Intervention de Marianne Dubois

Séance en hémicycle du 27 juin 2016 à 16h00
Égalité et citoyenneté — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarianne Dubois :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi traite de deux notions fondamentales dans une société : l’égalité et la citoyenneté. À ce titre, les outils qui visent à façonner la citoyenneté de demain doivent être valorisés à partir de celle d’aujourd’hui.

Comme vous le savez, notre collègue Joaquim Pueyo et moi-même avons rédigé un rapport sur le service universel qui a été adopté à l’unanimité, en décembre dernier, par la commission de la défense ; en est issu le programme relatif aux cadets de la défense. L’objectif des amendements identiques que nous avons déposés vise, dans cette optique, à la mise en place, par le ministère de la défense, d’un grand programme de cadets pour la jeunesse française, afin de généraliser l’expérimentation embryonnaire lancée en 2008.

Ce dispositif vise à offrir une expérience de vie inédite aux jeunes Français grâce au savoir-faire des armées s’agissant de la jeunesse ; tel que nous l’avons vu fonctionner au Canada, mais aussi en France – par exemple à la base aérienne d’Évreux –, il s’articule en deux temps : plusieurs demi-journées par mois dans une formation militaire, où les jeunes reçoivent une instruction civique et pratiquent des activités sportives ; un camp d’été de deux semaines ou plus, sous encadrement militaire.

Concrètement, les jeunes apprennent à cette occasion le vivre ensemble, les valeurs civiques, la discipline, le dépassement de soi, le goût de l’effort, bref, tout ce qui constitue l’ADN de nos armées. Au Canada, le programme attire 55 000 jeunes chaque année – et 110 000 au Royaume-Uni –, et il est structuré autour de trois ligues : la ligue de l’armée de terre, où les jeunes effectuent des parcours d’aventures et sont sensibilisés à la nature et à l’environnement ; la ligue navale, où ils découvrent le monde maritime et apprennent à naviguer ; la ligue de l’air, enfin, où ils découvrent l’aéronautique et ses métiers. Présents sur tout le territoire, les centres de cadets assurent une présence militaire continue et font participer les jeunes aux cérémonies patriotiques ; ils sont adossés à des régiments d’active ou de réserve dont ils reprennent les traditions.

Ce programme mérite d’être appliqué en France. En commission spéciale, nous avons eu un débat sur l’âge requis ; mais rappelons que les jeunes sapeurs-pompiers, exemple de réussite puisqu’ils sont 27 000 par an, peuvent s’engager dès l’âge de douze ans. Il nous a paru plus efficace d’intervenir vers treize ou quatorze ans, au moment où la personnalité se forge et où le jeune a besoin d’un cadre, que vers dix-huit ou dix-neuf ans, quand il est déjà sorti du système. Nous avons donc redéposé des amendements en ce sens, avec l’espoir qu’ils convaincront l’Assemblée et le Gouvernement, car nous parlons, pour les intéressés, d’une expérience de vie unique.

Il faut aussi, naturellement, « muscler » l’enseignement en matière de défense grâce à un meilleur suivi au sein du ministère de la défense et une plus grande mobilisation des armées, notamment de ses réservistes : aucun jeune ne devrait quitter le système scolaire sans avoir visité au moins une unité militaire et participé au moins une fois à une cérémonie patriotique.

L’importance des rites républicains est une évidence. À ce titre, les cérémonies de citoyenneté, au cours desquelles sont remises les cartes électorales aux jeunes de dix-huit ans, méritent d’être systématisées. La citoyenneté doit concerner tous les citoyens : ce n’est pas une lapalissade de le rappeler, car certains citoyens connaissent des difficultés au quotidien – je pense tout particulièrement aux personnes sourdes.

De fait, nombre de salariés qui souhaitent se former dans le cadre du compte personnel de formation ne peuvent choisir la langue des signes. Les préfets inscrivent en effet les formations en fonction des besoins des territoires, alors que la situation des organismes de formation en langue des signes française demeure préoccupante. Ces organismes se trouvent ainsi dans une situation économique particulièrement fragile, cependant que les besoins ne cessent de croître.

Nous nous félicitons du renforcement de la formation des enseignants qui interviennent au sein des Pass formation, notamment en langue des signes. Toutefois, les accompagnants des élèves en situation de handicap – AESH – peuvent utiliser leur droit individuel à la formation – DIF – à condition que ladite formation soit proposée au niveau académique, ce qui peut varier d’une académie à l’autre. Il faudrait donc mieux coordonner ce dispositif au niveau national, car l’inclusion des élèves handicapés, notamment sourds, nécessite davantage de formations en langue des signes pour le personnel non-enseignant. Nous avons entendu les discours gouvernementaux sur l’insertion des personnes en situation de handicap et leur accès à la formation professionnelle ; mais il faut franchir la barrière des mots. L’accessibilité ne saurait se résumer au seul aménagement des espaces publics et du bâti.

Le titre III du projet de loi ne peut et ne doit donner lieu à des surenchères pour savoir à qui décerner un brevet de citoyenneté. Chacun, ici, est désireux de promouvoir la citoyenneté ; mais encore faut-il proposer des projets pragmatiques et pérennes, accessibles à tous.

Mes chers collègues, ce projet de loi, avec ses quarante-cinq articles, ne doit pas devenir un ensemble dont l’hétérogénéité compromettrait la pertinence. Les décrets d’application, rappelons-le, sont parfois hasardeux et longs à prendre.

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