Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 15 juin 2016 à 8h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur :

Nous avons tous les deux demandé que les moyens de Frontex soient augmentés de manière significative. Cela s'est traduit par une augmentation importante des budgets de l'agence au cours des dernières années, passant de 97 millions en 2014 à 250 millions prévus en 2016. La volonté de l'Europe se traduit donc par des engagements budgétaires, ainsi que des engagements humains des États puisque la France placera 170 gardes-frontières et garde-côtes dans la future agence Frontex, et l'Allemagne consentira un effort comparable.

L'accueil de réfugiés suppose un agenda extrêmement précis et une mise en oeuvre dans les plus brefs délais. Il faut que le contrôle soit effectif – c'est l'objet de la montée en puissance de Frontex – et que le SIS soit systématiquement interrogé, mais cette interrogation restera inefficace si le système n'est pas alimenté de façon homogène par l'ensemble des services de renseignement et de police. Il faut en outre que ce fichier soit connecté à d'autres fichiers criminels pour croiser les données et permettre d'analyser la dangerosité des individus. En raison du fait qu'Eurodac ne peut être utilisé à des fins de sécurité, des individus dont les empreintes ont été enregistrées à Leros peuvent frapper en Europe en ayant sur leurs passeports leurs vraies empreintes mais de fausses identités. Il faut donc une task force européenne de lutte contre les faux documents, Daech ayant récupéré des milliers de passeports vierges en Irak et en Syrie pour faire tourner une véritable usine de fabrication de faux papiers.

Thomas a évoqué le système entrée-sortie. Il y a un point qui me perturbe beaucoup dans ce système. Nous venons de modifier l'article 7-2 du code Schengen pour permettre le contrôle aux frontières extérieures de l'Union européenne des ressortissants de l'Union au moment du franchissement. Nous avons pris cette décision en Conseil JAI le 15 décembre, et la Commission européenne nous présente un dispositif entrée-sortie qui concerne tout le monde à l'exclusion des ressortissants européens. Si nous continuons à faire des choses absurdes, les citoyens européens finiront par considérer que l'Europe est absurde. Une Europe forte est une Europe cohérente dans ses décisions.

En ce qui concerne les supporters violents, nous sommes dans un système de diffusion en continu des images, pas toujours révélatrices de la totalité d'une réalité, où chaque fois qu'une violence est commise, soit par des supporters ivres de bière et non contrôlés par des organisations sportives dont ce devrait être le rôle – ces violences n'existent pas dans le monde du rugby ; il faut que les acteurs prennent leurs responsabilités – soit par des casseurs dans les manifestations, la responsabilité des forces de l'ordre est mise en cause avant même toute condamnation de ces actes. C'est très déresponsabilisant pour ceux qui sont à l'origine des violences.

Je trouve tout à fait légitime que Guillaume Larrivé et d'autres posent des questions sur ce qui s'est passé à Marseille, dès lors que ces questions sont de bonne foi, et je souhaite seulement que l'on tienne compte aussi des réponses apportées de bonne foi. Je rappelle donc que leurs passeports ont été retirés à 3 000 supporters britanniques en Grande-Bretagne, afin de les empêcher de venir, au terme d'un dialogue très serré entre nos autorités. Les Russes nous ont signalé trente-cinq noms. C'est la responsabilité des États que d'indiquer au pays d'accueil qui sont les supporters à risque ; la police et les services de renseignement français ne peuvent aller identifier ces supporters dans les pays étrangers. Nous avons inscrit au fichier des personnes recherchées plus de 2 500 noms pour les contrôles aux frontières, et 3 000 supporters ont été empêchés de venir sur le territoire national. C'est la première chose.

Ensuite, on entend dire qu'il aurait fallu identifier ces supporters avant qu'ils ne commettent leurs actes. Je voudrais que l'on m'explique comment c'est possible. Dans le cas de supporters non connus de la police française ni identifiés par les policiers étrangers mobilisés au sein du centre de coopération internationale, la seule façon de les mettre hors d'état de nuire est soit de les prendre en flagrant délit – avant, comme nous l'avons fait, de les juger et de les reconduire à la frontière – soit de procéder sur la base de photos et de films à des enquêtes judiciaires qui permettent leur interpellation. Le procureur de la République de Marseille a ainsi décidé hier de mettre en garde à vue plusieurs dizaines de supporters russes.

On affirme par ailleurs que les forces de l'ordre ne sont pas intervenues tout de suite. Les CRS ont mis une heure dix exactement pour mettre fin à ces violences. Quand j'entends des commentateurs sportifs expliquer, dans le confort de leurs fauteuils, qu'il faudrait que les forces de l'ordre interviennent, alors même qu'elles interviennent, j'en éprouve un certain agacement.

Dans le stade, des supporters russes sont entrés dans les tribunes britanniques. Je rappelle que, dans les engagements contractualisés par la France en 2009, la sécurité dans les stades relève de la compétence de l'UEFA. Bien que cette compétence relève de l'UEFA, j'ai donné l'instruction, samedi après-midi, de positionner des unités de forces mobiles dans le stade à Marseille, pour assurer la sécurité en cas de défaillance. Voilà les faits.

Compte tenu du niveau de sollicitation du ministère de l'intérieur sur de nombreux fronts, je ne peux plus supporter que, chaque fois qu'un incident se produit à cause d'individus violents, on mette en cause les préfets, les préfets de police, le commandement des forces, les instructions que je donne, alors qu'elles sont sans ambiguïté sur la fermeté qu'elles appellent. Je rends hommage à tous ceux qui se mobilisent pour que les choses se passent le mieux possible.

Je répondrai par écrit à M. Said sur Mayotte.

En ce qui concerne le débat sur les réfugiés et la position de la Chancelière, je considère que ce débat aussi est très injuste et je tiens à exprimer à Thomas de Maizière l'immense respect que suscite chez une grande majorité de représentants de la classe politique française et de Français la passion européenne de la Chancelière. Nous n'appartenons pas à la même famille politique mais le sens des responsabilités de la Chancelière, dans un contexte d'extrême tension et de grandes difficultés, force le respect. Le Président de la République, le Premier ministre, le Gouvernement français s'emploient, lorsque la Chancelière est mise en cause, à rétablir la réalité de la relation franco-allemande.

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