Intervention de Barbara Pompili

Séance en hémicycle du 22 juin 2016 à 21h30
Biodiversité — Article 51

Barbara Pompili, secrétaire d’état chargée de la biodiversité :

Je suis un peu dans le même état d’esprit que Philippe Plisson : il me semble que nous avons de bonnes raisons de nous réjouir ce soir. Les lectures successives du texte ont certes été longues, mais elles ont permis de faire évoluer les mentalités dans cette Assemblée de manière spectaculaire. Elles auront aussi vu la mobilisation de la société civile, non seulement à travers la pétition qui nous a été adressée, à Ségolène Royal et à moi-même, qui a recueilli plus de 690 000 signatures en faveur de l’interdiction des néonicotinoïdes, mais aussi auprès de nos enfants – nous avons salué tout à l’heure, lors de la séance de questions au Gouvernement, la classe lauréate de la vingt et unième édition du Parlement des enfants, qui a mis la question des abeilles et de leur protection au coeur d’une proposition de loi. Bref, grâce au débat que nous avons eu ici, les consciences s’éveillent. Grâce à la question des abeilles et des pollinisateurs, la conscience de l’importance de la préservation de la biodiversité grandit ; elle est désormais mieux comprise par les populations.

Je me réjouis vraiment de constater que tout le monde se retrouve aujourd’hui sur le principe d’une interdiction dans la loi, et sur le principe d’une date butoir, ce qui n’était pas le cas lors des précédentes lectures ; que tout le monde est d’accord pour proposer, quoique de manière différente, des dispositifs fondés sur une interdiction – ou un début d’interdiction – en 2018, et pour demander à l’ANSES d’être un peu le juge de toutes ces questions. Elle est d’ailleurs déjà au travail : nous lui avons demandé, avec la ministre de l’environnement, la ministre de la santé et le ministre de l’agriculture, de remettre d’ici la fin de l’année un rapport sur les possibilités de substitution par des produits plus intéressants d’un point de vue environnemental et sur les méthodes, en tenant compte de la question du revenu des agriculteurs. Il n’est en effet pas question de leur occasionner des difficultés supplémentaires ; cette question importante doit donc être envisagée.

Réjouissons-nous donc de nous montrer enfin capables de travailler ensemble sur des bases communes. Ce que je veux, c’est que cette loi porte cette interdiction et que celle-ci puisse être appliquée. Ce que je redoute le plus, pour me battre depuis longtemps sur ces sujets, c’est de prendre des décisions séduisantes sur le papier, mais qui ne seraient pas applicables. Ce serait mentir à nos concitoyens, se payer de mots, se faire plaisir, mais ce ne serait pas responsable. Nous devons faire une loi applicable. C’est pourquoi le Gouvernement avait proposé au Sénat un amendement prévoyant un dispositif très simple : une interdiction dès 2018, sur la base des travaux de l’ANSES – sur toutes les cultures où il existe des alternatives possibles, quelles qu’elles soient, l’utilisation des néonicotinoïdes est interdite – et une brève période de deux ans assurant une adaptation progressive, au fur et à mesure que l’ANSES apporterait des solutions alternatives. À la fin de cette période, il y avait – et c’est essentiel – cette date butoir couperet : quoi qu’il arrive, en 2020, c’était fini pour tous les néonicotinoïdes.

Commencer à envisager des dérogations qu’on laisse courir dans le temps serait en effet ouvrir la porte à une absence définitive d’interdiction de certains néonicotinoïdes, parce qu’il faudrait rentabiliser les semences ou prendre son temps, autrement dit céder à la tentation de la procrastination. Vous l’aurez compris, cette date butoir était très importante. Or elle a été repoussée au Sénat. Je constate que son principe est aujourd’hui accepté, y compris par le groupe Les Républicains par l’intermédiaire de son président, que je salue. Il y a là un effort que j’apprécie à sa juste valeur.

D’autres solutions nous sont proposées ce soir. Comme l’a observé Mme la rapporteure, elles sont très proches les unes des autres – sur le terrain, ce sera quasiment la même chose. La solution proposée par Mme la rapporteure et M. le président de la commission est une interdiction en 2018, symbole fort et très attendu par nos concitoyens. Mais elle est aussi réaliste et pragmatique, parce qu’il faut que ces dispositions puissent s’appliquer : une loi qui ne s’applique pas ne sert à rien. Cette solution pragmatique consiste à interdire en 2018, mais à prévoir que sur la base des travaux de l’ANSES, et sur certaines cultures qui seraient vraiment menacées par cette interdiction, un certain nombre de dérogations pourront être prises. Seul le dispositif change : ce seront les ministres qui interdiront sur la base du travail de l’ANSES, alors que dans l’amendement du Gouvernement, c’était l’ANSES.

Nous sommes là sur des dispositifs proches, qui vont aboutir à une interdiction totale en 2020, quoi qu’il advienne, puisque les dérogations ne pourront plus être accordées après cette date. Il me semble que nous nous approchons d’un résultat dont nous pourrons être collectivement fiers…

Après avoir rencontré le directeur de l’ANSES, le Gouvernement a considéré que la rédaction proposée par la rapporteure et le président de la commission donnait les responsabilités au politique, sur la base – j’y insiste, car c’est important – des rapports de l’ANSES. Nous avons donc considéré que nous pouvions soutenir cet amendement.

Nous allons en discuter dans un instant, mais je tenais vraiment à souligner que nous allions aboutir à une loi dans laquelle l’interdiction des néonicotinoïdes serait inscrite. Ce n’était pas acquis à l’origine, et je me félicite du travail collectif qui a été accompli.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion