Intervention de Christophe Léonard

Réunion du 22 juin 2016 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Léonard, rapporteur :

Pour conclure, mes chers collègues, la question qui nous était posée peut in fine se résumer ainsi : quelles places respectives pour les armées et les forces de sécurité intérieure sur le territoire national ?

La question conduit certains à se demander si nous pouvons à bon droit nous dire « en guerre » ou non. Les uns emploient volontiers ce vocabulaire, qui suffirait à justifier le recours aux armées ; d'autres y voient une surréaction lexicale. Pour les rapporteurs, en tout état de cause, il n'y a pas de lien de nécessité entre l'état de guerre et le recours aux armées. Ou alors, il faudrait renoncer à recourir aux armées en Guyane, comme dans le cadre de l'action de l'État en mer, ou pour la surveillance de l'espace aérien, ainsi qu'en cas de catastrophe naturelle.

Nous avons donc abordé la question de la place des armées sur le territoire national de façon pragmatique. Les armées, dans toutes les démocraties occidentales, constituent des « réservoirs de forces » à la disposition du Gouvernement en cas de crise. En France, leur statut rend leur emploi plus souple et moins coûteux que celui de la police ou de la gendarmerie, et la formation des militaires garantit une polyvalence qui rend ces personnels utiles à d'autres missions lorsqu'ils ne sont pas engagés au titre de la posture de protection terrestre.

Pour autant, faut-il employer les soldats en supplétifs des forces de sécurité intérieure ? Nous pensons que non. Nos militaires ont beaucoup plus à apporter sur le territoire national, et pas seulement dans les zones urbaines : la ruralité est également une cible, et les zones de frontières sont également des zones d'intérêt ; d'ailleurs, dans ces espaces, les capacités de manoeuvre des armées constituent une indéniable plus-value.

Enfin, si employer nos soldats sur le territoire national se justifie, il faut préciser quels soldats. À nos yeux, les réservistes ont vocation à être employés prioritairement sur le territoire national : ils connaissent le terrain, ont à coeur de le défendre, et possèdent toutes les aptitudes militaires requises pour le faire. On doit saluer leur engagement et leur rôle. C'est eux, la « garde nationale » parfois évoquée.

À mes yeux, notre rapport marque ainsi une étape dans une réflexion collective, et je résumerai les grandes lignes de ma réflexion de la façon suivante.

D'abord, les gardes statiques doivent être l'exception, alors qu'aujourd'hui, la répartition des effectifs montre qu'elles sont la règle. Ensuite, l'actualisation de la LPM telle que nous l'avons votée fixe un plafond de 7 000 hommes, qui ne peut être porté à 10 000 hommes que pendant un mois, pour l'effectif des forces engagées en milieu terrestre pour la protection de notre territoire national. À mes yeux comme à celui de mon collègue Olivier Audibert Troin, il faut revenir au contrat opérationnel et, sous les plafonds fixés, ménager des marges de manoeuvre pour organiser des déploiements dans les zones rurales et les zones de frontière, dans le cadre d'opérations planifiées « à froid » avec les forces de sécurité intérieure. Par exemple, dans les Ardennes, la frontière franco-belge présente une certaine porosité, et un déploiement de l'opération Sentinelle permettrait d'améliorer le contrôle de cette zone de passage.

Par ailleurs, nos études sur le terrain font ressortir d'importantes difficultés dans l'interconnexion des systèmes de communication entre les forces de sécurité intérieure et les armées. En la matière, il faut aller plus loin que le « système D ».

Il me paraît aussi souhaitable que deviennent systématiques les entraînements conjoints des armées et des forces de sécurité intérieure, le cas échéant, d'ailleurs, avec les « soldats du feu ». D'ailleurs, une structure d'entraînement interservices appelée ACIER est mise en place dans les Ardennes pour former conjointement les militaires du 3e régiment du génie et les pompiers des Ardennes, voire, à terme, d'autres unités, ainsi que la police et la gendarmerie.

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