Intervention de Annie Genevard

Séance en hémicycle du 27 juin 2016 à 16h00
Égalité et citoyenneté — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnie Genevard :

Il sera intéressant de l’entendre sur ce sujet si d’aventure elle devenait députée, comme elle en a exprimé le souhait.

Légiférer par ordonnance donne un pouvoir considérable au Gouvernement et réduit ipso facto les droits du Parlement. Il s’agit évidemment d’une prérogative parfaitement constitutionnelle mais qui, s’agissant d’une liberté fondamentale, est profondément choquante. Une loi d’habilitation ne saurait accorder au Gouvernement le pouvoir de légiférer à sa guise sur les principes constitutionnels de liberté d’enseignement et de liberté d’association – rien moins que cela !

Il faut donc, de notre point de vue, conserver le régime déclaratif qui n’est pas un blanc-seing donné à qui voudrait endoctriner à sa guise. Les maires, dans le vade mecum sur la laïcité, vous l’ont dit : ils prônent « un régime de déclaration plus encadré. » Les responsables de l’enseignement catholique ont écrit au Président de la République, considérant « qu’est ici en cause l’une des plus grandes libertés de notre République ». Comment pouvez-vous ignorer de tels avis ?

La question qui se pose est de savoir comment mieux combattre un danger majeur. Mais encore faudrait-il que l’on veuille bien nous en dire les contours précis ! L’objectif de lutter contre la radicalisation fait consensus, et l’efficacité est un devoir. Mais le remède proposé pourrait s’avérer pire que le mal s’il apportait la preuve de notre impuissance à le combattre. Le régime déclaratif permet aujourd’hui d’empêcher la création d’une école : il faut le répéter, car vous laissez entendre qu’en la matière l’absence de règles est totale.

On peut aujourd’hui, en droit, empêcher une école d’ouvrir mais, de toute évidence, les motifs d’un tel refus doivent être revus et actualisés. Je pense en particulier à celui qui attesterait d’un manquement aux valeurs de la République.

De même, le délai d’instruction du dossier doit être allongé, sans, du reste, que l’on passe de facto à un régime d’autorisation comme vous le prétendez.

Croyez-vous qu’il sera plus facile de fermer un établissement déviant après l’avoir autorisé ? J’en doute et ce d’autant que, corollairement, vous renforcez la liberté d’enseignement une fois l’autorisation donnée. La clé, et, sur ce point, nous pouvons tomber d’accord, réside dans le contrôle, régulier et exigeant. Aujourd’hui, il est insuffisant. Quelles garanties avons-nous que, demain, il sera plus efficace ?

La ministre devrait se préoccuper d’abord de la proportion insupportable d’élèves en échec scolaire dans l’école publique avant de fragiliser ceux qui, par une liberté pédagogique que donne précisément le hors contrat, apportent des réponses alternatives. Là aussi, vous voulez contraindre. Je proposerai un amendement qui, s’il était adopté, répondrait, je crois, à nos préoccupations à tous sans renoncer au régime déclaratif.

La réponse que vous proposez, un contrôle a priori, n’est pas adaptée à une situation dont chacun devine les dangers potentiels. Il faut aller plus loin dans le contrôle et la possibilité de fermer rapidement un établissement. Vous proposez un entre-deux liberticide, qui n’offre pas de sérieuses garanties dans la lutte contre la radicalisation. Votre solution peut conduire à priver les parents du droit fondamental, que l’on croyait jusqu’à votre arrivée imprescriptible, d’avoir le choix éducatif pour leurs enfants. Pire encore, elle compromet injustement les efforts de tous ceux qui, au contraire, font oeuvre utile pour restaurer les valeurs de la République.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion