Intervention de Serge Perrot

Réunion du 7 juin 2016 à 9h30
Commission d'enquête sur la fibromyalgie

Serge Perrot, vice-président de la Société française d'étude et de traitement de la douleur et chef du centre d'étude et de traitement de la douleur, CETD de l'Hôtel-Dieu de Paris :

Je vous remercie de m'avoir invité à parler du difficile problème de la fibromyalgie, un de ces syndromes médicalement inexpliqués qui ont du mal à trouver leur place en France. Dans la médecine cartésienne, une maladie doit avoir une cause, un mécanisme et des marqueurs biologiques ou d'imagerie. Or, dans quelque 20 % des pathologies, on se trouve face à des symptômes médicalement inexpliqués. C'est le cas en gastro-entérologie avec les colopathies fonctionnelles, en urologie avec la cystalgie à urine claire, c'est aussi le cas en rhumatologie avec la fibromyalgie. Parce qu'elle est due à un dérèglement de la modulation de la douleur qui est difficile à mettre en évidence et à quantifier, on dit aux patients atteints que, les examens paracliniques étant normaux, ils n'ont rien, alors même qu'il y a une plainte et des symptômes. Cette réponse n'est de nature ni à améliorer leur état ni à les rassurer. Les symptômes de ce type étant souvent associés à de l'anxiété ou à une dépression et à une désinsertion psychologique, sociale et professionnelle, il est facile pour un médecin qui, ne comprenant pas ces troubles, est en échec thérapeutique, de cataloguer la pathologie comme relevant de la psychiatrie, alors que ce n'est pas le cas : certes, le cerveau est en cause, mais tout ce qui a trait au cerveau n'est pas psychiatrique.

La fibromyalgie est une perturbation de la modulation des voies de la douleur, système complexe : le cerveau, hypersensible à toutes les stimulations, ne parvient pas à inhiber la douleur, qui se diffuse. Les patients ont mal partout, présentent des troubles du sommeil et des symptômes multiples mais la véritable maladie est une maladie de la douleur, ce que la médecine cartésienne conçoit mal. Elle connait différentes appellations selon la manière dont elle s'exprime : fibromyalgie en cas de troubles musculo-tendineux, colopathie fonctionnelle en cas de troubles gastroentérologiques. Tel est l'état de la science.

Les recherches sont surtout développées dans les pays du Nord de l'Europe et en Amérique du Nord. Les préjugés y sont moindres qu'en France, où la fibromyalgie est souvent considérée comme une dépression masquée. Or, les antidépresseurs aideront un peu les patients fibromyalgiques, mais ils seront bien davantage secourus par une prise en charge globale visant à remoduler efficacement les voies de la douleur. Exerçant dans un centre d'étude et de traitement de la douleur (CETD), je traite les formes les plus graves, mais les formes mineures sont probablement beaucoup plus fréquentes et il faudrait les diagnostiquer à ce stade pour pouvoir les prendre en compte. Dire à un patient qu'il a une fibromyalgie, c'est déjà le reconnaître, lui permettre de démarrer un traitement et une prise en charge. Même s'il est parfois exagéré, je pense justifié le combat que mènent certaines associations de patients pour faire reconnaître une autre façon de considérer ces maladies.

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