Intervention de Geneviève Gaillard

Séance en hémicycle du 21 juin 2016 à 15h00
Biodiversité — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeneviève Gaillard, rapporteure de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire :

…elle mérite la mobilisation de toute notre énergie, toute notre intelligence. Nos décisions doivent la protéger vraiment, pour elle-même, pour l’homme et les générations futures.

Je présenterai brièvement le texte issu des travaux en commission, ainsi que les amendements que je vous propose d’adopter aujourd’hui. J’insisterai sur trois d’entre eux. Au début de cette nouvelle lecture, nous devons prêter une attention particulière aux principes fondateurs du code de l’environnement. Je suis particulièrement attachée au principe de non-régression, qui constitue un aspect fondamental de ce texte ; c’est pourtant sur ce point qu’a achoppé la commission mixte paritaire. Ce principe est capital : en l’absence d’une telle disposition, il se trouvera toujours une bonne raison d’abaisser le niveau de protection de l’environnement. J’ai proposé, en commission, de rendre sa rédaction plus dynamique, en soulignant que la notion d’ « amélioration constante », appliquée à la protection de l’environnement, doit s’entendre « compte tenu des connaissances scientifiques et techniques ».

Ce principe prévoit qu’on ne peut abaisser le niveau de protection de l’environnement. C’est un principe de progrès selon lequel la protection de l’environnement ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante. C’est un principe d’action et non d’interdiction : il n’interdit pas de modifier la règle existante dès lors que cela n’entraîne pas un recul de la protection. Ce principe est l’expression d’un devoir qui doit s’imposer aux pouvoirs publics au-delà des alternances politiques. Il ne s’agit pas du tout, comme je l’ai entendu dire, de remettre en cause les outils réglementaires de régulation des espèces, fussent-elles protégées, ni de faire disparaître les plans de gestion, ni de nier les progrès scientifiques ou techniques. Ce principe est le corollaire de l’article 2 de la charte de l’environnement, selon lequel « Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement. »

Depuis septembre 2011, le Parlement européen s’intéresse au principe de non-régression du droit de l’environnement, qui figure au paragraphe 20 de la déclaration « L’avenir que nous voulons », adoptée en 2012 lors de la Conférence des Nations unies pour le développement durable. En 2012, le Congrès mondial pour la nature de l’Union internationale pour la conservation de la nature, l’UICN, a adopté une résolution, votée par la France, demandant à tous les gouvernements de reconnaître l’importance de ce principe dans la politique et le droit de l’environnement pour atteindre les objectifs de développement durable. Le devoir de non-régression du droit de l’environnement et de la protection de la biodiversité est une exigence d’équité environnementale au profit des générations futures. C’est l’exigence éthique et morale d’un progrès continu pour un meilleur environnement, vers moins de pollution et plus de biodiversité.

Ce projet de loi entend consacrer un autre principe : l’objectif de réduire à zéro la perte nette de biodiversité, et même de tendre vers un gain de biodiversité. Ce principe transcrit strictement l’objectif de ce projet de loi, qui figure dans son intitulé : y être opposé, c’est être opposé à l’âme de ce projet de loi. Réduire à zéro la perte nette de biodiversité n’implique absolument pas de ne plus autoriser les prélèvements d’effectifs de telle ou telle espèce, de cesser de réguler les espèces protégées, ou de s’opposer à la chasse. Ce principe s’apprécie globalement à l’échelle d’une espèce, pour enrayer l’érosion de la biodiversité. Il faut raisonner à l’échelle des espèces – qu’il s’agit de protéger –, voire des populations, certainement pas des spécimens.

Je me réjouis de l’introduction, à l’article L. 110-1 du code de l’environnement, du principe de solidarité écologique. Il était jusqu’ici circonscrit aux parcs nationaux définis à l’article L. 331-1 du code de l’environnement : il sera désormais plus largement reconnu. Ce principe a une double dimension, j’y insiste : il s’agit de consacrer les interdépendances, les interactions du vivant, des espèces, des milieux, des fonctionnalités, mais aussi des territoires, et donc de leur gestion.

Sur ce dernier point, il faudra sans doute tirer les conséquences, en matière budgétaire, de la reconnaissance de ce principe. Dans l’idéal, cela devrait se traduire par une pondération des dotations aux collectivités. Il nous a donc semblé primordial de ne pas restreindre son application aux territoires directement concernés. Certaines collectivités ont en effet la chance d’avoir un écosystème remarquable, une infrastructure écologique s’étendant sur la grande majorité, voire la quasi-totalité de leur territoire. Cela implique des contraintes spécifiques, qui pèsent sur leur développement économique, alors que les fonctionnalités de ces écosystèmes – par exemple des zones humides – peuvent aussi profiter aux collectivités voisines, sans que ces dernières aient à assumer le coût de leur conservation. Il ne serait donc pas injuste de pondérer à la hausse les dotations des collectivités qui assument la protection d’écosystèmes – ce qui cause pour elles un manque à gagner. C’est une prochaine étape.

Il est très positif que le Sénat ait introduit un article 2 bis sur le préjudice écologique. Nous nous en félicitons. Cela nous conduira à reconnaître, dans le code civil, la spécificité du préjudice écologique, en prévoyant en régime de responsabilité ad hoc, qui s’ajouterait aux régimes déjà prévus par le code de l’environnement. Nous sommes d’accord avec cet ajout sur l’essentiel, mais nous avons jugé qu’il était capital de définir le préjudice écologique. Nous avons aussi choisi d’ouvrir largement la capacité à agir.

La mesure phare de ce projet de loi, la plus attendue, est la création de l’Agence française pour la biodiversité. La commission a supprimé, à l’article 9, les modifications apportées par le Sénat s’agissant des dommages agricoles causés par les espèces protégées et les unités de travail communes en matière de police. Malheureusement, une cabale menace l’équilibre auquel nous sommes parvenus concernant les missions de police de l’agence. J’ai pris connaissance d’amendements soutenus par la Fédération nationale des chasseurs, et d’un courrier surréaliste adressé à tous les parlementaires. Ce courrier explique, sans honte, que ce ne sont pas les députés ni les sénateurs qui font la loi, mais le Président de la République et la FNC. Cela me laisse très dubitative !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion