Intervention de Sophie Rohfritsch

Réunion du 21 juin 2016 à 17h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSophie Rohfritsch, co-rapporteure :

Mes chers collègues, la Commission européenne a retiré l'année dernière un premier paquet sur l'économie circulaire, présenté par la précédente Commission, et la commission des affaires européennes de notre Assemblée s'en était d'ailleurs vivement émue. Grâce, entre autres, à une forte mobilisation, dont celle du Parlement européen, la commission Juncker a présenté un nouveau projet sur ce sujet majeur. Ce « paquet » relatif à l'économie circulaire, composé d'un plan d'action et de quatre directives, se veut beaucoup plus ambitieux et plus large que celui qui avait été retiré, et son approche est centrée sur les opportunités économiques offertes par la transition du modèle de l'économie linéaire vers celui de l'économie circulaire.

Quelques mois après l'étape franchie dans notre pays grâce à l'adoption de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance, cette étape européenne est fondamentale.

Ces propositions vont-elles permettre de réellement transformer l'économie européenne ? Construit selon un objectif de transversalité et élargi dans une approche « cycle de vie » alors que le premier paquet proposé reposait sur une vision défensive et limitée, ce paquet économie circulaire est double.

Premièrement, un plan d'action.

Il fait le choix de l'incitation, s'appuyant surtout sur les « bonnes pratiques » identifiées dans les Etats membres afin d'agir sur les conditions de production et les comportements d'achats. Mais il ne comporte pas d'objectif chiffré, défini au niveau européen, d'utilisation efficace pour les ressources, ce qui est un manque important pour atteindre l'ambition affichée de découpler la croissance européenne de l'utilisation des ressources et de la consommation de matières premières.

Il met l'accent sur cinq secteurs prioritaires pour lesquels des actions ciblées sont déclinées.

En premier lieu, les matières plastiques, avec une stratégie ad hoc centrée sur les questions de recyclabilité, de biodégradabilité, la présence de substances dangereuses et les déchets en mer. Nous avons noté deux lacunes regrettables, l'absence de traitement des produits générateurs de déchets marins eux-mêmes, et l'absence de fixation d'un objectif chiffré de réduction de ces déchets. Un objectif, indicatif, de réduction de 30 % des déchets marins d'ici à 2020 et de 50 % d'ici à 2025 pourrait donc être ajouté. La France est pionnière dans ce domaine, avec, dans la future loi relative à la biodiversité, l'interdiction des produits contenant des microbilles dans les produits cosmétiques.

Deuxième secteur, les matières premières critiques. Accroitre leur récupération est un enjeu essentiel pour la compétitivité industrielle européenne, il est donc nécessaire de renforcer l'écoconception des produits pour en utiliser le moins possible sans pour autant nuire à la compétitivité de notre économie.

Troisième secteur, la construction et la démolition, pour lequel la Commission européenne propose des actions ciblant l'évaluation de la performance environnementale, la prédémolition et la gestion des déchets.

Quatrième secteur, la biomasse, dont la Commission souhaite favoriser l'utilisation en cascade, mais avec un calendrier annoncé qui laisse circonspect.

Et, enfin, le gaspillage alimentaire, pour lequel la Commission européenne propose une méthode commune de mesure et la définition d'indicateurs pertinents et une amélioration des pratiques en matière d'indication de la date de consommation. Le calendrier annoncé gagnerait à être accéléré, notamment pour ce qui concerne le don par les distributeurs des invendus alimentaires, compte tenu des expériences mises en oeuvre par certains États membres, dont la France. Je tiens à rappeler que le coût total de ces déchets pour l'Union était en 2012 de 143 milliards d'euros, dont plus de 28 milliards dus au gaspillage d'aliments sains.

Pour bienvenues qu'elles soient, ces mesures restent d'ambition limitée, et demandent donc à être complétées. Comment rehausser leur niveau d'ambition ?

Tout d'abord, en élargissant la notion d'écoconception - aujourd'hui limitée à l'efficacité énergétique - à d'autres produits et d'autres critères, avec des exigences minimales relatives à l'efficacité de la ressource et à l'économie circulaire.

Ensuite, en étendant la garantie légale de conformité, en définissant un cadre pour lutter contre l'obsolescence programmée des produits, et en élaborant des politiques européennes d'augmentation de la durée de vie des produits par le biais de l'empreinte environnementale. Cela renforcera également le pouvoir d'achat des consommateurs !

Enfin, en régulant le marché des matières premières secondaires grâce à une stratégie européenne qui conjugue l'adaptation de l'industrie européenne du recyclage face à la croissance en volume et en complexité des flux grâce à des soutiens à l'investissement et mécanismes souples et innovants de soutien aux prix.

Par ailleurs, une action plus résolue sur la commande publique durable que celle envisagée dans le plan d'action devrait être mise en oeuvre.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion