Si les militaires ne sont pas intervenus dans les circonstances que vous évoquez, ce n'est pas pour un motif juridique. Je vais rappeler les faits tels qu'ils m'ont été rapportés par les autorités militaires et dont je n'ai pas de raison de douter.
Dans tous les cas de figure, c'est sur réquisition du préfet de police – approuvée par le ministre de l'intérieur – que se déploient les unités de l'opération Sentinelle. C'est dans ce cadre que certains membres du 1er régiment de chasseurs, se trouvant dans le XIe arrondissement et y percevant une situation anormale, ont pris l'initiative de se mettre à la disposition des forces de sécurité intérieure. Ce groupe de huit militaires a donc rejoint le secteur du Bataclan à vingt-deux heures et est entré immédiatement en contact avec les policiers de la BAC. Tout au long de la soirée, et en étroite coordination avec les forces du ministère de l'intérieur, placés sous l'autorité du préfet de police, nos soldats ont contribué à la sécurisation de la zone en appuyant et en protégeant les interventions des forces de sécurité, mais aussi en portant secours aux victimes.
Il n'y a en effet qu'une chaîne de commandement – hier comme aujourd'hui, comme demain. Dans le cadre d'une opération extérieure, elle est placée sous l'autorité militaire ; à l'intérieur, conformément à la loi, les militaires sont en revanche sous la responsabilité du ministère de l'intérieur.
Quatre soldats ont été positionnés par les forces de police au passage Saint-Pierre-Amelot pour sécuriser les groupes d'intervention spécialisés de la brigade de recherche et l'intervention (BRI). Ils ont reçu l'ordre oral de neutraliser, le cas échéant, un terroriste qui sortirait du Bataclan.
Je réponds à présent plus précisément à votre question sur le refus du « prêt » du FAMAS. Je rappelle très fermement un principe de base : prêter son arme est contraire à tout règlement d'engagement de nos forces en opération. Jamais un soldat engagé sous le feu – et c'était le cas ce soir-là – ne se sépare de son arme, sinon c'est toute sa plus-value militaire qui s'effacerait. J'ajoute que de telles armes automatiques, conçues pour neutraliser un adversaire, ne se manipulent pas aisément – même pour un professionnel des forces de l'ordre – à moins d'être entraîné.
Ensuite, nos militaires ne sont pas intervenus à l'intérieur du Bataclan parce que tels n'étaient pas les ordres donnés par les responsables de la sécurité intérieure ; or, j'y insiste, il ne peut y avoir qu'une seule chaîne de commandement. En outre, ces soldats appartiennent aux forces conventionnelles de l'armée de terre, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas formés aux interventions avec prise d'otages, et c'est encore plus vrai lorsque de telles interventions ne sont en rien anticipées – comme c'est le cas lors des opérations extérieures où les interventions sont exécutées dans le respect des règles de l'emploi de la force pour neutraliser un ennemi repéré, identifié et circonscrit ; contexte dans lequel, souvent, interviennent également des forces spéciales avec l'appui de forces conventionnelles. Ainsi, à Bamako, à Ouagadougou ou à Grand-Bassam, les forces spéciales de l'armée ont été soutenues et sécurisées par des forces plus classiques.
En revanche, nos soldats sont rompus aux missions de contrôle de zone, de sécurisation des périmètres, à l'appui de forces spécialisées, comme je viens de le souligner ; or c'est bien cette mission qui leur a été dévolue ce soir-là par l'autorité compétente, et il importait qu'ils répondent à ses ordres. Aussi étaient-ils en situation, si un terroriste sortait du Bataclan, d'agir sans état d'âme et sans inhibition.