Présidence de M. Dominique Raimbourg, président, et de Mme Élisabeth Guigou, Présidente de la commission des Affaires étrangères.
La Commission procède, avec la commission des Affaires étrangères, à l'audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, et de M. Thomas de Maizière, ministre de l'Intérieur de la République fédérale d'Allemagne.
Mes chers collègues, je vous invite à observer une minute de silence à la mémoire du couple de policiers assassinés avant-hier, Jean-Baptiste Salvaing et Jessica Schneider.
(Mmes et MM. les députés, ainsi que MM. les ministres de l'intérieur français et allemands, et M. l'ambassadeur d'Allemagne en France, se lèvent et observent une minute de silence.)
Nous avons le plaisir et l'honneur de recevoir ce matin M. Thomas de Maizière, ministre fédéral de l'intérieur d'Allemagne, et Bernard Cazeneuve. Je salue également l'ambassadeur d'Allemagne Nikolaus Meyer-Landrut, déjà venu devant notre Commission.
Je souhaite également la bienvenue à nos collègues de la Commission des lois et à son président, Dominique Raimbourg, qui coprésidera cette réunion avec moi.
À la Commission des affaires étrangères, nous attachons une particulière importance au couple franco-allemand. Nous avons déjà reçu les deux ministres des affaires étrangères ainsi que les deux ministres des affaires européennes, et une délégation de notre Commission s'est rendue au Bundestag en février pour aborder les sujets à l'ordre du jour de ce matin.
Nous savons, messieurs les ministres, que vous entretenez les meilleures relations professionnelles mais aussi personnelles, et que vous jouissez l'un et l'autre de la plus grande confiance des chefs d'État. Vous êtes en charge de la tâche extrêmement difficile de maintenir l'équilibre entre le souci de la sécurité et le respect des libertés et droits individuels. Dans les temps que nous vivons, c'est un chemin de crête particulièrement ardu.
Il a été convenu que vos propos liminaires nous éclairent sur la coopération franco-allemande dans la lutte contre le terrorisme et le traitement des flux migratoires. Nos collègues vous poseront ensuite leurs questions.
Sur la lutte contre le terrorisme, nous connaissons la qualité de la coopération entre la France et l'Allemagne. Vous pourrez préciser en quoi elle consiste et quels sont les progrès à accomplir au plan européen pour améliorer le partage et la gestion des informations. Les bases de données pertinentes ne sont en effet pas encore toutes alimentées ni consultées par tous les États membres, et l'interopérabilité des systèmes doit encore être améliorée ; le Conseil « Justice et affaires intérieures » (JAI) du 10 juin a adopté une feuille de route en la matière.
Sur les migrations, nous savons que la fermeture de la route des Balkans, avec l'accord du 18 mars avec la Turquie, a beaucoup réduit les flux de migrants en mer Égée. Certaines questions restent toutefois en suspens avec la Turquie et la Grèce continue d'éprouver des difficultés. Nous observons par ailleurs une reprise des flux en Méditerranée centrale. S'agit-il du report d'une route migratoire vers l'autre, les migrants sont-ils originaires des mêmes pays ou bien s'agit-il de flux différents ? Beaucoup de choses dépendront de l'évolution interne de la Libye et de nos capacités à lutter contre les passeurs.
Les thèmes de cette réunion sont partagés par la Commission des lois, qui a examiné plusieurs textes contre le terrorisme ainsi que l'état d'urgence. Ces questions couvrent la législation sur les armes, les fichiers et leur interopérabilité, les échanges d'informations. S'agissant des migrations, peut-être pourriez-vous, monsieur le ministre de Maizière, nous dire un mot de la politique d'accueil de l'Allemagne, qui a fait la une de la presse française.
Je remercie Thomas de Maizière pour sa présence et lui redis la très grande amitié de la France à l'égard de l'Allemagne. Les relations personnelles que nous avons nouées ces derniers mois aident à faire avancer les sujets les plus délicats au sein des instances européennes.
Nous avons beaucoup travaillé, notamment depuis le mois d'août 2014, sur les questions migratoires. Nous avons ainsi porté ensemble le dispositif de relocalisation et de réinstallation, ainsi que le renforcement des contrôles aux frontières extérieures de l'Union européenne, jusqu'à obtenir la modification de l'article 7-2 du code frontières Schengen permettant de faire monter Frontex en puissance. Cela doit nous permettre de contrôler au moment du franchissement des frontières extérieures l'ensemble des personnes, y compris les ressortissants de l'Union. Nous avons oeuvré ensemble à la mise en place de hot spots et avons décidé d'apporter à la Grèce les moyens humains lui permettant d'assurer leur fonctionnement effectif. Nous avons aussi donné des personnels à l'ESAO (European Asylum Support Office) et nous sommes mobilisés pour que le mandat confié à Mme Mogherini ait un début de transcription concrète sur la question des migrants économiques irréguliers. Nous avons obtenu des positions communes fortes sur la question des visas, vis-à-vis de la Géorgie et de l'Ukraine.
Il n'y a pas de sujet sur lequel nous n'ayons décidé d'avancer ensemble, si bien que l'on croit que nous sommes toujours d'accord, mais ce n'est pas tout à fait le cas : nous ne parlons pas publiquement de sujets sur lesquels nous ne sommes pas d'accord, jusqu'à ce que nous le soyons.
Nous avons également avancé ensemble sur la question du terrorisme, qu'il s'agisse de la directive sur les armes, de l'interconnexion des fichiers, de l'alimentation du Système d'information Schengen (SIS), du renforcement de la coopération entre services de renseignement.
J'exprime encore une fois ma gratitude envers Thomas de Maizière pour l'énergie qu'il déploie au sein des instances européennes afin que le couple franco-allemand joue tout son rôle.
Je vous présente mes excuses pour ne pas parler français, alors que j'ai un nom français, étant le descendant d'une famille huguenote. J'ai appris à l'école le latin et le grec, ainsi que l'anglais ; le français en a souffert.
C'est la deuxième fois que je me présente devant une Commission du Parlement français, car je suis déjà venu avec Jean-Yves Le Drian en tant que ministre de la défense. Je ressens comme un grand honneur que vous acceptiez de m'accueillir à une heure si matinale pour discuter.
Je confirme que Bernard Cazeneuve et moi avons une relation personnelle très étroite, marquée de confiance. Aucune initiative européenne n'est prise sans que nous n'en ayons parlé, aucune position n'est arrêtée sans que nous ne nous soyons concertés, et nous nous concertons même sur l'ordre de prise de parole. La coopération ne pourrait être plus étroite. Je rencontre Bernard beaucoup plus souvent que certains collègues allemands, bavarois ou berlinois.
L'Allemagne n'a pas été épargnée par le terrorisme. Il y a quelques mois, un attentat commis à Istanbul a causé la mort de douze Allemands. Des attaques terroristes ont également eu lieu sur le territoire allemand, mais c'étaient de petites attaques. Quand, comme avant-hier, un policier français et sa compagne sont assassinés à leur domicile, cela touche profondément les Allemands. Les attaques terroristes qui ont lieu ailleurs nous touchent aussi, bien sûr, mais pas à un tel degré.
La France et l'Allemagne échangent des informations. C'est ainsi grâce à une information française que nous avons pu arrêter en Allemagne trois personnes dont nous supposons qu'elles avaient prévu de commettre un attentat à Düsseldorf.
C'est un grand mérite de la France, et de Bernard Cazeneuve en particulier, que nous ayons davantage avancé en Europe dans la lutte contre le terrorisme ces douze derniers mois qu'au cours des dix dernières années. Nous avons ainsi adopté la directive sur les données relatives aux passagers aériens, nous avons modifié le mode d'accès au SIS et nous sommes en train de modifier le code frontières Schengen en vue d'un contrôle systématique. Nous avons également lancé un travail de modification du règlement Eurodac, l'objectif étant d'enregistrer les noms en plus des empreintes digitales ; on se demande bien pourquoi cela n'a pas été prévu dès le départ.
L'Allemagne et la France ont par ailleurs mis l'interopérabilité des fichiers à l'ordre du jour. Pour les migrations, le tourisme, la sécurité, nos banques de données sont entièrement séparées. Un tel système a été conçu comme un moyen de protéger les données mais nous devons changer les modes opératoires. Il faut créer des interfaces entre Eurodac, le PNR, le SIS..., et nous y travaillons. Nous sommes également en train de créer une base de données des services de renseignement, à La Haye, au sein d'un groupe de travail contre le terrorisme. C'est encore plus compliqué, mais, cela dit, les services de renseignement européens échangent déjà ; c'est un grand progrès accompli ces douze derniers mois. Il reste beaucoup à faire. Nous n'avons pas encore, par exemple, une définition commune de la personne susceptible de constituer une menace.
Avant d'en venir aux migrations, je voudrais dire un mot de l'Euro 2016. Lorsque l'Allemagne et la France se rencontrent sur un terrain de football, l'amitié s'arrête, mais cela ne sera pas avant la demi-finale ou la finale. En dehors des stades, nous avons la plus étroite coopération. Nous avons transmis 2 500 noms de hooligans à la France et interdit à plusieurs personnes, notamment en lien avec l'extrémisme de droite, de sortir d'Allemagne. Certaines d'entre elles ont cependant franchi la frontière.
L'alcool joue un rôle dans la violence du hooliganisme et je soutiens la position de Bernard Cazeneuve quand à la nécessité d'interdire l'alcool sur certains lieux sensibles. Je suis également admiratif des procédures rapides que la France a prises ; cela me servira d'exemple en Allemagne, où le droit le permet mais où c'est rarement appliqué.
J'ai une grande confiance à l'égard des services de sécurité français. Je trouve étrange la polémique sur le travail de ces services alors que n'est pas discutée la violence des hooligans. Nous avons en Allemagne, malheureusement, une grande expérience du hooliganisme. Ce qui s'est passé entre supporters russes et anglais n'est pas spontané ; c'est quelque chose d'organisé, de préparé bien en amont. Il faut en être conscient.
En ce qui concerne les migrations, l'Allemagne et la France ont été les premiers pays à apporter une aide à Frontex. Nous nous sommes rendus ensemble, Bernard et moi, à Athènes, où nous avons eu un entretien mémorable avec notre homologue grec. Nous soutenons le règlement Frontex pour la création d'une force européenne de garde-côtes et souhaitons fortement que la Commission européenne fasse des migrations un axe central de son action. Nous nous félicitons de la communication de l'Union sur l'idée d'entretiens avec des États tiers. Eurodac sera en outre renforcé.
L'accord avec la Turquie a conduit à la fermeture de la route des Balkans. À première vue, les chiffres ont baissé mais nous ne savons pas ce qu'il en sera à plus long terme ; le président turc est un personnage assez singulier. Nos efforts doivent à présent être dirigés vers la Méditerranée. L'Italie se comporte mieux désormais. Les chiffres de juin indiquent une augmentation ces derniers jours depuis la Libye. La méthode de la Turquie est la bonne et devra être transposée à l'Afrique du Nord. Nous ne voulons pas donner une prime à la venue irrégulière en permettant de rester en Europe. Il faut travailler sur des contingents à la réinstallation et empêcher les autres de venir. Le retour est déjà difficile pour la Turquie mais ce le sera plus encore pour la Libye et l'Égypte.
L'Allemagne n'a pas ouvert les frontières, comme on l'entend souvent dire. Les frontières étaient ouvertes : la question était de savoir s'il fallait les fermer. C'est le Premier ministre autrichien qui a appelé la Chancelière allemande, et non l'inverse, dans la nuit du 4 au 5 septembre, pour répondre à une situation humanitaire particulière à Budapest. L'appel d'air ne vient pas de cette décision mais de la situation des réfugiés dans son ensemble et de la décision des Hongrois de construire une clôture. Cela peut être vérifié par les chiffres.
Nous souhaitons maintenir Schengen et ce n'est possible que si la protection aux frontières extérieures fonctionne. C'est donc là que doivent porter nos efforts. Ce sont encore 150 personnes qui arrivent en Allemagne chaque jour. Nous avons changé beaucoup de lois de notre pays, modifié le droit d'asile, en réaction au grand nombre de migrants, et la situation a été maîtrisée. Nous avons raccourci les procédures d'asile et nous souhaitons renforcer les retours mais nous nous engageons aussi vis-à-vis de ceux dont nous supposons qu'ils resteront. Nous devons être fermes sur les retours mais déterminés à assurer l'intégration de ceux qui ont besoin d'une protection.
La libéralisation des visas était une initiative franco-allemande. Nous espérons à présent que le Parlement européen adoptera avant la pause de l'été, ou à défaut juste après la pause, un mécanisme de suspension en cas d'abus de demandes d'asile et de séjours illégaux, selon une procédure courte et même à la demande d'un État membre. Le mécanisme sera applicable à toutes les décisions futures mais aussi à celles déjà prises jusque-là. Enfin, l'Allemagne et la France sont en phase sur les décisions concernant la Géorgie et l'Ukraine.
C'est une satisfaction pour moi de voir que vous avez ensemble pris en main l'achèvement de Schengen. Cela fait en effet bien longtemps que nous aurions dû, en contrepartie de la suppression des contrôles fixes aux frontières intérieures, établir, comme cela avait été prévu, des contrôles aux frontières extérieures, améliorer la coopération en matière policière et judiciaire, et assurer la convergence des politiques d'asile et d'immigration.
Pouvez-vous, monsieur Cazeneuve, nous rappeler les principes prévalant à la circulation et à l'installation des étrangers dans les départements et territoires d'outre-mer ? Comment s'articule la notion de libre circulation pour les titulaires de titres de séjour entre ces régions ultrapériphériques et le reste de l'Europe ? La question concerne notamment le département de Mayotte.
Nous avons le sentiment d'un certain flottement entre M. de Maizière et vous, monsieur Cazeneuve, au sujet du renforcement de Frontex, notamment des moyens accordés à la Grèce. Pouvez-vous être plus spécifique ? Qu'en est-il de la côte sud de la Méditerranée, où il est clair que nous allons assister à un accroissement des réfugiés en provenance de Libye ? Il a été question que les protections aillent quasiment jusqu'à la limite des eaux territoriales libyennes.
Au moment où se produisait une arrivée massive de réfugiés en Allemagne, vous parliez, monsieur de Maizière, de portes ouvertes. Cela a été mal compris en France. Vous affirmez à présent qu'il ne s'agissait pas de portes ouvertes, mais c'est en tout cas la perception qui a prévalu dans notre pays : nous avons eu le sentiment que l'Allemagne accueillait volontiers ces centaines de milliers de réfugiés. Sur le million de personnes qui sont arrivées en Allemagne, combien en avez-vous conservées, combien sont retournées dans leurs pays, combien sont parties dans d'autres pays européens ?
Nous sommes nombreux, dans tous les groupes, à vouloir sauvegarder, réformer et rendre plus efficace Schengen car il n'y a pas d'Europe sans Schengen. Rien de mieux, pour s'atteler à cette tâche, que la coopération franco-allemande.
S'agissant de l'Euro de football, pensez-vous, monsieur de Maizière, qu'il y ait une responsabilité de l'UEFA ? Est-il envisageable de disqualifier une équipe dont les supporters commettraient des violences inadmissibles ? La Russie vient de se voir notifier un sursis ; peut-on aller jusqu'à une disqualification ?
Trois remarques et une question. Tout d'abord, dans les attentats terroristes islamistes subis par la France en 2015 ont été impliqués un certain nombre d'individus qui avaient rejoint l'Europe et la France via Leros, en étant enregistrés en octobre 2015 comme migrants.
Ensuite, le ministre de l'intérieur français nous a informés que l'État islamique organisait un vaste trafic de passeports et que des individus, notamment parmi les foreign fighters, cherchaient à rejoindre l'Europe.
Enfin, parmi le 1,8 million de cas de franchissements irréguliers des frontières extérieures de l'Europe en 2015, nous n'avons pas de certitude absolue quant à l'identité des personnes accueillies. Est-il raisonnable d'avoir accueilli des migrants par centaines de milliers, et de continuer à en accueillir dans une moindre mesure, en Allemagne, et également dans une certaine mesure en France, compte tenu de cette très grande incertitude quant à l'identité des personnes ?
Le terrorisme et l'immigration ne sont pas sans conséquences sur la politique intérieure des États, plus souvent en raison de la perception que des faits. Partout en Europe, nous voyons la montée du populisme, de l'extrême droite, du nationalisme, du racisme. Quelle est la situation en Allemagne ? Y a-t-il une renaissance du néonazisme et une augmentation des violences de rue, des violences scolaires, des violences dues à l'intolérance ?
À Strasbourg, nous avons le sentiment d'une grande porosité des frontières. Il semble être de nouveau possible de traverser facilement notre frontière commune.
Comment le Gouvernement allemand s'y prend-il pour surveiller, sans atteinte aux droits de l'homme et à l'État de droit, les personnes qui peuvent être conduites un jour, par radicalisation religieuse, à commettre des actes terroristes, alors même qu'elles sont de nationalité allemande ?
Je souhaite revenir sur les événements de Cologne. L'Allemagne, alors qu'elle affichait, avec Mme Merkel, une volonté très généreuse d'intégration, a été frappée par un phénomène bien connu d'agressions sexuelles de masse, un sujet évoqué depuis longtemps par les observateurs de la radicalisation d'une partie du monde musulman. Exclure la femme de la vie publique passe notamment par le fait de la rabaisser à un état d'objet soumis aux violences les plus abjectes. Le viol en direct de présentatrices américaines sur la place Tahrir avait levé le voile sur cette horreur.
En France, l'explosion des violences sexuelles est une réalité dénoncée assez régulièrement. Dans un entretien accordé à La Revue des deux Mondes, Élisabeth Badinter explique : « Nous n'avons pas assez prêté attention au retour d'un religieux, infiniment plus strict aujourd'hui qu'hier, tant chez les juifs que chez les musulmans. Mais à la différence du judaïsme, l'islamisme est prosélyte. Nous n'avons pas perçu la pression et le travail des Frères musulmans et des salafistes, comme le dit Manuel Valls. Et quand nous nous en sommes rendu compte, cette minorité était déjà bien implantée. Une pensée extrêmement radicale a pris le pouvoir contre l'ancienne génération, qui pratiquait un islam compatible avec la République. » Au-delà des menaces terroristes, une violence de plus long terme met en danger la civilisation européenne. Vos services échangent-ils à ce sujet pour la conservation de la sécurité des peuples, et tout particulièrement des femmes ?
Pour la libéralisation des visas, soixante-douze critères doivent être remplis. Aujourd'hui, seuls soixante-huit le sont, me semble-t-il. Au cas où ces critères ne seraient pas remplis à la fin du mois, que se passerait-il ? Vous avez dit que le président Erdogan était un personnage « singulier » ; qu'entendez-vous par là, et qu'est-ce que cela peut faire craindre en cas de refus concernant les visas ?
Des décisions ont été prises en France – et j'en félicite le ministre Bernard Cazeneuve – pour remédier aux attaques inacceptables dont la police fait l'objet. Je suppose qu'il y a aussi de nombreuses manifestations en Allemagne et que les forces de police y sont parfois prises à parti. Avez-vous adopté des mesures spécifiques ?
Les méthodes de maintien de l'ordre sont-elles différentes entre nos deux pays ? La prise de contact à l'avance avec les organisations de supporters, par exemple, est-elle pratiquée en Allemagne ?
Une proportion de 40 % des migrants serait repartie d'Allemagne ou est en tout cas perdue de vue. Avez-vous, monsieur de Maizière, des éléments à ce sujet ? Des relevés biométriques sont-ils effectués sur les migrants ? Comment ces derniers sont-ils recensés et le SIS alimenté ? Avez-vous des chiffres sur la politique de retour que vous avez évoquée ? Quelle est votre position sur la mise en place de hot spots à l'extérieur de l'Union européenne pour traiter les demandes d'asile préalablement ? Enfin, ne pensez-vous pas que le message d'ouverture adressé par la Chancelière a été une erreur ? Quelques jours plus tard, la décision de fermer les frontières était prise, à cause des conséquences immédiates de ce message.
Les frontières terrestres sont relativement faciles à contrôler mais c'est plus difficile pour les frontières maritimes, et ce pour des raisons tant techniques que juridiques. Si vous trouvez quelqu'un en haute mer, vous avez le devoir de le sauver. Vous pouvez le reconduire dans un territoire en dehors de l'Union européenne mais seulement à condition qu'il n'y soit pas exposé à un danger de mort ou de torture ; ce sont les termes de la Convention de Genève. L'accord avec la Turquie consiste justement à permettre à l'Europe d'avoir un port sûr à l'extérieur.
Nous devons travailler sur le sujet de hot spots en dehors de l'Europe, en veillant à ce qu'un hébergement sûr soit possible dans ces pays. C'est plus facile à dire qu'à faire. Il faut l'accord de ces pays et ils se font payer cher. C'est pourtant impératif et urgent. Le sauvetage vers l'Italie crée un appel d'air. On estime à 10 000 le nombre de morts sur la route méditerranéenne, à 14 000 celui des sauvetages. Quand nous sauvons des gens et les conduisons en Italie, c'est une bonne affaire pour les passeurs, mais nous ne pouvons pourtant pas laisser ces personnes se noyer.
L'année dernière, nous avons accueilli environ un million de réfugiés en Allemagne. Je dis « environ » car nos bases de données étaient distinctes et séparées, pour des raisons de protection des données. Si quelqu'un avait été enregistré à Hambourg et se rendait ensuite à Munich, les Munichois ne savaient pas qu'il avait été à Hambourg. Si une autre personne partait en Suède, il restait compté parmi les réfugiés en Allemagne. L'automne dernier, certains jours plus de mille personnes sont parties vers les pays nordiques. Nous avons modifié le système et sommes en train de comparer les chiffres avec les autres pays.
Ceux qui partent des côtes libyennes ne viennent pas de Syrie ou d'Irak, ils ne font pas le détour de la Turquie par la Libye vers l'Europe ; ce sont presque tous des Africains, ce qui complique encore la tâche.
Beaucoup de réfugiés disent que le policier allemand est le premier policier qui soit sympathique vis-à-vis d'eux, et nous n'avons pas l'intention de changer cela. Cependant, l'élément le plus fort de l'appel d'air, ce sont nos prestations sociales très élevées par rapport à la moyenne européenne. Or notre Cour constitutionnelle ne nous permet pas de réduire ces prestations. Nous coopérons avec la France pour travailler à un système d'asile européen commun, en vue d'un début de nivellement des prestations sociales.
On a peut-être eu le sentiment que la Chancelière s'était prêtée à des centaines de photos, mais il s'agit seulement de deux ou trois, lors d'une visite unique. On la critiquait avant cela de ne pas se rendre dans les camps de réfugiés.
La longueur des procédures et le faible quota de retours ont aussi contribué à l'appel d'air. C'est pourquoi nous avons changé nos lois sur l'asile et renforcé les retours : nous allons passer à 100 000 retours, forcés ou volontaires. Ce n'est pas encore suffisant. La faute n'en est pas seulement aux autorités allemandes, si cela n'a pas toujours bien fonctionné ; c'est aussi dû aux pays d'origine. Si quelqu'un jette son passeport, le pays peut dire qu'il n'est pas établi que la personne est un de ses ressortissants, et il est difficile d'éloigner la personne dans ces conditions.
La position des ministres de l'intérieur allemand et français, comme de tous les autres ministres de l'intérieur européens, est d'établir un lien entre migrations et politique de développement : more for more mais aussi less for less. Le pays qui n'est pas prêt à recevoir ses ressortissants doit en subir les conséquences dans d'autres domaines politiques. Cette position n'est pas partagée par les ministres des affaires étrangères ou de la coopération, qui s'opposent à ce genre de contreparties.
En ce qui concerne l'Euro, je ne connais pas précisément les règles de l'UEFA mais la disqualification devrait à mon sens être possible. C'est une règle qui existe en Allemagne, ainsi que d'autres : le ministre de l'intérieur du Land peut par exemple ordonner qu'un match se déroule sans spectateurs. Le contre-argument à une telle mesure est que la violence se produira alors dans les rues, en dehors des stades. Il faut donc bien réfléchir. Des amendes peuvent également être prononcées. C'est à l'UEFA d'en décider. Celle-ci affirme que, les billets étant nominatifs, il faut contrôler l'identité des personnes à l'entrée ; j'ai entendu dire que cela n'a pas toujours été le cas.
Il se trouve des personnes venues en Europe en tant que réfugiés parmi les auteurs des attentats de Paris. Il convient tout de même d'indiquer que ces personnes ont été enregistrées cinq ou six foix à Leros ; il est possible que cela ait eu pour but de lancer un débat sur la présence de terroristes parmi les réfugiés.
Nous avons quelque 300 à 400 indices sur de possibles sympathisants de Daech, mais la plupart reposent sur des dénonciations calomnieuses. Plusieurs dizaines de procédures d'enquête sont ouvertes. Toutefois, personne ne peut dire que, parce qu'il n'y aurait plus de réfugiés, nous n'aurions plus de terroristes. L'auteur de l'attentat du Musée juif de Bruxelles s'est rendu à Bruxelles en passant par l'Allemagne et la France mais n'était pas un réfugié. L'enregistrement des réfugiés aux frontières extérieures doit être amélioré mais cela ne résoudra pas le problème du terrorisme.
En ce qui concerne les passeports falsifiés, il nous manque un entry-exit system. Une personne obtenant un visa dans un État tiers peut finalement ne pas voyager ; cela vous est peut-être déjà arrivé aux uns et aux autres. Dans un système où l'on ne contrôle que le visa, il n'est pas noté si la personne est entrée sur le territoire ou non, ni si elle est ressortie. Nous ne pouvons régler ce problème à l'intérieur de Schengen. Or nous devons savoir qui vient dans l'espace Schengen, notamment pour détecter les personnes qui restent au-delà des délais de leurs visas, de manière irrégulière. Ces dernières semaines, a donc été lancé, à notre demande, un tel système d'entrée et de sortie ; cela demande de mettre en place des banques de données d'enregistrement ainsi que d'autres dispositifs.
En ce qui concerne le populisme de droite, il existe un nouveau parti en Allemagne, l'AFD. Le NPD plus ancien fait l'objet d'une procédure d'interdiction devant notre Cour constitutionnelle. L'AFD est un parti populiste qui obtient environ 15 % des voix dans certaines élections régionales, et a même obtenu un score de 20 %. Il est porté par un mouvement – le même, plus ou moins, qui explique le succès de Donald Trump aux États-Unis – anti-establishment, anti-mondialisation, offrant des réponses simples à des questions complexes, avec une destructivité négative dans la communication.
Avant même les réfugiés, nous connaissions en Allemagne une certaine tendance à la brutalité du langage, avec des commentaires sur internet qui n'auraient pas paru il y a cinq ans ou alors seulement de manière anonyme. C'est un langage brutal vis-à-vis des journalistes, des femmes, des migrants… Le nombre d'attaques contre les hébergements d'asile a été multiplié par cinq. Les forces de police mais aussi les sauveteurs sont attaqués. La société a tendance à devenir plus brutale ; nous devons vraiment avoir un débat sur notre manière de vivre ensemble.
Les personnes susceptibles de représenter une menace terroriste sont entre 400 et 500 en Allemagne. Il y a ensuite la catégorie des personnes qui ont un contact spécial avec les premières, soit environ mille personnes. Toutes ne peuvent être surveillées en permanence, et ce n'est pas non plus utile. Il est plus judicieux de les suivre de manière couverte ou de surveiller les lieux où elles se rencontrent souvent, c'est-à-dire de leur permettre de circuler librement pour connaître leurs contacts. Le problème est celui des ressources de la police.
Il y a aussi des cas que nous connaissons moins. Il y a quelques semaines, une jeune fille d'à peine quinze ans a provoqué un contrôle policier à la gare centrale de Hanovre avant de poignarder un policier, qui a survécu. Cette personne avait été radicalisée à l'âge de onze ans. Elle ne figurait pas dans notre fichier de personnes susceptibles de constituer une menace. Malgré la qualité des services de sécurité, le succès n'est jamais sûr à 100 %.
Les événements de Cologne ont changé la situation. Nous avons modifié notre droit au sujet de l'expulsion des personnes, y compris pour les personnes vivant depuis un certain temps en Allemagne. En octobre, j'ai demandé que l'on établisse un bilan de la criminalité parmi les migrants. Le résultat est qu'il n'y a pas de surreprésentation de la violence due aux réfugiés, mais il existe des différences. Les Syriens sont en-dessous de la moyenne, les demandeurs d'asile des Balkans et d'Afrique du Nord sont au-dessus. Entre trois et quatre millions de Musulmans vivent en Allemagne. La plupart d'entre eux respectent les lois, sont de bons voisins, paient leurs impôts et ont un comportement absolument irréprochable.
En ce qui concerne la Turquie, si les conditions ne sont pas remplies, c'est à moi que revient la responsabilité de ne pas donner de visas. La Turquie elle aussi a besoin de bonnes relations avec l'Union européenne. Je suis contre l'intégration de la Turquie dans l'Union mais pour de bonnes relations avec elle. Il est aussi de notre intérêt de l'avoir comme partenaire de l'OTAN.
S'agissant de la protection des policiers, nous travaillons avec des caméras piétonnes, ou bodycams, qui permettent le recueil de preuves en cas d'actes dirigés contre les agents. Nous travaillons par ailleurs avec des physionomistes sur les cas de hooliganisme. Nous en avons envoyé en France pour l'Euro ; je vais les rencontrer tout à l'heure. Pour la première fois, le Gouvernement français a en outre donné son accord pour que nous envoyions des agents de police armés dans les trains de supporters allemands, et je m'en réjouis.
Nous avons tous les deux demandé que les moyens de Frontex soient augmentés de manière significative. Cela s'est traduit par une augmentation importante des budgets de l'agence au cours des dernières années, passant de 97 millions en 2014 à 250 millions prévus en 2016. La volonté de l'Europe se traduit donc par des engagements budgétaires, ainsi que des engagements humains des États puisque la France placera 170 gardes-frontières et garde-côtes dans la future agence Frontex, et l'Allemagne consentira un effort comparable.
L'accueil de réfugiés suppose un agenda extrêmement précis et une mise en oeuvre dans les plus brefs délais. Il faut que le contrôle soit effectif – c'est l'objet de la montée en puissance de Frontex – et que le SIS soit systématiquement interrogé, mais cette interrogation restera inefficace si le système n'est pas alimenté de façon homogène par l'ensemble des services de renseignement et de police. Il faut en outre que ce fichier soit connecté à d'autres fichiers criminels pour croiser les données et permettre d'analyser la dangerosité des individus. En raison du fait qu'Eurodac ne peut être utilisé à des fins de sécurité, des individus dont les empreintes ont été enregistrées à Leros peuvent frapper en Europe en ayant sur leurs passeports leurs vraies empreintes mais de fausses identités. Il faut donc une task force européenne de lutte contre les faux documents, Daech ayant récupéré des milliers de passeports vierges en Irak et en Syrie pour faire tourner une véritable usine de fabrication de faux papiers.
Thomas a évoqué le système entrée-sortie. Il y a un point qui me perturbe beaucoup dans ce système. Nous venons de modifier l'article 7-2 du code Schengen pour permettre le contrôle aux frontières extérieures de l'Union européenne des ressortissants de l'Union au moment du franchissement. Nous avons pris cette décision en Conseil JAI le 15 décembre, et la Commission européenne nous présente un dispositif entrée-sortie qui concerne tout le monde à l'exclusion des ressortissants européens. Si nous continuons à faire des choses absurdes, les citoyens européens finiront par considérer que l'Europe est absurde. Une Europe forte est une Europe cohérente dans ses décisions.
En ce qui concerne les supporters violents, nous sommes dans un système de diffusion en continu des images, pas toujours révélatrices de la totalité d'une réalité, où chaque fois qu'une violence est commise, soit par des supporters ivres de bière et non contrôlés par des organisations sportives dont ce devrait être le rôle – ces violences n'existent pas dans le monde du rugby ; il faut que les acteurs prennent leurs responsabilités – soit par des casseurs dans les manifestations, la responsabilité des forces de l'ordre est mise en cause avant même toute condamnation de ces actes. C'est très déresponsabilisant pour ceux qui sont à l'origine des violences.
Je trouve tout à fait légitime que Guillaume Larrivé et d'autres posent des questions sur ce qui s'est passé à Marseille, dès lors que ces questions sont de bonne foi, et je souhaite seulement que l'on tienne compte aussi des réponses apportées de bonne foi. Je rappelle donc que leurs passeports ont été retirés à 3 000 supporters britanniques en Grande-Bretagne, afin de les empêcher de venir, au terme d'un dialogue très serré entre nos autorités. Les Russes nous ont signalé trente-cinq noms. C'est la responsabilité des États que d'indiquer au pays d'accueil qui sont les supporters à risque ; la police et les services de renseignement français ne peuvent aller identifier ces supporters dans les pays étrangers. Nous avons inscrit au fichier des personnes recherchées plus de 2 500 noms pour les contrôles aux frontières, et 3 000 supporters ont été empêchés de venir sur le territoire national. C'est la première chose.
Ensuite, on entend dire qu'il aurait fallu identifier ces supporters avant qu'ils ne commettent leurs actes. Je voudrais que l'on m'explique comment c'est possible. Dans le cas de supporters non connus de la police française ni identifiés par les policiers étrangers mobilisés au sein du centre de coopération internationale, la seule façon de les mettre hors d'état de nuire est soit de les prendre en flagrant délit – avant, comme nous l'avons fait, de les juger et de les reconduire à la frontière – soit de procéder sur la base de photos et de films à des enquêtes judiciaires qui permettent leur interpellation. Le procureur de la République de Marseille a ainsi décidé hier de mettre en garde à vue plusieurs dizaines de supporters russes.
On affirme par ailleurs que les forces de l'ordre ne sont pas intervenues tout de suite. Les CRS ont mis une heure dix exactement pour mettre fin à ces violences. Quand j'entends des commentateurs sportifs expliquer, dans le confort de leurs fauteuils, qu'il faudrait que les forces de l'ordre interviennent, alors même qu'elles interviennent, j'en éprouve un certain agacement.
Dans le stade, des supporters russes sont entrés dans les tribunes britanniques. Je rappelle que, dans les engagements contractualisés par la France en 2009, la sécurité dans les stades relève de la compétence de l'UEFA. Bien que cette compétence relève de l'UEFA, j'ai donné l'instruction, samedi après-midi, de positionner des unités de forces mobiles dans le stade à Marseille, pour assurer la sécurité en cas de défaillance. Voilà les faits.
Compte tenu du niveau de sollicitation du ministère de l'intérieur sur de nombreux fronts, je ne peux plus supporter que, chaque fois qu'un incident se produit à cause d'individus violents, on mette en cause les préfets, les préfets de police, le commandement des forces, les instructions que je donne, alors qu'elles sont sans ambiguïté sur la fermeté qu'elles appellent. Je rends hommage à tous ceux qui se mobilisent pour que les choses se passent le mieux possible.
Je répondrai par écrit à M. Said sur Mayotte.
En ce qui concerne le débat sur les réfugiés et la position de la Chancelière, je considère que ce débat aussi est très injuste et je tiens à exprimer à Thomas de Maizière l'immense respect que suscite chez une grande majorité de représentants de la classe politique française et de Français la passion européenne de la Chancelière. Nous n'appartenons pas à la même famille politique mais le sens des responsabilités de la Chancelière, dans un contexte d'extrême tension et de grandes difficultés, force le respect. Le Président de la République, le Premier ministre, le Gouvernement français s'emploient, lorsque la Chancelière est mise en cause, à rétablir la réalité de la relation franco-allemande.
Merci pour la précision de vos réponses. La qualité de la relation franco-allemande que vous avez instaurée est un grand motif de satisfaction.
Vous avez évoqué des sujets extrêmement sensibles, la sécurité, le terrorisme, les frontières, qui sont source d'inquiétude et d'angoisse pour nos concitoyens. Vous avez démontré qu'il existait une réelle coopération franco-allemande et, plus largement, européenne sur ces sujets, et vous apportez par là-même une réponse à cette inquiétude. L'Europe est capable de protéger l'ensemble de nos concitoyens. Pour ce message nous vous devons une grande gratitude.
La réunion s'achève à 9 heures 30.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Jacques Bompard, M. Éric Ciotti, M. Guillaume Larrivé, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Dominique Raimbourg, M. Daniel Vaillant, M. Jean-Luc Warsmann
Excusés. - M. Ibrahim Aboubacar, M. Christian Assaf, Mme Huguette Bello, M. Erwann Binet, M. Jean-Michel Clément, M. Sergio Coronado, Mme Pascale Crozon, M. Marc-Philippe Daubresse, Mme Françoise Descamps-Crosnier, M. Marc Dolez, Mme Laurence Dumont, M. Georges Fenech, M. Daniel Gibbes, Mme Sandrine Mazetier, M. Rémi Pauvros, M. Bernard Roman, Mme Maina Sage, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, M. Jacques Valax
Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Paul Bacquet, M. Patrick Balkany, M. Christian Bataille, M. Jean-Luc Bleunven, M. Gérard Charasse, M. Michel Destot, M. Éric Elkouby, M. Hervé Gaymard, Mme Élisabeth Guigou, M. Jean Launay, M. François Loncle, M. Jean-René Marsac, M. Jacques Myard, M. Axel Poniatowski, M. Patrice Prat, M. Didier Quentin, Mme Marie-Line Reynaud, M. François Rochebloine, M. Boinali Said, M. François Scellier, M. André Schneider, M. Michel Terrot, M. Michel Vauzelle