Intervention de Barbara Pompili

Séance en hémicycle du 22 juin 2016 à 15h00
Biodiversité — Article 9

Barbara Pompili, secrétaire d’état chargée de la biodiversité :

Permettez-moi de prendre quelques instants, madame la présidente, car le sujet est important. Il y va du principe même de la création de l’AFB, mais aussi de son installation effective au 1er janvier 2017. Or l’adoption de ces amendements aurait des conséquences non négligeables et pourrait poser de gros problèmes.

Techniquement et financièrement, tout d’abord, ces amendements conduisent à une impasse. Les agents de terrain réalisent en même temps des missions de police administrative et de police judiciaire. Ils sont commissionnés pour les deux à la fois. En effet, la plupart des usages contrôlés par la police de l’environnement font l’objet de prescriptions administratives et d’obligations relevant du code pénal. Et c’est la plupart du temps lors d’un contrôle administratif qu’une infraction de nature judiciaire est constatée par le même agent.

Pour éclairer votre assemblée, je prendrai plusieurs exemples.

Prenons d’abord un agent qui se rend sur le terrain, dans le cadre du plan de contrôle établi par le département sous l’autorité du procureur de la République et du préfet, afin de contrôler une installation sur un cours d’eau, par exemple un barrage. Le barrage étant soumis à une autorisation administrative, l’agent va contrôler que les prescriptions du préfet sont respectées. Il est alors en posture de contrôle administratif. Si, lors de ce contrôle, il constate une pollution sur le cours d’eau, il prendra alors une posture de police judiciaire pour constater l’infraction et rechercher la cause de la pollution avant la disparition des preuves. L’immédiateté nécessite que ce soient les mêmes agents qui effectuent des missions de police administrative et des missions de police judiciaire. Si, comme vous le suggérez, on dissocie ces deux missions, il faudra deux fois plus de déplacements pour réaliser ces contrôles, et le temps que les agents de police judiciaire arrivent sur place, les preuves pourront avoir disparu. D’autant que si les agents de l’ONCFS, qui sont extrêmement compétents, peuvent contrôler les permis de pêche, ils n’ont pas les compétences techniques – tout simplement parce qu’ils n’y ont pas été formés – nécessaires au contrôle de la qualité des milieux aquatiques et au contrôle des pollutions.

Ces amendements ne vont donc pas dans le sens de l’efficacité, tout simplement, ni dans celui de l’optimisation des moyens publics, financiers et humains, ni dans celui de la reconquête de la biodiversité.

Mon deuxième exemple concerne la police en matière d’environnement marin. Les agents de l’ONEMA y participent, mais aussi ceux de l’Agence des aires marines protégées, notamment. Dans un parc marin, certaines activités sont soumises à autorisation. Les agents du parc peuvent les contrôler au titre de la police administrative. En parallèle, d’autres activités ne font pas l’objet d’une autorisation préalable explicite au titre de la réglementation du parc, mais sont interdites par le droit général de l’environnement et relèvent de la police judiciaire. Ce peut être le cas pour des actes de pollution. Il faut alors, comme dans l’exemple précédent, pouvoir constater l’infraction lors d’un contrôle. Il serait paradoxal que les agents des parcs naturels marins ne puissent plus effectuer des contrôles de ce type et que les parcs naturels marins ne soient plus correctement protégés : personne, en effet, ne fera ces contrôles à leur place !

Voulez-vous vraiment, mesdames et messieurs les députés, que l’ONCFS assure à partir du 1er janvier prochain la surveillance des parcs marins et exerce un contrôle judiciaire en mer ? Avec quelles compétences le ferait-il ? Nous n’aurons de toute façon pas le temps. Faudra-t-il qu’il prenne sur les compétences de l’Agence des aires marines protégées ? Mais l’AFB en aura besoin, ne serait-ce que pour assurer les nombreuses autres missions de police administrative, de connaissance et de pédagogie qui lui incombent. On ne peut couper les agents en deux ! Et on ne peut pas non plus recruter à l’ONCFS des spécialistes du milieu marin, qui est très particulier, et donc accroître inconsidérément ses effectifs à l’heure où l’on cherche au contraire à maîtrise la masse salariale et les dépenses publiques.

Si l’on se conformait à ces amendements, l’AFB constituerait un recul par rapport à l’existant, car la surveillance pénale des parcs marins ne serait plus du tout assurée. Je ne vais pas multiplier les exemples, mais on voit bien que ces amendements posent de nombreux problèmes techniques.

Pour conclure, j’appelle à nouveau votre attention sur l’effet social que produirait leur adoption. Plus de 600 agents exercent des missions de police au sein des établissements qui intégreront l’Agence française pour la biodiversité. Ils s’apprêtent à occuper un poste au sein de l’AFB dès janvier prochain. Or que nous disent les agents de l’ONEMA, de l’ONCFS ou de l’Agence des aires marines protégées ? Pour les avoir rencontrés de nombreuse fois sur le terrain depuis mon entrée en fonction, je tiens tout d’abord à vous dire que tous les agents de l’ONCFS m’ont dit regretter de ne pas intégrer l’AFB.

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