Il s'agit de reconnaître l'existence du trouble, et l'on y vient. Il y a vingt ans, cette pathologie n'était pas reconnue, au point que le docteur Giniès parlait d'« injustice sociale ». C'est l'une des pathologies pour lesquelles il faut consacrer le plus de temps au patient – pour ma part, entre une demi-heure et trois quarts d'heure. Une écoute attentive fait partie du traitement, et l'empathie sert à comprendre la demande. Je comprends que les personnes souffrant de ce trouble demandent une reconnaissance et, avec elle, une prise en charge institutionnelle, mais c'est un autre chapitre que l'acte médical lui-même. Las, en ces temps de démographie médicale déficitaire, singulièrement dans les zones rurales, je crains que mes confrères, débordés, ne soient pas en mesure de consacrer entre trente et quarante-cinq minutes à un patient.
Il faut aussi que le syndrome fibromyalgique soit reconnu comme une pathologie en soi par le corps médical. Ce n'est pas le cas de tous les internistes, en une sorte d'échappement dû à l'incompréhension faute d'explications rationnelles ; le patient ressent désagréablement qu'on ne mette pas de nom sur son mal et qu'on ne lui propose pas de traitement de fond. Il ne s'agit pas de psychiatrie ; pourtant, ayant sollicité l'avis de psychiatres, j'ai constaté que, occultant la fibromyalgie, ils classaient immédiatement l'affection au rang des névroses ou de psychoses.