Je souhaiterais revenir quelque peu sur notre façon d'élaborer la loi : ce que nous constatons, c'est que l'expertise solide, indispensable pour la bonne élaboration de la norme, n'est pas toujours au rendez-vous. Ce qui nous oblige, à peine une loi adoptée, à revenir sur certaines dispositions dans des textes ultérieurs et ce qui provoque une instabilité législative dénoncée par l'ensemble des acteurs économiques.
Revenons maintenant en détail sur les dispositions de la loi, en commençant par la réforme des baux commerciaux. L'un des objectifs de la loi était en effet d'améliorer les relations entre les locataires et les bailleurs, en particulier pour les commerces de détail. Dans la grande majorité des cas, le preneur avait très peu de marge de négociation, notamment sur la prise en charge de frais, impôts et travaux incombant en principe au bailleur ou sur l'impossibilité de donner congé avant six ou neuf ans.
Pour atteindre cet objectif, plusieurs mesures ont été adoptées afin d'éviter ou d'anticiper tout litige : la clarification de l'imputation des charges entre locataires et bailleurs, l'assouplissement des conditions de durée des baux commerciaux ainsi que la mise en place de nouvelles règles de négociation et de révision des loyers.
Le décret du 3 novembre 2014 relatif au bail commercial a été publié assez rapidement et est venu préciser les dispositions réglementaires nécessaires, en particulier concernant la liste des charges, travaux, impôts et redevances relatifs aux parties privatives qui ne peuvent pas être mis à la charge du locataire. L'élaboration de ce décret s'est faite en concertation avec les acteurs du secteur et n'a pas soulevé de problème majeur.
Deux points suscitent néanmoins des interrogations. Le premier porte sur la notion de « travaux d'embellissement » qui peuvent être mis à la charge du locataire si le montant excède le coût du remplacement à l'identique. Cette disposition vise à permettre aux bailleurs de répercuter sur le locataire les dépenses liées aux grosses réparations lorsqu'elles embellissement les locaux. Or, cette notion d'embellissement semble peu précise juridiquement et il est à craindre que de nombreux contentieux apparaissent autour de cette notion alors que l'intention du législateur avait été de clarifier les choses et limiter les définitions jurisprudentielles.
Le second point concerne les nouvelles règles de revalorisation des loyers : l'indice du coût de la construction (ICC) a en effet été remplacé par l'indice des loyers commerciaux (ILC) et l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires (ILAT). Certaines activités semblent néanmoins relever des deux domaines (commerciaux et tertiaires), par exemple les agences bancaires ou immobilières, et il existe une incertitude sur l'indice à appliquer. Cette ambiguïté devra être levée.
S'agissant de l'urbanisme commercial, la loi du 18 juin 2014 a eu pour but de réintégrer l'urbanisme commercial dans l'urbanisme général. Il s'agissait de prendre en considération l'articulation entre différentes fonctions : déplacements, habitat, travail, développement durable et services.
Dans le même temps, la rénovation de l'urbanisme commercial a eu comme objectif de donner une place plus importante aux élus dans la délivrance des autorisations d'exploitation commerciale avec la volonté de trouver la bonne adéquation entre la gestion des surfaces de ventes et les besoins des habitants et de mieux respecter le droit européen.
La simplification procédurale mise en place par la loi prévoit que, pour des projets nécessitant la délivrance d'un permis de construire en sus de l'autorisation d'exploitation commerciale, le permis peut tenir lieu d'autorisation d'exploitation.
La fusion de la procédure de permis de construire (PC) et de l'autorisation d'exploitation commerciale (AEC), tout en permettant l'intégration de l'urbanisme commercial dans l'urbanisme de droit commun, en simplifie considérablement les formalités.
Le décret du 12 février 2015 relatif à l'aménagement commercial est venu tirer les conséquences réglementaires de la réforme, en précisant la liste des personnes habilitées à déposer une demande, le contenu des dossiers, le calendrier de dépôt des demandes et les modalités d'instruction.
La fusion a été bien accueillie par l'ensemble des acteurs auditionnés par vos rapporteurs en ce qu'elle simplifie et accélère les projets d'implantation de commerce. C'est, en outre, une cause de limitation du contentieux, puisque seul le permis de construire comportant l'autorisation d'exploitation commerciale est désormais susceptible de recours de la part des tiers, alors qu'auparavant les deux autorisations pouvaient donner lieu à recours ce qui ralentissait et complexifiait la réalisation des projets.
Cette appréciation positive de la réforme peut être nuancée par le fait que l'établissement des dossiers de demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale peut conduire à un renchérissement du coût de constitution du dossier, le pétitionnaire devant avoir renseigné l'ensemble des éléments relatif au permis de construire dès le dépôt initial.
Durant les auditions, est par ailleurs apparue une difficulté concernant la durée de validité des autorisations. En effet, l'autorisation d'exploitation commerciale incluse dans le permis de construire est périmée si les surfaces de vente ne sont pas ouvertes au public dans les trois ans suivant la date à laquelle le permis est devenu définitif. Ainsi, bien qu'il n'y ait qu'une procédure d'autorisation unique, la durée de validité de l'autorisation d'exploitation commerciale fait l'objet d'un régime particulier qui vient s'ajouter aux conditions de validité du permis de construire. Cela peut être problématique dans le cadre de projets complexes et mixtes qui nécessitent des travaux dont la durée totale excède trois années.
Une solution simple consisterait donc à aligner la durée de validité de l'autorisation d'exploitation commerciale sur celle du permis de construire, qui est de cinq ans, ce qui serait en cohérence avec la mise en place d'une procédure d'autorisation unique.
Toujours s'agissant d'aménagement commercial, la loi a modifié la composition et le fonctionnement des commissions d'aménagement commercial. Le niveau départemental a été conservé mais la composition des commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC) a été légèrement modifiée. La loi a également modifié la composition de la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) pour augmenter le nombre de ses membres et intégrer des représentants d'élus locaux. La présence de ces élus a été jugée positive ; ils apportent à la CNAC une vision nouvelle ; leur expérience en tant qu'élus leur conférant une autre vision de l'aménagement commercial.
Par ailleurs, la loi a conféré à la CNAC une capacité d'auto-saisine, certains projets structurants pouvant avoir des effets importants sur les territoires. La CNAC peut désormais s'emparer de projets affectant toute un département ou une région, et dont l'importance peut éveiller des craintes quant au respect des objectifs fixés par la loi. Un premier dossier a ainsi été examiné par la CNAC à travers la nouvelle procédure d'auto-saisine, le 12 novembre 2015. Et, à ce jour, la commission a utilisé sept fois la faculté de s'auto-saisir sur des projets aussi bien de création que d'extension.