Intervention de Jean-Michel Casa

Réunion du 1er juin 2016 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Jean-Michel Casa :

En matière de commerce extérieur, la France est dans une position extrêmement favorable. Nous avons un excédent d'un milliard d'euros, ce qui en fait notre 13ème excédent dans le monde, avec un taux de couverture de l'ordre de 350 % des exportations par rapport aux importations. On se défend donc très bien, notamment grâce à la présence d'entreprises implantées depuis très longtemps : 250 entreprises qui importent énormément d'intrants, notamment dans l'industrie automobile, qui effectuent le montage sur place mais importent beaucoup.

Le gouvernement de M. Macri a engagé une politique d'ouverture. On est sorti d'une période de protectionnisme au cours de laquelle les importations, y compris de pièces détachées, étaient l'exception, avec une dernière année de gouvernement Kirchner qui a été un cauchemar pour les entreprises, notamment françaises. La situation s'est considérablement ouverte et nous avions déjà un excédent. Il ne faut néanmoins pas s'en satisfaire et continuer à être présent. Nous le serons sur les marchés d'infrastructures qui vont s'ouvrir. La feuille de route qui a été signée hier respecte nos intérêts offensifs, c'est-à-dire nos intérêts en matière d'infrastructures routières et ferroviaires, de coopération spatiale – nous avons une coopération spatiale exceptionnelle avec deux satellites de télécommunications lancés et la perspective d'un troisième satellite confirmée. Il y a aussi une réouverture de la concurrence dans le secteur nucléaire, alors que Mme Kirchner avait conclu avec les Chinois et les Russes ; nous avons des chances si nous présentons une offre compétitive – sans doute de type Atméa qui correspond aux besoins de l'Argentine – techniquement raisonnable et avec des financements, la reprise des financements Coface étant très importants de ce point de vue-là.

En matière d'armements, on part de très loin. Pour résumer, depuis 1983 et le retour à la démocratie, les militaires ont été « punis », à juste titre. Les budgets militaires ont été réduits au maximum. Il n'y a pas un avion qui vole, ils ont des dizaines de super-Etendards cloués au sol qui n'ont pratiquement plus volé depuis la guerre des Malouines. Nous avons déjà repris une coopération militaire. Nous avons un contrat pour rénover quatre super-Etendards et des perspectives pour vendre des Mirage F1retirés du service en France et qui seraient remis en état. En matière navale, c'est un peu moins net. Les Argentins ne peuvent pas continuer à avoir un outil de défense complètement sinistré. Les militaires sont vaccinés contre toute intervention dans la vie politique ; leur silence est très éloquent. Leur priorité, plus que la défense au sens strict, sera le continuum sécurité-défense.

Une des grandes priorités du gouvernement de M. Macri, après la relance de la croissance, c'est la lutte contre le narcotrafic. Même s'il a des relations avec le Vatican qui ne sont pas très chaleureuses – le parti de M. Macri est un parti de centre-droit atypique, très laïc, qui a soutenu le mariage pour tous – il a repris une des expressions du Pape François selon laquelle l'Argentine était en train de glisser peu à peu vers la situation d'un Etat de narcotrafic de type mexicain. Il y a une volonté aujourd'hui de reprendre en main la lutte contre les cartels de la drogue.

Je m'attarde un peu sur ce point car c'est très significatif. L'Argentine est entourée de deux des plus gros Etats producteurs de drogue : le Paraguay qui est le deuxième Etat producteur de cannabis et la Bolivie qui est le premier producteur de coca. Contrairement à ce qu'a longtemps soutenu le gouvernement argentin, il y a aussi une forme de production en Argentine même, une implantation massive. L'axe principal de circulation est l'axe fluvial qui descend du Paraguay. Le fleuve Paraguay se poursuit par le fleuve Paraná qui coupe le pays en deux, et se jette dans le Rio de la Plata, avec un port qui est le premier du pays. Rosario est un port intérieur, avec près de 100 kilomètres de zone portuaire dans le très large delta du fleuve Paraná. C'est par là que passent toutes les barges qui viennent du nord avec les cargaisons de soja. On trouve parfois beaucoup d'autres choses que du soja dans les barges. Ce port est aussi le seul accès de la Bolivie vers l'extérieur car le fleuve Paraguay se poursuit au nord.

Sur le plan militaire, les Argentins vont donc sans doute privilégier le dual. Les Mirages pourraient ainsi avoir une utilisation dissuasive et obliger à poser au sol tous les petits avions dont on peut supposer qu'ils ne se contentent pas de transporter des passagers pour faire du tourisme de luxe. On a donc de bonnes perspectives avec nos Mirage F1 retirés du service. Il faut voir à quel tarif on les négocie et à quel tarif les Argentins négocient leur remise en état par les entreprises du secteur.

Enfin, Business France est non seulement présent mais a même ouvert, au début de cette année, un bureau de plein exercice. Elle travaillait auparavant depuis Sao Paulo. Ce nouveau bureau de plein exercice, qui s'occupe notamment des PME, enregistre des premiers résultats très encourageants. Cette présence manquait. On a la chance d'avoir en Argentine un dispositif qui fonctionne bien, parce que les services s'entendent très bien. Nous avons la chance d'avoir regroupé sur un même plateau de bureaux tout près de l'ambassade le service économique régional, Business France et la Chambre de commerce et d'industrie franco-argentine, ce qui crée des synergies notamment entre Business France et la Chambre, particulièrement pour l'accompagnement des VIE. Il y a près de 60 VIE dans le pays, qui ne coûtent pas cher aux contribuables et qui sont pour la plupart des personnes brillantes et bien formées qui très souvent restent sur place, recrutées par les entreprises locales ou depuis Paris.

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