Intervention de Yves Daniel

Réunion du 22 juin 2016 à 16h15
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Daniel, co-rapporteur :

Le PTCI incarne pour beaucoup de secteurs une grande chance de développement par les exportations. Certains secteurs agricoles européens, à l'instar de l'élevage, risquent toutefois de fortement pâtir de l'ouverture du marché européen aux produits américains. Il n'y a aucune raison légitime pour que les succès européens ne puissent pas s'exporter aussi facilement que les « offensifs » américains dans d'autres secteurs. Vos rapporteurs demandent donc globalement au gouvernement français de s'assurer que la Commission européenne se porte garante d'un accord équilibré et ambitieux, sans quoi l'appui politique de la France pourrait faire défaut.

La question des IG cristallise les divergences entre producteurs américains et européens, et finalement, entre deux visions de la valorisation des produits agricoles. À la reconnaissance des caractéristiques du terroir et d'un cahier des charges précis et exigeant s'oppose la protection par les marques déposées. Ce sont donc à la fois des questions de propriété intellectuelle et de bonne information des consommateurs qui distinguent les points de vue de part et d'autre de l'Atlantique.

Vos rapporteurs ne peuvent donc qu'encourager la Commission européenne à poursuivre dans la voie qu'elle a tracée dans les autres accords, et rester ainsi fidèle à son mandat d'origine. Pour ce faire, nous avons des demandes précises :

-– la reconnaissance globale du système des indications géographiques, qui puisse dépasser ce qui a été obtenu dans le cadre de l'accord avec le Canada. Il s'agissait d'un premier pas important, mais qui reste insuffisant au vu des enjeux soulevés par ces questions ;

– l'élimination définitive des produits dits semi-génériques. Là aussi, la preuve existe que le système des indications géographiques peut s'imposer dans un pays où le système de marques est pourtant traditionnel. L'accord signé avec le Canada en 2003, qui a entraîné la reconnaissance, au bout d'un délai de transition, de l'indication géographique du Champagne, en est la parfaite illustration. Alors que les producteurs de « champagne » californien exportaient leurs produits à faible coût vers le Canada, avec une étiquette mentionnant « champagne », la pratique leur est désormais interdite. Ils ne peuvent plus exporter ces produits que sous l'appellation de « sparkling wine ». Vos rapporteurs y voient la preuve que le système des semi-génériques, qui voudrait que les noms de domaine et d'indication géographique soient voués à tomber dans le domaine public dès lors qu'ils ont été valorisés en dehors de leurs caractéristiques originelles, n'est pas durable. Ils encouragent donc d'autant la Commission européenne à rester ferme sur ses engagements ;

– enfin, en termes de calendriers, vos rapporteurs estiment que la question des indications géographiques doit être traitée le plus rapidement possible. Le quatorzième round de négociations va être entamé à la mi-juillet. Il serait opportun de présenter alors à la table des négociations un document qui puisse servir de base aux négociations ultérieures, sur des questions telles que l'ampleur de la reconnaissance des indications géographiques, la coexistence de ce système avec celui des marques et de la protection juridique dans le cadre de la common law.

Vos rapporteurs ne veulent pas d'un sujet rejeté en fin de négociations, à l'heure des grands trocs. L'agriculture n'a pas vocation à servir de monnaie d'échange. Elle représente des terroirs, des savoir-faire et des outils de diversité biologique et gastronomique sur lesquels on ne peut transiger dans un accord de libre-échange. La Commission européenne paraît tout à fait mobilisée sur ce problème. Il nous a toutefois semblé qu'au moment où elle retrempait sa légitimité dans le suffrage des Etats membres, il était opportun d'affirmer avec force la position française en faveur d'une agriculture à haute valeur ajoutée, diverse et respectueuse des terroirs et des traditions.

C'est pourquoi nous vous soumettons ces conclusions, destinées à inciter la Commission européenne à défendre, dans le cadre des négociations sur le PTCI, les indications géographiques.

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