pour vos propos et pour l'écoute dont vous faites preuve depuis que vous avez pris vos fonctions. Dans chacune des discussions que nous avons eues avec vous, nous avons pu constater votre esprit d'ouverture : vous vous inscrivez dans la continuité de la collaboration que nous entretenons avec votre ministère depuis le début de la législature.
Depuis plusieurs semaines déjà, le rapporteur thématique travaille d'arrache-pied. Ayant été co-rapporteure de la loi ALUR, je suis moi-même en train d'élaborer le rapport d'application de cette loi avec notre collègue Éric Straumann. J'ai donc conduit des auditions qui ont abordé les thèmes traités dans le projet de loi Égalité et citoyenneté, et j'assiste à celles menées par Philippe Bies : on note une convergence entre nos constats et les propositions qu'il a déjà commencé à formuler. La continuité est nette entre ce projet de loi et des textes précédents, notamment la loi de 2013, qui renforce la loi SRU, et la loi ALUR.
Les politiques du logement demandent du temps et exigent des pouvoirs publics, des professionnels et surtout des citoyens, qu'ils fassent preuve de patience. La politique qui est menée depuis plusieurs années commence à porter ses fruits en termes de mises en chantier, de constructions et de rénovation. Toutefois, les réformes structurelles demandent encore plus de temps. La loi SRU et la loi ALUR ne peuvent produire leurs effets en quelques années à peine. De nombreux territoires se sont emparés des outils de la loi ALUR, mais sont loin d'être arrivés au terme de leurs travaux. Il faut du temps pour réunir une conférence intercommunale du logement et faire adopter par tous un accord collectif intercommunal ou une convention d'équilibre territorial, comme le demande la loi Lamy. Veillons à ne pas précipiter les choses. Le projet de loi Égalité et citoyenneté comporte des approfondissements, des améliorations, voire des corrections, qui sont légitimes et pertinentes, mais sans doute aussi quelques dispositions qui nous rappellent que le mieux est parfois l'ennemi du bien.
Ayant eu l'occasion de rapporter deux textes successifs, je sais que, lorsqu'on travaille sur un projet de loi, on ne veille pas toujours à la publication des décrets d'application de la loi précédente. Ayant fait un bilan de la loi ALUR il y a trois mois, nous constatons qu'un pourcentage important de ses décrets ont été publiés, mais qu'il en manque encore, notamment sur l'habitat indigne. J'ai entendu avec satisfaction ce que vous disiez sur la nécessité de travailler ensemble. Nous avions déjà largement entamé ce débat lors de l'examen du projet de loi ALUR. Certains territoires fonctionnent bien, d'autres moins. Les dotations ne sont pas extensibles et on risque de déshabiller Pierre pour habiller Paul. Au-delà de l'unification des polices, les choses fonctionneraient mieux si le décret relatif à la déclaration de mise en location prévue dans la loi ALUR était publié. Philosophiquement, nous sommes parfaitement en phase, mais rien ne serait pire, dans un texte relatif à l'égalité et à la citoyenneté réelles, que d'affirmer des principes sans avoir la certitude qu'ils trouveront une application concrète.
Philippe Bies a déjà largement évoqué les questions que se pose notre groupe. La première est de savoir comment adopter des principes nationaux tout en veillant à les appliquer au mieux aux réalités locales. Sur le principe, nous ne pouvons que soutenir l'objectif d'attribuer 25 % des logements sociaux hors QPV aux ménages les plus fragiles. Mais ce taux est-il adapté à toutes les réalités locales ? Nous aurons à oeuvrer ensemble à l'articulation entre ces deux impératifs. J'en dirai autant de l'application de la loi SRU. Des difficultés peuvent se présenter ici ou là : vous avez dit vous-même qu'elles étaient marginales. Faut-il pour autant remettre en cause des équilibres plus globaux qui font relativement consensus ? Je suis très attachée à ce qu'on ne bouleverse pas le compromis auquel nous sommes parvenus sur la loi SRU. Quant à la question du SLS, il faut, là aussi, constater une tension entre le principe et les réalités locales. Paris, par exemple, est largement concerné par le surloyer. Mais, même si l'encadrement des loyers y est effectif depuis un an, les loyers privés restent encore difficilement accessibles pour tous.
La deuxième question concerne l'articulation entre, d'une part, le rôle des intercommunalités et celui du préfet, et, d'autre part, les moyens dont dispose celui-ci. En dépit des prérogatives qu'on accorde au préfet, l'État a en réalité du mal à exercer son pouvoir localement, faute de moyens humains, voire financiers. Enfin, quelle est l'articulation globale entre les différents contingents de logements ? Nous n'arriverons à loger partout les populations les plus défavorisées que lorsqu'il y aura régulation de l'ensemble des acteurs, et la mixité sociale dans l'habitat ne sera effective que si l'ensemble des acteurs sont réunis autour de la table – y compris l'État, qui ne doit pas se trouver dans une filière séparée.