La position du Hezbollah pourrait évoluer selon l'issue de la crise syrienne. Son action militaire complète aujourd'hui celle des forces armées libanaises, en tout cas pour combattre les incursions djihadistes. D'une certaine manière, l'action de la milice chiite sert aussi les intérêts du Liban. Il paraît inenvisageable à ce stade que l'armée combatte le Hezbollah, ne serait-ce que parce que cela provoquerait des désertions. L'armée est multiconfessionnelle. Elle est plutôt dominée au niveau des officiers par des éléments chrétiens, tandis que la troupe est plutôt à dominante musulmane. Si le Hezbollah devait combattre un jour les forces armées libanaises, celles-ci ne feraient plus l'objet d'un consensus national et il y aurait probablement une division.
Le poids du Hezbollah au Liban est le principal sujet de préoccupation des Saoudiens et des Israéliens. Ces derniers regardent avec beaucoup de vigilance l'influence du Hezbollah, sinon parfois de nervosité, compte tenu de son niveau d'armement et des capacités nouvelles liées à son intervention en Syrie. Si le conflit syrien basculait en faveur du régime d'Assad, les effectifs du Hezbollah reviendraient au Liban après avoir été renforcés sur le plan capacitaire et en termes d'expérience, même si le mouvement chiite subit de lourdes pertes. On estime à 1 500 le nombre de ses morts en Syrie. Il y a régulièrement des rapatriements de corps et des cérémonies funéraires au Liban. Il existe d'ailleurs un débat au sein de la communauté chiite libanaise sur le prix payé dans le conflit syrien. Les troupes du Hezbollah, qui sont expérimentées et aguerries, ont joué un rôle important.
Parmi les points d'interrogation, on peut se demander quelle serait la réaction de la communauté sunnite si le régime l'emporte en Syrie et que les effectifs du Hezbollah qui y sont déployés reviennent. Historiquement, la communauté sunnite n'a pas de milices très armées, mais on observe déjà une tendance au réarmement de milices non-chiites, notamment chrétiennes. Les différents scenarii évoqués dans le rapport sont ouverts : il est bien difficile aujourd'hui d'élaborer une hypothèse dominante. Il y a surtout de vraies interrogations. Une question qui se pose est de savoir quelle serait l'attitude d'Israël. Par anticipation, les Israéliens pourraient être tentés de priver le Hezbollah d'un certain nombre de capacités. Il pourrait y avoir une intervention : on l'a déjà vu. Par ailleurs, Israël a des « lignes rouges » que tout le monde connaît bien sur place.
On peut être préoccupé par le retour sur investissement dans l'enseignement supérieur, car nous faisons un investissement considérable dans le scolaire. Mais on ne va pas faire semblant de découvrir la mondialisation ! L'enseignement supérieur est un marché. Les formations supérieures en anglais sont séduisantes parce qu'elles offrent davantage de débouchés sur le plan professionnel que celles en français aux yeux des Libanais. Il n'est pas interdit d'être intelligent et de proposer des formations bilingues. Cela se fait de plus en plus, en français et en anglais ou en français et en espagnol, pour que les étudiants étrangers puissent tirer le meilleur parti de l'excellence des filières de l'enseignement supérieur français et qu'ils puissent être embauchés dans des pays ou sur des marchés où l'anglais est absolument indispensable. C'est un point sur lequel il faudra sans doute que nous renforcions notre offre. S'agissant du Liban, on peut mieux faire. Les acteurs français y travaillent et l'on se positionne déjà mieux qu'auparavant. C'est à mes yeux un point positif.
S'agissant de la diaspora, tout dépend qui l'on considère comme en faisant partie. L'émigration libanaise est ancienne. Il y a des communautés d'origine libanaise depuis le XIXe siècle dans certains pays. La diaspora est au moins aussi importante que la population vivant au Liban et elle pourrait comprendre plus de 13 millions de personnes. Comme nous l'expliquons dans le rapport, les Libanais de la diaspora restent souvent très attachés à leur pays d'origine et leurs transferts monétaires sont indispensables à la santé économique du pays et à la stabilité de son système bancaire. L'influence politique de la diaspora me paraît plus incertaine.
Ce qui m'a beaucoup frappé pendant cette mission, c'est que l'on retrouve les mêmes grandes figures politiques que dans ma jeunesse, à l'époque de la guerre civile. Avec Michel Aoun, Samir Geagea, les Frangié, les Gemayel, Walid Joumblatt et Nabih Berri, ce sont les anciens grands chefs de guerre ou leurs héritiers qui occupent la scène politique. Nous avons eu le grand privilège de les rencontrer. C'est probablement la principale corde de rappel : tous ces acteurs ont vécu la guerre et son spectre les conduit à s'entendre sur « jusqu'où ne pas aller trop loin », si je puis dire. Cela fonctionne assez bien. Leur rôle est absolument décisif, malgré quelques échecs aux élections municipales.
On peut considérer que la France a un rôle à jouer à l'égard de l'Arabie saoudite et de l'Iran, eu égard à ses relations avec eux. Mais le niveau de tension est vraiment très fort et ces deux pays se neutralisent. On a le sentiment que le Liban est plutôt gelé, alors qu'il y a déjà d'autres zones de confrontation ailleurs. Les Saoudiens et les Iraniens ne veulent pas aller trop loin sur ce terrain-là au Liban, mais de ce fait rien ne bouge. Il nous a semblé que la capacité de la France à faire évoluer la situation est relativement ténue.
Je n'ai peut-être pas répondu à toutes les questions, mais il y a beaucoup de choses dans le rapport et nous devons maintenant en venir à l'Amérique latine.