La commission des affaires économiques a examiné le rapport d'information de MM. Fabrice Verdier et de M. Daniel Fasquelle sur la mise en application de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises.
Nous sommes aujourd'hui réunis pour examiner le rapport d'application de la loi 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, dite « loi Pinel » ou « loi ACTPE ». C'est un sujet d'actualité qui nous a d'ailleurs beaucoup occupés ces dernières semaines avec l'examen de l'article 43 du projet de loi dit « Sapin II », relatif aux qualifications professionnelles des artisans. La loi de 2014 avait permis de rassurer le monde de l'artisanat mais aussi de porter une rénovation des baux commerciaux et de l'urbanisme commercial, sujet qui occupe cette commission depuis des années et qui, sur les territoires, est une question extrêmement sensible. Concernant les qualifications professionnelles des artisans, l'équilibre atteint par la loi Pinel a été préservé puisque l'article 43 a été complètement réécrit, en particulier pour conforter la validation des acquis de l'expérience (VAE) et pour créer le statut d'artisan cuisinier.
La loi relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises avait pour objectif de soutenir une offre commerciale et artisanale diversifiée sur le territoire français en favorisant le développement des très petites entreprises. Dans ce cadre, elle prévoyait de dynamiser les commerces de proximité, en rénovant le régime des baux commerciaux, et de favoriser la diversité des commerces dans les territoires, notamment les plus fragiles, en renforçant les leviers des pouvoirs publics et en modernisant l'urbanisme commercial.
La loi s'est également attachée à promouvoir la qualité et les savoir-faire des artisans, en clarifiant leur statut, et à simplifier et harmoniser les régimes de l'entreprise individuelle, en créant un régime unique de la micro-entreprise et en facilitant l'accès au statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée.
La loi était attendue par les acteurs du commerce, qui ont activement participé à son élaboration, tant au niveau de la préparation du texte par le Gouvernement qu'au moment de la discussion parlementaire. Ce travail commun a permis de dégager un consensus politique assez remarquable puisque, lors du vote solennel à l'Assemblée nationale en première lecture, seul un député non inscrit a voté contre le texte. Il s'agit d'une situation suffisamment rare pour qu'elle soit soulignée.
La concertation qui a précédé l'élaboration de la loi s'est poursuivie lors de la rédaction des dispositions réglementaires et l'ensemble des personnes auditionnées par vos rapporteurs ont salué cet effort.
Deux après l'adoption de la loi, l'ensemble des dispositions réglementaires a été publié, ce qui semble être la moindre des choses. La concertation souhaitée a néanmoins pu ralentir le rythme de publication des décrets : si les premiers textes d'application ont pu être publiés dès novembre 2014, les plus importants ne l'ont été qu'en 2015, certains assez tardivement.
En outre, certaines dispositions de la loi ont été modifiées par des textes ultérieurs ; c'est en particulier le cas du régime fiscal et social unique prévu à l'article 24 de la loi Pinel pour tous les travailleurs indépendants imposés selon le régime micro-fiscal, qui visait à les faire tous relever automatiquement du régime micro-social. Cette disposition importante a été reportée de quatre ans par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 en raison de difficultés techniques qui n'avaient pas été expertisées lors de l'élaboration de la loi. Ce qui est pour le moins regrettable.
Ainsi, compte tenu de la publication tardive de certaines dispositions réglementaires, il paraît quelque peu prématuré d'établir un bilan de l'application de la loi dont certains effets ne se feront sentir que dans plusieurs années. Lors des nombreuses auditions conduites par vos rapporteurs, il a néanmoins pu être constaté que l'intention du législateur a été globalement respectée par le pouvoir réglementaire et que l'ambition modernisatrice de la loi a été préservée.
Je souhaiterais revenir quelque peu sur notre façon d'élaborer la loi : ce que nous constatons, c'est que l'expertise solide, indispensable pour la bonne élaboration de la norme, n'est pas toujours au rendez-vous. Ce qui nous oblige, à peine une loi adoptée, à revenir sur certaines dispositions dans des textes ultérieurs et ce qui provoque une instabilité législative dénoncée par l'ensemble des acteurs économiques.
Revenons maintenant en détail sur les dispositions de la loi, en commençant par la réforme des baux commerciaux. L'un des objectifs de la loi était en effet d'améliorer les relations entre les locataires et les bailleurs, en particulier pour les commerces de détail. Dans la grande majorité des cas, le preneur avait très peu de marge de négociation, notamment sur la prise en charge de frais, impôts et travaux incombant en principe au bailleur ou sur l'impossibilité de donner congé avant six ou neuf ans.
Pour atteindre cet objectif, plusieurs mesures ont été adoptées afin d'éviter ou d'anticiper tout litige : la clarification de l'imputation des charges entre locataires et bailleurs, l'assouplissement des conditions de durée des baux commerciaux ainsi que la mise en place de nouvelles règles de négociation et de révision des loyers.
Le décret du 3 novembre 2014 relatif au bail commercial a été publié assez rapidement et est venu préciser les dispositions réglementaires nécessaires, en particulier concernant la liste des charges, travaux, impôts et redevances relatifs aux parties privatives qui ne peuvent pas être mis à la charge du locataire. L'élaboration de ce décret s'est faite en concertation avec les acteurs du secteur et n'a pas soulevé de problème majeur.
Deux points suscitent néanmoins des interrogations. Le premier porte sur la notion de « travaux d'embellissement » qui peuvent être mis à la charge du locataire si le montant excède le coût du remplacement à l'identique. Cette disposition vise à permettre aux bailleurs de répercuter sur le locataire les dépenses liées aux grosses réparations lorsqu'elles embellissement les locaux. Or, cette notion d'embellissement semble peu précise juridiquement et il est à craindre que de nombreux contentieux apparaissent autour de cette notion alors que l'intention du législateur avait été de clarifier les choses et limiter les définitions jurisprudentielles.
Le second point concerne les nouvelles règles de revalorisation des loyers : l'indice du coût de la construction (ICC) a en effet été remplacé par l'indice des loyers commerciaux (ILC) et l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires (ILAT). Certaines activités semblent néanmoins relever des deux domaines (commerciaux et tertiaires), par exemple les agences bancaires ou immobilières, et il existe une incertitude sur l'indice à appliquer. Cette ambiguïté devra être levée.
S'agissant de l'urbanisme commercial, la loi du 18 juin 2014 a eu pour but de réintégrer l'urbanisme commercial dans l'urbanisme général. Il s'agissait de prendre en considération l'articulation entre différentes fonctions : déplacements, habitat, travail, développement durable et services.
Dans le même temps, la rénovation de l'urbanisme commercial a eu comme objectif de donner une place plus importante aux élus dans la délivrance des autorisations d'exploitation commerciale avec la volonté de trouver la bonne adéquation entre la gestion des surfaces de ventes et les besoins des habitants et de mieux respecter le droit européen.
La simplification procédurale mise en place par la loi prévoit que, pour des projets nécessitant la délivrance d'un permis de construire en sus de l'autorisation d'exploitation commerciale, le permis peut tenir lieu d'autorisation d'exploitation.
La fusion de la procédure de permis de construire (PC) et de l'autorisation d'exploitation commerciale (AEC), tout en permettant l'intégration de l'urbanisme commercial dans l'urbanisme de droit commun, en simplifie considérablement les formalités.
Le décret du 12 février 2015 relatif à l'aménagement commercial est venu tirer les conséquences réglementaires de la réforme, en précisant la liste des personnes habilitées à déposer une demande, le contenu des dossiers, le calendrier de dépôt des demandes et les modalités d'instruction.
La fusion a été bien accueillie par l'ensemble des acteurs auditionnés par vos rapporteurs en ce qu'elle simplifie et accélère les projets d'implantation de commerce. C'est, en outre, une cause de limitation du contentieux, puisque seul le permis de construire comportant l'autorisation d'exploitation commerciale est désormais susceptible de recours de la part des tiers, alors qu'auparavant les deux autorisations pouvaient donner lieu à recours ce qui ralentissait et complexifiait la réalisation des projets.
Cette appréciation positive de la réforme peut être nuancée par le fait que l'établissement des dossiers de demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale peut conduire à un renchérissement du coût de constitution du dossier, le pétitionnaire devant avoir renseigné l'ensemble des éléments relatif au permis de construire dès le dépôt initial.
Durant les auditions, est par ailleurs apparue une difficulté concernant la durée de validité des autorisations. En effet, l'autorisation d'exploitation commerciale incluse dans le permis de construire est périmée si les surfaces de vente ne sont pas ouvertes au public dans les trois ans suivant la date à laquelle le permis est devenu définitif. Ainsi, bien qu'il n'y ait qu'une procédure d'autorisation unique, la durée de validité de l'autorisation d'exploitation commerciale fait l'objet d'un régime particulier qui vient s'ajouter aux conditions de validité du permis de construire. Cela peut être problématique dans le cadre de projets complexes et mixtes qui nécessitent des travaux dont la durée totale excède trois années.
Une solution simple consisterait donc à aligner la durée de validité de l'autorisation d'exploitation commerciale sur celle du permis de construire, qui est de cinq ans, ce qui serait en cohérence avec la mise en place d'une procédure d'autorisation unique.
Toujours s'agissant d'aménagement commercial, la loi a modifié la composition et le fonctionnement des commissions d'aménagement commercial. Le niveau départemental a été conservé mais la composition des commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC) a été légèrement modifiée. La loi a également modifié la composition de la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) pour augmenter le nombre de ses membres et intégrer des représentants d'élus locaux. La présence de ces élus a été jugée positive ; ils apportent à la CNAC une vision nouvelle ; leur expérience en tant qu'élus leur conférant une autre vision de l'aménagement commercial.
Par ailleurs, la loi a conféré à la CNAC une capacité d'auto-saisine, certains projets structurants pouvant avoir des effets importants sur les territoires. La CNAC peut désormais s'emparer de projets affectant toute un département ou une région, et dont l'importance peut éveiller des craintes quant au respect des objectifs fixés par la loi. Un premier dossier a ainsi été examiné par la CNAC à travers la nouvelle procédure d'auto-saisine, le 12 novembre 2015. Et, à ce jour, la commission a utilisé sept fois la faculté de s'auto-saisir sur des projets aussi bien de création que d'extension.
Autre dossier important traité par la loi, la réforme du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC). En effet, les contraintes budgétaires qui s'imposent au FISAC depuis plusieurs années et les dysfonctionnements induits sur la procédure mise en oeuvre ont rendu nécessaire une refonte du dispositif pour lui redonner sa pleine efficacité.
Ainsi, l'objectif de la loi était-il de remplacer un dispositif qui fonctionnait selon une logique de guichet par la mise en place de nouvelles modalités de sélections des dossiers au moyen d'appels à projets. Les appels à projets doivent permettre de sélectionner, parmi les dossiers éligibles, ceux qui bénéficieront d'une aide du FISAC compte tenu des ressources disponibles et des priorités fixées par le ministre chargé du commerce.
Le décret du 15 mai 2015 est venu apporter des précisions concernant la mise en oeuvre de la réforme du FISAC. Le nouveau dispositif « territorial » s'organise désormais autour de deux catégories d'opérations éligibles : des opérations collectives et des opérations individuelles. Le décret vient limitativement énumérer les dépenses éligibles au titre de ces opérations ainsi que les taux maximaux de subvention.
Le règlement de l'appel à projets a été diffusé en 2015 et la date limite de dépôt des dossiers de candidature portant sur les opérations individuelles était fixée au 30 octobre 2015.
Après un premier examen, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) les ont transmis à la direction générale des entreprises (DGE) avant le 30 novembre 2015 pour un complétement d'instruction. À ce jour, 191 dossiers ont été reçus par la DGE et sont en cours d'instruction. Le comité de sélection s'est réuni le mois dernier.
En ce qui concerne les opérations collectives, les dossiers de candidature devaient être déposés dans les DIRECCTE au plus tard le 29 janvier 2016. Celles-ci devaient les transmettre à la DGE avant le 31 mars 2016.
Un autre sujet traité par la loi du 18 juin 2014 concerne le droit de préemption des communes. Le maintien et la diversification des commerces de proximité constituent en effet un impératif pour les citoyens. Il convient donc de permettre aux communes qui disposent du droit de préemption de posséder un large choix de moyens dans sa mise en oeuvre. Ainsi, la loi a-t-elle permis à une commune de déléguer le droit de préemption à un établissement public de coopération intercommunale, à un établissement public y ayant vocation, à une société d'économie mixte, au concessionnaire d'une opération d'aménagement ou encore au titulaire d'un contrat de revitalisation artisanale et commerciale.
Le décret du 24 juillet 2015 modifiant certaines dispositions du code de l'urbanisme relatives au droit de préemption des communes a adapté les dispositions de la partie réglementaire du code de l'urbanisme pour tenir compte de la loi du 18 juin 2014 et a notamment précisé la procédure en cas de délégation du droit de préemption.
La dernière thématique abordée par la loi et le rapport porte sur le soutien et le développement des très petites entreprises.
L'un des objectifs de la loi ACTPE était, en particulier, d'apporter une plus grande précision et une meilleure compréhension du statut d'artisan, qui est de la plus haute importance pour la reconnaissance des savoir-faire dans notre pays.
Afin de mieux valoriser les métiers de l'artisanat, la classification des artisans a été aménagée par l'article 22 de la loi. La qualité d'artisan est désormais réservée aux seuls détenteurs d'une qualification professionnelle pour le métier qu'ils exercent personnellement et effectivement. La notion d'artisan qualifiée a, en conséquence, été supprimée.
Le décret du 2 juillet 2015 relatif à la qualité d'artisan et au répertoire des métiers est venu préciser cette réforme : pour pouvoir se prévaloir de la qualité d'artisan, il faut désormais détenir soit un certificat d'aptitude professionnelle ou un brevet d'études professionnelles, soit un titre homologué ou enregistré au répertoire des certifications professionnelles, soit une expérience professionnelle de trois ans au moins. Par ailleurs, le contrôle des qualifications par les chambres des métiers et de l'artisanat lors de l'immatriculation au répertoire des métiers a été renforcé.
L'Assemblée nationale avait par ailleurs souhaité préciser que la qualification professionnelle devait être détenue non seulement par groupe d'activités mais également par métier. Cette question ayant longuement occupé notre commission ces dernières semaines, je n'y reviens pas : l'équilibre atteint la semaine dernière lors de l'examen en séance publique du projet de loi Sapin II me semble adapté.
Une incertitude subsiste par contre s'agissant du « droit de suite » que la loi avait souhaité assouplir en autorisant désormais une immatriculation au répertoire des métiers pour toute entreprise dépassant le seuil de dix salariés, ce sans aucune limitation de durée ou de qualification. Lors de l'élaboration des dispositions réglementaires nécessaires, l'assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat, a alerté le Gouvernement sur les conséquences budgétaires de la réforme. Ce qui a conduit le Gouvernement à disjoindre ces dispositions du projet de décret. Lors de l'audition conduite par vos rapporteurs, le cabinet de la ministre indiquait qu'une réflexion devrait être menée afin de revoir la rédaction de l'article 19 de la loi du 5 juillet 1996 dans sa rédaction résultant de la loi Pinel. Vos rapporteurs regrettent que le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (Sapin II) n'ait pas pu accueillir cette clarification.
La loi a enfin souhaité préciser le statut des auto-entrepreneurs : pour préparer le projet de loi, le Gouvernement était parti du constat que ce statut avait certes permis à de nombreuses personnes de lancer un projet de création d'entreprise ou de compléter leur revenu par une activité d'appoint mais qu'il avait également créé les conditions d'une concurrence inéquitable avec les entrepreneurs soumis au droit commun, et conduit à certains excès. Partageant cette analyse, le législateur a donc souhaité rétablir une certaine équité en rapprochant ce statut du droit commun, tout en conservant la simplicité de déclaration et de paiement des charges sociales.
L'article 29 de la loi du 18 juin 2014 a ainsi mis fin à l'exonération dont bénéficiaient les auto-entrepreneurs au titre de la taxe pour frais de chambres de commerce et d'industrie (CCI) et de la taxe pour frais de chambres de métiers et de l'artisanat (CMA).
Par ailleurs, l'article 30 a limité le droit aux prestations de formation professionnelle aux seuls micro-entrepreneurs qui ont effectivement réalisé un chiffre d'affaires durant les douze mois précédant la demande de formation.
L'article 22 oblige en outre les bénéficiaires du régime micro-social à indiquer, sur chacun de leur devis et sur chacune de leurs factures, l'assurance professionnelle qu'ils ont souscrite au titre de leur activité, dans le cas où elle est obligatoire pour l'exercice de leur métier, les coordonnées de l'assureur ou du garant ainsi que la couverture géographique de leur contrat ou de leur garantie.
De surcroît, l'article 27 de la loi rétablit le caractère universel de l'immatriculation en soumettant tous les micro-entrepreneurs, artisans et commerçants, que leur activité soit exercée à titre principal ou complémentaire, à l'obligation d'immatriculation. Toutefois, contrairement aux autres entrepreneurs, le régime micro-social ouvre droit à une immatriculation gratuite. Ces dispositions ont été précisées par le décret n° 2015-731 du 24 juin 2015.
Enfin, l'article 28 a mis fin à la dispense de stage de préparation à l'installation (SPI) dont bénéficiaient les auto-entrepreneurs, cette généralisation du SPI visant à établir l'égalité de traitement entre tous les artisans et à améliorer le taux de pérennité des entreprises créées. Pour autant, lors des auditions conduites par vos rapporteurs, cette généralisation du SPI a été très fréquemment critiquée : coût du dispositif trop élevé, inadéquation du contenu au public, engorgement des services qui oblige certains micro-entrepreneurs à attendre de longs mois avant de pouvoir commencer leur activité. Aujourd'hui, sur les 160 000 entrepreneurs suivant un SPI, 100 000 sont des micro-entrepreneurs et cette nouvelle réalité n'a manifestement pas été suffisamment prise en compte par les chambres de métiers et de l'artisanat.
Pour répondre à ces défauts, l'article 38 du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de l'économie a proposé certaines modifications au SPI. Ici encore, nous n'y reviendrons pas, cette question ayant été longuement traitée par notre commission.
Messieurs les rapporteurs, vous avez rappelé quel était l'objectif de cette loi sur l'artisanat, le commerce et les très petites entreprises et les principaux résultats qui apparaissent. Mon intervention portera sur trois sujets : les baux commerciaux, le FISAC et la concurrence entre les auto-entrepreneurs et les artisans.
Ma première question porte sur les baux commerciaux, la hausse des loyers est désormais anticipable puisqu'elle est limitée à 10 % en cas de déplafonnement. Un indice des loyers commerciaux existe aujourd'hui, vous l'avez rappelé. Les relations entre les commerçants locataires et les bailleurs sont aujourd'hui plus transparentes. Mais il y a un changement de système qui engendre de l'instabilité et forcément de l'incompréhension et des contentieux. C'est ce que nous constatons sur le terrain. Comment sont faites aujourd'hui ces renégociations de loyers ? Lorsqu'il y a conflit, pour ne pas aller vers des procédures judiciaires, ne peut-on pas envisager un système de médiation qui pourrait être porté par les chambres artisanales ou les chambres de commerce afin de favoriser le passage harmonieux d'un mode de règlement du bail vers un autre.
Deuxième question, Monsieur Fabrice Verdier, vous avez rappelé les nouvelles règles régissant le FISAC : il s'agit de passer d'une logique de guichet à une logique de projet. Avez-vous eu, dans vos auditions, des exemples montrant que l'on en prend le chemin ? Les commerces ont aujourd'hui une problématique forte à résoudre qui est celle de l'accessibilité. Bien souvent, les demandes de FISAC se font sur cette question mais il ne devrait pas se réduire au financement de ce seul objectif. Il y a là un sujet à approfondir. Où en sommes-nous de la rédaction des projets des territoires en matière de développement commercial pour qu'il y ait une harmonisation avec le FISAC ?
Ma troisième question concerne la concurrence entre auto-entrepreneurs et artisans. Il y avait beaucoup à faire. L'harmonisation du système du micro-social et du micro-fiscal été proposée et elle semble bien fonctionner : avez-vous constaté, lors de vos auditions, des difficultés particulières ? Est-on capable de quantifier le nombre d'entreprises passées au micro-fiscal ? Sur les formalités qu'elles ont à accomplir, n'y a-t-il pas, là aussi, des difficultés qui nécessiteraient des conseils particuliers des chambres des métiers et des chambres de commerce ?
Je m'associe à mes collègues pour féliciter les deux rapporteurs qui ont fait un travail remarquable. Je voudrais évoquer trois points dont l'un a été évoqué. C'est celui des auto-entrepreneurs, je n'y reviendrai pas. Sur l'allongement de la durée du bail dérogatoire à trois ans, est-elle vraiment justifiée et efficace ? Enfin, quel bilan tirez-vous de la réforme du FISAC ?
Merci Messieurs les rapporteurs pour la qualité de votre rapport qui revient sur l'ensemble des dispositions de la loi. Deux ans après son adoption vous constatez que ces mesures ont tardé à être mises en oeuvre puisque l'ensemble des dispositions réglementaires a tardé à être publié. Désormais c'est fait, mais la publication des décrets, notamment les plus importants, ayant été tardive, je comprends votre difficulté pour apprécier certains points.
Toutefois, je ne peux m'empêcher de revenir sur ce qui s'est passé lors de l'examen de l'article 43 du projet de loi Sapin II. Je veux dire que nous regrettons la méthode du Gouvernement, qui a tenté de revenir sur des dispositions qui avaient pourtant trouvé un équilibre, en concertation avec les acteurs professionnels. L'insécurité législative est difficile à vivre, elle est souvent dénoncée par nos entrepreneurs. On a bien vu la réaction des organisations professionnelles contre cet article 43. Je me félicite du travail effectué dans l'hémicycle, mais on aurait pu éviter trois heures de débat.
Je souhaite revenir aussi sur le volet concernant l'urbanisme commercial qui, me semble-t-il, a été une réussite : cette loi a stabilisé l'encadrement législatif de l'urbanisme commercial. La mise en application des nouvelles dispositions a provoqué une fusion des procédures qui a permis d'éliminer des projets insuffisamment aboutis et a donné plus de temps et de marge de manoeuvre aux élus. Vous semblez noter que la durée de validité des autorisations d'exploitation commerciale semble poser problème et vous souhaitez l'allonger, dans un but de simplification, à une durée de cinq ans. Pourriez-vous nous donner des éléments sur cette question ?
Quel bilan pouvez-vous tirer de la présence renforcée des élus dans les commissions d'aménagement commercial ? Pourriez-vous nous apporter des précisions sur la mise en oeuvre du droit de suite concernant l'immatriculation à la chambre des métiers pour les entreprises de plus de dix salariés ? J'ai compris que c'était compliqué. Enfin, on entend dire dans nos chambres des métiers qu'il y a des artisans qui quittent l'artisanat pour rejoindre l'auto-entrepreneuriat : est-ce quelque chose que vous avez pu vérifier lors de vos auditions ?
Je voudrais également saluer ce bon travail d'évaluation d'un texte qui, au coeur de la crise des auto-entrepreneurs, avait permis de trouver un équilibre. Comme le souligne le travail de nos rapporteurs, on peut néanmoins regretter que les travaux de notre collègue Laurent Grandguillaume n'aient pas encore pu aller au-delà et notamment sur le statut unique qui permettait un parcours de croissance intéressant.
En matière d'urbanisme commercial on voit bien les tensions dans nos circonscriptions entre les grandes opérations d'urbanisme et l'équilibre à trouver avec les centres-villes. Ce sont de longues opérations et, croisées avec le travail fait sur les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme ou les plans locaux d'urbanisme intercommunaux, ces outils permettront de trouver l'équilibre.
Je ne reviens pas sur le FISAC, nos rapporteurs l'ont dit : la logique de projet, à la place de celle de guichet, apporte satisfaction dans les territoires où il peut y avoir des projets retenus. Je formulerai un voeu : que cela soit croisé avec les politiques de la ville ou les projets de centre bourg. Il y a plusieurs types d'interventions publiques et nous ne sommes pas nécessairement dans une complémentarité.
Enfin, sur la question des qualifications professionnelles des artisans, on a eu le débat de la semaine dernière sur l'article 43 du projet de loi Sapin II. On voit bien, avec l'ubérisation de notre économie, la nécessité de protéger les professions artisanales, en tout cas de garantir des qualifications qui, pour le client, mais aussi pour la qualité des prestations, permettent d'avoir des résultats importants et de légitimer les chambres consulaires dans le travail qu'elles font en matière de formation, de qualification et de contrôle.
Je voulais rebondir sur un seul des éléments de ce rapport : la politique des commerces de proximité. Cette problématique est majeure. Les articles de presse sont nombreux actuellement sur les centres-villes des communes de 5 000 à 100 000 habitants. Les centres-villes se vident, les vitrines blanches sont de plus en plus nombreuses. Je note que deux aspects sont abordés. D'une part, celui de la préemption qui est outil assez vaste à la disposition des élus et de leurs relais. D'autre part, le FISAC, sachant qu'il se heurte à la difficulté des crédits qui l'abonde. La commune dont je suis le maire a commencé un FISAC et on a dû l'abandonner en cours de route parce que l'État a dit qu'il n'y avait plus d'argent. On a fait le volet étude mais pas le volet action car nous étions face à un vide sidérant qui est le vide des crédits budgétaires.
Je voulais surtout vous dire que la problématique du commerce de centre-ville ou du commerce en ruralité est essentielle car elle est un indicateur de la vie dans les territoires et cela me semble dépasser la problématique du FISAC et celle de la préemption, qui sont deux bons outils. Il faut avoir une vision d'ensemble et nous n'avons pas les outils pour faire des politiques de communication visant à redévelopper les centres-villes et à les faire connaître auprès de nos citoyens en ayant des politiques d'aménagement (par exemple, avec la création de places de parking). Si l'on veut sauver la vie au coeur de nos cités, il faudra être plus ambitieux que l'utilisation des outils que nous avons à notre disposition.
Je voudrais m'associer à mes collègues pour féliciter les deux rapporteurs pour l'excellence de leur travail. Vous avez dans votre rapport pointé un certain nombre d'évolutions positives comme la suppression des soldes flottants, qui a fait consensus auprès de l'ensemble des acteurs, ou la redéfinition du statut d'artisan. Je ne reviendrai pas sur les dispositions du projet de loi Sapin II, notamment celles de l'article 43, que nous avons, à l'initiative de Madame la Présidente, vidé de son contenu négatif.
Je voudrais revenir sur la réforme en cours du FISAC, qui a eu plusieurs vertus, notamment celle consistant à clarifier le rôle de chaque échelon dans l'instruction des dossiers. Cela a-t-il permis la réduction du délai d'instruction ? Cependant, pour un grand nombre d'acteurs, la réforme du FISAC pourrait être ajustée en renforçant le lien entre les objectifs de la réforme et les crédits alloués à ces fonds. Le FISAC a beaucoup souffert du décalage entre les crédits affectés aux fonds, dans les années qui ont suivi sa réforme par la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, et le nombre de dossiers déposés. Ce décalage est-il en passe d'être comblé ? Vous semblerait-il utile de rétablir la solidarité financière entre la grande distribution et les petites entreprises commerciales qui passait auparavant par la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) ? Comment pourrait-on procéder ? Je m'associe aux questions qui ont déjà été posées sur la concurrence des auto-entrepreneurs et de la micro-entreprise.
Je veux saluer les dispositions qui étaient dans ce texte de loi ainsi que le travail réalisé par nos deux rapporteurs pour évaluer leur application. Je m'interroge toutefois, comme certains de mes collègues, sur les capacités que nous avons aujourd'hui à revitaliser les centres bourgs et les centres-villes. Une table ronde organisée il y a peu par notre commission nous a montré que c'était une réelle problématique pour certains et un enjeu national. Le Gouvernement a lancé une mission de revitalisation du commerce de centre-ville dont les conclusions vont être connues ce mois-ci. Avez-vous eu quelques éléments à ce sujet ?
J'ai d'autres questions à vous poser. La première concerne les contrats de revitalisation artisanal et commercial et l'expérimentation qui est en cours et qui doit durer cinq ans. Le décret est récent mais avez-vous pu obtenir quelques retours d'expérience sur ces contrats ?
Ma deuxième question concerne le FISAC et la TASCOM. À la page 28 de votre rapport, vous dites à propos du FISAC qu'il y a un décalage entre les objectifs et les moyens alloués. Quel correctif faudrait-il y apporter ? Vous soulignez également que la solidarité financière entre la grande distribution et les petites entreprises artisanales et commerciales par le biais de la TASCOM n'a pas été rétablie. Dès lors, que préconisez-vous ?
Ma troisième question concerne la loi de modernisation de l'économie (LME). C'est la LME qui a augmenté le seuil au-delà duquel une extension ou une création de surface commerciale nécessite l'autorisation des CDAC : on est passé de 300 à 1 000 mètres carrés. Les critères de finalisation du dossier ont été modifiés puisqu'on ne tient plus compte des critères de déstabilisation de l'emploi ou de l'activité des petits commerces. Ces dossiers ne prennent pas non plus en compte le e-commerce. Ces sujets ont-ils été abordés lors de vos auditions ? Comment intégrer le e-commerce dans l'analyse des CDAC ? Ne devrait-on pas revenir au critère des 300 mètres carrés et redonner un pouvoir d'appréciation aux CDAC ? Des critères d'emploi qualitatifs ou de commerce éthique ne pourraient-ils pas être pris en compte par CDAC ?
Je souhaiterais revenir sur l'article 43 du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Je souhaiterais apaiser les débats car je pense qu'il n'est pas question d'opposer les différentes ambitions mais de les rendre compatibles. On ne peut pas nier que de nombreuses questions doivent être analysées : je pense à la simplification de la VAE, à la reconversion professionnelle à laquelle on ne pense pas toujours mais qui doit être plus simple et accompagnée. Nous avons souhaité inverser l'écriture de l'article 43 qui ne nous convenait pas dans sa rédaction proposée par le Gouvernement pour rendre cet article positif.
J'aimerais avoir des précisions sur ce que vous entendez par un manque de clarification sur le droit de suite ? L'amendement n° 1413, que j'ai porté et qui a été voté lors de l'examen du projet de loi Sapin II, donne la possibilité aux entreprises artisanales de demeurer inscrites au registre des métiers, même au-delà de 10 salariés, et me semble apporter cette clarification. D'ici le passage au Sénat et le retour du texte à l'Assemblée nationale, y a-t-il des choses sur lesquelles nous devons travailler ?
Messieurs les rapporteurs, à mon tour de vous féliciter pour le travail qui a été fait. Je ne reviendrai pas sur l'article 43, les débats ont été longs et pour moi, il reste encore certaines imperfections sur cet article.
Je voudrais aborder un autre sujet, celui de la micro-entreprise. J'ai été alertée sur mon territoire par la diminution du nombre d'entreprises artisanales au profit de micro-entreprises. Cette situation engendre des conséquences sur le tissu économique local, sur la paupérisation de l'artisanat, sur l'emploi et sur la formation. Les entreprises artisanales permettent de répondre tant aux besoins des particuliers qu'à ceux des collectivités, ce que la micro-entreprise ne peut pas faire. Le constat que fait la chambre des métiers sur mon territoire est que le statut juridique et social plus avantageux de la micro-entreprise incite certains artisans à changer de statut pour celui de micro-entrepreneur. Cela engendre des problèmes de formation et d'apprentissage car la micro-entreprise n'est pas un lieu qui privilégie la formation. Comment analysez-vous le statut de la micro-entreprise par rapport au secteur de l'artisanat ?
Messieurs les rapporteurs, comme vous le notez dans votre excellent rapport, un des objectifs de cette loi était de réintégrer l'urbanisme commercial dans l'urbanisme général en donnant une place plus importante aux élus dans la délivrance d'autorisations d'exploitation commerciale. Or un des enjeux commerciaux, en particulier dans les petites villes, voire dans les villes moyennes, est le maintien voire le développement du commerce de centre-ville. Quelles sont les premières indications des conséquences de cette rénovation de l'urbanisme commercial du point de vue de l'équilibre ou du déséquilibre de l'offre commerciale entre la périphérie et les centres-villes ? La vitalité commerciale d'un centre-ville n'est pas qu'un enjeu économique mais également un enjeu essentiel de cohésion sociale.
Merci, chers collègues, pour ces questions. Il faut rappeler que deux ans c'est un peu juste pour expertiser sérieusement une loi qui n'a pas produit tous ses effets.
Concernant le FISAC, sans polémique aucune, je voudrais d'abord saluer le travail fait par l'ancienne ministre de l'artisanat, Mme Sylvie Pinel, qui avait dû gérer une situation qui n'était pas évidente. À l'époque, la capacité budgétaire ne permettait de répondre qu'à un dixième des promesses de subventions qui étaient faites. Il a donc fallu redéfinir une politique en fonction des moyens budgétaires dont on disposait. L'élu local que je suis regrette que la corrélation entre la TASCOM et le budget du FISAC n'existe plus. Toutefois, nous connaissons les difficultés que traverse le pays et les arbitrages que nous devons faire.
Par ailleurs, je considère que, quand bien même il n'y aurait pas eu de problème budgétaire, la logique d'appels à projet est une bonne logique. Elle évite quelques effets d'aubaine, puisque par le passé, il était possible de voir des subventions FISAC sans grand rapport avec l'objet de ce fonds, certains élus se targuant en off d'avoir réussi à faire financer quelques ronds-points à côté d'opérations de centre-bourgs. Le bilan de la réforme est difficile à faire. La sélection des projets s'est faite le mois dernier et nous n'avons pas encore de retour pour évaluer la qualité de ces projets. Ce que l'on peut regretter, et on le souligne dans le rapport, c'est le fait qu'on ait limité l'éligibilité des dépenses de sécurité pour les commerçants aux communes de moins de 3 000 habitants alors qu'il s'avère que les questions de sécurité sont plutôt prégnantes dans les communes de plus de 3 000 habitants. Nous nous rapprocherons de la ministre du commerce et de l'artisanat pour faire évoluer cette règle.
Sur les questions plus générales, je ne vais peut-être pas répondre de façon ciblée et précise à chaque interpellation. Nous pourrons avoir un nouvel échange si vous le voulez. Concernant les régimes de la micro-entreprise et de l'auto-entrepreneur, je pense que l'on a trouvé un véritable équilibre. On a répondu aux exemples précis d'iniquité entre les deux régimes en rapprochant les deux régimes. Aujourd'hui, un auto-entrepreneur peut aussi facilement créer son entreprise qu'il pouvait le faire il y a trois ans. La position que nous avons trouvée est équilibrée. Il est logique dans un monde où la concurrence doit être libre et non faussée, que tout entrepreneur soit obligé de payer les mêmes taxes de frais de chambre que ses concurrents et de se former.
Par contre, et je l'ai dit dans les auditions avec les responsables des chambres consulaires, il faut faire évoluer le stage préalable à l'installation (SPI) vers un stage des années 2016 qui tienne compte des évolutions numériques de notre société et des profils hétérogènes des entrepreneurs. C'est compliqué d'imposer à un jeune qui crée son entreprise, qui a BAC+5 et qui maîtrise beaucoup d'outils de rester assis pendant cinq jours dans une salle d'une chambre des métiers et d'assister de manière passive à une formation qui ne lui sert à rien. Il faut maintenir ce stage mais l'individualiser pour apporter des outils à ceux qui en ont besoin, peut-être en amenant des entrepreneurs à faire part de leur expérience. Cela permettrait de maintenir l'obligation de formation sans coût. Cela ne regarde toutefois pas directement le législateur, c'est plus du travail à faire entre les chambres et les créateurs d'entreprises.
Nous avons donc apaisé la situation. Pour avoir auditionné les différentes fédérations d'auto-entrepreneurs, force est de constater qu'il n'y a pas eu de sujet de tension portant sur les obligations supplémentaires mais que le débat a porté principalement sur le SPI. Le discours a été peut-être un peu plus sévère par rapport aux auto-entrepreneurs du côté des chambres des représentants des artisans classiques. Il faut continuer à être vigilant sur le salariat déguisé des auto-entrepreneurs et sur le système de protection sociale des entrepreneurs individuels, quel que soit leur régime.
Je suis aussi les questions touchant au Régime social des indépendants (RSI). Il y a une question d'équilibre de ce régime. Il y a également un problème de bombe à retardement : des personnes pensent être suffisamment couvertes par leur régime mais le sont, à mon sens, insuffisamment et seront très surprises par le nombre de trimestres validés quand elles feront valoir leurs droits à la retraite.
L'évolution est plutôt positive mais il faut faire un travail de pédagogie important sur les avantages et les inconvénients du régime de la micro-entreprise. Très franchement, selon le chiffre d'affaires et l'activité que vous avez, le régime d'auto-entrepreneur n'est pas toujours adapté. Si on veut travailler avec les collectivités publiques et investir, on a besoin d'être entrepreneur individuel et de récupérer la TVA. C'est un bon régime de départ qui permet de passer un palier et devenir ensuite entrepreneur individuel. L'équilibre a été trouvé, il ne faut pas revenir dessus.
S'agissant des baux commerciaux, les décrets ont été pris il y a quelques mois seulement. Comme les baux ont une durée de trois, six ou neuf ans, nous n'avons pas encore de recul suffisant sur l'impact de la loi sur les renégociations des baux commerciaux.
S'agissant de la proposition d'un système de médiation, la loi a prévu que la compétence de la commission départementale de conciliation soit étendue aux baux commerciaux. Mais nous n'avons pas assez de recul pour savoir si cela a permis d'atténuer les litiges, ni s'il faudrait inclure les chambres de métiers dans cette procédure. Ces litiges sont d'ailleurs plus nombreux qu'on ne le croit ; les commerçants font face à des propriétaires dont la location d'espaces commerciaux est le métier et ils sont souvent pris au dépourvu et cèdent face à des menaces de procès dont ils savent qu'ils n'ont pas les moyens de les soutenir dans la durée. Espérons que l'intervention de la commission départementale permette à ces commerçants de trouver une oreille attentive, et à ces conflits de s'atténuer rapidement, sans que le coût en soit excessif pour les commerçants.
Sur le FISAC, ses moyens diminuent chaque année, toutes majorités confondues. C'est un phénomène ancien. Nous sommes quelques-uns à nous être battus pour que ses crédits soient maintenus, car le FISAC a montré son efficacité. Le passage d'une logique de guichet à une logique d'appel à projets peut se justifier, mais on s'aperçoit que ce changement met beaucoup de temps à se mettre en place, pour les opérations individuelles comme collectives. S'agissant des opérations individuelles, le comité de sélection du FISAC s'est réuni le mois dernier sur 191 dossiers seulement : je trouve cela très peu. La réforme introduite par la loi est-elle un moyen de gérer la pénurie de moyens ou s'agit-il d'un redéploiement efficace de la politique du FISAC ? Un bilan devra être fait, mais je suis, pour ma part, assez sceptique. Je pense qu'il faut établir à nouveau un lien entre la taxe sur les surfaces commerciales et le FISAC, afin que l'argent payé par les grandes surfaces serve effectivement à aider le petit commerce et le commerce de centre-ville.
Concernant les baux commerciaux, j'étais très hostile à leur extension à trois ans. La durée de deux ans pour les baux dérogatoires était satisfaisante. Maintenant que leur durée est de trois ans, ils offrent une protection juridique inférieure au bail de droit commun. En conséquence, le bail de droit commun leur est préféré, et on résilie de plus en plus au bout de trois ans. La souplesse et l'intérêt du bail dérogatoire sont remis en cause par cette extension. Il faudra réfléchir à un retour à la durée initiale de deux ans. Les auditions ont montré que c'était le souhait des acteurs de terrain.
En matière d'urbanisme commercial, il faudrait passer à une durée de cinq ans pour les autorisations d'exploitation commerciale car il y a un décalage entre la durée du permis de construire, qui est de cinq ans, et l'autorisation d'exploitation commerciale, qui est de trois ans. Or certaines opérations commerciales sont complexes, notamment lorsqu'elles ont lieu en centre-ville ou en centre-bourg. Dans ces cas, une durée de trois ans est insuffisante. Le bon sens voudrait qu'on aligne la durée des autorisations d'exploitation commerciale sur celle des permis de construire, soit cinq ans.
S'agissant d'un statut unique de l'entrepreneur, la fusion des différents statuts a, en effet, été à l'étude. Mais la commission d'experts réunie sur ce sujet a conclu qu'un statut unique serait trop compliqué à mettre en oeuvre techniquement, et qu'il créerait plus de problèmes qu'il n'apporterait de solutions. Cette piste qui paraissait prometteuse a donc été abandonnée pour des raisons techniques.
Sur le droit de préemption, il est trop tôt pour savoir si les dispositions nouvelles introduites par la loi sont efficaces. L'ouverture de ce droit aux établissements publics de coopération intercommunale est une avancée. Mais on sait que la difficulté est plutôt de trouver les moyens financiers pour préempter et surtout de trouver un nouveau commerçant pour occuper la place vacante. Il y aura sans doute à retravailler sur ce droit de préemption pour le rendre vraiment efficace.
Madame Annick Le Loch a posé la question de la vente sur internet. La déstabilisation des commerces de centre-ville tient, en effet, à la fois aux baux commerciaux et au montant excessif des loyers, mais aussi au développement de la vente sur internet. C'est tout le commerce de détail qui est aujourd'hui remis en cause.
S'agissant de la loi de modernisation de l'économie et du relèvement du seuil de 300 à 1 000 mètres carrés, la question est de savoir s'il y a concurrence ou non entre les moyennes surfaces à la périphérie des villes. Le fonctionnement des commissions départementales d'aménagement commercial et l'existence de seuils relativement bas avaient entraîné des situations totalement figées dans certaines parties du territoire, avec des grandes surfaces qui avaient conquis des parts de marché en demeurant à l'abri de ces règles, et acquis, à certains endroits, une situation de monopole qui les mettait en capacité d'empêcher l'arrivée de tout nouveau concurrent. Or il faut garantir au consommateur un degré minimal de concurrence.
Sur le statut de l'auto-entrepreneur, la loi de 2014 a peut-être corrigé sur certains points une forme de concurrence déloyale entre ceux qui étaient auto-entrepreneurs et ceux qui ne l'étaient pas. Mais je pense que ce statut est utile. Certains commencent comme auto-entrepreneurs, développent leur activité, et il est normal qu'ils basculent ensuite sur un autre statut. D'autres peuvent s'installer durablement dans le statut d'auto-entrepreneur car leur activité est partielle, annexe ou secondaire : ceux-là ne souhaitent pas aller au-delà d'un certain niveau d'activité, et ce statut leur suffit parfaitement. Quant aux contraintes nouvelles que la loi leur impose, les auto-entrepreneurs se plaignent de l'obligation d'immatriculation, qui implique des procédures parfois très lourdes, alors que ce statut vise précisément à faciliter la création d'entreprise, et du stage de préparation à l'installation, qu'ils trouvent lourd, coûteux et parfois pas vraiment utile. Il faudra poursuivre la réflexion sur ce point car je pense que l'équilibre n'est pas encore totalement trouvé.
Je remercie Madame Sophie Errante de son amendement sur le droit de suite dans le cadre du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Nous intégrerons cette avancée récente dans notre rapport.
Je rejoins ce que disait Madame Annick Le Loch : il faut relever le défi du numérique. À terme, les acteurs de l'e-commerce qui le souhaitent devraient être éligibles au FISAC. Mais le numérique est aussi un vrai défi pour les artisans. J'ai évoqué cette question hier avec le président du Conseil national du numérique. Ce qui se passe aujourd'hui avec Uber pour les taxis se passera demain pour tous les artisans : des plateformes permettront d'identifier d'un clic le serrurier qui peut intervenir à domicile sous quinze ou vingt minutes. J'invite les professionnels qui ont des qualifications et des savoir-faire à entrer dans cette ère du numérique car s'ils ne le font pas, d'autres le feront pour eux, et ils rencontreront les mêmes difficultés que les taxis, qui n'ont pas su s'adapter à temps. L'artisan qui a des qualifications, des savoir-faire et la capacité de faire valoir son expérience sera forcément gagnant avec la transparence apportée par les plateformes. Beaucoup de nos amis artisans s'y refusent aujourd'hui, mais il faudra pourtant bien se lancer dans cette direction.
Sur l'e-commerce, une dirigeante de La Poste, qui avait publié un rapport sur les nouveaux défis numériques, nous avait expliqué, lors de son audition, qu'Amazon pratiquait désormais des délais de livraison extrêmement réduits tous les jours de la semaine, dans les douze heures : on peut passer commande un dimanche matin à huit heures et recevoir son colis le jour même à vingt heures. Je crois que les commerçants de centre-ville sont capables de s'organiser collectivement à travers l'outil numérique, en se différenciant d'Amazon en termes de service.
La commission autorise la publication du rapport.
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mercredi 15 juin 2016 à 9 h 30
Présents. – Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thierry Benoit, M. Christophe Borgel, M. Dino Cinieri, M. Jean-Michel Couve, M. Yves Daniel, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Sophie Errante, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Laurent Furst, M. Georges Ginesta, M. Daniel Goldberg, M. Antoine Herth, M. Henri Jibrayel, M. Philippe Kemel, M. Jean-Luc Laurent, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Yannick Moreau, M. Hervé Pellois, M. Dominique Potier, M. Franck Reynier, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. Michel Sordi, M. Éric Straumann, M. Jean-Marie Tétart, Mme Catherine Troallic
Excusés. – M. Damien Abad, M. Bruno Nestor Azerot, Mme Delphine Batho, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. Jean-Claude Bouchet, M. André Chassaigne, M. Franck Gilard, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, M. Thierry Lazaro, M. Serge Letchimy, M. Kléber Mesquida, M. Philippe Naillet, Mme Josette Pons, M. Bernard Reynès, M. Thierry Robert, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Jean-Paul Tuaiva, Mme Catherine Vautrin
Assistait également à la réunion. – M. Paul Salen