La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement sur des sujets européens.
La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le Premier ministre, demain, les Britanniques se prononceront par un référendum sur le maintien de leur pays dans l’Union européenne. C’est un jour historique, car, quelle que soit l’issue du vote, c’est le destin de l’Europe qui se joue. Face à l’une des plus graves crises de la construction européenne, où est la France ? Que propose-t-elle ? Que souhaite-t-elle ? Personne, je le crains, ne le sait vraiment.
Depuis cinq ans, les crises se multiplient, sans que vous soyez à l’initiative. Hier encore leader en Europe, la France répond désormais aux abonnés absents ! Ce silence coupable, monsieur le Premier ministre, sera, soyez-en sûr, l’une des plus grandes fautes de ce quinquennat, sinon la première. Pas d’audace, pas de vision, pas d’ambition, et, ajouterai-je même, pas d’enthousiasme !
En 1950, l’Europe représentait 28 % de la population mondiale. Elle en représente aujourd’hui 7 %, et ce sera moins de 3 % en 2060. La France doit tenir son rang en Europe et retrouver son influence et sa force de proposition.
À l’UDI, nous avons identifié quatre priorités : créer un gouvernement et un Parlement de la zone euro ; conduire une politique étrangère et de défense commune contre le terrorisme ; adopter une politique commune de sécurité intérieure ; instaurer une politique migratoire et d’asile commune, avec un réel contrôle de nos frontières extérieures.
Monsieur le Premier ministre, nous voulons une autre Europe. La France doit retrouver son panache et redevenir, avec l’Allemagne, le moteur de la relance européenne. Quand allez-vous enfin agir ?
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
Monsieur le député, je vous rassure : la France n’est pas absente. Je peux témoigner ici de l’influence de la France sur des questions essentielles.
Avant-hier et hier encore, au Conseil des ministres des affaires étrangères, plusieurs questions étaient à l’ordre du jour, dont une extrêmement importante concernant à la fois la sécurité des Africains et le développement de l’Afrique mais aussi la sécurité de l’Europe. Qui en était à l’initiative ? Qui a invoqué l’article 42, point 7 du Traité sur l’Union européenne, sinon le Président François Hollande ? Il a été suivi par un nombre croissant de pays européens ayant compris qu’il fallait absolument que l’Europe tout entière, et pas uniquement la France, investisse en Afrique, non seulement pour la sécurité, mais aussi pour le développement.
La France est à l’initiative. Elle l’est, par exemple, pour lutter contre le trafic d’armes en Méditerranée centrale ou contre Daech en Libye. C’est la France qui a permis que soit adoptée à l’unanimité, la semaine dernière, la résolution 2292 au Conseil de sécurité des Nations unies. La France a joué son rôle diplomatique en entraînant les Européens, afin d’apporter une réponse, de lutter contre le terrorisme et d’assurer l’unité et la sécurité non seulement en Libye, mais également dans les pays de la région. Enfin, lundi dernier, l’initiative française de paix au Proche-Orient a été non seulement saluée, mais surtout soutenue officiellement à l’unanimité de tous les membres présents.
Alors comment pouvez-vous dire que la France est absente ? Je vous rassure : quel que soit le résultat du vote des Britanniques, – et nous souhaitons qu’ils restent dans l’Europe – la France sera à l’initiative. Elle le sera rapidement, elle le sera avec l’Allemagne, pour entraîner tous les Européens vers un nouvel horizon, vers une nouvelle espérance en l’avenir de l’Europe, car l’Europe est notre projet commun.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Mes chers collègues, je suis heureux de saluer la présence, dans notre hémicycle, des élèves de la classe de CM2 de l’école élémentaire Petit Tour -Georges Gruelles de Pujols, dans le Lot-et-Garonne, accompagnés par leur professeure. Cette classe est lauréate de la vingt et unième édition du Parlement des enfants, avec une proposition de loi visant à protéger et à préserver les abeilles, notamment en interdisant les herbicides et pesticides de synthèse dans les espaces verts publics. Je les félicite en votre nom à tous et leur souhaite chaleureusement la bienvenue.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.
La parole est à M. Sébastien Pietrasanta, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le ministre de l’intérieur, face à une menace terroriste qui ne faiblit pas, la France ne doit pas lutter seule. Les attentats de Paris de janvier et du 13 novembre 2015, et ceux de Bruxelles du 22 mars 2016 nous ont tristement rappelé que nos démocraties européennes font face à un danger commun qui se déploie sur plusieurs fronts. Nous avons adopté, en France, plusieurs lois antiterroristes pour faire face à cette nouvelle menace. La commission d’enquête dédiée aux moyens mis en oeuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme, présidée par notre collègue Georges Fenech et dont je suis le rapporteur, fera évidemment de nombreuses propositions dans le rapport que je rendrai le 5 juillet.
Tous les outils exploitables doivent être mis en place. Pour cela, nous avons besoin de l’Union européenne à nos côtés, qui doit être un espace de protection de nos concitoyens. Des outils efficaces ont été mis en place, tels que le gel des avoirs des personnes susceptibles de financer le terrorisme. Mais ce n’est pas suffisant. La France a été un des pays moteurs dans la création du registre européen des données de passagers aériens, le PNR ; il est plus que jamais temps de le rendre pleinement effectif. Mais cela non plus ne suffira pas. La France s’est aussi engagée pour développer l’échange européen des données sur les individus dangereux. Des fichiers européens communs existent ; plutôt que de rester un simple outil d’information, le système d’information Schengen, le SIS, doit être alimenté par tous les pays européens pour être pleinement efficace et permettre de mieux contrôler les entrées de l’espace Schengen.
L’Union européenne doit être le premier rempart contre le terrorisme qui est aujourd’hui, plus que jamais, international. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quelle est l’action de la France pour renforcer la coopération européenne en matière de lutte contre le terrorisme ?
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le député, vous avez raison de souligner la dimension européenne de la lutte antiterroriste et la nécessité, pour la France, d’être à l’avant-garde du combat qu’il convient de mener au sein de l’Union européenne. Je voudrais insister sur trois points. D’abord, il est nécessaire d’établir la traçabilité des passagers qui reviennent du théâtre des opérations terroristes ; c’est la raison pour laquelle nous avons enfin obtenu, le 15 décembre dernier, du Conseil et du Parlement européens, un accord sur la mise en place du PNR. Incluant les vols intracommunautaires et les vols charters, cet outil sera adapté à la réalité des flux de terroristes à l’échelle internationale.
Deuxièmement, nous avons souhaité la révision de la directive de 1991 sur le trafic d’armes. En effet, lutter contre le trafic d’armes au niveau européen, c’est priver les terroristes du moyen de leurs crimes. Nous avons souhaité progresser significativement en matière de traçabilité et de marquage des armes, ainsi que de lutte contre la vente d’armes sur internet.
Enfin, troisième sujet, il faut travailler à l’efficacité du contrôle aux frontières. Nous avons obtenu la modification du code frontières Schengen à travers son nouvel article 7-2 qui permet le contrôle aux frontières de toutes les personnes qui entrent dans l’Union européenne, y compris des ressortissants européens. Le SIS sera alimenté par l’ensemble des services de renseignement pour qu’aucun terroriste n’échappe au contrôle. Nous travaillons à la connexion des fichiers criminels : le SIS, le fichier Stolen or Lost Travel Documents, SLTD, et la base de données Eurodac, dont le règlement doit être modifié pour qu’elle puisse être utilisée à des fins sécuritaires. Enfin, nous avons proposé de créer une task force européenne de lutte contre la fraude documentaire. Voilà le programme de la France au sein de l’Union.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le Premier ministre, le référendum en Grande-Bretagne, que celle-ci décide de sortir ou de rester dans l’Union européenne – ce que nous souhaitons –, nécessitera de toute façon une action immédiate et énergique. Il y aura un avant et un après. La violence de la campagne, parfois dominée par la xénophobie, doit nous interpeller, tout comme la montée des populismes partout ailleurs. Cela suffit ! La France doit s’engager ! Elle ne peut pas continuer à voir passer les crises comme elle le fait depuis quatre ans, en restant inerte. L’Europe est pour nous, Les Républicains, un enjeu prioritaire, sur lequel nous faisons des propositions concrètes, objet, rien que ce dernier mois, d’une convention nationale et d’un club des vingt-huit rassemblant nos partenaires européens.
Mais nous payons aujourd’hui l’incapacité de François Hollande à réformer le pays et à respecter la règle des 3 % de déficit budgétaire, donc sa perte de crédibilité. Nous payons son absence de vision pour l’avenir de l’Europe. Nous payons la panne du moteur franco-allemand. Aucune négociation n’a été engagée avec nos partenaires pour refonder la zone euro ; sur l’immigration, Mme Merkel a négocié seule avec Erdogan, et François Hollande reste muet sur la réforme indispensable de Schengen. Il ne s’agit pas, monsieur le ministre des affaires étrangères, de lutter contre les trafics d’armes, mais de réformer Schengen ! Aucune avancée n’a été réalisée ni sur l’harmonisation fiscale, ni d’ailleurs sur les grandes politiques communes.
Le référendum britannique est en soi un signal d’alarme. À une heure aussi grave, François Hollande met plus d’entrain à s’occuper de la primaire à gauche que de l’Europe !
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain – « Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous dire si, dès après-demain, François Hollande compte enfin, sur l’ensemble de ces chantiers majeurs, prendre l’initiative ? Et si oui, laquelle ?
La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
Monsieur le député, j’espérais une approche un peu plus élevée de l’avenir de l’Europe…
…mais vous y mêlez des considérations de petite politique. Je vous laisse cette approche, même si je la regrette. Nous sommes, en effet, à un moment historique pour l’Europe : pour la première fois, un pays va consulter son peuple pour savoir s’il reste ou non dans l’Union européenne. Cette décision a été prise par le Premier ministre britannique ; quant à la réponse, elle appartient au peuple britannique. La France a toujours été claire, et elle n’a pas été seule à le dire : face à une question aussi importante, nous souhaitons que le peuple britannique choisisse la solution qui recouvre à la fois son intérêt durable, mais aussi l’intérêt de l’Europe, notre avenir commun. Nous souhaitons – je souhaite, tout comme vous – que le peuple britannique choisisse le maintien dans l’Union européenne. Après, il faudra appliquer les décisions prises au Conseil européen, le 19 février dernier, ni plus ni moins, conformément à notre engagement.
En revanche – vous avez évoqué cette question, tout comme votre collègue –, il faudra ensuite prendre des initiatives pour redonner de l’espoir aux Européens. Il est vrai qu’aujourd’hui, un doute s’installe dans les esprits des peuples européens. Partout, le populisme et le nationalisme reprennent le dessus. C’est donc un défi pour nous tous : la France, l’Allemagne et les autres pays. La France s’exprimera ; le Président de la République a prévu de faire des propositions à la fois avec l’Allemagne, mais aussi en direction des autres peuples. En effet, l’avenir de chacune de nos nations n’est pas derrière nos frontières, mais aussi dans un projet commun. Pour cela, il y a des choses à changer en Europe, et nous le ferons ; c’est l’engagement que je prends devant vous.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture ; j’y associe mes collègues députés de Saône-et-Loire.
Monsieur le ministre, comme d’autres départements français, la Saône-et-Loire a connu une pluviométrie exceptionnelle au cours du printemps qui vient de s’achever. Les précipitations ont été jusqu’à deux fois supérieures à la normale dans l’est du département, en particulier dans le Val de Saône et la Bresse.
Certes, ces précipitations n’ont pas fait de dégâts spectaculaires sur les bâtiments, comme dans d’autres régions, mais dans les champs de Saône-et-Loire, deuxième département agricole de France, plusieurs dizaines de milliers d’hectares n’ont toujours pas pu être semés. Les foins n’ont pas pu être coupés et ne le seront pas davantage plus tard, à cause du sol détrempé où la nappe phréatique affleure partout. Les animaux ne peuvent être mis au pré ; ils sont nourris de foin, dont les stocks diminuent. Depuis plusieurs semaines, les travaux de saison sont impossibles et les semis infructueux.
Tout cela advient dans un contexte très tendu au niveau européen, notamment au sujet du prix du lait. L’inquiétude est à son comble dans les rangs des agriculteurs. Sans trésorerie, ils ne peuvent faire face aux échéances et redoutent en outre d’être inéligibles aux aides de la politique agricole commune au motif de n’avoir pas respecté la date limite de semis.
Je sais que le Gouvernement est mobilisé sur ces questions, et que les préfets ont lancé la procédure de reconnaissance de catastrophe naturelle, avec les maires et en lien avec les exploitants. Il importe, vous le savez, que cette procédure soit rapidement menée, afin que les agriculteurs soient rassurés en matière de délais, de trésorerie et de dérogations aux règles de la PAC.
Ma question comporte plusieurs points, monsieur le ministre. Dans quel délai la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle peut-elle intervenir ? Quels effets peut-on en attendre pour l’éligibilité aux aides de la PAC ? Quelles sont les autres mesures prévues pour accompagner les agriculteurs touchés par les intempéries ? Enfin, à quelle date le versement du solde de la PAC pour l’année 2015 sera-t-il effectif ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Madame la députée, vous avez évoqué la question des inondations qui ont touché votre département, ainsi que d’autres. Des régions entières, comme la région Centre, voire la région Île-de-France, ont connu le même type d’aléas climatique dramatique.
Le Gouvernement est mobilisé. Vous avez évoqué une question particulière : la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. À chaque fois qu’il sera déclaré dans une commune, les aides de la PAC destinées aux agriculteurs de la commune seront versées.
Reste le problème des communes où les inondations n’ont pas touché d’habitations, et dont les maires ne souhaitent pas qu’elles soient déclarées en état de catastrophe naturelle.
Monsieur Le Fur, s’il vous plaît ! Sur ce sujet spécifique, la direction générale de la performance économique et environnementale enverra une instruction aux préfets. Je précise que partout où seront constatées des inondations, et même si l’état de catastrophe naturelle n’est pas déclaré, le ministère de l’agriculture fera une déclaration spécifique pour permettre aux agriculteurs de toucher les aides de la PAC.
Ajoutez à cela les aides liées aux exonérations de taxe sur le foncier non bâti, aux exonérations et reports de cotisations sociales, aux fonds d’allégement des charges, à l’ « année blanche » de cotisations sociales : autant de dispositifs visant à permettre aux agriculteurs touchés par les inondations de passer cette étape très difficile.
Le Gouvernement est mobilisé, et je me suis déplacé moi-même en plusieurs endroits. En Saône-et-Loire comme ailleurs, nous sommes aux côtés des agriculteurs.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le ministre des affaires étrangères, les ambassadeurs des vingt-huit États membres de l’Union européenne ont annoncé ce mardi la reconduction des sanctions à l’encontre de la Fédération de Russie. Vous l’entérinerez dans les jours à venir, avec vos homologues, monsieur le ministre.
Alors que le blocage sur le dossier ukrainien est total, et alors que les tensions avec la Russie n’ont jamais été aussi fortes depuis la fin de la guerre froide, il est regrettable de ne pas avoir utilisé la discussion sur le renouvellement des sanctions pour essayer de sortir du blocage et d’enclencher une dynamique positive. La dernière chose dont l’Europe ait besoin, la dernière chose dont le monde ait besoin, c’est d’une nouvelle guerre froide !
Pour faire face aux grands défis auxquels nous sommes confrontés, nous avons besoin de la Russie. Nous avons besoin d’elle pour régler le conflit en Syrie, et pour lutter contre le terrorisme djihadiste, qui est notre ennemi commun.
Cela ne veut pas dire que nous devrions être d’accord sur tout avec les Russes, mais cela signifie que personne ne peut se satisfaire de la situation actuelle qui, de surcroît, fait injustement souffrir nos agriculteurs, nos éleveurs et nos entreprises.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Plutôt que de laisser ces sanctions éloigner encore plus la Russie de l’Europe, raidir les positions de part et d’autre et dégrader un peu plus encore la situation, nous aurions pu, nous aurions dû les utiliser pour créer un électrochoc positif, en proposant aux Russes la voie d’un retrait mutuel et progressif des sanctions, aussi bien européennes que russes, en échange de gestes concrets allant dans le sens de l’application des accords de Minsk.
Les accords de Minsk restent le seul cadre pour surmonter la crise ukrainienne. Ils doivent être appliqués par les Russes comme par les Ukrainiens, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Soyons réalistes : il faudra du temps avant qu’ils soient intégralement appliqués.
Il fallait sortir du blocage, et trouver un moyen d’avancer. Cette discussion sur la reconduction des sanctions vous en donnait l’occasion : vous ne l’avez pas saisie. Monsieur le ministre, que propose la France ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
Monsieur le député, vous avez oublié quelque chose : il existe une initiative franco-allemande, appelée Format Normandie. Nous tenons des réunions régulières dans ce cadre avec mon homologue allemand Frank-Walter Steinmeier et les ministres des affaires étrangères russe et ukrainien. Lorsque cela est nécessaire, ces réunions ont lieu au niveau des chefs d’État et de gouvernement.
Quoi qu’il en soit, nous ne sommes pas rendus assez loin pour que les sanctions soient levées dans le respect des accords de Minsk. Je vous rappelle que les sanctions ne sont pas un but en soi : notre objectif, à terme, est de les lever. C’est ce que j’ai dit à Vladimir Poutine lorsque je me suis rendu à Moscou. Mais pour cela, il faut des progrès concrets, réels, sur le terrain.
La violence doit reculer dans le Donbass. Il y a quelques progrès, mais ils sont encore insuffisants. Il faut aussi que les stocks d’armes soient détruits, que les échanges de prisonniers aient lieu, que l’amnistie intervienne. L’Ukraine doit aussi faire sa part : mener une réforme de décentralisation, donner un statut spécial au Donbass, et accomplir une réforme électorale. Nous sommes loin du compte !
Puisque les conditions qui nous permettraient de lever, même partiellement, les sanctions ne sont pas réunies, ces sanctions seront reconduites. Mais je vous adresse ce message : nous sommes prêts, à chaque étape, à examiner les progrès de la situation. C’est en tout cas le point de vue de la France, partagé par l’Allemagne. Il y aura un débat sur cette question au Conseil européen des 28 et 29 juin 2016. Je souhaite que les progrès accomplis soient examinés objectivement afin de mesurer ce qu’il reste à faire. Les sanctions seront prolongées pour une durée de six mois ; si, au cours de cette période, des progrès sont accomplis, alors il faudra tendre la main à la Russie pour aller vers une levée progressive des sanctions.
C’est le contraire de la guerre froide. Nous ne voulons pas la guerre froide. Nous voulons la paix, nous voulons le partenariat et la sécurité.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. Philippe Duron, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Ma question s’adresse à M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, et j’y associe mes collègues Frédéric Cuvillier, député du Pas-de-Calais, et Gilles Savary, député de Gironde.
Monsieur le secrétaire d’État, le détachement des travailleurs est un sujet sensible au sein du marché intérieur de l’Union européenne : nécessaire pour répondre à des besoins ponctuels dans certains secteurs d’activité, en accord avec le souhait communautaire de libre circulation des personnes et des biens, le détachement doit toutefois être strictement encadré en raison des nombreux abus et des cas d’exploitation de travailleurs observés depuis plusieurs années. Le transport routier français est particulièrement touché par ces dérives, victime d’un dumping social violent qui génère des conditions de travail dégradantes, de multiples fraudes et introduit une distorsion de concurrence insoutenable avec les pays de l’Est européen.
C’est dans cette optique que le Gouvernement a transposé au transport routier ce qu’il a mis en place dans les autres secteurs en matière de détachement de travailleurs. Ainsi, l’article 281 de la loi Macron prévoit d’imposer une rémunération à hauteur du SMIC horaire aux employeurs de conducteurs étrangers qui livrent ou déchargent en France, et de renforcer en parallèle la lutte contre la concurrence sociale déloyale, en cohérence avec la directive « Détachement » de 1996. Cette mesure, monsieur le secrétaire d’État, nous sommes fiers sur ces bancs de l’avoir soutenue à vos côtés.
C’est donc avec étonnement que nous avons appris jeudi dernier l’annonce par la Commission européenne du déclenchement d’une procédure d’infraction à l’encontre de la France concernant le décret d’application de cet article, au motif qu’une telle mesure créerait des obstacles administratifs disproportionnés au bon fonctionnement du marché intérieur. Pourtant, ce décret ne contredit nullement le règlement européen en matière de cabotage, et il est injustifiable aujourd’hui que le secteur routier échappe aux règles de détachement et que la concurrence s’exerce par un nivellement social.
Monsieur le secrétaire d’État, quelles suites le ministère entend-il donner à cette mise en demeure, préoccupante à de nombreux égards ?
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Monsieur le député, le transport routier de marchandises est aujourd’hui victime d’une concurrence déloyale qui repose fortement sur le dumping social pratiqué par des entreprises européennes, mais aussi françaises qui font de l’optimisation sociale en créant des filiales à l’étranger.
Je déplore l’annonce, par la Commission européenne, de l’ouverture d’une procédure d’infraction visant des dispositions prises par la France pour faire appliquer le droit du détachement au transport routier de marchandises. Le Président Juncker a fort justement rappelé l’importance du principe « à travail égal, salaire égal sur un même lieu de travail » pour assurer une saine et équitable concurrence en Europe. La France entend ainsi seulement faire respecter l’application du droit communautaire en créant les conditions d’une concurrence loyale, dans le cadre d’une libre prestation de services. Les directives relatives au détachement des travailleurs de 1996 et de 2014 sont des pivots de l’application de ce principe dans tous les secteurs afin notamment de parvenir au respect de l’application du salaire minimum. La loi du 6 août 2015 que vous avez évoquée a prévu deux dispositions pour rendre applicable ces, dispositions au transport routier de marchandises, mesures qui entreront en vigueur au 1er juillet prochain.
La position de notre pays est claire : la meilleure façon de faire fonctionner le marché intérieur dans le respect de la concurrence, c’est d’abord de respecter les règles : quand il y a tant de détournements en la matière, le principe même est en cause. Nous voulons revenir à l’application du droit européen au moment où la remise en cause du projet européen fait le lit de tous les populismes à travers l’Europe. La France souhaite ainsi réaffirmer sa vision d’une Union européenne où ne règne pas la loi de la jungle mais qui est un marché ouvert et régulé, y compris s’agissant des questions sociales.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. Alain Moyne-Bressand, pour le groupe Les Républicains.
Monsieur le Premier ministre, la France est-elle ingouvernable ? C’est ce que pensent les médias étrangers lorsqu’ils voient la pagaille que vous avez semée et les blocages que vous ne parvenez pas à lever.
Alors que la France accueille une compétition d’envergure internationale, l’Euro de football, que tous les yeux européens sont tournés vers notre pays, voici ce que la presse européenne a vu : grève des cheminots, grève des éboueurs, grève des pilotes de ligne, et manifestations contre la loi Travail…
…avec, en marge de ces manifestations, des scènes de violences un peu partout, notamment en plein Paris, des manifestants s’en prenant aux forces de l’ordre et des casseurs à l’hôpital Necker-Enfants malades, donnant ainsi une bien triste image de la France.
Derrière cette image, ce sont les manquements du Gouvernement et du Président de la République qui sont pointés du doigt : d’abord votre incapacité à maintenir l’ordre et à faire preuve d’autorité alors que nous sommes en plein état d’urgence, que la lutte contre le terrorisme est maximale et que nous recevons des milliers de supporters de foot pour ce qui devrait être une fête populaire ;…
…et puis votre incapacité à réformer puisque, alors que tous nos voisins ont engagé des réformes structurelles et que même le commissaire européen français, Pierre Moscovici, appelle à engager les réformes nécessaires, la France fait figure d’exception.
Cette critique des médias européens, mais aussi des médias américains, n’est pas sans conséquences car elle préfigure l’impact que pourraient avoir les manifestations contre la loi Travail, qui est tout sauf une loi de réforme, sur l’activité touristique cet été et sur l’attractivité économique de notre pays alors qu’une récente étude a montré qu’il attire de moins en moins de sièges d’entreprise.
Monsieur le Premier ministre, comment comptez-vous attirer les investisseurs dans ces conditions ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le député, je vous réponds bien volontiers, d’autant plus que je me rappelle les images de mon pays pendant les émeutes urbaines de 2005
Exclamations sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains
Je me rappelle également la violence des images lors du sommet de l’OTAN à Strasbourg en 2010, alors que Nicolas Sarkozy était Président. Et je pourrais rappeler cela en permanence. Quand, dans l’opposition, on juge d’une politique, celle d’un gouvernement, d’un président ou d’une majorité, on ne devrait pas, contrairement à ce que vous venez de faire, se référer à la presse étrangère, laquelle porte et portera toujours à sa manière un regard sur la France. Pour ma part, j’essaie, notamment lorsqu’il s’agit d’une séance de questions consacrée à des sujets européens, de valoriser mon pays.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le député, lorsque vous évoquez la baisse du tourisme au cours des derniers mois, je pourrais aller chercher dans la presse européenne et mondiale quel est son regard sur le courage et la résilience des Français face au terrorismeet sur la démonstration de courage et d’honneur qui a été la leur.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur de nombreux bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Votre question était très large, mais vous savez que la récente baisse du tourisme, notamment à Paris et dans le reste de l’Île-de-France, est précisément imputable aux attentats. Pour ma part, je préfère plutôt saluer les initiatives d’Anne Hidalgo ou de Valérie Pécresse, qui se rendent dans des pays – je pense au Japon – qui ont été particulièrement marqués par ces attentats pour convaincre leurs ressortissants qu’il faut continuer à venir en France.
Alors, je vous dis, à l’occasion de cette séance de questions au Gouvernement sur des sujets européens, que j’en ai assez de ceux qui mettent en permanence en cause la France
Mêmes mouvements
alors qu’elle fait aussi l’admiration du monde entier grâce à l’action qui est la nôtre en matière de défense, sur le plan diplomatique et grâce également aux réformes que nous menons. C’est comme cela qu’on est patriote et qu’on sert le pays !
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur de nombreux bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à M. le président André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, ce matin, conformément à votre décision, la préfecture de police avait annoncé l’interdiction de la manifestation prévue demain contre la loi travail,…
…une décision que j’avais qualifiée de honteuse sous un gouvernement de gauche.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Quelques heures plus tard, le ministre de l’intérieur levait cette interdiction pour autoriser un défilé réduit. Si ce revirement permet le respect de la liberté de manifester, nous déplorons qu’une telle atteinte à un droit fondamental ait pu être envisagée.
« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
La méthode gouvernementale sur cette loi travail est un fiasco. Alors que ce projet de loi, inspiré de Bruxelles,…
Sourires.
…continue de concentrer toutes les oppositions – opposition d’une majorité de Français, opposition des parlementaires, opposition de la majorité des syndicats représentatifs – votre gouvernement ne sait plus comment s’en sortir.
Depuis le début, vous tentez de jeter le discrédit sur le mouvement social, malgré les appels de la majorité des syndicats représentatifs pour négocier et soumettre leurs propositions. Les violences inacceptables des casseurs, intervenues en marge des précédentes manifestations,…
…ne sont qu’un prétexte pour ne pas assumer vos responsabilités face aux trahisons des valeurs de la gauche. Nous ne cesserons pas de dénoncer ces violences, qui participent d’une stratégie de pourrissement du mouvement social.
Monsieur le Premier ministre, il est urgent de sortir par le haut de cette funeste séquence. Plutôt qu’un nouveau simulacre de débat dans cet hémicycle, la seule solution est de reprendre le dialogue avec les organisations syndicales. Une nouvelle fois, nous vous demandons solennellement de retirer ce projet de loi, pour le renvoyer à la négociation collective.
Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président Chassaigne, bien que votre question reste, malgré toute votre habileté, fort éloignée des sujets européens…
Bien évidemment. C’est pourquoi je vous réponds sur le fond, courtoisement et avec précision.
Qui peut sérieusement croire, monsieur le président, que les droits syndicaux sont bafoués dans notre pays ? Qui peut nier le fait que les opinions n’ont cessé de s’exprimer ? Des manifestations en nombre contre le projet de loi travail ont déjà eu lieu à Paris, ainsi que dans de nombreuses villes et régions. Il y en aura d’autres. Les opposants ont déjà pu maintes fois s’exprimer dans la rue.
Manifester est une liberté fondamentale. Le Gouvernement la garantit avec constance et esprit de responsabilité. Sa responsabilité, c’est aussi de garantir la sécurité et de veiller à l’ordre public, dans un contexte – faut-il le rappeler ? Vous l’avez sans doute oublié, monsieur Chassaigne – particulièrement exigeant : menace terroriste, Euro de football, sollicitation sans précédent de nos forces de l’ordre.
Celles-ci, je le rappelle car vous n’avez pas eu un mot sur ce point, monsieur Chassaigne, sont confrontées à des groupuscules violents, ceux de l’ultra-gauche.
À ce titre, je rends hommage au travail des forces de l’ordre.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le président Chassaigne, je veux simplement rappeler que, lors des récentes manifestations, qui se sont tenues depuis le 28 avril, malgré le déploiement important des forces de l’ordre, des débordements ont été constatés, avec des attaques aux biens, des commerces pris pour cible, des violences insupportables contre nos policiers et nos gendarmes. Il y a eu des blessés. Il y aurait pu y avoir des conséquences bien plus graves.
Lors de la dernière manifestation, à Paris, le 14 juin, les limites ont été franchies : déferlement de violence inégalé, saccage de bâtiments publics, dont l’hôpital Necker - Enfants malades, perpétré par des casseurs sous les yeux d’un service d’ordre des organisateurs totalement débordé.
Dans un premier temps, les syndicats ont refusé la proposition du ministre de l’intérieur et de la préfecture de police d’un rassemblement statique sur une grande place parisienne, seule possibilité envisageable au regard des garanties apportées par les organisateurs.
Dans un deuxième temps, les discussions engagées entre les organisateurs et la préfecture de police ont conduit le préfet de police à prendre la décision d’interdire la manifestation sur un trajet long, qui ne permettrait pas d’assurer la sécurisation du cortège.
Ce matin, le ministre de l’intérieur, que je remercie une nouvelle fois pour l’esprit républicain et le sens des responsabilités qui sont les siens
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste
a reçu, à leur demande, les organisateurs de la manifestation. Il leur a proposé un autre trajet, beaucoup plus resserré, localisé, répondant aux exigences du maintien de l’ordre.
Cette proposition a été enfin acceptée. C’est la preuve, monsieur Chassaigne, que tout, vraiment tout a été fait du côté des pouvoirs publics, c’est-à-dire, pour que les choses soient précises, du Président de la République, du Premier ministre et du ministre de l’intérieur, pour permettre cette expression démocratique.
Dans ce moment où notre pays a besoin d’unité et de rassemblement, je demande à chacun de bien mesurer la portée de ses déclarations et de ses agissements. La manifestation aura lieu mais chacun devra faire preuve de la plus grande responsabilité afin d’éviter que les violences ne se reproduisent, car les Français ne tolèrent et ne toléreront aucun débordement et aucun responsable qui ne les condamne pas.
Je sais que les forces de l’ordre font un travail difficile. Aussi, j’appelle les organisateurs à respecter intégralement leurs engagements concernant le service d’ordre qui doit être déployé pour prévenir les violences.
S’agissant de la loi travail, comme vous le savez, monsieur le président Chassaigne, le Gouvernement est déterminé à faire aboutir ce texte. Il est déterminé à prendre toutes les décisions nécessaires pour combattre le chômage de masse et donner des perspectives d’avenir à notre jeunesse, déterminé à réformer la France pour la rendre plus forte et plus compétitive, déterminé à faire vivre le dialogue social car notre société a besoin de dialogue et de compromis, notamment dans l’entreprise, là où l’on est au plus près des réalités.
Vous savez notre détermination. Nous poursuivrons l’examen de ce texte, qui est actuellement débattu au Sénat.
Nous le ferons adopter car il en va de l’intérêt du pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le Premier ministre, ma question porte sur la coopération européenne en matière de lutte contre le terrorisme.
Depuis plusieurs années, l’Europe a subi de nombreux attentats, particulièrement violents, qui ont profondément marqué le territoire européen. Entre 2009 et 2013, plus de 1 000 attentats, avortés, déjoués ou malheureusement réussis, ont été recensés dans les États membres de l’Union européenne. Ces chiffres ne tiennent pas compte des années suivantes qui ont connu une escalade dans l’importation du terrorisme sur le sol européen.
La stratégie de l’Union européenne en matière de lutte contre le terrorisme se développe autour de quatre axes : la prévention, la protection, la poursuite et la réaction. En février 2015, les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne ont affirmé que seul le dialogue avec les pays tiers sur les questions de sécurité et de terrorisme permettrait de lutter efficacement contre le développement du terrorisme en Europe.
La coopération en matière de renseignement doit être impérativement renforcée, ainsi que le contrôle des personnes qui entrent et qui sortent de l’Union européenne. En effet, la menace terroriste ne tient pas compte des frontières. C’est pour cela qu’il faut y répondre à l’échelon national mais aussi à travers la coopération européenne et internationale.
Cependant, des divergences persistent entre les différents pays européens s’agissant de la législation. En Belgique, par exemple, la garde à vue ne dure que 24 heures alors qu’elle peut durer jusqu’à 96 heures, voire six jours, en France. L’harmonisation des procédures au niveau européen, on le voit, est un sujet capital, qui doit être débattu rapidement.
Monsieur le Premier ministre, alors que les pays membres de l’OTAN se retrouvent pour un sommet début juillet, pouvez-vous nous dire si la coopération en matière de terrorisme fera partie des sujets abordés et quelle sera la voix de la France ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le député, vous avez évidemment raison, la lutte contre le terrorisme passe par une coopération accentuée au sein de l’Union européenne. Vous savez que nous avons pour cela certains outils, qui ont naturellement besoin d’être renforcés au regard de ce que nous vivons.
Le premier de ces outils est le mandat d’arrêt européen, créé en 2002, qui fonctionne bien. C’est la raison pour laquelle, la coopération entre les États étant à ce point fluide, nous avons pu, comme nous le souhaitions et comme le parquet de Paris en avait émis l’intention, récupérer Salah Abdeslam, qui est aujourd’hui dans une prison française.
Les équipes communes d’enquête sont un autre outil dont je veux mentionner la pertinence. Elles permettent des collaborations, comme celles qui se déroulent entre le parquet fédéral belge et le parquet de Paris. À ce jour, 111 équipes d’enquête ont été créées. Cette coopération internationale a besoin de progresser.
Parmi les autres dispositifs, je mentionnerai une décision de 2005 visant à accroître la coopération. Le sommet des ministres européens de l’intérieur et de la justice post attentats, qui s’est tenu au printemps 2016, a demandé que tous les Etats l’appliquent sans réserve. Si, pour le moment, nous ne sommes que quelques États à le faire, nous savons qu’il faut étendre cette application.
Je ne doute pas que la préoccupation que vous exprimez, monsieur Salen, sera entendue et que nous continuerons à renforcer nos liens.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à Mme Seybah Dagoma, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse au ministre des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, je souhaite connaître votre position sur la facilité de soutien à la paix pour l’Afrique, qui a pour objet de promouvoir la paix et la sécurité sur ce continent. Créée en 2003, elle est financée au titre du Fonds européen de développement, qui est le principal instrument de l’aide communautaire à la coopération et au développement des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, ainsi qu’aux pays et territoires d’outre-mer. Après en avoir été le premier financeur, notre pays est désormais le deuxième derrière l’Allemagne, avec une contribution s’élevant à 17 % de l’enveloppe totale.
Entre 2004 et 2014, l’Union européenne a contractualisé plus de 1,4 milliard d’euros et versé plus de 1,3 milliard d’euros au titre de cet instrument. Ce soutien financier vise à permettre à l’Union africaine et aux communautés économiques régionales ou aux mécanismes régionaux de renforcer leurs rôles respectifs dans le domaine de la paix et de la sécurité, ainsi que d’assumer la responsabilité de la stabilisation du continent.
Bien que partageant cet objectif, je constate que dans les faits, plus de 85 % de la somme dépensée a été versée à la mission de l’Union africaine en Somalie, l’AMISOM.
Monsieur le ministre, si nous sommes conscients de la nécessité d’une action résolue et constante en faveur de la stabilisation de ce pays, nous ne pouvons que nous interroger sur notre stratégie eu égard à l’état de nos finances publiques et à nos priorités en matière de maintien de la paix et de renforcement de la sécurité en Afrique.
Pouvez-vous nous éclairer sur les raisons qui ont présidé à une telle clé de répartition ? Ne pourrait-on pas utiliser à l’avenir une partie de ces sommes au profit des pays qui luttent activement contre Boko Haram ou, plus largement, de l’ensemble des pays du G5 Sahel ?
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
Vous avez parfaitement raison, madame la députée ; vous avez décrit ce qu’était la facilité de soutien à la paix pour l’Afrique, financée par l’Union européenne, et vous avez rappelé que plus de 85 % de son montant, qui est élevé, est consacré à la mission de l’Union africaine en Somalie, l’AMISOM, dont le budget est en constante augmentation. C’est un sujet de débat, sur lequel je suis intervenu, au nom de la France, à plusieurs reprises, en vue de faire évoluer la situation.
En effet, je crois que le reste de l’Afrique a aussi besoin de soutien. J’ai déjà pu faire évoluer les choses un peu, mais pas suffisamment encore, vers un rééquilibrage de cette mobilisation financière. Nos partenaires européens ont accepté des augmentations successives de la facilité de soutien à la paix pour l’Afrique pour d’autres régions, comme le Mali, la Centrafrique ou la Guinée-Bissau.
Vous avez une fois encore parfaitement raison ; les pays de la région du Sahel sont confrontés à un double défi sécuritaire : la lutte contre Al-Qaïda au Mali, qui touche aussi le Niger, et la lutte contre Boko Haram. Or le lien entre sécurité et développement est fondamental. Parfois, l’on oppose l’un à l’autre : on dit que l’on ne peut pas utiliser les crédits du développement pour financer des actions de sécurité ; mais lorsque l’on discute avec les chefs d’État africains, que l’on va les voir sur place, on se rend compte qu’il n’y a pas de développement possible si la sécurité n’est pas garantie. C’est d’ailleurs pour cela que les pays africains s’organisent : vous connaissez le groupe du G5 Sahel, qui réunit des pays qui ont décidé de s’organiser militairement pour lutter contre Al-Qaïda et contre Boko Haram ; je n’oublie pas non plus l’action concertée avec le Nigeria. Ces pays-là ont besoin de l’aide de la France et de l’Europe.
Croyez bien que ce que vous avez affirmé, je le partage et que nous allons continuer à faire de la facilité de soutien à la paix pour l’Afrique un bon outil de développement.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Ma question s’adresse à M. le ministre des finances et des comptes publics.
La campagne du « Brexit » a été durement marquée le 16 juin par l’assassinat de Jo Cox, notre collègue députée pro-européenne, dont je salue une fois encore la mémoire. Après trois jours de deuil national, la campagne bat à nouveau son plein en cette veille de scrutin. Demain, les électeurs britanniques auront à se prononcer sur un choix décisif et clair : « Le Royaume-Uni doit-il rester membre de l’Union européenne ou la quitter ? ». Ceux qui veulent la quitter ont déjà gagné la guerre psychologique, car si l’on parle de « Brexit », qui utilise le terme de « Bremain » ?
Au-delà de la décision interne à un pays, on peut légitimement se demander ce qu’il en serait pour le reste de l’Europe. L’Organisation de coopération et de développement économiques – l’OCDE – et plusieurs cabinets ont étudié les conséquences d’un éventuel « Brexit », avec et sans accord de libre-échange, pour le Royaume-Uni et pour la plupart de ses partenaires commerciaux. Nous avons de quoi nous faire quelques cheveux blancs en cette veille du lancement du compte à rebours !
Les courants anti-européens, antilibéraux, antimondialisation et certains des partisans du « Brexit » font miroiter une baisse de l’immigration et une embellie économique pour mieux enfermer leur pays dans des logiques de peur qui servent leurs intérêts politiques – mais appuyons-nous sur des études sérieuses pour essayer de faire la lumière sur cette question. Un « Brexit » aurait un impact significatif sur les Pays-Bas, l’Irlande, la Belgique et l’Allemagne. La France, quant à elle, ferait partie des six pays les plus touchés : jusqu’à 3,2 milliards d’euros de pertes additionnelles à l’export pour les entreprises françaises d’ici à 2019, dans le pire des scénarios. Le « Brexit » pourrait aussi conduire à un désinvestissement des entreprises françaises au Royaume-Uni et des entreprises britanniques en France, ce qui aurait un impact non négligeable sur la croissance réelle du produit intérieur brut français. Enfin, la hausse des défaillances d’entreprises au Royaume-Uni serait de nature à accroître le risque d’impayés pour les entreprises françaises commerçant avec ce pays.
Vendredi prochain, vers cinq heures du matin, heure française, nous devrions avoir la publication de premiers résultats fiables. La sortie d’un pays de l’Union, prévue par l’article 50 du traité de Lisbonne, est certes un processus long, mais l’économie, qui repose sur la confiance, ira plus vite que la rédaction de l’accord de sortie.
Aussi, monsieur le ministre, ma question est-elle simple : le Gouvernement a-t-il des scénarios d’anticipation prêts sur les conséquences d’un éventuel « Brexit » ?
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le député, vous m’interrogez sur les conséquences d’un éventuel « Brexit » – comme on dit aujourd’hui –, c’est-à-dire d’une sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne. Disons d’abord que cela est devant nous. La décision appartient au peuple britannique : c’est sa liberté ; mais nous pouvons aussi nous exprimer sur ce que pense la France.
La France souhaite que le peuple britannique choisisse librement de rester dans l’Union européenne. Pourquoi ? Parce que parmi les principales conséquences d’une sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne, il y aurait des conséquences économiques et financières d’abord et avant tout pour la Grande-Bretagne elle-même. Le pays qui risque le plus, du point de vue économique et financier, c’est la Grande-Bretagne. Ce débat-là, qui a lieu aujourd’hui en Grande-Bretagne, est du côté de la raison.
Il y a d’autres sujets qui sont abordés et qui concernent l’identité, la sécurité, l’immigration ; là-bas, comme chez nous, ils ont parfois basculé du côté du non raisonnable.
Alors, monsieur le député, plutôt que de vous répondre sur les conséquences qu’aurait un éventuel « Brexit » pour la France et pour l’Europe – elles seraient bien évidemment négatives –, je préfère vous présenter les initiatives que nous devrons prendre, quel que soit le choix du peuple britannique. En tout état de cause, il faudra en effet prendre des initiatives : des initiatives politiques, pour renforcer la nécessaire dynamique européenne ; des initiatives franco-allemandes, pour montrer qu’il s’agit d’un axe fondamental pour avancer en Europe ; des initiatives tournées vers d’autres, pour montrer que ce ne sont pas que la France et l’Allemagne qui construisent l’Europe. Mais nous aurons de toute façon besoin de prendre des initiatives, pour qu’il y ait plus de cohérence au plan économique, plus de cohérence au plan social, plus de force, plus de capacités de développement, pour que notre économie croisse dans une société plus juste, avec plus d’emplois, plus d’investissements et, au fond, plus de prospérité.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le ministre des affaires étrangères, le 19 mai dernier, les ministres des affaires étrangères des vingt-huit États membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord – OTAN – et le Premier ministre monténégrin, Milo ukanovi, signaient le protocole d’accession à l’OTAN de ce petit État de 650 000 habitants.
À ce jour, l’Islande, la Slovénie, la Slovaquie et la Hongrie ont déjà ratifié le protocole d’adhésion du Monténégro. Demain, 23 juin, ce sera le tour de l’Albanie et très bientôt de la Croatie.
En tant que président du groupe d’amitié France-Monténégro à l’Assemblée nationale, je souhaite rappeler que le Monténégro a fait le choix de l’Europe dès son indépendance. Il a adopté l’euro dès sa création et, la même année, il s’est également porté candidat à l’entrée dans l’Union européenne, avec laquelle les négociations d’adhésion ont finalement débuté en 2012. Son parcours remarquable bénéficie d’un engagement résolu de la part de la classe politique monténégrine et en fait le « bon élève » d’une région où persistent des tensions. Sa candidature à l’OTAN participe de la même détermination ; si elle suscite des questions dans l’opinion publique, elle recueille tout de même l’adhésion de plus de 60 % de la population.
Au niveau militaire, l’armée monténégrine présente un bon degré d’interopérabilité, en dépit de sa modestie, et le pays a démontré son intérêt pour les missions de paix pilotées par l’Union européenne au Mali et en République centrafricaine. Il a également participé aux opérations en Afghanistan.
Le gouvernement monténégrin pensait que le protocole d’adhésion pouvait être signé dès le printemps 2016, avant sa ratification par les parlements nationaux. Cette ratification permettrait au Monténégro, qui aligne déjà sa politique étrangère sur celle de l’Europe, d’avoir une garantie sur sa sécurité tout en renforçant celle des pays de la côte adriatique.
De fait, cette adhésion aidera aussi à surmonter des difficultés actuelles et futures concernant par exemple le terrorisme, l’extrémisme religieux ou encore la cybercriminalité. Pouvez-vous donc nous dire, monsieur le ministre, si la France entend ratifier ou non le protocole d’accession du Monténégro à l’OTAN ?
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
Comme vous l’avez rappelé, monsieur Verchère, le Monténégro a franchi une étape très importante en vue de son adhésion à l’OTAN, puisque le protocole d’adhésion a été signé en mai dernier. Le pays est donc, désormais, un membre observateur.
Cette décision s’est appuyée sur des critères objectifs, qui touchent aussi bien à la conformité du pays aux normes de l’OTAN – en particulier en termes de contrôle démocratique des forces armées – qu’à la contribution qu’il est susceptible d’apporter à la sécurité des alliés. Dans le cadre de ce processus, l’Alliance s’assure aussi de l’adhésion de la population du pays au rapprochement avec elle. Il s’agit donc bien d’une décision souveraine, aussi bien du pays concerné que de ses alliés, parmi lesquels la France. Nul État tiers n’a de droit de regard, ni sur le processus, ni sur la décision.
Il faut cependant s’assurer que les nouvelles adhésions ne sont pas de nature à diminuer le niveau de sécurité de l’Alliance dans son ensemble. C’est pourquoi, même si en l’occurrence la France considère que le Monténégro est aujourd’hui en mesure d’apporter une contribution à la sécurité collective, s’agissant d’autres demandes d’élargissement de l’OTAN, la France adopte une approche à la fois positive mais aussi très prudente.
En tout état de cause, la France soutient en effet la ratification du processus d’adhésion du Monténégro à l’OTAN, ratification qui sera bien entendu soumise au Parlement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à M. Christophe Caresche, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Ma question, qui s’adresse à M. le ministre des finances et des comptes publics, porte sur la fraude, l’évasion et l’optimisation fiscales.
Ce sont des questions très sensibles, vous le savez bien, monsieur le ministre, pour nos concitoyens comme pour l’ensemble des peuples européens : tous attendent des réponses fortes.
La France, d’abord pour elle-même, a engagé une action déterminée en ce domaine. J’en veux seulement pour preuve les dispositions adoptées dans le projet de loi qui porte votre nom, monsieur le ministre, en particulier celles qui ont trait au reporting pays par pays.
La France soutient aussi les initiatives prises au niveau international, notamment à partir de l’excellent travail de l’OCDE et du programme « BEPS » – base erosion and profit shifting. Une série de mesures ont ainsi été élaborées en concertation avec de nombreux pays. Le G20, qui les a adoptées, a pris des engagements. Il revient désormais à l’Union européenne de transcrire ces mesures dans le droit communautaire, avant qu’elles ne le soient dans notre droit national.
Ma question, monsieur le ministre, est simple : quelle sera la position de la France sur les différents textes qui devraient être présentés d’ici à la fin de l’année ? Quelle est votre analyse sur les éventuels obstacles qui s’y opposent et sur la possibilité de les voir aboutir dans les meilleures conditions possible ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Nous sommes tous déterminés, monsieur Caresche, à lutter contre la fraude, l’érosion et l’optimisation fiscales ; et nous menons cette lutte d’abord et avant tout parce que vous avez voté, ici même, des dispositions qui le permettent, qui munissent la France d’une réglementation et d’outils performants en la matière.
Cependant, chacun le sait, on ne peut lutter contre cette fraude internationale sans une concertation et une action communes, d’abord au niveau européen. Vous avez donc parfaitement raison d’appeler l’attention du Gouvernement et de la représentation nationale sur le travail mené à ce niveau.
Si, aujourd’hui, nos administrations fiscales peuvent librement échanger des informations sur les comptes détenus par chaque individu, c’est grâce à l’action qui a été menée en Europe. C’est pourquoi le nombre de ceux qui viennent déclarer à l’administration fiscale des comptes jusqu’alors considérés comme cachés a considérablement augmenté. C’est parce que nous luttons, en Europe, contre l’optimisation fiscale agressive que nous pouvons mener des opérations – vous en avez vu des exemples spectaculaires récemment – visant à ce que les plus grosses entreprises internationales paient, elles aussi, des impôts : qu’elles en paient en France, bien sûr, au regard des bénéfices qu’elles y engrangent, mais aussi qu’elles en paient tout court ! Car elles ont mis en oeuvre des dispositifs pour, au bout du compte, n’en payer nulle part.
Ce résultat est dû en particulier, je le répète, au travail mené au niveau européen. À ce sujet, dès hier a été adoptée une directive européenne de lutte contre l’optimisation fiscale qui nous place au plus haut niveau des critères de l’OCDE.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le Premier ministre, votre ministre de l’économie a été, au grand dam des Français, le rédacteur du programme économique de l’actuel Président de la République.
Alors que la croissance s’est installée chez tous nos voisins européens, en France, nous attendons toujours la reprise. Grâce à des réformes structurelles, la courbe du chômage s’est, depuis plusieurs années, inversée partout en Europe. Pas en France ! Et ce n’est pas la loi El Khomri, qui est tout sauf une réforme du code du travail, qui nous permettra de retrouver notre influence sur la scène européenne. Ce n’est pas non plus la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques qui nous permettra de rejoindre le camp des pays réformateurs.
Au-delà de ces textes qui n’apportent pas de réponse aux véritables enjeux du moment et qui ne confortent pas la place de la France en Europe, je souhaite vous interroger sur les décrets d’application de la loi Macron, notamment sur celui du 20 mai 2016 relatif à la justice prud’homale. Celui-ci prévoit que tout justiciable relevant appel d’une décision prud’homale de première instance doit, à défaut d’irrecevabilité de la procédure, s’acquitter d’un droit d’appel de 225 euros.
Par ailleurs, la profession d’avocat s’inquiète dans le silence de ce décret d’une nouvelle obligation potentielle : celle d’avoir recours à un postulant devant la cour d’appel pour les jugements prud’homaux. Une telle évolution aurait, elle aussi, de graves conséquences en termes d’accès au droit puisque chacune des parties devrait dépenser entre 600 euros et 1 200 euros de plus. Devant de telles incertitudes, le Conseil national du barreau français a engagé un recours contre ce décret du 20 mai 2016.
Adoptée sous l’influence de M. Macron, votre solution pour réduire le nombre de contentieux prud’homaux semble n’être que financière, alors que nos voisins européens ont, pour la plupart, su trouver des solutions adaptées.
Monsieur le Premier ministre, votre ministre du travail envisage-t-elle de débattre de ces décrets avec M. Martinez lors d’une prochaine rencontre ? Pouvez-vous clarifier la position du Gouvernement sur les décrets de M. Macron qui ne vont vraiment pas dans le sens d’une harmonisation sociale européenne ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.
Exclamations persistantes sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le député, je vous cherche des yeux.
Vous avez d’abord fait référence – et je vous remercie, au fond, de cette accroche – aux grandes lois visant à une réforme structurelle de l’économie. Je rappelle ici que les pays que vous visez et qui ont adopté de telles lois l’ont, pour la plupart, fait il y a dix ans, à une époque où la majorité d’alors en France avait décidé de ne rien aire.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Et, puisque vous parlez de nos voisins, si l’Allemagne connaît un taux de taux de croissance et un taux de chômage certes différents des nôtres, c’est précisément parce que d’aucuns ont su y mener les réformes que certaines majorités ici n’ont pas voulu conduire.
L’effet de telles lois n’est jamais immédiat : les gouvernements des pays auxquels vous faites allusion ont à l’époque eu à essuyer des reproches, ont été confrontés parfois à des excès et souvent à des comportements quelque peu injustes vis-à-vis de réformes dont l’utilité n’apparaissait pas à l’époque.
J’en viens à votre question précise portant sur la réforme de la justice prud’homale prévue dans la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Elle a effectivement fait l’objet de plusieurs décrets, dont celui du 20 mai 2016 relatif à la procédure.
La réforme en question a un premier objectif : raccourcir la procédure, et c’est bien ce à quoi elle conduit. À l’heure actuelle, une procédure devant les prud’hommes dure en moyenne vingt-huit mois en cas d’appel, soit une durée largement supérieure à celle constatée dans les autres pays européens. En outre, le taux de conciliation est insuffisant. Ces délais seront réduits grâce à la réforme.
Par ailleurs, ce texte prévoit aussi la possibilité de se faire assister par un avocat ou par un défenseur syndical. Je comprends votre préoccupation concernant les aspects financiers, mais à ce sujet les équilibres ne sont pas modifiés.
Les textes, qui sont en cours de préparation à la Chancellerie et au ministère du travail, préciseront le cadre de cette réforme, de façon qu’un défenseur syndical ou un avocat puisse assister les plaignants.
Cette réforme ne conduira pas à un alourdissement du coût de la procédure pour les salariés : celle-ci sera désormais plus courte, plus efficace et plus lisible.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à Mme Sandrine Doucet, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le secrétaire d’État chargé des affaires européennes, la jeunesse est une chance immense pour notre continent. C’est elle qui incarne l’avenir de l’Europe et c’est par elle, notamment, que doit passer la relance du projet européen. Elle est en effet pleine de force, d’audace et d’espérances.
Chaque fois que l’Europe est en recherche d’identité, c’est à la jeunesse qu’elle s’adresse, comme cela a été le cas dans les années 80 et 90 avec les programmes de mobilité. La jeunesse croit en l’Europe, mais peut-être pas toujours en l’Europe qu’on lui propose. Il faut donc aller au-delà des mots et développer des actions concrètes et utiles.
Par exemple, la France est le premier pays à avoir initié, avec le dispositif de garantie jeunes, un programme en faveur des jeunes les plus touchés par le chômage et la précarité.
Le programme Erasmus, dont l’agence française est situé dans ma circonscription, à Bordeaux, est une réussite incontestable : entre 2014 et 2020, 4 millions de jeunes européens vont en bénéficier.
La mobilité est une opportunité majeure, comme je l’ai rappelé dans le rapport pour observations que j’ai rendu sur le projet de loi Égalité et citoyenneté. Le service civique doit avoir une dimension européenne plus forte, et le service volontaire européen être encouragé.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez récemment présenté en conseil des ministres plusieurs initiatives européennes en faveur des jeunes. Elles s’articulent autour de trois axes : renforcer la dimension professionnelle d’Erasmus + tout en conservant l’essence du dispositif, c’est-à-dire la construction d’une citoyenneté européenne à travers des partenariats éducatifs ; encourager la dimension européenne du service civique ; enfin, créer une carte étudiante européenne.
Le Gouvernement fait preuve de volontarisme pour notre jeunesse, grande priorité de ce quinquennat. Ces mesures récemment annoncées s’inscrivent dans une politique globale suivie depuis 2012.
Ce volet européen est le bienvenu : pouvez-vous donc, monsieur le secrétaire d’État, détailler le contenu ainsi que les modalités de mise en oeuvre de ces initiatives ?
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
Madame la députée, la relance du projet européen passe en effet par la jeunesse, et vous avez eu raison de rappeler l’immense succès du programme Erasmus +, dont l’agence pour la France est installée dans votre circonscription, en Aquitaine.
Ce programme est une fabrique de citoyenneté européenne : plus de 4 millions de jeunes vont en effet pouvoir bénéficier de cette mobilité entre 2014 et 2020. Mais nous sommes convaincus qu’il est possible d’aller plus loin.
Il n’y a d’abord pas de raison que seuls – ou presque – les étudiants de l’enseignement supérieur puissent bénéficier de cette mobilité. Il s’agit du premier axe d’un nouveau développement de ce programme que j’ai en effet eu l’occasion de présenter en conseil des ministres et que nous voulons faire valoir à l’échelle européenne : celui d’un Erasmus professionnel et d’un Erasmus des apprentis. Il faut que tous les jeunes qui aujourd’hui suivent ces formations en alternance puissent également faire cette expérience de citoyenneté européenne, qui leur permettra en outre d’accroître leurs qualifications et leur employabilité.
C’est pourquoi nous avons décidé de lancer avec l’Allemagne, et avec le concours des partenaires sociaux en France – notamment du MEDEF et de la CFDT – ainsi que d’une quinzaine d’entreprises présentes en France et en Allemagne, une expérimentation visant à faire la démonstration qu’il est possible de surmonter les obstacles à la mobilité des jeunes apprentis.
Ensuite, nous voulons en effet renforcer la dimension européenne du service civique : il existe dans de nombreux États membres de l’Union européenne, et la France est en train de le développer. Il nous semble qu’il y aurait du sens à ce qu’une partie du temps que ces jeunes consacrent aux autres – dans des collectivités locales ou dans des associations, qu’il s’agisse d’actions au service des personnes ou de l’environnement – puisse avoir pour cadre un autre État membre de l’Union européenne. Nous avons donc, à l’occasion du conseil des ministres franco-italien, lancé une expérimentation avec nos voisins transalpins.
Enfin, une carte d’étudiant européenne, c’est une évidence : lorsqu’on est étudiant, on doit pouvoir avoir accès aux bibliothèques universitaires, aux services de logement et de restauration dans l’ensemble de l’Union européenne. Nous lançons donc également une expérimentation dans ce domaine avec plusieurs pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Nous avons terminé les questions au Gouvernement sur des sujets européens.
Mes chers collègues, la séance reprendra à dix-sept heures trente. Je vous rappelle en effet qu’à partir de dix-sept heures aura lieu un hommage à Mme Jo Cox, organisé par ses proches sur la place du Palais-Bourbon.
La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à dix-sept heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.
L’ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d’examen simplifiée, en application de l’article 103 du règlement, de six projets de loi autorisant l’approbation de conventions et accords internationaux (nos 3498, 3860, 3841 ; 3501, 3844, 3842 ; 3499, 3816, 3839 ; 3500, 3845, 3840 ; 2607, 3861, 3838 ; 3576, 3859).
Ces textes n’ayant fait l’objet d’aucun amendement, je vais mettre aux voix chacun d’entre eux, en application de l’article 106 du règlement.
L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.
L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.
L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.
L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.
L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.
L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.
Hier soir, l’Assemblée a commencé l’examen des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’article 3 ter.
La parole est à Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, je voudrais d’abord saluer vos débats, qui sont déjà largement entamés, et remercier Barbara Pompili, secrétaire d’État chargée de la biodiversité, pour tout le travail qu’elle a accompli. Comme promis, je suis venue passer un instant avec vous ; je resterai malheureusement peu de temps puisque je m’apprête à partir au Maroc, pour la COP22, mais j’ai tenu à être parmi vous au moment où vous reprenez vos travaux, qui se prolongeront sans doute tard dans la nuit.
Ce texte, relatif à la biodiversité, est très important, vous le savez, puisque c’est le troisième grand pilier de votre travail, après la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et la COP21, que la France a accueillie avec succès.
Nous sommes du reste très observés au niveau de l’Union européenne car avant-hier, au conseil des ministres de l’Union européenne, nous avons largement débattu de l’ensemble des sujets liés à la biodiversité et à toutes les menaces qui pèsent sur elle.
Vous avez déjà adopté des dispositions essentielles : le principe de solidarité écologique, la préservation des continuités écologiques, le principe de non-régression, la réparation du préjudice écologique, la création, évidemment, de l’Agence française pour la biodiversité, qui est très attendue, et la ratification du protocole de Nagoya, par laquelle la France se donne les moyens d’innover sans piller.
La France, vous le savez, est aussi très attendue sur la question des produits chimiques portant atteinte à la santé humaine.
Au Conseil européen, nous avons débattu des perturbateurs endocriniens et la France a été à l’avant-garde pour demander à la Commission européenne de revoir sa copie.
Nous avons été aussi à l’avant-garde sur la question du glyphosate, à propos duquel une réunion se tiendra encore demain, et la France votera contre la possibilité de l’autoriser à nouveau.
Vous aborderez dans quelques instants la question des néonicotinoïdes. Sur ce dossier aussi, les citoyens, la société civile et les associations de malades, qui se mobilisent, espèrent beaucoup de la France, en particulier au tournant de 2018, année clé pour aller vers l’interdiction totale des néonicotinoïdes, évidemment assortie de systèmes de dérogation qui permettront aux industriels d’investir dans les produits de substitution. Avec l’ensemble du Gouvernement, je souhaite que l’Assemblée nationale accomplisse un geste fort, comme en première lecture, tout en faisant preuve de réalisme, en vue de rendre rapidement disponibles des produits de substitution, grâce aux capacités issues de la croissance verte et aux innovations du secteur.
Le Gouvernement veut donc adresser un message politique fort d’excellence environnementale et de responsabilité de notre pays, qui a reçu la COP21 et doit transmettre le flambeau pour la COP22.
Vous savez enfin qu’une COP sur la biodiversité se tiendra en fin d’année. Il faut que la France y arrive en ayant adopté une loi ambitieuse, pour bien équilibrer les trois piliers que j’ai évoqués tout à l’heure : la COP21 sur la transition énergétique, qui a d’ailleurs aussi quelque chose à voir avec la biodiversité ; la loi de transition énergétique ; la conférence sur la biodiversité, échéance très importante de la fin de l’année.
L’article 3 ter est adopté.
Cet amendement tend à supprimer les alinéas 4 et 5 de l’article 4. La rédaction actuelle prévoit que les plans nationaux d’action en faveur des espèces menacées soient fondés sur les données des organisations de protection de l’environnement au même titre que sur les données des instituts scientifiques compétents. En dépit des compétences reconnues de certaines associations, il nous semble hasardeux de les placer au même niveau que les experts scientifiques, d’autant qu’elles se caractérisent par une forte hétérogénéité.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour donner l’avis de la commission.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, qui supprime à la fois l’apport des données issues des associations, qui pourront servir de base à la mise en oeuvre des plans d’action, et la possibilité de réaliser ces plans par espèces ou groupes d’espèces. Vous verrez que nous serons amenés, dans le débat, à définir un peu mieux le champ de ces associations, mais leur apport en matière de données et de mécanismes pour affiner ces dernières est bien clair.
À travers votre amendement, madame Dubié, on commence à percevoir ce qui sera davantage affirmé dans des amendements ultérieurs : une espèce de montée au créneau contre l’action des associations. Je juge anormal de mettre ainsi en doute leur travail, nous y reviendrons tout à l’heure.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité, pour donner l’avis du Gouvernement.
L’avis du Gouvernement est également défavorable puisque les données fournies par les associations de protection de la nature sont extrêmement utiles et même nécessaires pour conduire les politiques en faveur de la biodiversité, et c’est valable pour les plans nationaux d’action en faveur des espèces menacées. L’adoption de cet amendement nous priverait de nombreuses ressources dont nous avons besoin.
Il n’est pas question de nier l’apport des associations liées à l’environnement mais elles ne doivent pas être placées au même niveau que les experts scientifiques.
L’amendement no 212 n’est pas adopté.
Il est proposé, par cet amendement, de ne pas insérer les mots « et des organisations de protection de l’environnement » après le mot « compétents », à l’article L. 414-9 du code de l’environnement.
La parole est à M. Jean-Louis Costes, pour soutenir l’amendement no 138 .
La parole est à M. Philippe Plisson, pour soutenir l’amendement no 420 .
Un amendement de Mme Le Dissez, qui sera présenté ultérieurement, a pour objet de substituer au mot « organisations » le mot « associations », ce qui constituerait une avancée appréciable. Cela étant, dans l’immédiat, comme l’ont indiqué nos collègues, il me semble nécessaire de supprimer cet alinéa. Les associations sont militantes : sur un sujet donné, la Fédération nationale des chasseurs n’aura pas la même approche, la même sensibilité que la Ligue pour la protection des oiseaux, la LPO. Il faut donc une expertise objective, scientifique. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’alinéa 5.
Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements de suppression ?
J’ai bien compris la volonté des auteurs de ces amendements. Pour moi – on le sait depuis très longtemps –, cela participe d’un procès d’intention contre les associations de protection de l’environnement, en particulier de la part des chasseurs à l’encontre de la LPO. Ces associations sont accusées de trafiquer leurs données pour essayer de faire protéger un certain nombre d’espèces. Je juge anormal ce procès d’intention, d’autant plus que, dans la procédure en vigueur, les données remontées passent systématiquement par l’examen du Muséum national d’histoire naturelle, qui vérifie et approuve les données. Et, sur le terrain, toutes ces données sont extrêmement importantes pour la conception des différents plans de gestion ainsi que pour le classement ou le déclassement des espèces. Même si ces amendements ne le disent pas aussi clairement, ils sont, à mes yeux, quelque peu dilatoires, et je le regrette. La commission leur est défavorable.
Je le répète, nous avons besoin de recevoir, de recueillir des données, car nous en manquons. Monsieur Plisson, vous avez dit, à juste titre, que ces associations sont militantes, mais elles sont surtout très présentes sur le terrain et donc très en lien avec toutes les informations que nous attendons. Se priver de leurs données serait vraiment absurde, d’autant plus – Mme la rapporteure l’a très bien dit – que celles-ci sont expertisées avant d’être validées par le Muséum. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
L’article 4, amendé, est adopté.
Article 4
L’article 4 ter, tel qu’il a été rédigé et adopté par la commission du développement durable le 14 juin, a pour objet de limiter la portée des brevets sur les procédés essentiellement biologiques et les informations génétiques. En l’absence d’encadrement, les brevets s’étendraient à toute matière biologique contenant l’information génétique brevetée et exprimant sa fonction. Or certaines propriétés, comme la résistance à une maladie, peuvent être présentes naturellement chez certaines plantes ou certains animaux d’élevage. Si ces propriétés étaient couvertes par un brevet, ce serait la porte ouverte à la marchandisation des semences et des plants, lesquels, de fait, seraient l’objet d’un véritable pillage. Les plantes cultivées possédant naturellement ces caractéristiques tomberaient sous la protection du brevet : les agriculteurs ou les éleveurs devraient payer des royalties à son détenteur, alors qu’ils n’auraient pas utilisé sa technologie. L’article 4 ter, dans cette rédaction, permet de pallier ces dérives, comme l’a très justement expliqué la rapporteure en commission du développement durable. C’est pourquoi je le soutiendrai.
Cet amendement a en effet pour objet de supprimer l’article. Ne pas étendre la protection, par le droit des brevets, à ces matières biologiques serait particulièrement préjudiciable aux innovations dans le domaine des antibiotiques et des vaccins, dans la mesure où celles-ci mettent en oeuvre des souches de micro-organismes, alors même que le rôle majeur de ces produits dans la lutte contre les bactéries multirésistantes a été démontré.
La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement no 379 .
Ma philosophie demeure la même que lors des lectures précédentes. Il me paraît ennuyeux d’adopter ces dispositions dans leur rédaction actuelle. En effet, la notion de « procédés essentiellement biologiques » est délicate à définir. Cela pose la question des méthodes traditionnelles par reproduction et multiplication. Surtout, on aboutirait à ce que des substances, des matières, des molécules, découvertes en France, susceptibles d’avoir un impact médicamenteux, soient utilisées et exploitées à l’étranger, en Amérique latine, par exemple, ou même en Europe, dans des pays présentant des similarités avec le nôtre, comme la Suisse, la Belgique ou l’Espagne. Je ne pense pas que la rédaction actuelle apporte des avantages significatifs et suffisants pour nous prémunir contre le risque de voir partir en dehors du territoire national des exploitations économiques et, par voie de conséquence, de la valeur ajoutée, quand la recherche scientifique française aura fait des découvertes intéressantes.
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements de suppression ?
L’article 4 ter, considéré de manière générale, est important : il s’agit d’améliorer la rédaction des articles L. 611-19 et L. 613-2-3 du code de la propriété intellectuelle, au bénéfice de nos agriculteurs ou de nos petits sélectionneurs – je le précise à l’intention de tous ceux qui entendent supprimer cet article. L’amendement de suppression, envoyé par Limagrain, qui a été repris par nos collègues, est clair. Pourtant, en adoptant l’article 4 ter, nous ne compromettrons nullement la pérennité de cette entreprise. J’ajoute qu’il ne déroge pas à la directive européenne.
Par ailleurs, j’ai été choqué par ce que j’ai entendu. On nous raconte qu’il deviendra impossible de concevoir des vaccins et d’autres produits. C’est faux : en aucun cas les micro-organismes ne sont concernés puisque le code de la propriété intellectuelle ne s’applique pas aux micro-organismes.
De quoi l’article 4 ter traite-t-il en réalité ? De brevets accordés sur des plantes et des animaux d’une même espèce, qui expriment un caractère génétique déterminé, un gène caché, préexistant à l’état naturel dans les espèces considérées. Il arrive que des brevets soient déposés sur ces gènes, ces traits natifs, alors que ceux-ci existent dans la nature et que nos agriculteurs peuvent, par des moyens biologiques naturels, les faire s’exprimer. Je ne souhaite pas, pour ma part, que les agriculteurs soient empêchés de le faire ou soient obligés de payer des royalties à Limagrain ou à d’autres, car cela les empêcherait d’avancer.
Les traits natifs sont un sujet important, qu’il ne faut pas prendre à la légère. Évidemment, les grandes entreprises semencières, qui produisent du brevet à tout-va, s’en mettraient plein les poches, puisque, chaque fois que nos petits semenciers ou agriculteurs auraient l’occasion de trouver, à travers des croisements et des méthodes biologiques, un gène exprimant un caractère particulier, ils tomberaient immédiatement sous le coup du brevet accordé. Je suis en désaccord avec cette logique. L’adoption de l’article 4 ter n’empêchera pas Limagrain de continuer à exporter, à se livrer à son travail habituel.
Je vous suggère donc de repousser ces amendements de suppression.
Ces amendements visent donc à supprimer l’article 4 ter, qui a pour objet de limiter le champ de la protection du brevet. Le Gouvernement tient à interdire toute possibilité de brevetage des gènes natifs, ce qui implique également d’interdire le brevetage des matières biologiques obtenues par des procédés essentiellement biologiques. Pour ces motifs, je suis défavorable à ces amendements de suppression.
La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement no 438 .
Il s’agit d’un amendement de repli. Je maintiens en effet ma position et propose de modifier la rédaction de l’article, en supprimant des formulations trop compliquées. Il s’agirait simplement d’écrire : « La protection conférée par un brevet relatif à une matière biologique dotée, du fait de l’invention, de propriétés déterminées ne s’étend pas aux matières biologiques dotées de propriétés déterminées, obtenues indépendamment de la matière biologique brevetée et par procédé essentiellement biologique, ni aux matières biologiques obtenues à partir de ces dernières, par reproduction ou multiplication. » J’insiste sur la notion de propriété « obtenues indépendamment de la matière biologique brevetée ». C’est d’une banalité absolue. À moins que l’on ne veuille oublier l’histoire agricole de la France et supprimer la formidable agriculture française, historiquement l’une des plus belles du monde.
La formulation proposée vise à préciser le champ d’application de l’article 4 ter, en excluant ce qui est banal, faute de quoi nous nous livrerions à une forme de rétroactivité extrêmement préjudiciable au monde agricole.
Je le dis et je le répète, le sujet est complexe. Mme Le Dain essaie de faire passer l’idée que sa rédaction serait meilleure que celle de la commission. Or son amendement ne traite que des brevets sur une matière biologique dotée de propriétés, mais pas des brevets sur un produit contenant une information génétique : c’est là le coeur du problème. En procédant de la sorte, on ne changerait rien et ce serait regrettable. De surcroît, sa rédaction n’est pas satisfaisante. Que signifie le terme « indépendamment » et comment sera-t-il interprété ? Par ailleurs, la formule « reproduction ou multiplication » aurait dû être nommée « procédés essentiellement biologiques ».
Pour ces raisons, et pour ne pas rétropédaler, il me paraît important de ne pas accepter cet amendement.
Cet amendement pourrait être considéré comme un compromis,…
…ce à quoi le Gouvernement essaie toujours de parvenir pour avancer sur ces questions. Néanmoins, j’entends les remarques de Mme Gaillard, qui mettent au jour de vrais problèmes. Il s’agit d’un débat d’experts et je ne voudrais pas que nous prenions de risques sur cette question du brevetage des gènes natifs. Aussi, j’en appelle à la sagesse de votre assemblée.
Je remercie la rapporteure, qui s’oppose vigoureusement au brevetage des gènes natifs, opinion que je partage. J’apprécie également la formulation délicate de Mme la secrétaire d’État, qui montre que la question est ouverte à la discussion. Je suis donc heureuse de l’avoir posée. Je précise que l’on peut encore, en France et dans le reste du monde, créer des graines, des semences par simple multiplication classique, au moyen d’un pistil et d’une étamine.
C’est la grande tradition de la semence. Or, tel que le texte est rédigé, on ne pourra plus le faire,…
…par crainte de se heurter à l’existence d’un brevet sur un gène natif. Or, sur les semences obtenues par multiplication classique, il n’y a pas de brevet mais des certificats d’obtention végétale, des COV, ce qui n’est pas du tout la même chose – tout est très organisé, très codé. Même l’Europe, très centrée sur les brevets pendant une vingtaine d’années, en vient, depuis trois ou quatre ans, aux COV. C’est un débat essentiel. Je maintiens donc mes arguments et mon amendement.
L’article 4 ter, tel qu’il est rédigé, au terme du travail et des échanges intervenus lors de plusieurs lectures – il importe de le rappeler –, étend la protection conférée par un brevet à tout produit contenant une information génétique ou consistant en une information génétique, ainsi que celle conférée par un brevet relatif à une matière biologique dotée, du fait de l’invention, de propriétés déterminées. Cette rédaction, qui me semble aboutie, permettra de mieux encadrer le système des brevets et de protéger les éleveurs et les agriculteurs.
L’article L. 613-2-2 du code de la propriété intellectuelle dispose que « la protection conférée par un brevet à un produit contenant une information génétique ou consistant en une information génétique s’étend à toute matière dans laquelle le produit est incorporé et dans laquelle l’information génétique est contenue et exerce la fonction indiquée ». À l’évidence, ces dispositions resteront valables, même si nous en ajoutons d’autres. Il faut donc cesser de prétendre qu’on ne pourra plus rien faire avec les produits concernés. J’ai essayé de présenter simplement ce sujet effectivement complexe. On peut nous mener en bateau mais pas trop loin tout de même.
Je conteste mener quiconque en bateau, je tiens à le dire. Je suis ingénieur agronome de formation et j’ai dirigé des laboratoires publics de recherche dans ce domaine.
Je maîtrise donc ces concepts, je ne dis pas n’importe quoi. Je vous remercie !
Personne dans cet hémicycle ne se permettrait de prétendre qu’un député, quel qu’il soit, dit n’importe quoi.
Sourires.
D’ailleurs, cela ne se produit jamais…
L’amendement no 438 n’est pas adopté.
L’article 4 ter est adopté.
Article 4
L’article 4 quater vise à étendre le dispositif applicable aux ventes et cessions de semences et de plants à titre gratuit aux échanges réalisés à titre onéreux. Il concerne ainsi les échanges à destination d’utilisateurs non professionnels n’ayant pas pour finalité une exploitation commerciale de ces plants ou semences. Il répond à une attente forte : inclure les artisans semenciers dans le dispositif afin de reconnaître leur travail et leur implication dans la protection et le maintien de la diversité cultivée.
La standardisation des semences et la disparition des semences paysannes entraînent l’extinction de nombreuses espèces. La FAO – l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture – estime ainsi que, en dix ans, nous avons perdu près de 75 % des espèces cultivées. Ces pertes sont irréversibles. C’est pourquoi nous devons soutenir le travail de tous les acteurs oeuvrant concrètement au maintien et à la protection de la biodiversité cultivée, essentielle à la satisfaction de nos besoins vitaux comme l’alimentation et la santé.
La parole est à M. Jean-Louis Costes, pour soutenir l’amendement no 107 , tendant à supprimer l’article 4 quater.
Nous proposons de supprimer cet article, qui, dans la rédaction proposée, déstabilisera l’équilibre réglementaire actuel de la filière des semences.
La législation européenne porte sur les échanges à visée commerciale. Comme l’avait souligné Mme la secrétaire d’État au Sénat : « La législation en vigueur sur les échanges de semences n’opère pas de distinction claire entre les semences destinées à un usage professionnel et celles qui sont utilisées par des jardiniers amateurs. Cette absence de précision laisse planer une incertitude quant à la possibilité, pour les jardiniers, d’échanger des variétés de plantes, des légumes en particulier. En effet, celles-ci ne remplissent pas forcément le critère d’homogénéité génétique requis pour inscrire des variétés commerciales au catalogue officiel. Pour autant, […] en pratique, les services de contrôle compétents en la matière ne pénalisent pas les dons de semences ou de plants entre jardiniers voisins. Cette pratique d’échanges gratuits, pour des personnes qui ne feront pas commerce de leurs plantations ou de leurs productions, permet pourtant de préserver une biodiversité cultivée. »
L’article 4 quater prévoit d’exonérer clairement les cessions et transferts à titre gratuit réalisés entre amateurs de l’obligation d’inscription au catalogue et de certification technique des lots. L’amendement no 107 a été repoussé par la commission.
Cet amendement de suppression recueille évidemment un avis défavorable du Gouvernement. L’article 4 quater prévoit que les échanges de semences dépourvus de but commercial ne sont pas soumis à autorisation. Il répond à l’objectif essentiel de facilitation des échanges de semences paysannes, aspect crucial de la biodiversité cultivée. Les semences concernées sont essentiellement des semences potagères utilisées par des jardiniers amateurs et leur volume est très faible en comparaison à l’ensemble des semences conventionnelles utilisées par le secteur agricole. Le Gouvernement est attaché à l’identification d’une voie de compromis entre l’objectif de préservation de la biodiversité cultivée, que nous défendons dans ce projet de loi, et la prise en compte des intérêts économiques du secteur semencier, lesquels ne sont certainement pas mis à mal par l’article 4 quater.
L’amendement no 107 n’est pas adopté.
Cet amendement vise à compléter l’article en élargissant la diffusion de semences et de plants réalisée à titre onéreux afin d’intégrer dans ces échanges les artisans semenciers, dont le rôle est essentiel dans la préservation de la biodiversité cultivée. Il convient par conséquent de les intégrer dans ce dispositif au même titre que les collectifs de jardiniers et les amateurs. Il y a cinquante ans, il existait plus de 5 000 variétés de pommes différentes ; il n’en reste actuellement qu’une cinquantaine sur le marché. Dès lors, le rôle de tous les acteurs dans le maintien de la biodiversité cultivée est primordial.
Il importe de préciser que les artisans semenciers occupent un marché de niche et sont soumis aux mêmes règles sanitaires que les semenciers en matière de production de semences. Il convient également de préciser que ces échanges porteront uniquement sur des semences et des plants appartenant au domaine public, c’est-à-dire exempts de droits de propriété intellectuelle. Il ne s’agit en aucun cas d’autoriser la diffusion incontrôlée de semences protégées par des droits de propriété intellectuelle.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 448 .
Cet amendement vise à élargir le champ d’application de l’article 4 quater à la cession, à la fourniture ou au transfert à titre onéreux réalisés par une association loi de 1901.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l’amendement no 158 .
L’amendement no 159 tendait à rétablir le texte adopté à l’Assemblée nationale à propos des échanges à titre gratuit ou onéreux. L’amendement no 158 , amendement de repli, incluait l’échange à titre onéreux uniquement s’il était réalisé par une association loi de 1901 à but non lucratif. Mais l’amendement que vient de présenter Mme la rapporteure reprend ces dispositions et semble mieux rédigé que ceux dont je suis l’auteur.
La parole est à M. Philippe Plisson, pour soutenir l’amendement no 425 .
Ces amendements procèdent du même esprit, même si leur approche du sujet diffère. La non-soumission aux dispositions du présent article, limitée à la cession, à la fourniture ou au transfert de semences ou de matériels de reproduction des végétaux et espèces cultivés à titre gratuit, vide de son sens les dispositions initialement votées par l’Assemblée nationale. L’obligation de gratuité spoliera les associations dont les membres passent du temps à produire les semences. Il ne s’agit nullement de réaliser des profits mais d’assurer le financement d’associations loi de 1901, ceux qui s’y consacrant ne dégageant pas de bénéfices personnels. Je préconise donc de supprimer les mots « , réalisé à titre gratuit, ».
L’amendement no 432 , présenté par Mme Allain, étend les dispositions de l’article aux cessions à titre onéreux sans condition relative à leur réalisation par des associations loi de 1901 et restreint le champ de l’article aux variétés tombées dans le domaine public, sans mentionner par ailleurs le respect des règles sanitaires. Compte tenu des trois amendements que je vais présenter sur cet article, qui, pour l’essentiel, satisfont les préoccupations de Mme Allain et de Mme Batho, peut-être pourraient-elles retirer leurs amendements. L’amendement no 158 , présenté par Mme Batho, tend à étendre le champ de l’article aux cessions à titre onéreux réalisées par des associations loi de 1901, mais il me semble moins bien rédigé que celui que j’ai défendu, Mme Batho vient d’ailleurs de le dire. Je lui demande donc de bien vouloir le retirer, ainsi que son amendement no 159 , de même que je demande à M. Plisson de retirer son amendement no 425 , au bénéfice de mes trois amendements. Quant à l’amendement no 430 de Mme Le Dain…
La discussion commune s’arrête à l’amendement no 425 , madame la rapporteure.
Sourires.
Quel est l’avis du Gouvernement sur les cinq amendements en discussion commune ?
Le Gouvernement est attentif au débat mené dans cet hémicycle et constate qu’il est proche du vécu quotidien des associations et des jardiniers amateurs. Il est évidemment hors de question de poser des difficultés à des associations qui peuvent déjà en avoir par ailleurs.
Néanmoins, je rappelle que l’exonération de l’inscription au catalogue et des règles de traçabilité peut poser un problème de loyauté des transactions en cas de vente et donc porter un préjudice financier au consommateur.
Par ailleurs, inscrire une semence au catalogue est le seul moyen de savoir si elle appartient au domaine public, en la distinguant ainsi des nouvelles variétés susceptibles d’être inscrites par des semenciers.
Je note cependant que les amendements présentés par Mme Gaillard et Mme Batho proposent une voie de sécurisation et de compromis puisqu’ils se concentrent sur les associations, d’où un dispositif un peu mieux encadré. De ce fait, le Gouvernement, qui comptait initialement émettre un avis défavorable sur tous ces amendements en discussion commune, pourrait s’en remettre à la sagesse de l’Assemblée nationale sur celui de Mme la rapporteure.
Je retire mon amendement au profit de celui présenté par Mme la rapporteure.
L’amendement no 432 est retiré.
L’amendement no 425 est retiré.
L’amendement no 448 est adopté.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 449 .
Cet amendement vise à limiter l’exonération de l’application des règles en vigueur aux semences de variétés appartenant au domaine public, que les cessions en cause soient réalisées à titre gracieux ou onéreux.
L’amendement no 449 est adopté.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 450 .
Cet amendement vise à maintenir, pour toutes les cessions, fournitures ou transferts, l’application des règles sanitaires relatives à la sélection et à la production, définies à l’article L. 661-8 du code rural.
L’amendement no 450 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement no 430 .
J’ai une réserve à propos de ces échanges de semences sur l’ensemble du territoire national, qui me paraissent présenter un risque de dissémination vis-à-vis de nos cultures, dans la mesure où des fleurs et des plants écloront, et où la stabilité de ces graines n’est pas complètement qualifiée. Il serait pertinent de restreindre cette liberté – dont j’approuve le principe – au territoire départemental, dans le cadre d’écosystèmes à peu près homogènes et connus, afin d’éviter la complexité, tant pour la flore naturelle que pour les cultures des autres départements, et de prévenir ce que je qualifierai de risque de contamination génétique.
Le périmètre départemental n’a strictement aucune raison d’être et ne doit pas servir de base à l’exonération proposée, qui respecte les limites posées par le droit européen, c’est-à-dire les cessions à visée commerciale. La commission est donc défavorable à cet amendement.
Même avis.
Non, car je pense que les semences en question ne sont stables ni au plan génétique ni au plan biologique. Je suis tout à fait favorable à ce que de nouveaux champs s’ouvrent, je trouve même cela formidable, mais il faut être prudent. Des connaissances sur la génétique des plantes et des semences sont tout de même disponibles. Les échanges entre agriculteurs, dans un écosystème connu, permettent d’expérimenter, de vérifier, de valider et de stabiliser. Je ne pense pas qu’il faille étendre ces échanges au territoire national. N’oublions pas que ces semences peuvent être envoyées par voie postale – cela se produira –, y compris dans les départements d’outre-mer, ce qui peut favoriser l’installation d’espèces invasives et l’amoindrissement de la flore locale. Voilà pourquoi je maintiens mon amendement.
L’amendement no 430 n’est pas adopté.
L’article 4 quater, amendé, est adopté.
Nous abordons, avec cet article, les questions de gouvernance de la biodiversité. Je le répète, nous sommes déçus de voir l’Agence française pour la biodiversité, l’AFB, privée d’un organisme important, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, l’ONCFS. Ainsi, non seulement l’Agence française pour la biodiversité disposera de moyens financiers limités – ce qui nous fait craindre pour son bon fonctionnement –, mais elle risquera également d’être fort « aquatique », comme le soulignait Bertrand Pancher lors de débats précédents. Nous appelons donc de nos voeux, dans un futur si possible proche, l’intégration de l’ONCFS dans l’Agence française pour la biodiversité.
Il nous paraît contraire à la logique de l’élaboration d’un outil comme le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires – le SRADDET –, de prévoir une intervention du comité régional de la biodiversité, avant même que le conseil régional n’ait débattu sur les objectifs du schéma et, par conséquent, avant que les partenaires associés au document ne puissent contribuer utilement à son élaboration.
Par ailleurs, au regard des travaux en cours sur l’ordonnance SRADDET – prévue à l’article 13 de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « NOTRe », du 7 août 2015 –, dont le champ est précisément de traiter de l’insertion des documents sectoriels et notamment de la trame verte et bleue, la participation du comité régional de la biodiversité à l’élaboration du SRADDET est d’ores et déjà prévue. Il ne paraît donc pas utile de le consulter en amont.
En deuxième lecture, nous avions déjà supprimé ces alinéas, que le Sénat a réintroduits. Nous pensons qu’il n’est pas logique de prévoir une consultation du comité régional de la biodiversité à ce stade de l’élaboration du SRADDET. La commission est donc favorable à cet amendement.
Même avis. Je l’avais indiqué lors de la deuxième lecture au Sénat : les travaux en cours sur l’ordonnance relative au SRADDET prévoient déjà l’association du comité régional de la biodiversité, dès l’étape de diagnostic. Les alinéas que vous proposez de supprimer sont, de ce fait, inutiles.
L’amendement no 427 est adopté.
L’eau est un facteur de production essentiel en agriculture. Or, à l’avenir, le changement climatique accélérera la fréquence des événements extrêmes comme les sécheresses et aura un impact significatif sur la quantité d’eau disponible. Le stockage doit donc être facilité et regardé comme un outil d’adaptation au changement climatique.
En deuxième lecture, nous avions déjà rejeté cet amendement, qui vise à ne pas appliquer les dispositions relatives aux carrières dans les cas de création de réserves d’eau à usage agricole. Je rappelle tout de même que le schéma régional des carrières définit les conditions générales d’implantation des carrières et les orientations relatives à la logistique nécessaire à la gestion durable des granulats, des matériaux et des substances de carrières dans la région. Il fixe les objectifs à atteindre en matière de limitation et de suivi des impacts, ainsi que les orientations de remise en état et de réaménagement des sites. Il n’y a aucune raison que ces dispositions ne s’appliquent pas à la création de réserves d’eau à usage agricole. la commission est donc défavorable à cet amendement.
L’amendement no 258 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’article 7, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement no 393 , tendant à supprimer l’article 7 ter A.
La réalisation par le Gouvernement d’un rapport sur l’usage par les départements des recettes de la part départementale de la taxe d’aménagement destinée aux espaces naturels sensibles nous semble ne présenter aucune utilité ou plus-value. En effet, les dépenses éligibles à ces recettes sont strictement consignées dans le code de l’urbanisme et les départements transmettent chaque année à l’administration centrale un tableau normé indiquant leur usage. L’État dispose donc d’ores et déjà de ces données.
L’amendement no 393 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’article 7 ter A est adopté.
À ce stade du débat, je voulais simplement appeler l’attention sur l’importance de l’Agence française pour la biodiversité – elle a déjà été soulignée à de multiples reprises – et de sa gouvernance. Le directeur général de l’AFB aura affaire à des territoires et à des activités divers, de l’outre-mer – où se situe 80 % de la biodiversité – aux secteurs maritime, agricole et forestier. En deuxième lecture, il nous était par conséquent apparu important de lui donner toute légitimité vis-à-vis des ministères en charge de ces domaines et des administrations compétentes, en le faisant nommer par un arrêté conjoint des ministres en question.
Or le texte qui nous est soumis aujourd’hui est on ne peut plus laconique. Aux dispositions que nous avions prévues, peut-être un peu lourdes, a été substituée la phrase suivante, à l’alinéa 47 : « L’Agence française pour la biodiversité est dirigée par une direction générale. »
Je souhaiterais que le débat nous permette de savoir comment est désignée cette direction générale, car il convient de lui donner toute l’assise nécessaire face à une administration française parfois centralisée, qui sait parfaitement résister à l’apparition d’un nouvel être administratif.
Monsieur Caullet, je répondrai à votre question quand cette question arrivera en débat.
Auparavant, je souhaite m’exprimer sur l’article 9, qui constitue une étape très importante, puisque la création de l’Agence française pour la biodiversité, opérateur clé de notre politique nationale de biodiversité, constitue un acte majeur de cette loi. Il s’agit du fruit d’un engagement présidentiel et, aujourd’hui, nous pouvons nous réjouir d’être si proches du but.
Depuis la première lecture, que de progrès ont été accomplis ! Le dossier s’est enrichi des diverses relectures et réflexions. L’outre-mer y occupera une place de choix : les cinq bassins écosystémiques ultramarins seront représentés au sein du conseil d’administration et un comité dédié à l’outre-mer sera institué. Le texte prévoit aussi un comité d’orientation consacré aux milieux marins et littoraux, et un troisième dédié aux milieux d’eau douce.
Le Gouvernement met tout en oeuvre pour que l’agence soit opérationnelle dès le 1er janvier prochain. Ainsi, ce projet de création sera complètement mené à son terme avant l’élection présidentielle, conformément aux engagements pris par le Président de la République.
Un projet de décret est déjà très avancé, sur la base du projet de loi.
Nous entamons un travail inédit avec les services de l’État et les représentants des régions, que je réunirai le 5 juillet, pour permettre à chaque territoire de se doter d’une agence régionale de la biodiversité, selon le rythme et les enjeux propres à chaque région.
L’équipe d’installation de l’AFB lancera prochainement le processus de prépositionnement, c’est-à-dire l’affectation de tous les agents dans la nouvelle organisation, en tenant compte de leurs aspirations et en prenant l’engagement de ne pas procéder à des mobilités forcées.
Un quasi-statut a été proposé aux personnels contractuels. Il a été validé par le Premier ministre et présenté au comité technique ministériel. Il sera adressé au Conseil d’État cet été. La création de l’agence s’accompagnera donc d’une réelle avancée sur les questions sociales.
Mais une des clés de ce projet d’Agence française pour la biodiversité est la motivation et la mobilisation des agents. Je suis allée les rencontrer sur le terrain, j’ai participé à des missions de contrôle et j’ai pu constater leur compétence, leur technicité, leur attachement à leurs missions.
Sur le terrain, une dynamique s’esquisse entre les équipes de l’ONEMA – l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques – et de l’ONCFS. Une opportunité se présente : sachons la valoriser intelligemment, en respectant les personnes et leurs métiers. Dans les deux organismes, les connaissances des agents sont étendues, pointues ; leur spécialisation doit donc être prise en compte. Les domaines techniques sont si diversifiés qu’on ne peut substituer du jour au lendemain un agent de l’ONCFS à un agent de l’ONEMA, et réciproquement. L’issue n’est ni dans la banalisation des compétences ni dans le mécano administratif, mais dans la mise en place de méthodes de travail partagées, où les différentes spécialités se conjugueront intelligemment.
C’est le sens des dispositions que Ségolène Royal et moi-même venons de prendre, en nous appuyant sur le texte du projet de loi tel qu’il vous est proposé, ainsi que sur les nombreux travaux du Conseil général de l’environnement et du développement durable. Nous avons retenu en particulier les recommandations du rapport sur la mutualisation des services de terrain de l’Agence française pour la biodiversité et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, qui vient d’être publié. Il s’agit de mettre en oeuvre des unités de travail communes, associant les équipes de l’AFB et de l’ONCFS, au plus près du terrain, sous l’autorité d’un responsable unique. Cette mutualisation est pleine de sens car elle valorise et respecte les compétences de chacun, tout en mutualisant les efforts.
Vous le savez, et peut-être aurai-je l’occasion d’y revenir, dans le domaine de l’environnement, les agents réalisent en même temps des missions de contrôle – donc de police – et de collecte d’informations, indispensables à la connaissance des milieux. Le caractère indissociable de ces deux missions a déjà été reconnu et même mis en avant par le rapport sur la police de l’environnement réalisé en 2013-2014 par le Conseil général de l’environnement et du développement durable.
Les compétences sont tellement pointues et rares, je le répète, qu’il faut les réunir et non les diviser. La création des unités de travail communes se fera tout d’abord au niveau départemental car c’est là que se conduisent les opérations de police administrative et judiciaire, ainsi que les missions de connaissance et d’observation. Il y aura donc un chef de service départemental unique.
Au niveau régional, nous mettrons en place un mécanisme de coordination, respectant l’autonomie administrative des établissements. Ségolène Royal et moi-même avons demandé aux directeurs généraux de l’ONEMA et de l’ONCFS, ainsi qu’au directeur d’installation de l’AFB, de mettre en oeuvre ces dispositions dans les plus brefs délais, en associant les conseils d’administration, de sorte que ces unités soient opérationnelles au plus vite en 2017.
C’est donc une réforme organisationnelle nouvelle qui s’amorce. Aujourd’hui, mesdames et messieurs les députés, il est important de stimuler et d’accompagner. Attention à ne pas casser des dynamiques positives et prometteuses, qui fonctionnent ! Je termine donc en appelant la représentation nationale à la responsabilité sociale.
Voilà les points sur lesquels je souhaitais appeler votre attention avant l’examen de l’article 9 du projet de loi.
Cet amendement tend à rétablir la version du Sénat, qui tend justement à renforcer les missions de l’agence, en lui conférant la tâche d’évaluer les dommages agricoles causés par les espèces protégées.
Afin de tirer les conséquences de deux décisions rendues par le Conseil d’État, le 30 juillet 2003 et le 1erfévrier 2012, cet amendement tend à confier une mission supplémentaire à l’Agence française pour la biodiversité : l’évaluation des dommages agricoles et forestiers causés par les espèces protégées, ainsi que la mise en place de dispositifs destinés à limiter ces dommages sur les activités agricoles et forestières.
La parole est à M. Yannick Favennec, pour soutenir l’amendement no 304 .
Cet amendement tend à réintégrer, parmi les missions de l’AFB, l’évaluation des dommages agricoles et forestiers causés par les espèces animales protégées. Lors de l’examen du texte en première lecture, notre collègue Thierry Benoit avait déposé un amendement en ce sens, proposant même que l’AFB contribue directement à l’indemnisation financière des dommages agricoles et forestiers.
Aujourd’hui, l’État met assez longtemps à prendre les mesures réglementaires dérogatoires permettant aux exploitants de se prémunir contre les dommages causés par ces animaux. La prolifération de ces espèces est donc un enjeu important, qu’il faut prendre en compte dès maintenant, et l’AFB a certainement un rôle à jouer en la matière.
Cet amendement est également l’occasion de vous demander, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, s’il est opportun de confier par la suite à l’AFB le soin d’indemniser les exploitants touchés par ce type de dégâts.
En outre, il serait certainement utile d’associer l’Office national de la chasse et de la faune sauvage à cette mission. Si l’AFB semble être un acteur pertinent pour accomplir cette nouvelle activité, nous pensons qu’elle devrait l’effectuer avec l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, actuellement compétent en la matière. Il n’est pas utile de mettre en concurrence l’AFB et l’ONCFS, sur un sujet aussi important et encore mal maîtrisé. L’ONCFS dispose d’une expertise intéressante, qui représente un appui nécessaire pour l’AFB. La non-intégration de l’ONCFS dans l’AFB ne signifie pas que ces deux organismes ne puissent pas travailler ensemble, en bonne intelligence.
La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour soutenir l’amendement no 381 .
Cet amendement tend à donner pour mission à l’AFB l’évaluation des dommages agricoles et forestiers causés par des espèces protégées et la mise en place de dispositifs pour limiter ces dommages sur les activités agricoles et forestières. Bien évidemment, nous ne sommes pas opposés à une certaine mutualisation entre l’agence et l’ONCFS, mais nous trouvons quelque peu choquant le rapport rendu hier par le Conseil général de l’environnement et du développement durable à propos de cette mutualisation : outre que les auditions ont été rares, le rapport, qui se résume à un dénigrement du travail de l’ONCFS, nous semble superfétatoire. Dès lors, il nous semble utile de retravailler avec l’ensemble des organisations afin d’aboutir à la mutualisation voulue par les uns et par les autres.
Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements identiques ?
Cette disposition, qui avait été intégrée par le Sénat, a été repoussée en commission car elle vise à faire peser sur l’Agence française pour la biodiversité la charge de l’évaluation des dommages agricoles et forestiers causés par les espèces protégées. Il n’y aucune raison d’y répondre favorablement car cette compétence relève de l’ONCFS, qui, à ce jour, n’a pas intégré l’AFB. Rappelons au passage que nous parlons de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage et non pas d’un office national de la chasse et du gibier.
Sourires.
La faune sauvage comprend toute la faune protégée et ne se réduit pas aux espèces chassables.
La commission ne voit donc aucune raison de donner satisfaction à ces amendements et émet un avis défavorable.
Le Gouvernement rappelle avec constance que cette mission est déjà assurée par l’ONCFS et qu’il ne voit pas l’intérêt de la confier en plus à l’AFB, qui aura déjà beaucoup de travail. Si cela intervient dans le cadre d’unités communes, nous verrons, mais, pour le moment, laissons cette mission à l’ONCFS. Avis défavorable.
J’ai du mal à comprendre cette réponse car certaines espèces protégées, non chassables par essence, prolifèrent beaucoup dans nos régions au moment des migrations. J’ai ainsi interpellé Mme la ministre, il y a quelque temps, à propos des dégâts provoqués par les oies bernaches survolant nos régions, mais je n’ai pas reçu de réponse : on n’a pas le droit de toucher à ces oiseaux, qui passent au moment où le maïs commence à pousser, massacrent des cultures entières, ruinent certains agriculteurs, mais nul ne se préoccupe d’évaluer les dommages ni d’indemniser les agriculteurs.
C’était là une main tendue vers les chasseurs, madame la secrétaire d’État.
Vous créez une petite agence des milieux aquatiques – et encore, pas très profonde, car dès qu’on parle de la pêche en eau profonde, il faut remonter le filet –, dont acte, mais vous faite très fort car vous trouvez le moyen de vous mettre à dos les acteurs de la biodiversité que sont les agriculteurs et les chasseurs, comme rarement un Gouvernement a pu le faire avec un projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
J’ai relu les déclarations et je suis sidéré de constater à quel point vous n’hésitez pas à attaquer frontalement. Plutôt que de travailler en amont à la recherche d’une solution avec l’ensemble des acteurs, vous vous les mettez à dos comme ce n’est pas permis.
Et lorsque l’on vous soumet un amendement sympathique, qui ne mange pas de pain, consistant à tenir compte des dégâts que peuvent réaliser des espèces protégées, vous le balayez d’un revers de la main. C’est assez triste.
Je suis étonné des propos de M. Pancher, qui nous avait habitués à des arguments plus écologiques. Un certain nombre d’entre nous siégeaient déjà dans cette maison au moment du vote de la loi relative à la chasse, dite « loi Voynet », et j’ai l’impression de voir resurgir de vieux démons, inspirés par le lobby des chasseurs, tendant à faire croire à la représentation nationale que les chasseurs se préoccuperaient de bien d’autres choses que le gibier. Non, protéger la faune sauvage n’entre pas dans le rôle des chasseurs. Les fédérations de chasse sont chargées de l’équilibre cynégétique, ce qui n’est pas exactement la même chose que le maintien de la biodiversité ou la protection des espèces protégées. Je suis parfaitement d’accord avec la rapporteure : nous devons laisser l’ONCFS à sa place.
La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour soutenir l’amendement no 197 .
Cet amendement prévoit que les ressources perçues pour la gestion de l’eau soient affectées effectivement à l’eau, selon le principe « l’eau paie l’eau ». Le budget de l’eau doit être identifié pour ne pas pénaliser les agences de l’eau.
L’amendement no 197 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’amendement no 245 de Mme Geneviève Gaillard, rapporteure, est rédactionnel.
L’amendement no 245 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Je propose de regrouper au sein de l’ONCFS l’ensemble des missions et des moyens dédiés aux polices judiciaires de l’eau et de la nature. Cet établissement est à l’origine de plus de la moitié des procédures judiciaires en la matière. Les missions de police administrative seraient exclusivement concentrées sur l’AFB.
Cet amendement a pour objet de modifier la rédaction des alinéas 28 et 29 de l’article 9, afin de satisfaire aux objectifs des deux chantiers que sont ce présent texte et la réforme de la police de l’environnement.
La parole est à M. Jean-Louis Costes, pour soutenir l’amendement no 139 .
Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements identiques ?
La commission a émis un avis défavorable. J’ai expliqué hier pourquoi il me semblait dangereux de démanteler les actions de police de l’AFB. Ces amendements visent à restreindre les missions de police de l’AFB à la police administrative de l’eau, des milieux aquatiques, de la pêche et de la biodiversité, la police judiciaire se voyant alors regroupée au sein de l’ONCFS. Au passage, il me semble que ces amendements se heurtent à l’irrecevabilité financière.
Mme la secrétaire d’État l’a souligné, l’ONCFS dispose de 900 agents, très compétents, alors que l’ONEMA en déploie 600 sur le terrain, tout aussi compétents. La comparaison des données statistiques montre qu’il n’y a pas de raison objective de regrouper la police judiciaire au sein de l’ONCFS ni de maintenir la seule police administrative de l’eau au sein de l’AFB. Ce serait vraiment porter un coup très dur à l’agence.
Les agents de l’ONCFS s’occupent à 70 % des missions de police, contre 50 % pour ceux de l’ONEMA.
Par ailleurs, il ne faut pas tenir compte des seules contraventions, dont traitent majoritairement les agents de l’ONCFS. Il est beaucoup plus intéressant de comparer les délits : les agents de l’ONCFS en constatent 3 900 par an contre 2 200 pour les agents de l’ONEMA, sachant que l’ONCFS compte 1 100 agents et l’ONEMA en emploie 600. Les inspecteurs de l’ONEMA étant environ deux fois moins nombreux que ceux de l’ONCFS, le ratio des délits constatés par agent est identique. Le travail me paraît donc convenable.
De surcroît, dans le rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable de février 2015 sur la police de l’environnement, il est observé que, selon le directeur général de l’ONCFS, les inspecteurs de l’environnement affectés à l’ONCFS et à l’AFB disposeraient d’un même statut et d’une formation de base identique, et qu’ils pourraient passer d’un établissement à l’autre sans difficulté. Il ne serait donc pas logique de regrouper toute la police à l’ONCFS ni de séparer les polices, l’administrative au sein de l’AFB et la judiciaire à l’ONCFS.
Il sera possible, dans le futur, de mener des actions de coordination. Il en existe déjà dans les territoires d’outre-mer et cela fonctionne bien. Pour ma part, je crois à l’avenir. Progressivement, nous parviendrons à trouver un équilibre permettant à ces deux polices de travailler encore mieux ensemble.
Il existe tout de même aujourd’hui, je le rappelle, madame la secrétaire d’État, vingt-cinq polices de l’environnement. Ce sujet donne lieu à des études et à des rapports. Peut-être y aura-t-il encore des chamboulements dans les années qui viennent, mais aujourd’hui, je pense qu’il serait dramatique pour l’AFB de lui enlever cette mission de police. L’avis de la commission est donc défavorable.
Permettez-moi de prendre quelques instants, madame la présidente, car le sujet est important. Il y va du principe même de la création de l’AFB, mais aussi de son installation effective au 1er janvier 2017. Or l’adoption de ces amendements aurait des conséquences non négligeables et pourrait poser de gros problèmes.
Techniquement et financièrement, tout d’abord, ces amendements conduisent à une impasse. Les agents de terrain réalisent en même temps des missions de police administrative et de police judiciaire. Ils sont commissionnés pour les deux à la fois. En effet, la plupart des usages contrôlés par la police de l’environnement font l’objet de prescriptions administratives et d’obligations relevant du code pénal. Et c’est la plupart du temps lors d’un contrôle administratif qu’une infraction de nature judiciaire est constatée par le même agent.
Pour éclairer votre assemblée, je prendrai plusieurs exemples.
Prenons d’abord un agent qui se rend sur le terrain, dans le cadre du plan de contrôle établi par le département sous l’autorité du procureur de la République et du préfet, afin de contrôler une installation sur un cours d’eau, par exemple un barrage. Le barrage étant soumis à une autorisation administrative, l’agent va contrôler que les prescriptions du préfet sont respectées. Il est alors en posture de contrôle administratif. Si, lors de ce contrôle, il constate une pollution sur le cours d’eau, il prendra alors une posture de police judiciaire pour constater l’infraction et rechercher la cause de la pollution avant la disparition des preuves. L’immédiateté nécessite que ce soient les mêmes agents qui effectuent des missions de police administrative et des missions de police judiciaire. Si, comme vous le suggérez, on dissocie ces deux missions, il faudra deux fois plus de déplacements pour réaliser ces contrôles, et le temps que les agents de police judiciaire arrivent sur place, les preuves pourront avoir disparu. D’autant que si les agents de l’ONCFS, qui sont extrêmement compétents, peuvent contrôler les permis de pêche, ils n’ont pas les compétences techniques – tout simplement parce qu’ils n’y ont pas été formés – nécessaires au contrôle de la qualité des milieux aquatiques et au contrôle des pollutions.
Ces amendements ne vont donc pas dans le sens de l’efficacité, tout simplement, ni dans celui de l’optimisation des moyens publics, financiers et humains, ni dans celui de la reconquête de la biodiversité.
Mon deuxième exemple concerne la police en matière d’environnement marin. Les agents de l’ONEMA y participent, mais aussi ceux de l’Agence des aires marines protégées, notamment. Dans un parc marin, certaines activités sont soumises à autorisation. Les agents du parc peuvent les contrôler au titre de la police administrative. En parallèle, d’autres activités ne font pas l’objet d’une autorisation préalable explicite au titre de la réglementation du parc, mais sont interdites par le droit général de l’environnement et relèvent de la police judiciaire. Ce peut être le cas pour des actes de pollution. Il faut alors, comme dans l’exemple précédent, pouvoir constater l’infraction lors d’un contrôle. Il serait paradoxal que les agents des parcs naturels marins ne puissent plus effectuer des contrôles de ce type et que les parcs naturels marins ne soient plus correctement protégés : personne, en effet, ne fera ces contrôles à leur place !
Voulez-vous vraiment, mesdames et messieurs les députés, que l’ONCFS assure à partir du 1er janvier prochain la surveillance des parcs marins et exerce un contrôle judiciaire en mer ? Avec quelles compétences le ferait-il ? Nous n’aurons de toute façon pas le temps. Faudra-t-il qu’il prenne sur les compétences de l’Agence des aires marines protégées ? Mais l’AFB en aura besoin, ne serait-ce que pour assurer les nombreuses autres missions de police administrative, de connaissance et de pédagogie qui lui incombent. On ne peut couper les agents en deux ! Et on ne peut pas non plus recruter à l’ONCFS des spécialistes du milieu marin, qui est très particulier, et donc accroître inconsidérément ses effectifs à l’heure où l’on cherche au contraire à maîtrise la masse salariale et les dépenses publiques.
Si l’on se conformait à ces amendements, l’AFB constituerait un recul par rapport à l’existant, car la surveillance pénale des parcs marins ne serait plus du tout assurée. Je ne vais pas multiplier les exemples, mais on voit bien que ces amendements posent de nombreux problèmes techniques.
Pour conclure, j’appelle à nouveau votre attention sur l’effet social que produirait leur adoption. Plus de 600 agents exercent des missions de police au sein des établissements qui intégreront l’Agence française pour la biodiversité. Ils s’apprêtent à occuper un poste au sein de l’AFB dès janvier prochain. Or que nous disent les agents de l’ONEMA, de l’ONCFS ou de l’Agence des aires marines protégées ? Pour les avoir rencontrés de nombreuse fois sur le terrain depuis mon entrée en fonction, je tiens tout d’abord à vous dire que tous les agents de l’ONCFS m’ont dit regretter de ne pas intégrer l’AFB.
Pas un seul ne m’a dit le contraire. Et ces agents se sentent dans une situation très délicate, puisque ce travail de mutualisation qu’ils font dans certains territoires, ils souhaitent le poursuivre. Ils veulent travailler la main dans la main avec l’ONEMA et l’Agence des aires marines protégées. C’est bien parce qu’ils le demandent que nous avons proposé ce système de mutualisation. Aucun agent de l’ONCFS ne m’a demandé de récupérer les compétences des agents de l’ONEMA. Tous, en revanche, ont demandé que l’on mette en place très rapidement la mutualisation et les unités dont je vous ai parlé tout à l’heure.
Bref, ne mettons pas en difficulté sociale une agence qui est en train de se bâtir dans un dialogue constructif avec les représentants des personnels. Ce dialogue permet de lever leurs craintes face à l’organisation somme toute complexe qui est en train de se mettre en place.
Voilà pourquoi je donne un avis très défavorable à ces amendements.
La parole est à M. Philippe Plisson, pour soutenir l’amendement no 441 .
Pardonnez-moi de revenir sur cette discussion, mais je ne suis pas convaincu à ce stade par les arguments que j’ai entendus. D’ailleurs, je souhaite un scrutin public sur mon amendement.
Un scrutin public ne peut être décidé ainsi, mon cher collègue. Votre groupe a-t-il signé une délégation ?
Rires et exclamations.
Je suis navrée, mais si le droit de demander un scrutin public vous avait été délégué par le président de votre groupe, votre nom figurerait sur ce que nous appelons la « fiche de délégation ».
J’ai bien entendu Mme la secrétaire d’État, et nous partageons l’objectif de mettre en synergie la police de l’eau et la police de terrain pour créer une police unique de l’environnement. Ce qui nous sépare pour l’instant, c’est le timing : elle souhaite une association, je souhaite une fusion, qui serait plus efficace, plus opérationnelle, plus rapide. Car pendant que les discussions s’éternisent, les braconniers agissent !
Étant président d’un parc marin, celui de l’estuaire de la Gironde et des pertuis charentais, je suis à même de mesurer les moyens mis en place et leur efficacité. Il ne s’agit nullement de critiquer le travail de l’ONEMA : ses agents sont compétents, dévoués et présents. À ceci près que sur le territoire dont je vous parle, on compte dix-sept agents de l’ONCFS et quatre de l’ONEMA. Cet effectif insuffisant les met évidemment en difficulté sur le terrain. L’État a-t-il les moyens d’augmenter les effectifs de l’ONEMA ? Ce serait intéressant, mais je crains que ce ne soit pas le cas. Je n’ignore pas les difficultés financières et j’ai pu voir combien il est difficile de renforcer les effectifs.
Dans la logique que nous proposons, donc, il ne s’agit en aucun cas d’enlever leurs compétences aux agents de l’ONEMA, mais de les mettre en cohérence avec ceux de l’ONCFS. Le syndicat UNSA-Écologie, que j’ai rencontré, est très favorable à la fusion des moyens. Les tâches seraient partagées. La police administrative resterait à l’Agence tandis que la police judiciaire serait assurée par l’ONCFS, avec le renfort des agents de l’ONEMA qui souhaiteraient continuer à y travailler.
Les agents de l’ONEMA auraient un droit d’option et choisiraient leur statut. On mettrait ainsi en cohérence une police unique allant dans le sens de la synergie, synonyme d’efficacité, et l’on disposerait d’une vraie police de l’environnement dans toutes ses dimensions.
La problématique est la même que pour les amendements précédents, mais on utilise ici des biais un peu détournés et des éléments de langage différents. Nous sommes évidemment opposés à cet amendement, et la commission a émis un avis défavorable.
Sur l’amendement no 441 , je suis saisie par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement ?
La situation que connaît M. Plisson sur son territoire est spécifique. Il en existe d’autres, dont certaines sont exactement inverses, dans notre pays. La question des moyens est cependant importante et je travaille avec Ségolène Royal à ce que l’AFB dispose de moyens supplémentaires, notamment, je voulais le signaler à Philippe Plisson, dans les aires marines protégées.
Pour le reste, je ne reprendrai pas mes arguments qui sont les mêmes que pour les amendements précédents. Je vous invite à prendre conscience que l’adoption de cet amendement ne permettra pas à l’AFB de s’installer avant les prochaines élections présidentielles (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains), ce qui reportera la responsabilité de sa création sur une prochaine majorité, quelle qu’elle soit.
Je soutiens la position du Gouvernement et de notre rapporteure. Les interventions que nous avons entendues et celles qui vont venir ne font que décliner l’influence que le groupe de pression des chasseurs exerce sur certains de nos collègues.
Protestations sur de nombreux bancs.
Dois-je rappeler que c’est dans cet hémicycle qu’il a été décidé que l’Office national de la chasse deviendrait « Office national de la chasse et de la faune sauvage » ? Il est tout de même assez incroyable d’avoir attribué ce titre à des associations de chasseurs ! Je n’ai rien contre les chasseurs (Exclamations sur de nombreux bancs),…
…mais je pense que l’on ne peut pas tenir des positions inconciliables : d’un côté, prétendre favoriser l’équilibre cynégétique, préserver la faune sauvage, créer une agence de la biodiversité, et, de l’autre, présenter des amendements qui n’ont d’autre but que d’affaiblir le pouvoir et l’efficacité de cette agence.
Dois-je rappeler ici ce que nous avons appris et qui nous a été confirmé durant ces derniers mois par des agences internationales indépendantes, à savoir la sixième extinction qui est à l’oeuvre et la destruction systématique de la biodiversité ? La question est de savoir si l’on se contente d’une « loi-vitrine » qui ne servira à rien ou si l’on dote les principes que l’on veut introduire dans le droit public et dans le droit commun des outils nécessaires pour préserver la biodiversité.
Je suis désolé, ce n’est pas à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage qu’il revient d’assurer cette police, mais à l’Agence française pour la biodiversité. Ne la dépouillons pas et ne redonnons pas aux chasseurs ce qu’ils veulent reprendre. Ils ne peuvent être juge et partie !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Concernant cet amendement, nous pouvons nous ranger aux arguments donnés par le Gouvernement sur le rôle de l’Agence française pour la biodiversité et sur la façon dont nous voulons la mettre en place sans pour autant faire preuve de quelque provocation que ce soit à l’égard des chasseurs ou des avis formulés dans cet hémicycle.
J’invite bien entendu mes collègues à le repousser, mais sans provocation, sans effet de tribune visant à opposer les uns aux autres.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Je ne fais pas partie de ceux que choque la dénomination d’« Office national de la chasse et de la faune sauvage ». La vision souvent caricaturale opposant chasse et biodiversité n’est pas la mienne.
Par ailleurs, l’instauration d’une police de l’environnement unique est un bon objectif. Mais ce débat arrive très tard : les arbitrages concernant l’Agence française pour la biodiversité ont été rendus en 2013 ! Nous ne pouvons pas, au détour d’amendements, refaire sans cesse le débat sur la façon dont les choses ont été structurées et sur l’organisation prônée par certains établissements publics, notamment l’ONCFS.
Ma dernière remarque sera pour souligner ce qu’a dit Mme la secrétaire d’État : quand bien même l’objectif, à terme, serait la création d’une police de l’environnement unique, on ne peut pas séparer les missions de police administrative et les missions de police judiciaire ! C’est pour cette raison fondamentale que je ne voterai pas en faveur de cet amendement.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 64 Nombre de suffrages exprimés: 62 Majorité absolue: 32 Pour l’adoption: 18 contre: 44 (L’amendement no 441 n’est pas adopté.)
La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à dix-neuf heures cinq.
La séance est reprise.
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l’amendement no 120 .
Le patrimoine naturel des collectivités françaises d’outre-mer est exceptionnel, cela a été dit et répété, tant par sa diversité que par son haut niveau d’endémisme. La biodiversité de l’outre-mer représente, cela aussi a été dit et répété, plus de 80 % de la biodiversité française. À titre d’exemple, il y a en outre-mer cent fois plus d’espèces de poissons qu’en France hexagonale.
Aussi cet amendement a-t-il pour but d’assurer, au sein du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité, une représentation équitable des outre-mer, au regard de la contribution de ces territoires au patrimoine naturel de la France.
Je précise qu’en présentant cet amendement je ne suis soutenu par aucun lobby, ni d’agriculteurs ni de chasseurs, sinon par le lobby de tous ceux, et ils sont nombreux, qui sont nés et qui vivent au sein de cette biodiversité et en sont les meilleurs spécialistes.
Cet amendement vise à modifier la représentation des bassins écosystémiques ultramarins au sein du conseil d’administration de l’Agence. Pourtant la rédaction issue du travail de la commission prévoit que les représentants, au nombre de cinq, peuvent être membres de l’un ou l’autre des collèges, ce qui offre une marge de manoeuvre extrêmement importante.
Les modifications qui sont proposées ici visent à prévoir un représentant ultramarin dans le premier collège, un dans le deuxième, qui doit être un gestionnaire d’espace naturel, un dans le troisième et au moins un dans le quatrième. Les ultramarins pourraient donc se retrouver au nombre de quatre et non plus de cinq. Je ne comprends pas pourquoi nos collègues présentent cet amendement alors même que le texte que nous avons élaboré en commission est beaucoup plus intéressant, les cinq représentants des bassins écosystémiques étant représentés. Nous émettons donc un avis défavorable.
Je m’exprimerai sur l’amendement no 120 ainsi que sur les suivants, nos 121, 122, 123 et 124. Ces amendements coordonnés visent à répartir les représentants de l’outre-mer de manière à ce qu’il y ait au moins un représentant parmi les personnalités qualifiées membres du premier collège et au sein de chacun des autres collèges.
Le Gouvernement, nous en avons discuté à de nombreuses reprises, est très attaché à la représentation ultramarine pour ce qu’elle représente au sein du conseil et au regard des enjeux de la biodiversité. Mais, monsieur le député, j’en appelle à votre pragmatisme. L’évolution que vous proposez, couplée à l’exigence d’assurer la représentation de cinq bassins ultramarins et à celle, légitime, de parité entre les hommes et les femmes, conduirait à transformer l’exercice de composition du conseil d’administration de l’Agence en un véritable casse-tête. La rédaction actuelle, désormais stabilisée, offre plus de souplesse et me semble sage. C’est pourquoi je vous demande de retirer cette série d’amendements.
En effet, je ne suis pas convaincu par l’argument de Mme la rapporteure. Lorsqu’on parle de « au moins » un représentant, vous traduisez un et un seul. Pourquoi ? On voit bien que tout est fait pour maintenir les représentants des outre-mer dans une position subalterne et marginale. Vous voulez protégez la biodiversité sans nous, comme si nous n’avions pas de potentiel, comme si nous n’avions pas la capacité de contribuer, avec vous, à la protection de la biodiversité !
Hier j’ai beaucoup entendu parler de mise sous cloche. Eh bien, c’est l’intelligence des outre-mer que vous mettez sous cloche !
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
L’amendement no 120 n’est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l’amendement no 121 .
Nous pouvons légitimement exiger d’être entendus et nous revendiquons une place prépondérante dans les décisions, notamment celles qui ont trait à l’accès aux ressources et au partage des avantages tirés de la biodiversité. Par notre présence au sein des agences et délégations dédiées à la préservation de la biodiversité, nous prétendons sécuriser, aujourd’hui et surtout demain, les activités de ceux qui, dans nos territoires, vivent quotidiennement de l’exploitation traditionnelle, raisonnée et respectueuse de la biodiversité.
C’est pourquoi notre inscription pleine et entière au coeur de ces instances est légitime, si nous voulons mieux protéger la biodiversité, selon des schémas cohérents avec nos intérêts territoriaux.
Cet amendement est quasiment identique au précédent. Je voudrais souligner que nous avons toujours veillé à ce que l’outre-mer et les ultramarins aient leur place dans ce projet de loi. Nous avons organisé plusieurs conférences et réunions et avons travaillé avec tous les collègues qui le souhaitaient pour trouver un équilibre dans ce texte et ne pas léser les ultramarins, d’abord parce qu’il n’y a pas de raison de les léser, et ensuite parce que la biodiversité ultramarine représente 80 % de notre biodiversité.
Lorsque j’entends des propos comme ceux que vous venez de tenir, je suis donc abasourdie… Nous avons beaucoup amélioré la loi par rapport à ce qu’elle était au départ, précisément en raison de la place que nous voulions donner aux ultramarins. Je trouve dommage et navrant que vous ressentiez ce sentiment, d’autant plus, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, que si cet amendement était voté, vous risqueriez de n’avoir que quatre représentants au lieu des cinq prévus dans le texte que nous proposons. Avis défavorable.
Même avis.
L’amendement no 121 est adopté.
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l’amendement no 122 .
Je remercie tous ceux d’entre vous qui ont eu le courage de voter en faveur de l’amendement précédent.
Celui-ci est dans la même lignée.
En faisant preuve de cécité et de surdité, le Gouvernement n’arrange pas les choses et finalement donne raison au philosophe franco-roumain Emil Cioran : « En permettant l’homme, la nature a commis bien plus qu’une erreur de calcul : un attentat contre elle-même ».
Même avis.
L’amendement no 122 est adopté.
Je suis saisie d’un amendement rédactionnel, no 246, de Mme la rapporteure Geneviève Gaillard.
L’amendement no 246 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l’amendement no 123 .
Même avis.
L’amendement no 123 est adopté.
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l’amendement no 124 .
L’amendement no 124 , repoussé par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Il traite du financement de l’AFB. Les articles L. 131-12 et L. 131-13 du code de l’environnement précisent les ressources que peut percevoir de l’Agence : subventions, legs, produits de la vente… Cependant, cette énumération ne comporte aucune ressource affectée pérenne, alors qu’une telle ressource est prévue à l’article 40 du projet de loi. Il importe d’assurer la cohérence du texte.
Plus généralement, l’Agence ne peut fonctionner avec un budget résultant de la seule consolidation des moyens des structures intégrées, compte tenu de toutes les nouvelles missions que lui confie le projet de loi. Elle doit pouvoir bénéficier de ressources affectées afin d’assurer son fonctionnement quotidien et le déploiement de ses actions. C’est le cas d’autres établissements publics comme l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, ou le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres.
La réussite du projet de loi à moyen terme, compte tenu de notre ambition à tous, dépend en partie de celle de la création de cette Agence, conditionnée par l’affectation de ressources significatives lui garantissant une certaine autonomie d’action.
Le texte est déjà suffisamment large, puisque l’AFB peut percevoir toutes les recettes autorisées par la loi. Nous avons voté conforme l’article L. 131-12. Il n’est donc pas utile d’adopter cet amendement.
La précision qu’apporterait l’amendement est superflue dès lors que cette partie de l’article, dont la rédaction n’a pas été modifiée par le Sénat, prévoit déjà que l’Agence peut bénéficier de toutes les recettes autorisées par les lois et règlements. Elle recevra ainsi la fraction de la redevance pour pollution diffuse actuellement affectée à l’ONEMA au titre du plan Écophyto. Je vous suggère donc, monsieur Krabal, de retirer votre amendement.
L’amendement no 215 est retiré.
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l’amendement no 125 .
L’amendement no 125 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’article 9, amendé, est adopté.
L’article 12 est adopté.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, pour soutenir l’amendement no 252 .
L’amendement no 252 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 14, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, pour soutenir l’amendement no 253 .
L’amendement no 253 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 15, amendé, est adopté.
Article 15
Cet amendement tend à maintenir le principe historique « l’eau douce paie l’eau douce , en application du principe pollueur-payeur. En effet, dès lors que l’article inscrit le principe de l’extension du champ d’intervention des agences de l’eau au milieu marin et à la biodiversité terrestre ou marine, les aides financières octroyées par les agences de l’eau pourraient porter sur des actions et travaux relevant du milieu marin et de la biodiversité terrestre ou marine, ce qui conduirait à réduire les aides financières dévolues à l’eau douce. Mon collègue Guillaume Chevrollier complétera ce propos.
La parole est donc à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement no 196 .
Je rappelle en effet que le budget des agences de l’eau a été prélevé, au profit du budget de l’État, de 175 millions d’euros par an, ce qui va réduire de manière significative leurs capacités d’aide. Il convient de maintenir une cohérence dans l’affectation de leurs ressources.
Avis défavorable. La commission a rejeté ces amendements visant à supprimer la nouvelle contribution facultative des agences de l’eau à la connaissance, à la protection et à la préservation de la biodiversité aquatique et marine ainsi que du milieu marin.
Même avis.
La parole est à M. Yannick Favennec, pour soutenir l’amendement no 307 .
L’article 15 bis introduit par le Gouvernement étend le périmètre d’intervention des agences de l’eau, qui mettront en oeuvre les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux – SDAGE – et les schémas d’aménagement et de gestion de l’eau – SAGE – en favorisant une gestion qui se veut durable et équilibrée de la ressource en eau.
Les agences de l’eau contribueront également à la connaissance, à la protection et à la préservation de la biodiversité terrestre et marine, ainsi que du milieu marin. Cette nouvelle compétence, qui n’est pas nécessaire, multiplie les missions des agences de l’eau, déjà paralysées financièrement. La biodiversité terrestre devrait plutôt être confiée aux futures agences régionales de la biodiversité.
Nous proposons donc de limiter la mission des agences de l’eau à la préservation de la biodiversité aquatique et marine.
L’amendement no 307 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’article 15 bis est adopté.
La réforme engagée par l’arrêté du 27 mars 2014 relatif à la représentation des collectivités territoriales et des usagers aux comités de bassin, qui résulte de la concertation entre le ministre en charge de l’écologie et les membres du Comité national de l’eau, a permis à la gouvernance de l’eau de trouver son équilibre en maintenant les trois collèges existants – l’État, les collectivités, les usagers – et en créant trois sous-collèges des usagers.
Les alinéas que je propose de supprimer remettent en cause cet équilibre, en réduisant fortement la représentation des usagers économiques, comprenant les représentants agricoles. Si la présence des usagers non économiques est essentielle, et nous ne la contestons pas, il faut toutefois permettre à ces usagers économiques, notamment à la profession agricole, de conserver leur part de représentation, car cette profession est un acteur privilégié de la politique de l’eau. La récente approbation des SDAGE a d’ailleurs démontré l’importance d’associer la profession agricole à l’ensemble de la problématique de la gouvernance de l’eau, à l’échelle des bassins.
Il est donc primordial, pour garantir la concertation et l’appropriation des enjeux par tous, de conserver la composition actuelle des comités de bassin et ainsi de permettre aux agriculteurs d’être porteurs de solutions. Tel est l’objet de cet amendement.
La parole est à M. Bertrand Pancher, pour soutenir l’amendement no 298 .
Avis défavorable. Nous avons beaucoup discuté de ce sujet. Nous savons tous que la représentation des usagers non économiques aux comités de bassin est insuffisante. C’est pourquoi nous proposons une réforme. La Cour des comptes avait pointé le problème.
Il n’y a aucune raison pour que les agriculteurs ne soient pas représentés, mais nous sommes défavorables à la suppression de ces alinéas, qui empêcherait peut-être justement d’avancer sur ce front.
Même avis.
Pardon d’insister, madame la secrétaire d’État, mais pourquoi diable voulez-vous faire sortir les agriculteurs des comités de bassin de l’Agence de l’eau,…
…ou du moins, comme vient de l’avouer la rapporteure, diminuer très significativement leurs possibilités d’intervention ?
Cela n’a aucun sens, ni du point de vue des questions agricoles, ni du point de vue de l’environnement. Si vous souhaitez comme nous que les agriculteurs soient pleinement les acteurs d’une politique de l’eau responsable, il faut évidemment qu’au sein des comités de bassin, ils aient voix au chapitre.
M. Larrivé vient d’arriver dans l’hémicycle. Il n’a rien écouté et rien compris !
Cet amendement propose une réécriture des alinéas 2 à 10. La rédaction actuelle crée un déséquilibre entre les représentants au sein des comités de bassin car il réduit fortement la représentation des usagers économiques, dont font partie les représentants agricoles.
La récente approbation des SDAGE à l’échelle des bassins hydrographiques démontre l’importance d’associer la profession agricole à la gouvernance de l’eau à l’échelle des bassins, pour garantir une meilleure concertation et une appropriation des enjeux, et ainsi permettre à la profession d’être porteuse de solutions.
Même avis. Il faut s’en tenir au compromis trouvé à l’Assemblée.
L’amendement no 216 n’est pas adopté.
L’article 17 ter est adopté.
Article 17
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 444 .
L’amendement no 444 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 17 quater, amendé, est adopté.
Article 17
L’article 17 quinquies est adopté.
Avec cet article, nous en venons à l’accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles, ainsi qu’au partage des avantages qui y sont liés.
Cinq ans après avoir signé le Protocole de Nagoya, je ne peux que me féliciter que la France concrétise son implication, en mettant fin à un vide juridique. Un cadre législatif contraignant permettra de mieux protéger les peuples autochtones du pillage de leurs ressources et de leurs savoirs traditionnels par de grands groupes industriels, pharmaceutiques ou cosmétiques.
Grâce à la mobilisation solidaire des députés ultramarins et des écologistes, des avancées notables ont été apportées au texte. Je salue les travaux de la rapporteure et de la commission, qui ont permis de revenir à une rédaction bien plus acceptable de l’article 18.
Auteure dès 2012 d’un rapport sur la biopiraterie, je me suis personnellement beaucoup investie dans ce débat. Je me réjouis que plusieurs amendements que j’ai défendus aient été adoptés par la commission. Pour la première fois, le terme de biopiraterie est inscrit dans la loi française. La lutte contre ce fléau est désormais une mission de l’Agence française pour la biodiversité. Là encore, je ne peux que m’en féliciter.
Le plafond des contreparties financières susceptibles d’être reversées a été élevé. Ce n’est que justice. J’espère que les débats ne remettront pas en cause les nombreuses avancées que nous avons obtenues, car, comme on l’a rappelé à juste titre en 2009, à Paris, lors des premières rencontres internationales contre la biopiraterie, s’engager dans la lutte contre la biopiraterie, c’est contribuer à préserver la diversité biologique et la richesse culturelle. Certes, la lutte est loin d’être finie, mais les écologistes se réjouissent de ce grand pas en avant, réalisé en faveur des peuples autochtones.
Nous resterons donc, nous, les écologistes, particulièrement vigilants sur les décrets d’application de la loi.
Nous en arrivons aux amendements.
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l’amendement no 126 .
L’amendement no 126 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement no 418 .
Je l’ai dit lors des précédentes lectures du texte : je suis extrêmement gênée par l’expression « communautés d’habitants » qui figure à l’alinéa 14, lequel définit la notion de partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques.
Cette expression n’est pas définie. Elle ne figure pas dans notre législation, elle n’est pas dans notre culture ni notre vocabulaire. Or, dès lors qu’on ne saura pas de qui il s’agit, on aura du mal à imaginer des retours, financiers ou sous forme de services. Comment déterminera-t-on qui sont ces communautés d’habitants ? Il ne s’agit ni de communes ni de département ni d’associations. On risque ainsi d’enfermer les gens – les vieux, les jeunes, les enfants qui naissent – dans l’idée qu’ils sont le produit d’un territoire, dont ils peuvent bénéficier ou souffrir mais qu’ils ne peuvent pas quitter sans se priver de certains avantages.
En conséquence, je vous propose substituer aux mots « communautés d’habitants » les mots « habitants d’une même communauté de vie organisés en un dispositif légalement reconnu et approuvé par les autorités publiques locales et régionales ». Vous constatez que, dans cette rédaction, j’ai retenu le terme de communauté.
On saura ainsi de qui on parle et à qui iront les ressources éventuelles. Par conséquent, l’expression « communautés d’habitants » devra être remplacée aussi à chaque nouvelle occurrence dans le texte, afin de ne pas créer de communautarisme.
L’amendement no 418 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l’amendement no 127 .
L’amendement no 127 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l’amendement no 128 .
Il convient d’envisager le cas de figure où les connaissances traditionnelles feraient l’objet de contestations du fait d’une appropriation abusive – cela arrive.
La rédaction actuelle de l’alinéa 43 de l’article revient à valider les situations où des connaissances ont été utilisées sans l’accord des communautés, et donc les abus qui auront permis aux utilisateurs d’utiliser de longue date ces connaissances sans aucune retombée pour les communautés détentrices de savoirs ancestraux.
L’amendement no 128 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’article 18 prévoit que toute nouvelle utilisation à but commercial de la même ressource génétique et par le même utilisateur fasse l’objet d’une nouvelle demande d’autorisation.
Sur le fond, on peut comprendre cette disposition. J’accepte volontiers qu’une multinationale qui détient une collection doive solliciter une nouvelle autorisation pour une nouvelle utilisation commerciale. Néanmoins, il convient de préciser les choses. Permettez-moi de prendre un exemple. Le fromager qui détient une collection de bactéries lui permettant d’obtenir des moisissures pour produire son fromage et qui décide de fabriquer un nouveau produit à partir de cette collection devra demander une nouvelle autorisation – avec les problèmes qui vont avec. Nous pouvons certainement nous retrouver sur ce point, madame la secrétaire d’État et madame la rapporteure : nous sommes d’accord pour qu’une multinationale finance de nouvelles demandes d’autorisation, mais nous devons exonérer des lourdes conséquences de cette disposition les PME et les petites entreprises. Ne leur imposons pas ce boulet supplémentaire !
Sourires.
Cet amendement vise à supprimer les alinéas 53 à 58 de l’article 18, pour les mêmes raisons qu’en première et deuxième lectures : ils m’inquiètent. Je crois préférable de revenir à la rédaction adoptée par l’Assemblée et par le Sénat en deuxième lecture.
L’article 18 prévoit que toute nouvelle utilisation à but commercial de la même ressource génétique et par le même utilisateur fasse l’objet d’une nouvelle demande d’autorisation. Cela signifie qu’en cas de découverte, il faudra s’arrêter immédiatement de chercher ou de mettre au point, et demander une autorisation. Cela va ralentir dans des proportions considérables la connaissance, l’exploration et l’éventuelle utilisation des ressources génétiques de notre pays. Or nous ne sommes pas un isolat à l’échelle du monde : que ce soit dans les départements d’outre-mer ou sur le territoire métropolitain, les pays voisins pourront pendant ce temps continuer à exploiter ce que nous aurons trouvé, n’ayant pas, eux, à demander une nouvelle autorisation qui prendra immanquablement… un certain temps. Comme le fût du canon.
Sourires.
Il est défavorable, madame la présidente. Ces alinéas ont été réintroduits dans le texte à mon initiative en commission. Si on les supprime, on ne saura plus à quoi s’applique une nouvelle procédure d’APA – accès et partage des avantages. Cela entraînera des doutes et des confusions calamiteux. Il est donc indispensable de les maintenir pour savoir où l’on va et comment appliquer les nouvelles procédures.
Même avis. Ces amendements visent à supprimer toute procédure pour les ressources génétiques déjà en collection avant l’entrée en vigueur de la loi, y compris en cas de nouvelle utilisation de ces ressources génétiques. Le Protocole de Nagoya impose aux États parties d’assurer un partage juste et équitable des avantages issus de l’utilisation des ressources génétiques ; or il considère que les ressources génétiques présentes dans les collections peuvent être couvertes par cette disposition.
Vous craignez une rétroactivité. Je vous rassure : les ressources génétiques, lorsqu’elles sont en collection, et les connaissances traditionnelles associées peuvent avoir fait l’objet d’une utilisation avant la promulgation de la loi. Celle-ci n’étant pas rétroactive, aucun partage des avantages ne sera demandé à l’utilisateur concernant ces utilisations, sauf en cas de nouvelle utilisation. Vous pouvez rassurer votre fromager, monsieur Sermier : il bénéficierait automatiquement, dans le cas que vous avez évoqué, d’une nouvelle autorisation.
Enfin, je suis très défavorable à ces amendements car ils mettent en péril un volet majeur du dispositif d’APA.
Permettez-moi de donner un exemple pour éclairer notre débat. Ce sera un exemple classique, du côté de la pharmacopée – un domaine très concerné par la question. Après avoir mené une étude et en se fondant sur la pharmacopée et une population locale d’un département d’outre-mer, un institut de recherche dépose, avant la date d’entrée en vigueur de ce texte, un premier brevet sur l’utilisation d’une molécule active, par exemple une molécule anti-cancer – nous avons tous des exemples bien connus. Il décide par la suite d’exploiter cette même molécule à des fins commerciales, après avoir réfléchi à une autre utilisation déterminée – contre la cellulite, par exemple, ce qui n’a rien à voir. Dans la mesure où il resterait dans le domaine de la recherche médicale, la même activité, il n’aurait pas à solliciter de nouvelle autorisation et serait donc exempté de sa responsabilité vis-à-vis des connaissances traditionnelles ou des végétaux utilisés. Cela mérite tout de même réflexion…
Je ne partage pas l’analyse de notre collègue. Je pense qu’il faut faire davantage confiance à la manière dont le temps fait évoluer les choses. Rien n’est parfait au moment où on le crée. On ne vote pas une loi pour qu’elle soit éternelle. On pourrait très bien adopter une disposition pour une durée limitée, par exemple les cinq ans qui viennent, afin de voir ce qui va se passer. Mais dire qu’en attendant la promulgation de la loi, on a le temps de faire tout un tas de choses, et qu’ensuite tout s’arrête me semble relever d’une vision court-termiste, mais aussi un peu étrange de la loi. « Vous avez le droit de faire ce que vous voulez pour le moment, mais quand la loi sera promulguée, vous devrez demander l’autorisation pour tout ! »
Je maintiens aussi l’idée qu’au bout du compte, la France n’étant pas une île au milieu de l’océan, il se trouvera dans les pays voisins – en Europe, en Guyane, dans l’Océan indien, dans la Caraïbe, et même dans l’Arctique, autour de Saint-Pierre-et-Miquelon – des gens pour exploiter ce que nous aurons trouvé. Le mot « recherche » ne doit pas devenir une justification pour dire que l’on peut tout faire. Le but de la recherche est certes d’accroître les connaissances, mais aussi de permettre des ouvertures, y compris en termes sociétaux et économiques.
Quant à figer les populations et les sociétés dans la notion de « communauté d’habitants », je m’en suis expliquée tout à l’heure, et dans l’idée que tout ce qui a été fait depuis des siècles – dix mille ans d’humanité ! – devrait être jeté à l’eau au motif qu’il y a des prédateurs potentiels d’une découverte… La science est la science, et l’intelligence des gens est l’intelligence des gens ! Il y a dans notre assemblée des gens dont c’est le métier, et celui des administrations est de veiller et de conserver – pas seulement de constater qu’il y a des dérives et, vingt ans après, de tout arrêter : ne serait-ce pas un peu le problème aujourd’hui ?
Vous ne m’avez pas convaincu, madame la secrétaire d’État. Vous nous dites qu’il n’est pas question de revenir en arrière, mais pour toutes les utilisations postérieures à la loi, on va mettre sur un pied d’égalité une multinationale du secteur pharmaceutique et mon fromager du Haut-Jura. Le texte n’est donc pas abouti : il faudrait introduire une différence de traitement entre les deux types d’exploitants. Pourquoi ne donneriez-vous pas un avis favorable à ces amendements, pour pouvoir rebâtir avec le Sénat un texte qui convienne à tout le monde ?
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, pour soutenir l’amendement no 74 .
L’amendement no 74 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement no 358 .
Je suggère de compléter l’alinéa 55 pour préciser que les procédures d’accès et de partage des avantages sur les ressources génétiques relevant de la souveraineté de l’État et les connaissances traditionnelles associées à ces ressources génétiques s’appliquent « aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées auxquelles il a été accédé postérieurement à la ratification du Protocole de Nagoya pour l’Union européenne et pour celles-ci. »
En conséquence, je propose, à l’alinéa 56, de supprimer les mots : « ultérieur à la publication de la même loi », et, à l’alinéa 58, de substituer aux mots : « les objectifs et le contenu se distinguent de celle précédemment menée » les mots : « le domaine d’activité se distingue de celui précédemment couvert ». Enfin, je propose qu’un décret en Conseil d’État définisse les caractéristiques d’une nouvelle utilisation.
La volonté initialement portée par le Gouvernement dans la mise en oeuvre du Protocole de Nagoya est de réguler l’accès aux ressources génétiques présentes sur le territoire. Cette position se justifie par la richesse de la biodiversité naturelle des territoires français d’outre-mer et continentaux.
Toutefois, afin de ne pas compromettre le développement de la recherche et de l’innovation, tant publique que privée, il convient d’assurer une mise en oeuvre progressive sur les ressources auxquelles il a été accédé depuis 2014. En effet, cela nécessite un récolement précis de l’ensemble des collections de ressources génétiques et de connaissances traditionnelles associées, récolement qui n’est pas fait en France.
La réglementation européenne, de façon réaliste, le fait débuter à la date de ratification par l’Union européenne du Protocole de Nagoya, ce qui permet la mise en place au sein des établissements de recherche de procédures adaptées ainsi que l’information et la formation des chercheurs et des techniciens. En prenant en compte les ressources génétiques et les connaissances traditionnelles associées présentes dans les collections à la date de promulgation de la loi, la législation française imposera un récolement des collections difficile techniquement et financièrement. Du fait de cette mesure, il y a un risque certain d’abandon de tout ou partie des collections établies avant la date de promulgation de la loi.
Nous posons là la question du statut des collections de ressources génétiques ou naturelles, ou de parties d’entre elles. Il y en a dans tous les laboratoires scientifiques ou de biologie de France. Elles ne sont pas référencées, ou pas suffisamment. Cela commence cependant à se faire, car les scientifiques ont besoin que les choses soient référencées.
Nous avons besoin de quelque chose qui, s’appliquant dans le cadre du Protocole de Nagoya, devienne professionnel. Les Américains le font sur les ressources génétiques végétales à Fort Collins, sous la terre, les Japonais à Tsukuba ; les Norvégiens le font sous la banquise avec la Fondation Bill Gates. L’Imperial College est en train de le faire…
Nous avons beaucoup travaillé sur le Protocole de Nagoya. Nous avons aussi travaillé avec les chercheurs, en première lecture, en deuxième lecture et entre les lectures à l’Assemblée et au Sénat, pour trouver un équilibre et faire en sorte que tout se passe bien. Je pense que nous avons trouvé cet équilibre.
La quatrième modification proposée par cet amendement est inutile : un décret en Conseil d’État est déjà prévu plus loin dans le texte.
En ce qui concerne les deux premières modifications proposées, je rappelle que l’Union européenne a ratifié le Protocole de Nagoya en mai 2014. Le texte que nous examinons sera je l’espère promulgué dans quelques semaines. Or avec cet amendement, il n’y aurait pas deux cas de figure – avant et après Nagoya – mais trois : les accès effectués avant mai 2014, les accès effectués entre mai 2014 et l’adoption de la loi, et les accès effectués après la loi. Imaginez les complications que cela susciterait pour l’application du protocole… Avis défavorable.
Même avis.
L’amendement no 358 n’est pas adopté.
L’Assemblée nationale a introduit une disposition qui évite toute rétroactivité des règles relatives à l’accès et au partage des avantages des ressources génétiques déjà présentes en collection avant l’entrée en vigueur de la présente loi.
Afin de ne pas dissuader d’utiliser ces collections pour la mise au point d’éventuels nouveaux traitements, ce mécanisme de non-rétroactivité mérite d’être étendu à l’ensemble des acteurs disposant de collections de ressources génétiques avant la date d’entrée en vigueur de la loi. La modification de l’alinéa 56 entraîne par cohérence la suppression des alinéas 57 et 58.
Même avis.
L’amendement no 70 n’est pas adopté.
Il s’agit d’un amendement de repli qui dispose que seuls les nouveaux domaines d’utilisation, par exemple le passage de l’alimentation à la parfumerie, doivent être concernés par cette disposition.
Cet alinéa est ambigu et pourrait laisser croire qu’une entreprise de sélection qui créerait demain une nouvelle variété à partir de ressources génétiques auxquelles elle aurait accédé légalement avant l’entrée en vigueur de la loi pourrait être concernée par ces nouvelles règles.
La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement no 356 .
Il faut remplacer, à l’alinéa 58, la formulation : « les objectifs et le contenu » par « le domaine d’activité ». J’avais défendu cette idée lors des deux précédentes lectures. Je pense qu’en l’état, cet alinéa met en péril l’industrie française, dans tous les domaines. Traiter de la même manière ce qui peut devenir un médicament, une lessive, un cosmétique ou éventuellement un colorant ou une fibre me semble contraire au code de la propriété industrielle. Je suis navrée, mais je maintiens mon amendement.
Cette série d’amendements a reçu un avis négatif de la part de la commission. La matière n’est pas toujours facile à comprendre, mais j’insiste sur le fait que pour les collections de ressources génétiques et de connaissances associées déjà constituées avant la présente loi, le principe de nouvelle utilisation a été retenu en matière de recherche à but commercial pour éviter une rétroactivité. L’objectif du Protocole de Nagoya est de protéger les ressources génétiques et les connaissances traditionnelles et de permettre un partage juste et équitable des avantages. Limiter la notion de nouvelle utilisation à celle de changement de domaine d’activité fera qu’il n’y aura quasiment aucune nouvelle utilisation nécessitant une autorisation. Cette disposition irait donc totalement à l’encontre de l’objectif poursuivi par le Protocole, y compris par rapport aux populations qui vivent le pillage de leurs ressources.
L’avis du Gouvernement est un peu différent. Ces amendements visent à définir la nouvelle utilisation par la référence à un domaine d’activité et non à des objectifs et contenus. Pour ma part, la différence ne saute pas aux yeux, c’est le moins qu’on puisse dire… Mais la position du Gouvernement est de se rapprocher de l’esprit du Protocole de Nagoya, qui adopte la terminologie de « domaine d’activité ». Le Gouvernement est donc favorable à ces amendements, mais sans être complètement convaincu.
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l’amendement no 130 .
Dans un souci d’équité et d’efficacité et afin de répondre à l’attente de décentralisation pleine et entière du dispositif APA en outre-mer, il est nécessaire de permettre aux collectivités d’outre-mer, lorsqu’elles sont compétentes en application de l’alinéa 113 de l’article 18 du présent texte, de fixer elles-mêmes les modalités de délivrance de l’autorisation pour l’utilisation des connaissances traditionnelles associées à des ressources génétiques.
Il est tout à fait pertinent que les régions concernées, telles que le département de Mayotte, puissent exercer, si elles le souhaitent, les fonctions d’autorité administrative pour leur territoire. Mais cette décentralisation de l’autorité doit s’accompagner d’une procédure unifiée sur le territoire national. Sinon, les chercheurs iront faire leur marché en quête du plus offrant. Imaginez comment cela pourrait se passer sur le territoire national ; certains territoires seraient lésés, d’autres avantagés… La République ne peut pas supporter une chose pareille. Avis défavorable.
Dans un souci d’égalité de traitement des chercheurs et des entreprises, il est nécessaire que les procédures, et notamment les délais d’instruction, soient définis au niveau national et identiques sur l’ensemble du territoire, à l’exception de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française, qui ont la compétence en matière d’environnement et qui ont défini leurs propres dispositifs. Dans le cadre de la préparation des textes d’application du titre IV, les collectivités ultramarines seront consultées, en particulier sur cet aspect important des modalités de partage des avantages. Aussi, je vous demande de retirer votre amendement ; sinon j’émettrai un avis défavorable.
L’amendement no 130 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement no 357 .
Il s’agit, après le terme « significative », de rédiger ainsi la fin de l’alinéa 76 : « en restreignant l’utilisation durable de la ressource génétique pour laquelle un accès en vue de son utilisation est demandé ou en l’épuisant ». Cet amendement vise à préciser que l’administration pourra refuser une autorisation pour l’accès à une ressource génétique, mais qu’elle devra en préciser les raisons en indiquant en quoi la restriction de l’utilisation durable de la ressource ou son épuisement sont concernés.
Défavorable.
L’amendement no 357 n’est pas adopté.
La disposition qui fixe un plafond à 5 % au maximum du chiffre d’affaires annuel mondial hors taxes réalisé et des autres revenus perçus grâce aux produits et procédés obtenus à partir de la ou des ressources génétiques faisant l’objet de l’autorisation est disproportionnée. En effet, partir du chiffre d’affaires revient à ne pas tenir compte de tous les frais de recherche, de développement et de production qui ont précédé la commercialisation des produits et qui imputent en grande partie le bénéfice généré par le produit.
La parole est à M. Jean-Louis Costes, pour soutenir l’amendement no 109 .
Nous proposons en effet de calculer le pourcentage plafond non sur le chiffre d’affaires, mais sur le bénéfice net. Comme chacun sait, le chiffre d’affaires ne tient pas compte de tous les frais de recherche, de développement et de production. En outre, cette disposition n’existe pas dans les autres pays européens et aurait donc pour effet pervers de détourner les acteurs de la recherche du territoire national, particulièrement outre-mer.
Défavorable. Nous en avons longuement parlé en commission : le chiffre d’affaires est une valeur de référence, beaucoup plus facile à calculer pour une entreprise que le bénéfice net retiré de l’utilisation des ressources. La disposition proposée serait très compliquée à appliquer.
Je partage l’avis de la rapporteure, mais je voudrais ajouter deux points. D’abord, utiliser la notion de bénéfice net ouvrirait la porte à des fraudes massives, certains pouvant être tentés d’affecter toute leur charge de recherche et développement sur les produits résultant de l’utilisation de ressources génétiques, de manière que le bénéfice net sur ces produits soit nul ou très faible. Et les premières victimes seraient les communautés d’habitants.
Je tiens, à ce moment du débat, à revenir vers M. Sermier qui avait évoqué ce problème des 1 et 5 % en discussion générale. Je veux préciser de quoi il s’agit car manifestement ce point fait l’objet de beaucoup d’incompréhensions. Je me suis déplacée à La Gacilly, dans le Morbihan, chez Yves Rocher ; cette entreprise pourtant très intéressée par ces questions, qui y travaille beaucoup et dans le même sens que nous, avait elle-même interprété cet article de manière erronée. Je souligne donc que nous n’imposons pas, comme c’est le cas au Brésil, un pourcentage fixe, mais uniquement un plafond, qui peut évoluer de 0 à 5 % dans la négociation.
Surtout – c’est essentiel, et je sais qu’ils m’entendront chez Yves Rocher ! – ce pourcentage ne s’applique pas au chiffre d’affaires total du produit utilisant des ressources génétiques, mais au chiffre d’affaires de la partie du produit qui contient l’ingrédient cosmétique obtenu à partir d’une ressource génétique française, et donc à une partie infinitésimale du produit. Il ne s’agit pas du tout des mêmes sommes. En effet, si le pourcentage portait sur le chiffre d’affaires du produit, les entreprises pourraient à juste titre estimer le montant énorme. Mais on parle ici d’un pourcentage de pourcentage : de 0 à 5 % d’une part généralement elle-même très faible. Ne nous trompons pas sur les ordres de grandeur : cela reviendrait à voter la loi en n’étant pas bien informé. Je tenais à faire cette précision pour vous rassurer et pour clarifier cette mesure. Avis défavorable.
Madame la secrétaire d’État, j’entends votre argument : pour vous, il ne faut pas partir du bénéfice, au risque de générer des fraudes. Mais la suite de votre propos, où vous dites que seuls certains éléments du chiffre d’affaires seraient pris en compte, affaiblit cet argument car le risque de fraude existera donc de la même manière : comment pourra-t-on vérifier l’exactitude de la quote-part du chiffre d’affaires qui sera retenue ? L’appréciation paraît relativement difficile, et le risque que vous évoquiez est aussi important pour la méthode du chiffre d’affaires que pour celle du bénéfice net.
Je voudrais rappeler à mes collègues qu’il ne s’agit ni d’une taxe ni d’un impôt, mais d’un contrat, donc d’un accord librement consenti. Les parties contractantes étant libres de négocier le montant de la contribution, qui sera définie au cas par cas, la liberté de négociation est bel et bien garantie.
Je souhaiterais qu’à l’alinéa 78, l’on substitue aux mots « mondial hors taxes réalisé » les mots « hors taxes réalisé en France ».
L’amendement no 66 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Je propose de ramener le pourcentage à 1 %. Aussi, à l’alinéa 79, faudrait-il substituer au taux de 5 % celui de 1 %.
La parole est à Mme Laurence Arribagé, pour soutenir l’amendement no 110 .
La parole est à M. Bertrand Pancher, pour soutenir l’amendement no 319 .
La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement no 355 .
Je voudrais préciser qu’il existe un risque à fixer des plafonds imprécis, de 0 à 5 %, en laissant à la relation contractuelle le soin de les déterminer. En effet, dans ce type de relation, il y a généralement un fort et un faible. Et deuxièmement, le risque est que lorsque quelqu’un découvre quelque chose dans la forêt guyanaise, il aille l’exploiter au Brésil. Dans ce cas, tout le monde perd tout !
Je répète que la compensation financière est bien une compensation, et non une taxe. Elle est fixée par contrat et ne représente qu’une des six modalités de partage possibles : l’enrichissement ou la préservation de la biodiversité in situ ou ex situ ; la préservation des connaissances traditionnelles associées aux ressources génétiques par la création de bases de données ; la contribution, au niveau local, à la création d’emplois pour la population et au développement de filières associées ; la collaboration, la coopération ou la contribution à des activités de recherche ; le maintien, la conservation, la gestion, la fourniture ou la restauration de services écosystémiques ; et enfin, dernier point, le versement de contributions financières.
Tout cela sera défini dans le contrat, dont le contenu sera fixé par accord entre les parties : l’État et les entreprises. Le plafond de la compensation financière sera de 5 %.
Nous sommes donc défavorables aux amendements identiques qui ont été défendus. J’espère que les choses sont plus claires à présent que je vous ai exposé le contenu même du texte.
Même avis.
Je défends avec beaucoup de vigueur l’accès aux ressources génétiques, et le partage juste et équitable des avantages qui en sont retirés. Le dispositif proposé par ce projet de loi à ce sujet est très intéressant. Cela dit, pour l’appliquer, il est nécessaire, sinon de mener des expérimentations, du moins de fixer des chiffres assez bas – que l’on pourrait par la suite, bien évidemment, augmenter en fonction des résultats observés.
Les entreprises sont inquiètes. Vous vous êtes efforcée, madame la rapporteure, de les rassurer ; de même, madame la secrétaire d’État, vous avez expliqué que le pourcentage pouvait varier de 0 à 5 %.
Quoi qu’il en soit, je n’aurais pas défendu cet amendement si, au Sénat, le Gouvernement ne s’en était pas remis sur cette question à la sagesse des sénateurs, lesquels avaient choisi de rabaisser de 5 % à 1 % ce plafond de partage des avantages. Je ne comprends pas pourquoi, madame la secrétaire d’État, vous vous en êtes alors remise à la sagesse du Sénat, alors qu’à présent vous semblez vous ranger à l’avis de Mme la rapporteure. Nous avons tout de même besoin de l’expertise de l’administration !
Cet amendement peut être considéré comme un amendement de repli. Nous proposons de remplacer le seuil, fixé par décret en Conseil d’État, en dessous duquel aucune contribution financière n’est demandée, par plusieurs seuils. Cela permettrait de mieux appréhender les implications environnementales, économiques et sociales qui résultent de l’utilisation de ces ressources, en fonction des spécificités de l’entreprise, des produits ou de l’activité.
L’amendement no 371 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Cet amendement vise à prendre en compte la part relativement plus importante de la biodiversité des outre-mer dans la biodiversité nationale lors de la redistribution des avantages financiers. Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi est particulièrement vague sur ce point : les outre-mer n’ont, de fait, aucune garantie. Il nous semble donc plus pertinent que ce projet de loi, que l’on peut qualifier de « loi-cadre » sur la biodiversité, ne prive pas les populations locales ultramarines des dispositions plus généreuses du Protocole de Nagoya.
L’amendement no 344 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l’amendement no 131 .
Cet amendement vise à préciser la rédaction afin que l’intention du législateur apparaisse plus clairement. L’expression « au vu de » est trop imprécise : elle n’implique pas une relation de conformité entre le contrat de partage des avantages et le procès-verbal de la consultation, mais oblige simplement à mentionner ce procès-verbal dans les visa. Pour respecter les conditions d’utilisations dont les communautés d’habitants assortissent leur consentement, il faut que le contrat soit conforme au contenu du procès-verbal, et non simplement qu’il y fasse référence.
L’article 7 du Protocole de Nagoya prévoit bien que l’accès aux connaissances traditionnelles doit être soumis au consentement préalable, donné en connaissance de cause, ou à l’accord et à la participation des communautés autochtones et locales.
L’amendement no 131 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, pour soutenir l’amendement no 75 rectifié .
L’amendement no 75 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, pour soutenir l’amendement no 76 .
L’amendement no 76 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 18, amendé, est adopté.
L’article 23 est adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly