Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, si l’objectif du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté est de répondre aux malaises social et démocratique des quartiers populaires et de mettre la République en actes à travers un renforcement de la citoyenneté et de l’égalité, alors il ne doit pas oublier les inégalités subies par la moitié de la population, les femmes.
Comme le rappelait le Haut conseil à l’égalité dans son rapport EGAliTER, les inégalités entre les femmes et les hommes concernent tous les territoires et tous les milieux sociaux mais, lorsqu’elles croisent des fractures territoriales importantes, elles sont de fait renforcées. Ainsi, dans les zones urbaines sensibles, une femme sur quatre est en situation de pauvreté, une femme sur deux n’est pas dans l’emploi.
Nous avons beaucoup fait depuis 2012 pour que, au-delà de l’égalité des droits, on atteigne l’égalité réelle. La loi du 4 août y était consacrée. Mais notre droit part de si loin. Nous pouvons encore le changer profondément, et ces changements ont toute leur place dans ce texte.
Alors qu’est-ce qui empêche les femmes d’accéder à une pleine citoyenneté ? D’avoir accès aux mêmes opportunités que les hommes ? Il y a au moins deux formidables freins.
Le premier, c’est la pseudo-neutralité des politiques publiques, qui ne prennent pas en considération les réalités vécues par les femmes. Dans certaines communes, par exemple, on ne donne pas accès à la restauration scolaire aux enfants dont l’un des deux parents ne travaille pas. Mais qui ne travaille pas ? Évidemment les femmes. Qui est toujours plus éloigné de l’emploi par ces choix de politiques publiques ? Principalement les femmes. C’est pourquoi nous avons proposé que, lorsqu’un service de restauration est ouvert, tous les enfants doivent y avoir accès. C’est une mesure de justice. C’est aussi un véritable outil pour lever ce frein à l’emploi qui concerne essentiellement des femmes.
Ainsi, pour mieux prendre en compte les réalités, il fallait reconnaître l’égalité femmes-hommes comme un enjeu de politique publique.
C’est ce que nous avons fait en commission en inscrivant le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes dans la loi. Il fallait donner un statut législatif à cette instance, créée par décret, pour assurer sa pérennité et son indépendance.
Nous avons également prévu que l’égalité entre les femmes et les hommes ferait partie des compétences partagées de toutes les collectivités territoriales.
Il nous reste à prendre d’autres mesures, imposer par exemple, comme nous l’avons fait pour la jeunesse, que les contrats de ville proposent systématiquement des actions stratégiques pour l’égalité et l’ajouter aux objectifs de l’ANRU.
Le second frein à la pleine citoyenneté des femmes et à l’égalité, c’est une discrimination flagrante, récurrente, présente partout, qui a des conséquences des plus banales aux plus graves, le sexisme.
Le sexisme, c’est une idéologie qui, considérant qu’un sexe est supérieur à l’autre, entraîne mépris et discriminations. Comme disait Bourdieu, les femmes ont en commun d’être séparées des hommes par un coefficient symbolique négatif. Cependant, le sexisme n’est toujours pas puni par la loi, et les violences faites aux femmes ne diminuent pas, notamment parce que leur traitement juridique ne tient pas compte de leur caractère sexiste. C’est notamment pour cela qu’en commission, nous avons fait du sexisme une circonstance aggravante, au même titre que l’homophobie et le racisme.
On croit encore massivement que les violences faites aux femmes sont le fait de comportements individuels et d’histoires personnelles. Lorsque les cours de justice aggraveront les crimes et délits pour sexisme, on reconnaîtra alors qu’il s’agit d’un enjeu sociétal, que les violences faites aux femmes touchent les femmes parce qu’elles sont femmes.
Je nous invite, chers collègues, à aller plus loin encore et à inscrire une nouvelle infraction au code pénal, l’agissement sexiste. Le sexisme est à l’origine d’actes allant de la discrimination aux diverses formes de harcèlement, voire à l’agression sexuelle. Certains sont visés par notre droit, d’autres y échappent, tout ce qui relève du sexisme ordinaire, toutes ces attitudes, ces propos, comportements qui délégitiment, déstabilisent, infériorisent les femmes.
Lutter contre le sexisme, cela passe évidemment aussi par l’éducation, et nous avons fait le choix de doter l’information à la santé à seize, dix-huit et vingt-trois ans créée par le projet de loi d’un volet relatif à l’éducation à la sexualité, à la contraception et à l’IVG. Si certains devaient encore douter de son impérieuse nécessité, je les renvoie à l’excellent rapport du Haut conseil à l’égalité sur le sujet paru il y a quinze jours.
Pour conclure, je voudrais citer une grande femme qui nous a quittés la semaine dernière. Elle disait : « Le féminisme ne se résume pas à une revendication de justice, parfois rageuse, ni à telle ou telle manifestation scandaleuse, c’est aussi la promesse, ou du moins l’espoir, d’un monde différent et qui pourrait être meilleur. On n’en parle jamais. Comme on ne nous parle jamais de ces femmes qui se sont battues pour nous. Car c’est toujours une lutte de femmes qui a présidé à l’amélioration du sort des femmes. » Elle disait aussi que le sexisme était plus profond et plus endémique encore que le racisme.
Cette femme, c’est évidemment Benoîte Groult. Que sa sagesse et son impertinence guident nos débats.