L'objectif d'attribution de 25 % de logements aux ménages du premier quartile ne concerne pas que les zones tendues : certaines zones tendues disposent d'une répartition équitable de leurs attributions à tous les ménages, d'autres en sont dépourvues ; il en va de même pour les zones détendues. Ces situations sont souvent liées à l'histoire du parc HLM ainsi qu'à des pratiques locales. C'est pourquoi les décisions d'attribution de ces 25 % doivent être prises en concertation avec l'ensemble des acteurs concernés, notamment les élus locaux.
Les intercommunalités jouent un rôle majeur et doivent prendre toute leur part à une sortie durable de la crise du logement. En raison de leurs structures mêmes, elles conduisent les maires, quelle que soit leur coloration politique, à dialoguer et à réfléchir ensemble au-delà des frontières communales. Aujourd'hui, toutes celles qui ont pris à bras-le-corps les questions d'hébergement, de logement, d'aménagement et de stratégie foncière s'en sortent.
J'ai été membre du « comité des sages » lors des travaux de la commission de concertation sur les attributions de logements sociaux, et je suis persuadée que, lorsque les conférences intercommunales et les conférences interbailleurs d'attribution des logements sociaux mailleront l'ensemble des territoires, nous disposerons d'outils beaucoup plus efficaces pour assister les maires et les préfets dans le domaine du peuplement. De fait, lorsque l'État presse les préfets d'être plus diligents et plus directifs, c'est bien parce que la négociation n'a pas abouti.
Aujourd'hui, les communes peuvent proposer l'extension de l'exonération du surloyer, au-delà de leur zone de QPV, dans le cadre de leur programme local de l'habitat (PLH). Pour le moment, le projet de loi prévoit la réduction de cette possibilité d'extension, notamment dans les zones tendues. La question du surloyer concerne surtout Paris. Toutefois, il serait souhaitable de savoir quels sont les revenus concernés. Actuellement, un célibataire gagnant 2 500 euros mensuels peut accéder à Paris à un logement financé à l'aide d'un prêt locatif social (PLS). La loi lui permet donc de disposer d'un revenu de 5 000 euros et de payer un surloyer représentant au maximum 25 % de son revenu, soit 1 200 euros de loyer, mais il demeure éligible au logement social. De même, un couple avec deux enfants disposant d'un revenu de 2 500 euros – ce qui n'est pas très élevé pour Paris –, dans le cadre d'un logement financé à l'aide d'un prêt locatif aidé d'intégration (PLAI), acquitte un surloyer équivalent à deux fois son revenu, limité à 25 %.
Le surloyer concerne des classes moyennes disposant des capacités de se loger dans le parc privé. Cela ne leur interdit pas de demeurer dans le logement social, mais personne ne croira qu'il s'agit uniquement de la question du maintien. Pourquoi les bailleurs ne proposent-ils pas à leurs locataires éligibles au surloyer dans le cadre d'un PLAI des logements construits à l'aide d'un prêt locatif à usage social (PLUS) ? Pourquoi ces bailleurs refusent-ils de travailler à la gestion locative de proximité et à la mobilité ? La marche à gravir est-elle trop haute ? Il faut étudier attentivement en quels endroits le surloyer est appliqué. C'est en effet un phénomène parisien : rares sont les quartiers de la capitale qui en sont exonérés. Beaucoup de communes sont aujourd'hui exemptées du surloyer, même si elles luttent contre lui. Ce débat ne doit pas être dogmatique, mais pragmatique ; il faut aussi prendre en considération la position de ceux qui ne bénéficient pas du logement social, alors qu'ils sont demandeurs. Je peux comprendre que des bailleurs considèrent que les publics les plus aisés favorisent une réelle mixité sociale au sein de leur parc de logements.
D'un autre côté, bien des personnes sont exclues du logement social, en particulier dans les zones tendues, et le surloyer constitue un instrument de justice sociale. Aujourd'hui, 4 500 personnes acquittent un surloyer et, malgré tout, sont maintenues dans les lieux. Il est d'ailleurs prévu que, dans le cadre de sa politique de préemption d'immeubles, la ville de Paris – qui a demandé cette mesure – exempte de surloyer pendant trois ans les personnes entrant dans le logement social, car les immeubles sont captés par le parc privé.
Notre intention n'est pas de vider les logements sociaux de la classe moyenne ; notre priorité est de prévenir la paupérisation du logement social, qui n'est pas due au SLS, mais à la concentration des loyers les plus bas dans les mêmes quartiers et dans les mêmes villes, ainsi qu'à l'absence de politiques pertinentes de peuplement.
C'est par la loi et par la mobilisation des élus que nous parviendrons à changer les politiques d'attribution des logements sociaux. Les politiques intercommunales constituent à cet égard l'un des éléments clés de notre arsenal. Il est inconcevable que des communes continuent de connaître vingt ou trente bailleurs sociaux et des commissions d'attribution de logement (CAL) quotidiennes. Cela n'a plus aucun sens ! Dans les zones très tendues, notamment dans la région Île-de-France, les dossiers sont mal étudiés, les offres ne sont pas les bonnes et les élus sont épuisés.
La loi SRU a des effets très positifs : bien des communes se sont engagées et beaucoup de logements ont été produits. Celles dans lesquelles le taux de pression est extrêmement fort restent attentistes, et les permis de construire délivrés ne concernent que le parc privé : aucun logement social n'est créé. Nous devons donc rester vigilants. Roanne est exemplaire de la zone détendue appelant des ajustements. Quelques zones connaissent un taux de pression proche de zéro, et des logements y sont vacants : elles ne sauraient être concernées par la loi SRU. Certaines communes du département de la Loire, proches de la ville de Saint-Étienne, soumises à la loi SRU, sont ainsi exemptées d'amende. Cependant, l'exemption de pénalité relève aujourd'hui du ministre chargé du logement, sur information des préfets, et un dispositif législatif serait préférable. C'est en quelque sorte ce que prévoit le projet de loi, par le biais de l'ajustement de l'application de la loi SRU pour les communes au sein desquelles le taux de pression est nul et où la question de la création de logements sociaux ne se pose pas. Les territoires qui se trouvent dans cette situation sont assez peu nombreux, ils sont bien connus et ce sont eux qui ont nourri notre réflexion. L'application des mesures législatives concernant le logement nécessite du temps. C'est pourquoi ce projet de loi tend à améliorer ou à approfondir les dispositifs en vigueur : il ne se propose pas de bouleverser l'existant.
Monsieur Piron, le texte ne prévoit pas d'étendre les critères d'élection au droit opposable au logement et se borne à préciser quel est le public prioritaire, sans apporter de modification dans ce domaine. Vous m'avez par ailleurs interrogée sur la conduite de la politique du logement en Île-de-France et la perspective d'une réelle intercommunalité pour cette région. Aux termes de la loi, la métropole du Grand Paris peut se saisir de la politique du logement, de l'hébergement et du droit opposable au logement. Il serait en effet très positif que la métropole s'empare du sujet, à la condition qu'elle le traite en totalité, car il constitue un tout dont aucune partie ne saurait être détachée : il doit être considéré en bloc. Or, aujourd'hui, comme la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, l'Île-de-France connaît de sérieux problèmes de logement : ils ne seront résolus que par une action simultanée sur la construction, la réhabilitation et la mobilisation du parc vacant.
Par ailleurs, l'avènement d'Airbnb conduit à s'interroger sur l'identité de l'autorité compétente sur le sujet : les territoires, à tous les échelons, ou, pour certaines régions, l'État ? En tout état de cause, il ne me semble pas que cette question revienne au ministère du logement.
Marcel Rogemont m'a interrogée au sujet de la baisse des loyers. La question n'est pas du ressort de la loi. La semaine dernière, j'ai annoncé que, grâce à la baisse du taux de commissionnement du livret A, 170 millions d'euros étaient mis à la disposition des organismes concernés, afin qu'ils puissent pratiquer des baisses de loyer. Les bailleurs sociaux disposant de logements financés à l'aide d'un PLS, qui sont plus chers que certains logements du parc locatif privé, sont particulièrement visés, et j'espère que les organismes HLM vont s'en saisir. Un dispositif particulier est applicable à la rénovation urbaine : des logements financés il y a plus de trente-cinq ou quarante ans ont été rénovés, et leur niveau de loyer est sans commune mesure avec ceux pratiqués par le passé.
Au demeurant, quand bien même elle ne relève pas du projet de loi, la question que vous posez n'est pas sans intérêt : faut-il détacher le prix des loyers du financement du logement social ? Chacun s'interroge et le sujet ne manquera pas d'animer le débat l'année prochaine, car, dans le cadre de l'aide au taux de commissionnement, l'ensemble des prêts contractés auprès de la Caisse des dépôts devront être renégociés.