J’ai donc été très étonnée que cet aspect des choses ait été vite balayé par MM. Dive et Berrios. En effet, c’est le fondement même, le pourquoi de notre existence commune. M. Piron se plaignait de l’absence de fil conducteur dans ce texte.
Le fil conducteur de ce texte, monsieur Piron, c’est l’égalité réelle – qui n’est pas l’égalité des chances, comme l’écrit Amartya Sen, lorsqu’il use du concept de « capabilité ». Parce que nous sommes tous différents, il faut compenser les non-capabilités des uns et des autres. Parce que nous sommes éloignés, en outre-mer, ou dans un territoire rural, parce que nous avons un handicap, parce que nous sommes des femmes, parce que nous sommes discriminés en raison de la couleur de notre peau, pour toutes ces raisons, nous sommes refoulés à la porte de la République. Des politiques publiques particulières, spécifiques, doivent alors être menées pour ramener dans la République ceux qui en sont loin.
Tel est le fil conducteur de ce projet de loi, qui comprend des mesures spécifiques en faveur de la mixité, de la jeunesse, des victimes – lesquelles auront plus facilement accès à la justice et, grâce à l’action de groupe, pourront porter plainte plus aisément. Tout cela permet de retrouver sa dignité.
La lutte pour les droits des femmes est un long combat, un long chemin à parcourir. Il faut le faire pour l’ensemble de la population maintenant : ce sera un long chemin, également, pour les personnes handicapées, qui ne sont pas reconnues, qui sont au bord de la route. Oui, ce chemin sera long, monsieur Chassaigne, mais nous l’abordons avec détermination, au moyen de ce projet de loi, mais aussi par des politiques publiques. Le Gouvernement a pris soixante-dix mesures, dans le cadre du comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté.
Ce n’est pas tout : le Gouvernement, et plus particulièrement la ministre de l’éducation, ont abordé avec détermination, pertinence, courage et responsabilité le chantier de l’éducation. Nous abordons ainsi le coeur de l’égalité réelle. Toutes ces mesures nous font avancer. Bien sûr, ce n’est pas suffisant, car nous voulons l’égalité républicaine, celle qui est inscrite sur les frontons de nos mairies.
Oui, il y a un fil conducteur. Oui, l’égalité réelle est un long combat. Oui, nous conduisons des politiques publiques, pour aller au-delà des textes d’ordre législatif. Nous aurons à débattre de la manière de lutter contre les discriminations à l’embauche : il y a différentes façons d’aborder cette question, parmi lesquelles le curriculum vitæ anonyme, dont nous parlerons, sans oublier d’autres moyens utilisés par les acteurs sur le terrain.
Pour finir, je suis convaincue que la lutte contre les discriminations passe par le changement de regard, dans l’éducation mais aussi dans la vie. Chacun d’entre nous, j’en suis sûre, nous discriminons au premier regard, à cause de nos préjugés. Il faut nous déprendre de ces préjugés. C’est le rôle de l’éducation – je l’ai déjà dit – ; les dispositions introduites dans ce projet de loi à l’initiative de Victorin Lurel y concourent également, en remettant l’histoire en perspective, sous notre regard, sous notre analyse, pour savoir ce que nous sommes réellement.
Je pense que les médias – nous aurons l’occasion d’en reparler, puisque la rapporteure Marie-Anne Chapdelaine nous a interpellés tout à l’heure sur ce point – sont un véhicule important pour dissiper les préjugés qui encombrent le regard que nous portons les uns sur les autres. C’est cela, l’égalité réelle !
Tous, chacun, qui que nous soyons, nous devons avoir accès réellement à l’éducation, au logement. Monsieur Bies a parlé d’ambition : nous portons une ambition pour chaque citoyenne, chaque citoyen. Pour cela, il nous faut accomplir cette grande tâche : dissiper les préjugés et combattre les discriminations, pour donner à chacun sa place dans la République.