Sur les gardes statiques, l'objectif est de renverser la logique en arrivant à 80 % de patrouilles dynamiques et 20 % de gardes statiques. Tous les éléments tendent à prouver qu'une telle évolution est acceptée par l'ensemble des acteurs, notamment les forces de sécurité intérieure. Chacun a bien compris que le rôle des armées n'était pas de constituer une cible devant un lieu de culte ou une école, mais que sa valeur ajoutée résidait dans les techniques de patrouilles.
Quelques mots sur la fidélisation, qui est un sujet essentiel. Sentinelle a entraîné une suractivité et un absentéisme chez nos militaires. Entendons-nous bien : en l'espèce, la notion d'absentéisme renvoie à l'absence du militaire de son foyer. En moyenne, l'absentéisme atteint 160 jours par an environ, quelques cas nous ont même été rapportés à 220 jours. Or lorsque l'on voit la modicité des soldes versées à ces jeunes soldats, on comprend le niveau du taux de rupture anticipée ou de non-renouvellement des contrats. Nous avons donc une vraie réflexion à mener à ce sujet. Par ailleurs, ces jeunes militaires nous ont indiqué à plusieurs reprises que, lorsqu'ils sont en OPEX, les primes versées sont défiscalisées, ce qui n'est pas le cas des primes versées en opérations intérieures. Nous avons fait le calcul : avec Sentinelle, les primes s'élèvent en moyenne à 8 000 euros par an, ce qui n'est pas neutre. Mais une fois retranchés les impôts, les frais de garde d'enfant, etc., le « bénéfice net » peut n'atteindre que de 500 euros environ. Il y a sans doute là un travail à mener pour rendre plus attractif le métier de militaire.
Notre collègue Alain Marty évoquait la préparation opérationnelle qui fait les frais de Sentinelle. C'est vrai, notamment dans le domaine de la préparation opérationnelle interarmes : les autorités militaires estiment que, selon toute vraisemblance, la force opérationnelle terrestre ne retrouvera que 60 % de son niveau d'entraînement de 2014.
Notre collègue Malek Boutih a posé la question de fond : pouvons-nous continuer ainsi ? À titre personnel je ne suis absolument pas défavorable à l'évolution de la doctrine. Simplement il ne faut pas qu'elle évolue d'heure en heure. Les modalités d'intervention des terroristes changent et nous devons être capables d'être extrêmement réactifs, y compris concernant la doctrine. La vraie question est celle de la capacité à durer : doit-on limiter Sentinelle à l'état d'urgence et laisser la main aux seules forces de sécurité intérieure hors état d'urgence, sachant que celles-ci doivent remonter en puissance ? Aujourd'hui, les forces de sécurité intérieure ne peuvent pas assurer seules la protection du territoire national. Nous sommes bien dans une situation correspondant la règle dite des « quatre “i” », qui veut que les armées puissent être employées sur le territoire national quand les autres moyens de l'État sont indisponibles, inexistants, insuffisants ou inadaptés. Il est donc légitime que l'armée contribue à la protection du territoire national ; cela fait partie de sa mission. Mais la vraie question est : « comment et jusqu'à quand ? ».
Pour répondre à notre collège Alain Moyne-Bressand, il existe une petite formation, notamment juridique, sur l'usage de la force et l'ouverture du feu sur le territoire national, dont les modalités sont différentes de celles qui existent en OPEX. L'excuse pénale prévue pour les OPEX n'a pas d'équivalent sur le territoire national : on y est essentiellement soumis au régime de la légitime défense. C'est un véritable sujet car nos soldats n'ont que quelques secondes à peine pour décider l'usage de leurs armes.