Monsieur Weil, si j'adhère à vos propositions, je crains qu'elles ne soient dépassées dans les quartiers les plus ghettoïsés. Depuis bien longtemps, les habitants ont su contourner les déficiences du service public en faisant appel au système D et aux entreprises privées. Ils savent trouver un petit café ou un petit commerce de cartes téléphoniques pour imprimer un document le dimanche.
Depuis bien longtemps aussi, les collectivités ont compris qu'un enfant ne pouvait pas profiter de l'école le ventre vide. Dans ma commune de Sarcelles, nous avons organisé la distribution de collations mais l'éducation nationale, craignant que cela n'encourage l'obésité, nous a obligés à mettre fin à cette pratique. J'ai eu beau expliquer qu'un enfant qui ne mangeait pas ne risquait pas de devenir gros, nous avons dû obtempérer car les textes s'appliquent à l'ensemble de la France : il n'est plus possible de distribuer des collations pendant le temps scolaire. Nous distribuons désormais la collation avant l'heure de début des cours dans le cadre du centre de loisirs. Bref, nous nous débrouillons.
En revanche, pour ce qui est des bibliothèques et des services numériques, les institutions religieuses se sont glissées dans les failles d'organisation du service public et on ne peut pas leur en vouloir. Les associations cultuelles tiennent des bibliothèques et assurent des cours de soutien le week-end. En ce domaine, nous avons déjà un train de retard car ce n'est pas parce que la bibliothèque publique municipale sera ouverte le dimanche que les enfants se détourneront de ces associations. Ils ont trouvé ce qui leur convenait, dans leur quartier, avec des gens qui s'occupent d'eux, pourquoi voulez-vous qu'ils s'en aillent ?
S'il y a eu de telles failles d'organisation, c'est que nous avons laissé s'installer une ghettoïsation des populations les plus fragiles dans ces quartiers. Les communes n'ont pas bénéficié de moyens suffisants. Sarcelles, qui compte 60 000 habitants, n'a qu'une bibliothèque qui occupe un premier étage non accessible aux handicapés. La municipalité n'a pas les moyens de financer une médiathèque de 15 millions d'euros car pendant vingt ans, elle a dû refaire toutes les écoles publiques, lesquelles sont ouvertes du matin au soir, y compris durant le week-end et les vacances.
Je terminerai par le crédit de jour férié. La ville de Sarcelles compte 1 500 agents : en vingt ans, la proportion de ceux qui suivent le ramadan est passée de 10 % à 30 % voire 40 %. Cela fait bien longtemps qu'ils ne demandent plus l'autorisation de s'absenter pour fêter l'Aïd. L'administration sait qu'ils seront absents ce jour-là et qu'ils commenceront plus tôt le matin pendant le ramadan. Elle aménage les horaires de ceux qui travaillent dans les espaces verts en plein cagnard. Cela se fait naturellement. Le formalisme n'a plus lieu d'être. Jamais il ne m'est arrivé de signer des autorisations d'absence, comme le veut la règle. Là encore, nous nous sommes adaptés collectivement.
Certes, il serait possible de fixer à l'avance les dates de ces fêtes religieuses. Mais cela enlèverait sans doute aux musulmans le plaisir qu'ils ont à se disputer pour savoir quand débutera et quand finira le ramadan, plaisir qui fait partie de la joie de ces célébrations. Et il en va de même pour les juifs avec l'heure des banquets.
Je ne vous cache pas que certains agents municipaux se font musulmans le lundi, juifs le mardi, chrétiens le mercredi, pour mieux s'absenter à toutes les fêtes. Toutefois, globalement, tout se passe bien et dans les communes dont la population compte une part importante d'habitants de telle ou telle religion, les agents publics n'ont plus le sentiment qu'ils doivent demander l'autorisation.
Le 08/07/2016 à 10:35, laïc a dit :
" Le formalisme n'a plus lieu d'être. Jamais il ne m'est arrivé de signer des autorisations d'absence, comme le veut la règle. "
Étonnant témoignage. M. Pupponi est maire de Sarcelles, et il vient témoigner de son impuissance à l'Assemblée, du moins en commission, et bien sûr rien ne se passera devant ce témoignage de l'autorité républicaine bafouée, de la peur de l'Etat devant l'islam. Tout le monde a peur en définitive, bel exemple d'une République vaillante, résistante, soucieuse de défendre les droits de l'homme et du citoyen ainsi que les lois républicaines dans chaque micro-partie du sol de la République. Esprit de résistance des glorieux aînés de 39-45, qui ont su se battre, souffrir, mourir pour la République et ses valeurs qui font autant sa fierté que sa raison d'être, où es-tu ?
Et si M. Pupponi, brusquement, décidait de ne plus laisser les choses se passer ainsi, et demandait à tous ses agents municipaux de se conformer à la loi républicaine, que se passerait-il ? Et quels soutiens aurait-il de notre classe politique tremblotante ? En tout cas son témoignage est déjà courageux par lui-même, c'est un début, on veut maintenant qu'il y ait une suite.
Certains disent que l'islam est compatible avec les lois de la République, cet exemple démontre l'inverse, et prouve que défendre cette thèse est une imposture anti-républicaine. Si M. Pupponi laisse les choses se passer ainsi, c'est qu'il a peur des réactions des employés musulmans s'il dit "non", et si les communes où il y a peu de musulmans savent que les choses se passent ainsi dans les communes où il y a beaucoup de musulmans, que la peur règne dès que l'on imagine de dire non aux revendications religieuses, comment blâmer ces communes de refuser l'installation de musulmans étrangers sur leur commune, comme on l'a vu avec les réfugiés venant de Syrie ?
La politique de l'autruche et du laisser-faire chère à notre gouvernement trouve sa condamnation dans l'exemple donné par M. Pupponi.
Le 08/07/2016 à 10:10, laïc a dit :
"Cela fait bien longtemps qu'ils ne demandent plus l'autorisation de s'absenter pour fêter l'Aïd. L'administration sait qu'ils seront absents ce jour-là et qu'ils commenceront plus tôt le matin pendant le ramadan."
Il n'y a donc plus d'Etat, de République, à Sarcelles ?
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