Aujourd’hui, en 2016, que signifie être citoyen ? Nous pourrions nous poser la question après les terribles attentats qui ont frappé notre pays. Face à cette menace grandissante du repli sur soi et de l’intolérance, il nous faut donner, tous ensemble, du sens à la citoyenneté, instaurer davantage d’égalité au sein d’une société constituée de citoyens plus engagés, favoriser une plus grande justice sociale, renforcer la solidarité, condamner les discriminations et lutter contre elles. C’est là tout le coeur de ce projet de loi qui s’adresse aux citoyens. Il défend les valeurs de notre République et de notre pays.
Le titre III qu’il me revient de vous présenter n’a plus qu’un rapport éloigné avec celui qu’avait déposé le Gouvernement sur le Bureau de l’Assemblée nationale. Les huit articles de la rédaction initiale ont suscité un large consensus. Je mentionnerai tout de même les modifications apportées à l’article 34, où nous avons réintroduit la possibilité pour un conseil citoyen de solliciter un délégué du Gouvernement, à l’article 38 où nous avons introduit la circonstance aggravante de sexisme, et à l’article 39, où nous avons élargi la capacité des associations à agir en justice contre les propos négationnistes et révisionnistes. Par ailleurs, la perte d’autonomie ainsi que la capacité des personnes à s’exprimer dans une autre langue que le français, étrangère ou régionale, constitueront désormais des critères de discrimination prohibés.
Je l’ai dit : le titre III a été profondément modifié à l’occasion des travaux de la commission spéciale, sous la présidence efficace de Mme Annick Lepetit, que je remercie, et avec le concours apprécié du Gouvernement, représenté par M. le ministre Patrick Kanner et Mme la secrétaire d’État Ericka Bareigts. Je donnerai un seul chiffre : les huit articles de la rédaction initiale sont devenus quarante-six aujourd’hui. Le contenu du titre III a plus que quintuplé, ce qui nous a conduits à créer des sections en son sein pour lui donner une plus grande cohérence.
Qu’avons-nous fait ? Beaucoup de choses et, j’oserai le dire, beaucoup de bonnes choses. Nous avons d’abord profité du projet de loi pour faire avancer des dispositions chères aux coeurs des députés et qui se trouvaient coincées dans la navette. Eh bien, nous allons les faire progresser maintenant, et mieux, nous allons les faire aboutir ! Je pense ainsi à la proposition de loi de Dominique Raimbourg relative au statut, à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, à celle de Gérard Schwartzenberg, visant à garantir le droit d’accès à la restauration scolaire, ou encore à celle de Mme Khiari, visant à supprimer les conditions de nationalité qui restreignent l’accès des travailleurs étrangers à l’exercice de certaines professions libérales ou privées.
Nous avons également répondu à de nombreuses attentes formulées par le Défenseur des droits, notamment en demandant à l’administration d’exposer clairement sa politique interne de lutte contre les discriminations et en transposant en partie la directive européenne, applicable dès 2017, qui commande aux entreprises privées de grande taille de faire de même.
En ce qui concerne la fonction publique, je tiens à saluer la grande ouverture du Gouvernement : le chapitre III est d’une importance considérable. Le dispositif présenté par un amendement du Gouvernement sur le recrutement contractuel de jeunes défavorisés pour les préparer à passer les concours de catégorie A et B dans de bonnes conditions concilie l’attente d’équité et l’exigence d’égalité. L’alternance entre hommes et femmes à la présidence des jurys de concours, la présence de deux parlementaires au jury de l’ÉNA – peut-être ce dispositif devra-t-il évoluer – ou la formation des jurys à la non-discrimination témoignent d’un attachement à considérer la France telle qu’elle est et les candidats tels qu’ils sont, pour une administration plus proche des citoyens.
Certains sujets du chapitre IV sur la lutte contre les discriminations ont été consensuels, tels que la lutte contre le sexisme, défendue par Maud Olivier. Les amendements présentés par les rapporteurs sur la répression du bizutage et la protection de ses victimes sauront sans aucun doute susciter un consensus sur tous les bancs de l’Assemblée nationale. Il me semble enfin que les propositions de Victorin Lurel qui abrogent des textes datés qui ne correspondent plus à notre conception de la République seront saluées par tous, même si je m’attends à des débats sur les quotas de diffusion de chanson en langue régionale.
J’en viens maintenant aux quelques points sur lesquels nous attendrons des éclaircissements de la part du Gouvernement et qui ont été évoqués en commission. En ce qui concerne la lutte contre la discrimination dans les médias, nous souhaitons conférer au Conseil supérieur de l’audiovisuel un pouvoir de supervision fort qui lui permette de rappeler à l’ordre les chaînes qui oublient un peu trop souvent qu’elles diffusent sur l’ensemble du territoire national. Nous aurons également des échanges en matière de lutte contre les discriminations dans l’entreprise. Je le sais, nombreux sont ceux qui soulèveront la question du CV anonyme, qui n’a pas ma préférence, quand d’autres évoqueront la nécessité de prévoir des mécanismes de contrôle tant à l’embauche que dans le déroulement de la carrière. Ces sujets provoqueront de nombreux débats avant que nous ne trouvions, je l’espère, la bonne réponse.
Enfin, nous aurons une nécessaire discussion sur les questions, en réalité connexes, de la caméra mobile des forces de l’ordre et du récépissé de contrôle d’identité. Nous avons tous accepté de retirer nos amendements sur le sujet en commission spéciale, non seulement par respect pour une police nationale qui venait d’être éprouvée par un assaut qui nous a tous révulsés, mais aussi parce que M. le ministre de l’intérieur a souhaité être présent en personne pour répondre aux sollicitations des parlementaires. De cela, déjà, nous devons remercier le Gouvernement : notre débat n’en aura que plus de portée.
Mes chers collègues, le titre III de ce projet de loi, à lui seul, serait déjà un grand texte. Pour la lutte contre les discriminations, il fera date. Je vous appelle à achever cette première lecture par un vote sans retenue en sa faveur. Nous n’en aurons que plus de poids, face au Sénat, pour en conserver les acquis.
Édouard Herriot disait : « Il est plus facile de proclamer l’égalité que de la réaliser ». Aujourd’hui, les déclarations d’intention et les belles promesses ne suffisent plus. Nous nous devons d’agir et de convertir en actes les formidables espoirs dont font preuve nos concitoyens pour une France plus belle, plus unie et plus fraternelle. Ce projet de loi ne proclame pas l’égalité, il la réalise.
Le 29/06/2016 à 11:31, laïc a dit :
" L’alternance entre hommes et femmes à la présidence des jurys de concours,"
C'est d'un sexisme achevé que de prendre en compte le sexe du président du jury. Ils n'ont qu'à le (ou la) tirer au sort (à compétence égale bien sûr), comme ça il n'y aura plus de suspicion de préférentialisme sexuel.
Le 29/06/2016 à 11:36, laïc a dit :
"Nous nous devons d’agir et de convertir en actes les formidables espoirs dont font preuve nos concitoyens pour une France plus belle, plus unie et plus fraternelle."
Plus unie et fraternelle en prenant en compte officiellement la diversité des citoyens ? C'est plutôt et clairement l'inverse qui va se produire.
Le 29/06/2016 à 11:27, laïc a dit :
"Je le sais, nombreux sont ceux qui soulèveront la question du CV anonyme, "
CV anomyme ou promotion de la diversité, il faut choisir (je parle pour ceux qui ont le pouvoir...). Les deux approches sont clairement contradictoires. Le CV anonyme est républicain, l'apologie de la diversité fait le lit de toutes les discriminations et est anti-républicain.
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