Intervention de Patrick Kanner

Séance en hémicycle du 27 juin 2016 à 16h00
Égalité et citoyenneté — Présentation

Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports :

Madame la présidente, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur général, mesdames et monsieur les rapporteurs thématiques, mesdames et messieurs les députés, chacun, dans cet hémicycle, peut ressentir le besoin profond qu’a notre pays de se réapproprier l’idée républicaine.

La République est souvent invoquée, convoquée, mais la lucidité nous impose de dire qu’elle a perdu de sa force dans l’esprit de certains de nos concitoyens. Ceux-là se sont lassés des mots. Il n’y a plus que des actes, que des preuves, qui puissent les convaincre que la République mérite encore d’être notre idéal commun, le socle de notre identité.

Sous les effets conjugués d’une crise économique longue, d’attaques terroristes meurtrières, de discriminations répétées, de petites lâchetés face à de grands dangers, la République s’est essoufflée, elle s’est tarie : ses idéaux ont perdu de leur lisibilité chez les plus faibles. Pour lui redonner de la vigueur, il faudra une action déterminée de l’État mais aussi l’engagement des citoyens.

Il faut que l’État tienne ses promesses : c’est le volet « égalité » de ce projet de loi. Il faut que les citoyens s’engagent : c’est le volet « citoyenneté ». Les deux dimensions sont complémentaires et essentielles.

L’égalité, c’est donner aux jeunes, quelles que soient leur origine et leur condition, la possibilité de se soigner, d’accéder à leurs droits, de s’insérer. Tel est l’objet du deuxième chapitre du titre Ier. L’égalité, c’est lutter contre les phénomènes de ghettoïsation par une politique volontariste de mixité sociale par le logement. C’est l’objet du titre II qui sera présenté par Emmanuelle Cosse.

L’égalité, c’est enfin lutter contre les discriminations et donner plus à ceux qui ont moins – pour apprendre notre langue commune, pour accéder à la fonction publique, pour disposer des mêmes services publics dans tous les territoires. Pour cela, il s’agit de donner la parole à ceux qui vivent dans nos quartiers prioritaires, en renforçant les outils de démocratie participative que sont les conseils citoyens. C’est l’objet principal du titre III qui sera présenté par Ericka Bareigts.

L’État, mesdames et messieurs les députés, a perdu de son crédit faute d’avoir su faire valoir concrètement l’égalité dans toute une série de situations de la vie quotidienne, particulièrement dans certains territoires. Nous devons réparer ces injustices, même si nous ne les avons pas voulues, et peut-être parce que nous ne les avons pas voulues.

Les trois comités interministériels relatifs à l’égalité et à la citoyenneté ne poursuivaient pas d’autres buts, depuis les attentats de janvier 2015. Ils ont déjà permis de grandes avancées : doublement des crédits du service civique, création du plan « Citoyens du sport », création de la Grande École du numérique, création des contrats starters, ouverture de 50 % de places supplémentaires dans les établissements public d’insertion de la défense, création de l’Agence France Entrepreneur, nouveaux plans de prévention de la radicalisation…

Mais il fallait aller plus loin encore et le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté est le débouché législatif logique de ces comités.

L’État doit donc se montrer à la hauteur, mais les citoyens eux-mêmes doivent aussi manifester leur envie de République. Nous voulons les encourager à le faire par la promotion de l’engagement sous toutes ses formes. Il s’agit de susciter une véritable culture de l’engagement dans notre pays.

Le titre Ier du projet de loi, intitulé dans le texte initial « Citoyenneté et émancipation des jeunes », comporte de nombreuses dispositions dans ce sens, renforcées par les travaux en commission : l’élargissement des possibilités d’exercice du service civique, la reconnaissance de l’engagement dans les diplômes de l’enseignement supérieur – faisant écho à la reconnaissance dans le monde du travail via le compte personnel d’activité – et la création de la réserve citoyenne, judicieusement renommée « réserve civique » par la commission spéciale.

Pour que chaque jeune puisse trouver sa place dans la société et s’y engager, le titre Ier tend à compléter les dispositions favorisant leur autonomie sur les questions d’information, de santé, d’accès à la formation.

Le texte qui vous est présenté aujourd’hui a été nourri par une consultation numérique des citoyens, puis par les nombreux amendements débattus en commission spéciale. Je veux ici saluer le travail remarquable de sa présidente, Annick Lepetit, du rapporteur général, Razzy Hammadi, et des rapporteurs thématiques Valérie Corre, Philippe Bies et Marie-Anne Chapdelaine.

Je ne peux évoquer le millier d’amendements déposés, mais des avancées essentielles, souvent défendues par les rapporteurs, ont émergé. Le congé d’engagement, dont je rappelle qu’il est prévu qu’il soit de six jours fractionnables, a été étendu à de nouveaux bénéficiaires. Par ailleurs, ce congé pourra être rémunéré en cas d’accord de branche ou d’entreprise : nous en débattrons bientôt. La commission a voté la création d’une prémajorité associative qui permettra à des jeunes de 16 ans de créer et de gérer une association. Le service civique sera protégé dans sa spécificité, c’est-à-dire qu’il se distinguera de l’emploi de manière renforcée. La formation des volontaires et le suivi territorial du service civique ont aussi été améliorés.

Je retiens encore, parmi les amendements, celui qui consiste à donner à tous les volontaires une carte ouvrant les mêmes droits que ceux des étudiants, ou celui qui permet justement aux étudiants et aux salariés de bénéficier d’aménagements d’emploi du temps pour tenir compte de leur responsabilité associative ou de leur emploi.

Un autre sujet a été débattu en commission spéciale : celui de l’égalité des enfants devant le droit à l’éducation. Ce droit à l’éducation est intangible, parce qu’il relève de l’intérêt supérieur de l’enfant de disposer d’un socle commun de connaissances, de compétences et de culture, dans le respect des lois de la République. Nous allons donc, je l’espère, modifier le régime d’ouverture des écoles privées hors contrat : nous passons d’une déclaration préalable à une autorisation préalable…

4 commentaires :

Le 29/06/2016 à 08:39, laïc a dit :

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"la République s’est essoufflée, elle s’est tarie : ses idéaux ont perdu de leur lisibilité chez les plus faibles. Pour lui redonner de la vigueur, il faudra une action déterminée de l’État mais aussi l’engagement des citoyens."

Pour plus de République, je propose à M. Kanner de rejoindre les rangs de la CGT-FO lors de la prochaine manifestation contre la loi-travail.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 29/06/2016 à 08:48, laïc a dit :

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"L’État, mesdames et messieurs les députés, a perdu de son crédit faute d’avoir su faire valoir concrètement l’égalité dans toute une série de situations de la vie quotidienne, particulièrement dans certains territoires."

Et il continue à en perdre en privilégiant les accords d'entreprise sur le code du travail, par l'article 2 de la loi travail.

Pour plus d'égalité, il faut le même droit pour tous, et non pas un droit négocié au cas par cas dans chaque entreprise, qui pourront faire des pressions insidieuses sur les employés pour arriver à leurs fins.

Je suppose que pour plus d'égalité, M. Kanner est contre la loi-travail ? Sinon où est sa cohérence intellectuelle ? ?

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 29/06/2016 à 08:50, laïc a dit :

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"L’État doit donc se montrer à la hauteur, mais les citoyens eux-mêmes doivent aussi manifester leur envie de République. Nous voulons les encourager à le faire par la promotion de l’engagement sous toutes ses formes. Il s’agit de susciter une véritable culture de l’engagement dans notre pays."

ça compte de participer par ses commentaires sur "nos députés" ?

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Le 29/06/2016 à 09:11, laïc a dit :

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"Par ailleurs, ce congé pourra être rémunéré en cas d’accord de branche ou d’entreprise"

L'égalité, je le redis encore, c'est le même droit pour toutes et tous. Si le congé d'engagement est payé pour certains, il doit l'être pour tous. Sinon à quoi bon faire semblant de promouvoir l'égalité si elle déjà battue en brèche dès le départ ?

Et puis-je bénéficier d'un congé d'engagement payé pour faire mes commentaires ? Je ne crois pas qu'il y ait un citoyen plus engagé que moi dans la chose publique...

Tout dépend ce que l'on entend par engagement : s'il s'agit de répercuter servilement les directives du parti socialiste, il n'y a bien sûr aucun intérêt à être citoyen. La citoyenneté, c'est l'individu qui réfléchit en son âme et conscience sur les problèmes de droit et de société, de justice et d'égalité, pour le bien de toutes et tous, en dehors de toute idéologie partisane.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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