Intervention de Arnaud Leroy

Réunion du 21 juin 2016 à 17h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Leroy, co-rapporteur :

Je tiens à revenir sur le mot « découplage » utilisé par ma collègue. Pendant très longtemps nous nous sommes concentrés uniquement sur le découplage entre la croissance et l'utilisation de matière fossiles, notamment le pétrole, mais aujourd'hui nous faisons un pas supplémentaire, en agissant non pas sur ces seules matières fossiles mais sur l'ensemble des ressources. Au cours de l'ensemble des auditions que nous avons pu mener, nous avons toujours eu des échos positifs par rapport à ce « paquet » législatif. Les retours sur la position de la France dans ce domaine sont également très positifs. Nous sommes notamment pionniers en matière de recyclage et nous avons des groupes industriels en pointe dans la plupart des domaines liés à l'économie circulaire. D'ailleurs, nous risquons une crise majeure dans les années à venir de notre industrie du recyclage faute de débouchés suffisants, et l'adoption d'une règlementation au niveau européen permettrait d'ouvrir un nouveau marché aux entreprises concernées.

Outre deux propositions législatives visant à développer des standards de qualité pour deux flux de matières, les fertilisants biologiques et provenant des déchets d'une part, et les eaux usées traitées, d'autre part, pour renforcer la confiance des opérateurs au sein du marché unique, la Commission européenne table essentiellement sur la révision des directives déchets, avec quatre propositions législatives.

L'aspect prévention des déchets, destiné à pallier une lacune identifiée de la directive cadre de 2008, avait été jugé insuffisamment développé dans le paquet de 2014 tant par les États que par le Parlement européen.

La Commission affiche ici une volonté de dynamiser le haut de la hiérarchie en matière de prévention et de gestion des déchets.

Les obligations nouvelles posées aux États membres de définition d'un plan national de prévention des déchets, avec une typologie de mesures obligatoires, et de résultat doivent permettre de mieux prévenir la production de déchets. Mais elles ne sont pas assorties d'objectifs ou d'indicateurs contraignants, ce qui amoindrit la portée de cette mesure.

Elle propose un objectif de préparation au réemploi et recyclage des déchets municipaux révisé à la baisse, fixé à 60% en 2025 et 65 % en 2030, avec une clause de révision à la hausse en 2025, qui devra être adapté en fonction des technologies.

Elle prévoit également un objectif de préparation au réemploi et recyclage des déchets d'emballage renforcé, en étant fixé à 65 % en 2025 et 75 % en 2030 et un objectif de préparation en vue du réemploi et le recyclage des déchets non dangereux de construction et de démolition dont le champ, fixé à 70 % en 2020, et la méthodologie sont inchangés.

Ces objectifs sont certes globalement moins contraignants que le paquet initial, mais ils s'accompagnent d'une action plus ambitieuse qu'en 2014 sur la mise en décharge, dont le régime est modifié, avec la fixation d'un plafond pour la mise en décharge des déchets municipaux d'ici à 2030 qui, s'il est fixé à 10 % au lieu de 5 %, devient contraignant, et une interdiction du recours à cette technique pour les déchets faisant l'objet d'une collecte séparée. Aux cinq flux déjà existant viennent d'ailleurs s'ajouter les biodéchets.

Des mesures relatives aux définitions et aux méthodologies de calcul des taux de recyclage, avec la présentation d'une méthode de calcul clarifiée et harmonisée des performances des États membres, souhaitée par tous les acteurs, sont également prévues. Sous cet aspect technique, se cache un enjeu majeur de cette révision de la directive-cadre, qui a un lien étroit avec la définition des objectifs et la capacité des États à les atteindre plus ou moins vite.

En parallèle, les spécificités des États membres sont prises en compte à travers une approche différenciée selon les capacités. C'est ainsi par exemple que la révision à la baisse de certains objectifs en matière de recyclage et de préparation au réemploi permet de les rendre plus acceptables vis-à-vis des pays les moins avancés. Je prends toujours l'exemple de Malte, petite île, qui n'a évidemment pas la même capacité d'organiser sa gestion des déchets que la France ou l'Allemagne !

Un mécanisme d'alerte précoce, trois ans en amont de la date butoir, permettra de proposer des mesures correctives de trajectoire aux États membres présentant un risque de ne pas atteindre les objectifs, sous la forme de recommandations.

Dernier point sur lequel je voudrais revenir, la question du financement du financement de cette réorientation des processus économiques.

Un appel à projet a été lancé en octobre 2015, « Industrie 2020 et économie circulaire » dans le cadre du programme Horizon2020 (H2020), avec une enveloppe de 650 millions d'euros pour 2016 et 2017. Or le programme H2020 a servi de « variable d'ajustement » budgétaire aux différentes crises survenues depuis l'adoption du cadre budgétaire en cours. C'est la tirelire sur laquelle tout le monde vient tirer !

Selon les données annoncées par la Commission européenne, 5,5 milliards d'euros seraient disponibles via les fonds structurels (pour 3 à 4 milliards, pour le déploiement des meilleures techniques de gestion des déchets, à destination donc essentiellement de la mise à niveau des pays de l'est de l'Europe) et le Fonds Européen pour les Investissements Stratégiques, pour le complément.

C'est donc loin d'être suffisant au regard de l'enjeu.

La commande publique est également un levier d'action majeur : il sera peut-être nécessaire de réviser les règles européennes relatives aux marchés publics.

Enfin, il va falloir arriver à une convergence de vue sur la TVA sur les produits issus du recyclage au moins en partie.

Un plan d'action « Vers un espace TVA unique dans l'Union » a été adopté en avril dernier par la Commission européenne, avec pour objectif de moderniser cette taxe pour qu'elle réponde aux problématiques d'une économie mondialisée, numérique et mobile. Mais elle a annoncé réfléchir également sur la politique des taux réduits à appliquer dans le cadre de ce futur nouveau régime. Il faut saisir cette occasion !

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