Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi d'exprimer mon plaisir d'être parmi vous. Comme l'a dit Mme la présidente, il n'y a pas si longtemps que j'étais de l'autre côté de la salle. Aujourd'hui, c'est un rendez-vous important dans la mesure où je vais vous présenter le titre III du projet de loi « Égalité et citoyenneté », et répondre à vos questions.
Le texte sur lequel nous allons travailler ensemble dans les prochaines semaines vise à renforcer notre République et ses valeurs. En effet, de trop nombreux citoyens vivent avec la perception que le message républicain est devenu une illusion et qu'il se fracasse sur la réalité du pays. Nous avons donc l'ambition de répondre de façon concrète aux questions légitimes qui traversent notre société.
Depuis 2012, la feuille de route du Gouvernement en faveur de l'égalité et de la justice sociale s'est concrétisée par la concentration des moyens publics envers ceux qui ont le plus besoin. Il s'agit de donner plus de capital public à ceux qui ont moins de capital social.
La généralisation de la complémentaire santé, le mariage pour tous, les baisses d'impôts pour les foyers les plus modestes, la création de la prime d'activité, le lancement d'un nouveau projet ANRU, la réforme des rythmes scolaires : telles sont les avancées concrètes vers l'égalité qui ont été menées depuis 2012.
Nous souhaitons, avec nos collègues, Patrick Kanner que vous allez recevoir cet après-midi, et Emmanuelle Cosse que vous avez reçue hier, que cette loi s'inscrive dans cette histoire et qu'elle permette d'en écrire une nouvelle page. Plus que jamais, il s'agit de passer de la compensation des inégalités en aval, à une correction en amont. C'est cette logique, profondément moderne et sans doute plus exigeante, qui préside au titre III « Pour l'égalité réelle ».
Je souhaite maintenant vous présenter rapidement les mesures et les ambitions du titre III.
L'égalité réelle, d'abord, c'est de permettre à chacun de pouvoir s'insérer dans la République. C'est lutter contre les déterminismes sociaux et territoriaux. C'est déconstruire les mécanismes d'exclusion qui existent dans notre société.
Cette ambition correspond à celle exprimée lors des trois derniers comités interministériels à l'égalité et à la citoyenneté (CIEC) des 6 mars et 26 octobre 2015, et du 13 avril 2016. Ils ont permis de déployer près de soixante-dix mesures partout sur le territoire français. Certaines d'entre elles relevant de la compétence du législateur trouvent leur traduction dans ce projet de loi.
L'objectif du titre III et de consacrer et de créer de nouvelles opportunités, dont bénéficieront l'ensemble des citoyens, mais aussi de renforcer les garde-fous contre tous les phénomènes d'exclusion.
Le premier de ses quatre chapitres concerne les conseils citoyens. Dans le contexte que connaît notre pays, la demande de démocratie participative directe est très forte. Associer les citoyens à la définition des politiques publiques permet que les décisions tiennent compte des problèmes du quotidien. Pour cela, il a fallu s'en donner les moyens – et donc renforcer ceux-ci.
Les conseils citoyens ont été créés par la loi de février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, et ils vont devenir des instances essentielles dans la démocratie locale. Aujourd'hui, près de 650 fonctionnent. Près de 200 sont en cours de constitution. Concrètement, ces instances regroupent les habitants, les associations et les responsables locaux.
Les conseils citoyens constituent une garantie que les projets et autres décisions répondront effectivement aux besoins des habitants. Le Gouvernement souhaite aujourd'hui les renforcer, leur donner plus de pouvoir, pour donner plus de force à la parole citoyenne et renforcer l'efficacité des projets définis dans le cadre de la politique de la ville.
Le projet de loi leur reconnaît le pouvoir d'interpellation, qui permettra de modifier les contrats de ville afin de mieux répondre aux besoins des habitants. Le dispositif est très simple : après analyse, par les services de l'État, des sujets soulevés par les conseils, les préconisations du préfet seront portées devant le conseil municipal et, le cas échéant, devant l'EPCI, ainsi que devant les assemblées compétentes des autres collectivités signataires des contrats de ville. Si nécessaire, le contrat de ville pourra être amendé sous l'impulsion initiale et formelle des citoyens. C'est une vraie avancée en faveur de la prise en compte de l'expression citoyenne.
Le deuxième chapitre comporte des dispositions relatives à la langue française. Aujourd'hui, 6 millions de personnes rencontrent des difficultés dans la maîtrise de la langue française tandis que 3 millions d'entre elles, dont la moitié travaille, sont confrontées à l'illettrisme. On inclut bien sûr dans ces chiffres les territoires ultramarins pour lesquels nous n'avons pas de chiffrage très précis. Pour ces territoires comme pour les territoires ruraux, le phénomène de l'illettrisme est nettement plus important qu'ailleurs sur le territoire national.
La maîtrise la langue française permet d'être pleinement inclus dans la société française. Elle permet de s'insérer, de progresser dans sa vie professionnelle, et d'exercer sa citoyenneté. Et pour celles et ceux qui viennent s'installer en France, la maîtrise de la langue française conditionne leur capacité à s'intégrer. C'est une question de dignité.
Ce combat que je mène s'inscrit dans la continuité d'une dynamique et d'une action gouvernementale forte. Vous le savez, la lutte contre l'illettrisme avait été déclarée « grande cause nationale » de l'année 2013, ce qui a favorisé une mobilisation importante autour de cet enjeu. La même année, la loi du 8 juillet 2013, d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, a renforcé le rôle de l'institution scolaire dans la prévention de l'illettrisme, avec notamment la mise en oeuvre de nouveaux programmes. L'année suivante, a été adoptée une réforme majeure de la formation professionnelle : la loi du 5 mars 2014, qui offre de nouvelles possibilités de formation aux Français pour tous les salariés et demandeurs d'emplois, et rénove la gouvernance de la formation professionnelle. Enfin, le nouveau dispositif d'accueil des étrangers mis en place par le ministère de l'intérieur, avec la loi du 7 mars 2016 et la création du contrat d'intégration républicaine, rénove la formation à la langue française proposée aux primo-arrivants.
Nous voyons bien que le dispositif actuel est extrêmement complet. Malgré tout, beaucoup de personnes ne maîtrisent pas notre langue. Or, agir pour l'égalité réelle, c'est permettre une meilleure maîtrise de la langue française, par tous et à tout âge.
Pour cela, le projet de loi définit les acteurs chargés de l'élaboration et de la mise en oeuvre des politiques publiques relatives à l'amélioration de la maîtrise de la langue française. Ensuite, dans le cadre de la formation continue, toute personne, dans tous les territoires, pourra bénéficier d'une formation lui permettant d'améliorer sa maîtrise de la langue française et de vivre ainsi pleinement sa citoyenneté dans la République. Il en sera de même du dispositif d'intégration des étrangers qui sera enrichi par des actions en faveur de l'amélioration de la maîtrise de la langue française.
Ces dispositions seront complétées par la création d'une Agence nationale de la langue française. Une mission de préfiguration, que je coordonne, sera lancée prochainement et formulera des propositions sur les concours administratifs et financiers de cette nouvelle agence. Celle-ci traduira la nouvelle ambition du Gouvernement en faveur de la langue française. Elle établira aussi les complémentarités qui sont très certainement nécessaires entre les dispositifs existants, et mobilisera l'ensemble des acteurs et des financements autour du sujet de la maîtrise de la langue française.
Le troisième chapitre du titre III comprend des dispositions élargissant les voies de recrutement dans la fonction publique. La fonction publique est garante des principes républicains et de la poursuite de l'intérêt général. Avec Annick Girardin, ministre de la fonction publique, nous défendons l'idée ambitieuse qu'elle doit être plus accessible à tous, et aussi plus représentative de la diversité de la France. Pour diversifier le recrutement des agents publics, le projet de loi prévoit d'ouvrir encore davantage l'accès à la fonction publique par la voie du troisième concours. Cette voie sera élargie et généralisée pour les trois fonctions publiques, alors qu'elle n'était pas prévue pour certains corps et cadres d'emploi, en particulier pour la fonction publique territoriale.
Désormais, toute personne, quelle que soit l'activité professionnelle qu'elle a exercée ou exerce, pourra candidater au troisième concours, ce qui permettra d'élargir le vivier des candidatures. Le seul critère qui sera pris en compte pour se présenter à ce type de concours sera la durée d'exercice d'activité. En outre, et c'est très important, les périodes d'apprentissage seront prises en compte comme durée d'activité professionnelle permettant de se présenter à cette troisième voie de concours.
Grâce à ces mesures, davantage de personnes pourront intégrer la fonction publique. Mais surtout, la prise en compte plus large des expériences professionnelles permettra d'intégrer les profils plus variés dans l'administration.
Enfin, le quatrième et dernier chapitre comporte des dispositions tendant à améliorer la lutte contre le racisme et les discriminations. L'ambition du titre III est de déconstruire les mécanismes d'exclusion. Nous sommes conscients de la nécessité d'agir au niveau national contre les discriminations. Comme je l'ai rappelé, le Gouvernement a organisé les trois CIEC, qui ont fait de la lutte contre la discrimination un objectif transversal des politiques publiques. La création du secrétariat d'État auprès du Premier ministre chargé de l'égalité réelle parachève cette volonté d'incarner et de lutter nationalement contre les discriminations.
J'en ai fait ma priorité. Les évènements qu'a connus notre pays et l'augmentation de 25 % des actes de racisme en 2015 doivent nous amener à intensifier notre réponse. Celle-ci doit être globale, audible et concrète. Telle est l'ambition du titre III et notamment de son chapitre IV, qui renforce l'arsenal juridique de lutte contre les discriminations et, par voie de conséquence, la protection accordée à chacun par la société.
Ce combat doit d'abord être mené sur le plan répressif. Cela suppose de condamner plus durement les actes de racisme et de discrimination – et je crois que nous sommes très largement d'accord sur ce point. Le projet de loi prévoit donc plusieurs mesures qui permettront de mieux poursuivre et réprimer les infractions racistes et discriminatoires.
La répression des injures à caractère raciste et discriminatoire est aggravée. La peine encourue passe au même niveau que celle qui est encourue pour les provocations et diffamations aggravées pour les mêmes raisons.
Pour ces délits, l'emprisonnement passe de six mois à un an, et les peines d'amende de 22 500 euros à 45 000 euros. En outre, la peine sera désormais accompagnée d'un stage de citoyenneté.
Ensuite, l'excuse en matière d'injures racistes ou discriminatoires sera désormais exclue, et les circonstances aggravantes de racisme et d'homophobie seront généralisées à l'ensemble des infractions.
Enfin, les associations pourront se constituer partie civile dans les procédures judiciaires pour apologie de crimes de guerre ou crimes contre l'humanité.
Ainsi, ce texte est un signal fort à l'encontre de ceux qui attaquent le vivre ensemble et la cohésion de notre pays.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur général, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi qui nous réunit aujourd'hui est l'occasion de renforcer notre modèle républicain et la cohésion de notre pays. Chacun des articles porte des avances concrètes qui bénéficieront à l'ensemble des citoyens et qui viendront raffermir leur appartenance à la communauté nationale. Je souhaite, bien entendu, que ce texte soit un texte fort qui rassemble les Françaises et les Français. Je sais pouvoir compter, madame la présidente, sur le travail parlementaire et sur la force de vos propositions.