Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, pour les propos chaleureux que vous avez tenus à mon égard. J’en suis très honorée.
Nous voilà enfin, après vingt-sept mois de travail, deux allers et retours entre le Sénat et l’Assemblée, et l’échec de la commission mixte paritaire, sur le point d’entamer la troisième lecture de ce projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. C’est une étape décisive. J’espère que les bons élans ne se sont pas essoufflés malgré le caractère saccadé de notre travail ; les obstacles se sont multipliés, de sorte qu’il aura traîné au-delà du raisonnable.
Le Sénat a apporté des améliorations certaines à ce texte : je souhaite qu’elles soient reprises. Mais force est de constater que les points de divergence entre nos deux assemblées restent nombreux et importants. Ce texte est complexe par nature – si j’ose dire – ; il risque ainsi de causer des dissensus. Au-delà même de cette complexité, il témoigne des multiples appréhensions de la biodiversité par nos groupes politiques, par les acteurs de la société, et par les citoyens eux-mêmes. Pour certains, il s’agit d’une richesse à préserver pour elle-même ; pour d’autres, d’une richesse à valoriser, d’une ressource à s’approprier ; pour d’autres encore, d’une cause de contraintes et d’obstacles à l’exercice de leurs activités économiques et à leurs loisirs ; pour d’autres enfin, faisant preuve d’une indifférence coupable, ce sujet est sans intérêt.
Tout au long de nos travaux, nous avons mis en avant l’impérieuse nécessité, l’urgence de se pencher au chevet de la biodiversité, dont l’érosion permanente, tant au plan national qu’européen et planétaire, ne souffre plus aucune contestation. Nous l’avons vu au cours de la navette parlementaire : deux grandes conceptions de la biodiversité s’opposent. Pour la première, la biodiversité mérite d’être protégée pour sa valeur intrinsèque, pour elle-même : l’homme n’en représente qu’une partie infime. L’existence de la biosphère nous précédait : elle doit pouvoir éventuellement nous survivre. Pour la seconde, plus égocentrique, plus anthropocentrée, la biodiversité doit être protégée parce qu’elle nous est utile et même indispensable. Cette conception utilitariste est sûrement moins éclairée et généreuse.
Cette alternative n’est pas neutre : le choix de l’une ou l’autre conception a d’importantes implications quant au type de mesures à prendre. Mais à la limite, peu importe : au bout du compte, ces deux approches devraient se rejoindre de manière constructive sur l’essentiel – c’est en tout cas ce que je souhaite. Malheureusement, au cours de nos débats, des contrevérités ont été énoncées, et certains ont adopté des postures plutôt surprenantes, pour s’opposer à la feuille de route déterminée par le Président de la République et les ministres de l’environnement successifs : la reconquête de la biodiversité. À cause de cela, nous n’avons pu rassembler les deux lignes dont je parlais. Je reste cependant optimiste, je l’ai dit : je suis sûre qu’au cours de ces débats, nous parviendrons à un bon résultat.
J’ai même pu constater que certains de nos collègues, qui jusqu’alors avaient défendu une vraie vision de la biodiversité et s’étaient montrés convaincus de l’urgence à agir pour elle, ont été pris dans l’engrenage, et se sont cantonnés à des postures politiciennes,…