Intervention de Emmanuelle Cosse

Séance en hémicycle du 27 juin 2016 à 16h00
Égalité et citoyenneté — Présentation

Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable :

Au moment où les échelles d’intervention publique évoluent avec la mise en oeuvre d’une réforme intercommunale majeure, mon objectif est d’encourager les acteurs des territoires – à commencer par les élus locaux – qui font de la diversité une richesse et qui se battent pour que les villes intègrent ceux qui sont « hors des circuits de la vie sociale », pour reprendre une expression de Louis Besson.

Après la loi SRU, la loi Égalité et citoyenneté est une étape supplémentaire vers la constitution de bassins de vie équilibrés et hospitaliers. Dans la lignée de la loi ALUR qui a consacré la responsabilisation accrue des acteurs locaux, mais également de la loi de janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public, elle vise à s’appuyer sur les points forts des territoires pour mettre en place des politiques de peuplement en dentelle, fines et adaptées aux besoins spécifiques des habitants en fonction des territoires.

En ce sens, ce projet de loi vous propose d’agir sur l’offre de logements en veillant à leur bonne répartition spatiale et à leur diversité, mais il propose aussi d’agir sur le parc social existant en réformant les attributions des logements sociaux et les politiques de loyers afin qu’elles constituent des leviers justes et équitables de mixité sociale.

Pour cela, un meilleur pilotage des attributions sera mis en place : 25 % des attributions réalisées en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville – QPV – devront être destinées aux 25 % des ménages les plus pauvres du fichier de demandeurs de logement social. Cette mesure forte, qui s’ajoute à l’objectif – rehaussé par la loi relative à la mobilisation du foncier public – de production de 20 %, voire 25 % de logements locatifs sociaux dans chaque commune, permettra aux ménages modestes d’accéder à des quartiers qui leur sont aujourd’hui le plus souvent interdits.

Afin de tenir compte des spécificités locales et suite à un travail approfondi avec les députés en commission spéciale, le Gouvernement a proposé que ce taux de 25 % puisse être modulé, avec l’accord des représentants de l’État, par les conférences intercommunales délégataires des aides à la pierre. Par ailleurs, un taux similaire de 25 % s’appliquera également à Action Logement et aux collectivités territoriales afin qu’ils consacrent 25 % de leurs attributions aux ménages prioritaires et à ceux reconnus au titre du droit au logement opposable.

Sur ce point, qui a occupé tant de nos débats, veillons à ne pas opposer mixité sociale et droit au logement. C’est là tout l’équilibre de nos discussions. La nécessaire mixité que nous appelons de nos voeux implique d’abord et avant tout de permettre aux ménages modestes le franchissement de portes qui leur sont aujourd’hui fermées.

Mais attention à ne pas faire de la mixité un paravent de l’exclusion : refuser un logement à un ménage prioritaire dans les QPV revient à le laisser sans solution. Ce n’est pas ma vision des combats de la gauche : je veux ouvrir tous les quartiers à tous les ménages. Donc, je ne remplacerai pas une interdiction par une autre.

Pour autant, je comprends très bien la volonté de certains d’entre vous de travailler à des moyens permettant de diversifier la population dans des quartiers fragiles. C’est pourquoi je pense que nous pouvons travailler ensemble à créer du droit positif et du droit d’accès, et non du droit de séparation ou d’exclusion. Aussi, je vous proposerai que l’on puisse s’accorder, au plan local, sur un principe de définition systématique d’objectifs de diversification pour l’ensemble des publics accueillis afin de répondre aux besoins de mixité sociale que vous exprimez, tout en garantissant la valeur inclusive du logement social.

En outre, le Gouvernement vous propose avec ce texte de favoriser une plus grande transparence dans les attributions. Les conférences intercommunales devront définir publiquement les orientations relatives aux attributions sur leurs territoires et les bailleurs sociaux seront obligés de publier les logements vacants d’ici 2020, date qui a d’ailleurs été avancée en commission.

Pour atteindre ces objectifs ambitieux, le projet de loi prévoit également d’offrir des libertés supplémentaires aux bailleurs sociaux afin notamment de leur permettre de mettre en place une nouvelle politique de loyers. Le travail en commission spéciale a également permis d’évoluer sur un autre point : il est proposé de renforcer le supplément de loyer de solidarité pour les ménages qui dépassent les plafonds de ressources tout en maintenant la nécessaire exigence de mixité sociale que les élus ont souhaité défendre en commission.

Enfin, parce que la mise en oeuvre de la loi SRU demeure une exigence première, il est proposé de donner à l’État des moyens supplémentaires pour imposer des programmes de logements sociaux là où la volonté politique locale est insuffisante. Je vous rappelle, si cela est nécessaire, que si toutes les communes déficitaires respectaient leurs objectifs selon la loi SRU, 750 000 logements sociaux seraient construits d’ici 2025 !

La procédure de carence sera également clarifiée et mise en cohérence sur les plans régional et national afin de rendre la loi SRU plus pertinente et cohérente avec les besoins et les réalités des territoires. Le périmètre d’application sera notamment recentré afin de supprimer certains écueils de la loi, ce qui rendra d’autant plus légitime la fermeté à l’endroit des communes réfractaires à l’objectif national de mixité sociale.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, l’objectif de ce titre II du projet de loi Égalité et citoyenneté. Alors que nous commençons la dernière ligne droite de ce quinquennat, vous avez là l’opportunité d’enrichir et de voter un projet de justice et de progrès. N’oublions jamais que l’autonomie, la réussite scolaire ou professionnelle, le bien-être, la vie de famille, la construction personnelle sont d’autant plus faciles que l’on dispose d’un logement digne. Avoir un chez soi, au-delà d’un simple toit, c’est une exigence quotidienne pour des millions de nos concitoyens, à laquelle nous devons toute notre mobilisation.

Dans un contexte difficile, nous pouvons ainsi consolider les valeurs républicaines d’égalité et d’émancipation. Aux exigences accrues en matière d’efficacité des politiques publiques, nous pouvons offrir un pacte territorial renforcé entre État, collectivités, bailleurs et usagers. Grâce à un égal accès à un habitat mieux partagé, nous pouvons faire en sorte que les Françaises et les Français puissent retrouver à la fois confiance en l’autre et confiance en l’avenir

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