Intervention de François de Rugy

Séance en hémicycle du 27 juin 2016 à 16h00
Égalité et citoyenneté — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur général, mesdames les rapporteures thématiques, chers collègues, le projet de loi dont nous discutons vient de loin : il est le fruit de nombreux travaux sur l’égalité, la lutte contre les discriminations, l’engagement associatif ou encore la mixité sociale dans le secteur du logement. Le travail qui a été mené au sein du Gouvernement puis en commission spéciale dans notre assemblée a témoigné de la très grande richesse des contributions apportées et de la créativité dont nous autres députés savons faire preuve en pareilles circonstances.

Depuis les attentats de 2015, il y a dans notre pays deux aspirations à bien des égards contradictoires, et que l’on peut considérer comme deux réponses aux drames qui nous ont frappés. Ces deux aspirations, ces deux réponses cohabitent en un même pays, la France : d’une part, une manifestation de solidarité, de fraternité, qui s’est exprimée très puissamment le 11 janvier 2015 comme réponse positive à ces événements et au sujet de laquelle on a pu parler d’« esprit du 11 janvier », une expression moins usitée ces derniers temps, et, d’autre part, il faut le reconnaître, la tentation du repli et de la crispation identitaire, religieuse, la religion étant utilisée comme vecteur identitaire.

Ce dernier phénomène n’est d’ailleurs pas observé seulement en France : il touche l’Europe, et sans doute la plupart des pays du monde. Il faut toutefois avoir la lucidité de reconnaître qu’il prend de l’ampleur en France et se manifeste notamment au moment des élections par le vote pour le parti d’extrême droite, le Front national, qui atteint des niveaux inégalés jusqu’alors. Il se manifeste aussi par la recrudescence d’actes de racisme, d’antisémitisme, d’actes anti-musulmans, d’actes homophobes. En outre, le sexisme et la discrimination contre les femmes n’ont pas disparu, et on observe même une régression en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. C’est particulièrement vrai dans certains quartiers de nos villes.

Face à cela, nous nous devons de réaffirmer nos valeurs, non seulement la liberté, l’égalité et la fraternité, bien sûr, les trois piliers de notre République, mais aussi la laïcité. Nous avons sans doute considéré que celle-ci était devenue une évidence, plus de cent ans après son instauration, en 1905, qui fut conflictuelle. Or, ce n’est pas le cas, et ce principe doit être défendu. Ce qui est en jeu, et cela a été dit à plusieurs reprises après les attentats, c’est notre mode de vie libre, ouvert et tolérant. Nous ne devons pas nous contenter de le réaffirmer, il faut réellement le défendre, le mettre en oeuvre concrètement chaque fois que nous en avons la possibilité. C’est la mission que doit se fixer notre majorité, la gauche, avec toutes ses sensibilités. Sa tradition a toujours été celle-là, mais peut-être avons-nous cru que certaines valeurs étaient si évidentes et partagées qu’il n’était plus nécessaire de les affirmer ; cela vaut non seulement pour la laïcité, mais aussi pour l’ensemble de nos valeurs.

À cette fin, il faut favoriser l’engagement associatif partout. Si le constat est partagé, il faut également que nous soyons d’accord sur la nécessité de mettre en oeuvre des mesures concrètes de soutien au monde associatif, car cet engagement rend possible l’échange entre les citoyens, notamment les échanges interculturels, qui permettent de mieux se comprendre et de mieux se connaître, et la défense concrète de telles valeurs. Ainsi que beaucoup d’études sociologiques, notamment de sociologie électorale le montrent, c’est aussi un bon antidote au repli et à l’isolement. Là où le tissu associatif recule, là où l’engagement associatif est faible, le populisme gagne du terrain ; au contraire, là où les associations sont bien implantées, il y a une certaine résistance au populisme.

Par ailleurs, il convient de favoriser la mixité sociale ; et il ne suffit pas de dire que l’on est d’accord, il faut le faire. Des mesures concrètes peuvent être appliquées en matière de logement, et le temps me manque pour les mentionner toutes. Elles concernent la publication des critères d’attribution, pour éviter le sentiment d’injustice, parfois injustifié, ainsi que la souplesse dans la fixation des loyers ou l’allocation choisie.

J’aimerais pour terminer adresser quelques mots à la ministre du logement, si vous me le permettez, madame la présidente, car je sais qu’elle a une approche concrète et pragmatique. Madame la ministre, vous l’avez évoqué dans votre intervention tout à l’heure, nous devons trouver un compromis entre l’aspiration d’un certain nombre d’élus locaux à un accroissement de leurs pouvoirs et la volonté de permettre aux personnes les plus en difficulté de se loger tout en évitant que des ghettos se constituent, car c’est ce à quoi peut conduire une application trop mécanique des critères. Nous attendons donc beaucoup de ce texte et de la discussion parlementaire.

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