Intervention de Razzy Hammadi

Séance en hémicycle du 27 juin 2016 à 16h00
Égalité et citoyenneté — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRazzy Hammadi, rapporteur général de la commission spéciale :

Madame la présidente, madame la ministre du logement et de l’habitat durable, monsieur le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, madame la secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle, madame la présidente de la commission spéciale, mesdames et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, nous entamons aujourd’hui l’examen d’un projet de loi qui est l’aboutissement d’un long travail de réflexion, entamé en mars 2015 avec la première réunion du comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté – CIEC.

Deux mois après les attaques terroristes contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher, le Gouvernement dressait alors un constat sans fard, que M. le ministre vient de rappeler : celui d’un profond malaise social et démocratique, ressenti par une très grande part de nos concitoyens, pour lesquels la République et ses valeurs ne sont plus guère qu’une illusion. La suite de l’année 2015 aura tragiquement montré la lucidité de ce constat.

Comment renforcer le lien entre les citoyens et la nation ? Comment faire vivre les valeurs de la République chez ceux de nos concitoyens qui s’en sont éloignés ? La complexité et l’ampleur de ces questions sont telles qu’elles auraient pu décourager l’action. Le Gouvernement a fait exactement l’inverse, en décidant de traduire « la République en actes ». Cette expression est celle qu’a retenue le CIEC, dont les travaux ont débouché sur l’annonce de soixante mesures concrètes, autour des valeurs socles d’égalité et de citoyenneté.

Ces valeurs renvoient sans doute chacun d’entre nous à des réalités différentes, en fonction de son parcours personnel, de son milieu social, de sa couleur, de son éducation, de ses convictions politiques ou de ses croyances. Mais je crois que nous pourrons tous, sur ces bancs, nous accorder sur les définitions qui nous rassemblent : l’égalité, ce sont les mêmes opportunités données à chacun, et les mêmes règles qui s’imposent à tous ; la citoyenneté, c’est l’appartenance à une communauté de destin, et l’adhésion à des valeurs partagées.

Comme un symbole de la présence et de l’engagement de la République dans ce qu’un raccourci commun désigne comme les « quartiers en difficultés », c’est aux Mureaux que s’est tenue la seconde réunion du comité interministériel. Elle a été l’occasion de dresser le bilan des sept mois écoulés depuis la première réunion, et d’annoncer la préparation du projet de loi dont nous débutons aujourd’hui l’examen.

Bien avant le dépôt du projet de loi, le 13 avril dernier, les députés du groupe majoritaire, que je salue, ont mis en place un groupe de travail dont les réflexions ont contribué à l’élaboration du texte. La création de la commission spéciale, demandée par le Gouvernement, est parfaitement justifiée au regard du caractère transversal et de la diversité des sujets abordés. Cette diversité a conduit la commission à désigner, outre votre rapporteur général, trois rapporteurs thématiques, dont je souhaite saluer la qualité des travaux : Valérie Corre pour le titre Ier, Philippe Bies pour le titre II et Marie-Anne Chapdelaine pour le titre III. Chacun a procédé à de nombreuses auditions qui ont donné lieu à des discussions, parfois mêmes à des négociations. Ouvertes aux membres de la commission, elles ont permis de corriger et d’enrichir le texte. Nous avons su coordonner nos initiatives, au point qu’à de rares exceptions près, les amendements déposés en commission l’ont été par l’équipe des quatre rapporteurs.

Je tiens également à remercier la présidente, Annick Lepetit, pour la bonne tenue de nos travaux. En très peu de temps, la commission spéciale a pu auditionner plusieurs associations, organisations, syndicats et personnalités. Ces travaux préparatoires, particulièrement nourris, ont abouti au dépôt d’environ 1 100 amendements ; la commission en a adopté plus de 350, dont beaucoup portant articles additionnels, ce qui illustre la richesse de la coproduction parlementaire, en qualité comme en quantité. Le texte dont nous débattrons cette semaine compte ainsi plus de 160 articles, contre seulement 41 dans la version du Gouvernement.

En un seul ensemble, ce projet de loi rassemble donc plusieurs engagements forts du Président de la République, du Gouvernement et de la majorité, à destination de la jeunesse de France, en faveur de la justice sociale, et contre toutes les formes de discrimination. Ces engagements n’ont d’ailleurs pas attendu le dépôt de ce projet de loi car, s’il est examiné dans la dernière année de la législature, il s’inscrit dans la continuité des actions engagées, comme l’a rappelé le Gouvernement : la jeunesse a été une préoccupation constante des pouvoirs publics, qu’il s’agisse du plan de relance de l’apprentissage ou de la création de la Garantie jeunes ; l’accès au logement, en particulier social, a déjà fait l’objet de plusieurs dispositions législatives, notamment la loi ALUR, et d’actions concrètes ; et s’agissant enfin de la lutte contre les discriminations, entre autres mesures, cette majorité peut être particulièrement fière d’avoir permis l’adoption de l’action de groupe contre les discriminations.

Je laisserai le soin aux rapporteurs thématiques de présenter plus précisément le contenu de chacun des titres du projet de loi. Le titre Ier comporte une série de mesures destinées à renforcer le lien citoyen – unification de la réserve citoyenne, ou encore renforcement du service civique – et à offrir de nouvelles possibilités d’engagement à la jeunesse de notre pays. Le titre II renforce la mixité sociale dans le logement, en permettant entre autres aux demandeurs de logements sociaux les plus modestes d’être logés ailleurs que dans les quartiers connaissant les plus grandes difficultés. C’est un dispositif unique en Europe. Le titre III, enfin, comporte pour l’essentiel des mesures de lutte contre les discriminations, sous toutes leurs formes. L’expression « casser les ghettos » n’a souvent été qu’un slogan. Elle trouve ici une traduction législative : casser les ghettos par l’engagement, par la mixité sociale, par la lutte contre les discriminations, voilà la République en acte que nous appelons de nos voeux.

J’insisterai pour ma part sur certaines modifications apportées en commission. S’agissant du titre Ier, nous avons tout d’abord souhaité en modifier l’intitulé, pour y inclure la notion de participation rappelée par Ericka Bareigts. L’article 8 prévoit un congé d’engagement et renvoie à l’accord d’entreprise ou de branche le soin de décider si ce congé est rémunéré ou non, et à quelle hauteur.

La commission a adopté de nombreuses mesures relatives au service civique, car si celui-ci est une chance, il faut avoir conscience des craintes que son élargissement peut susciter. Aussi avons-nous travaillé en commission sur l’inscription des volontaires sur le registre du personnel ou encore un droit d’alerte des représentants du personnel auprès de l’Agence du service civique. Je ne doute pas que nous améliorerons ces propositions dans le cadre de nos débats.

En matière de participation de la population aux décisions publiques, nous avons déjà fait adopter par la commission deux amendements importants. L’un prévoit d’associer les citoyens à l’élaboration du schéma d’aménagement de la région Île-de-France. C’est presque par erreur que la commission n’a pas adopté les mêmes amendements pour les schémas des autres régions.

Afin de renforcer encore l’affirmation de la jeunesse comme priorité de l’action publique, nous souhaitons doter les territoires de stratégies en faveur de la jeunesse, afin que tout le monde puisse définir les moyens et les objectifs. Concrètement, le texte prévoit l’inclusion dans les contrats de ville d’actions stratégiques en faveur de la jeunesse.

Très symboliquement, le texte prévoit désormais que la nation reconnaît le droit de chaque jeune de 18 à 25 ans à la mobilité internationale. Parce que la priorité donnée à la jeunesse passe évidemment par la formation, et si possible par l’excellence, il faut permettre aux meilleurs bacheliers boursiers d’accéder aux filières sélectives, tout en maintenant le principe du libre accès aux formations universitaires. Cela implique une réécriture de l’article 19, sur lequel nous avons beaucoup travaillé avec Valérie Corre.

J’en viens au titre II, sans quitter pour autant le domaine de la jeunesse. Je pense aux débats sur l’élargissement de la liste des publics prioritaires pour l’attribution d’un logement social aux jeunes en formation professionnelle, ou encore sur l’accès à la location meublée dans le parc social, notamment s’agissant des enseignants, ce qui leur donnera la possibilité d’effectuer plus facilement des remplacements de courte durée en levant l’obstacle que constitue dans certains territoires la pénurie de logements abordables.

La « démocratie locative », expression si chère à Philippe Bies et dont il est l’auteur, est l’objet d’un nouveau chapitre introduit par la commission dans le titre II. Nous avons assoupli les conditions d’introduction d’une action de groupe dans le secteur du logement social, en n’exigeant plus d’agrément pour l’association représentant les locataires. C’est un sujet sur lequel nous aurons l’occasion de revenir au cours de nos débats. De la même façon, je ne doute pas que nous aurons encore à débattre du fameux « 1 % associatif et culturel » qui impose aux promoteurs de logements sociaux de mettre un certain pourcentage de la surface bâtie à disposition de nos associations, des citoyennes et des citoyens, afin de renforcer le vivre-ensemble.

Le titre III, consacré à l’égalité réelle, a été considérablement enrichi par la commission et je remercie le Gouvernement de son écoute. L’article 34 bis réintroduit dans le texte la fonction de délégué du Gouvernement, qui pourra être sollicité par les citoyens, par l’intermédiaire des conseils citoyens. Parmi les nombreuses mesures de lutte contre les discriminations sous toutes leurs formes, notons que le sexisme sera désormais une circonstance aggravante générale des crimes et délits.

Le titre III a servi de « terre d’accueil », au sens noble du terme, à de nombreuses initiatives parlementaires jusqu’alors inabouties. Marie-Anne Chapdelaine y reviendra sans doute, mais je voudrais notamment signaler l’importation de trois propositions de loi : celle du président Raimbourg sur les gens du voyage, qui nous appelle d’ailleurs à les appeler « citoyens itinérants », celle de la sénatrice Bariza Khiari et de notre collègue Daniel Goldberg sur les emplois dits fermés, celle enfin du président Schwartzenberg sur l’accès aux cantines scolaires.

Il est impossible, en si peu de temps, de présenter tous les apports de ce projet de loi. Je crois que nos débats en séance seront une nouvelle occasion de l’enrichir, afin que soient portées haut les valeurs de la République et que le lien social et démocratique soit renforcé dans notre pays.

1 commentaire :

Le 29/06/2016 à 11:10, laïc a dit :

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"Il est impossible, en si peu de temps, de présenter tous les apports de ce projet de loi. Je crois que nos débats en séance seront une nouvelle occasion de l’enrichir, afin que soient portées haut les valeurs de la République et que le lien social et démocratique soit renforcé dans notre pays."

Pour l'instant c'est complètement raté.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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