Ainsi, l'actualisation de la LPM a résolu certaines tensions, mais pas toutes. D'ailleurs, il n'y a pas que la programmation militaire qui a été actualisée : il y a aussi la doctrine.
Le ministre de la Défense est venu devant la commission nous parler du rapport au Parlement que nous lui avions demandé sur les conditions d'emploi des armées sur le territoire national, et ce rapport a fait l'objet d'une discussion en séance publique le 16 mars. Il s'agit là encore de tirer les conclusions de l'opération Sentinelle, cette fois-ci dans le champ doctrinal. Ce rapport vise, d'une certaine façon, à ce que notre dispositif terrestre de protection du territoire national ne change pas seulement de volume, en passant de 1 000 à 7 000 ou 10 000 hommes, mais à ce qu'il change aussi de modèle.
Je ne reviendrai pas en détail sur tout ce que contient ce rapport ; nous en avons discuté en séance publique. Soulignons simplement que sa grande nouveauté tient à la définition d'une nouvelle « posture » des armées : la « posture de protection terrestre ». Il s'agit d'un cadre doctrinal visant à mieux exploiter les compétences des militaires lorsqu'ils agissent sur le territoire national. Ces savoir-faire, nous les connaissons : capacité à agir de façon planifiée et coordonnée, puissance de feu (au moins à titre dissuasif), capacité de manoeuvre dans tous types d'espaces, y compris difficilement accessibles, etc. Il s'agit, en quelque sorte, de passer d'une logique de « missions intérieures » de type Vigipirate, où les militaires agissaient en supplétifs de la police, à une logique d'« opérations intérieures », où l'on cherche davantage à exploiter les savoir-faire des armées et leur complémentarité avec ceux des forces de sécurité intérieure.
Cela suppose divers arrangements doctrinaux ; le rapport pourvoit à certains, et un travail est encore nécessaire pour donner du contenu à cette posture de protection terrestre. Cela aurait pu supposer aussi des arrangements juridiques, concernant l'emploi de la force ou les prérogatives des militaires. En la matière, le rapport propose de s'en tenir aux ajustements opérés il y a quelques mois par la réforme de la procédure pénale, et nous pensons que c'est globalement une position avisée. D'ores et déjà, le droit de l'emploi de la force a été adapté au mode opératoire des terroristes que ne prenait pas en compte notre droit : les « cavales meurtrières ». Ainsi, les policiers, les gendarmes et les militaires des armées pourront employer la force non seulement en position de légitime défense ‒ d'eux-mêmes ou d'autrui ‒, mais aussi lorsqu'un terroriste est en train de faire mouvement d'un lieu de meurtre à un autre ; pensons par exemple au circuit des terroristes du 13 novembre dans l'est de Paris.