Intervention de Michèle Bonneton

Réunion du 22 juin 2016 à 16h15
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle Bonneton :

Je vous remercie de me donner la parole, d'autant plus que je ne suis pas membre de cette commission. Notre position risque de vous interpeller quelque peu. La labellisation AOP ou IGP est la garantie pour un producteur que son savoir-faire et le terroir qu'il fait vivre sont uniques et ne seront pas plagiés. Pour les producteurs et les agriculteurs, c'est une reconnaissance et une fierté ; pour les consommateurs c'est une garantie de qualité. La reconnaissance des indications géographiques et des produits d'appellation est très importante dans le Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement. Or, rien n'est acquis à ce jour. D'ailleurs Madame Cécilia Malmström, commissaire européenne en charge de ces négociations, est venue à l'Assemblée nationale le 15 avril 2015. Je l'avais interrogée précisément sur ce point et voici ce qu'elle m'avait répondu :

« En ce qui concerne les indications géographiques, 42 produits français sont inclus dans l'accord avec le Canada sur un total de 154. Nous allons essayer d'atteindre un résultat au moins aussi bon avec les États-Unis. Je ne vous cache pas que c'est un point difficile car les États-Unis ont une tout autre approche de cette question. »

Il y a donc seulement 42 indications géographiques protégées pour la France dans le CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement), en dehors des vins et alcools, comme cela a été précisé. Nous avons pourtant 42 AOP laitières, 45 AOP agroalimentaires, 122 indications géographiques agroalimentaires, et 427 labels rouges. Il faut ajouter à cela plusieurs centaines, de l'ordre de 400 AOP ou indications géographiques, en vins et alcools. Nous arrivons à un total d'un peu plus de 2000, ce que vous disiez précédemment. 42 appellations qui pourraient éventuellement être protégées, cela ne représente même pas 5%. Au niveau européen, on retrouve la même proportion, pour le moment, dans l'annexe 20A du CETAAECG.

Dans les conclusions que vous nous proposez je constate avec satisfaction qu'il est proposé d'aboutir à une reconnaissance globale des indications géographiques dans le cadre du PTCI. En effet, si une appellation n'est pas reconnue, elle peut subir une concurrence extrêmement déloyale. Je prendrais un exemple, les noix de Grenoble, qui bénéficient d'un AOP depuis 1938. Au Canada il se vend beaucoup de noix dites « de Grenoble ». Il y a eu un problème sanitaire il n'y a pas très longtemps, et en réalité aucune noix ne provenait de Grenoble. Ce sont des noix de Californie qui sont vendues sous l'appellation « noix de Grenoble ». Il serait par exemple possible de trouver partout dans l'Union européenne des noix qui viennent de Californie, si l'appellation « noix de Grenoble » n'était pas protégée.

Il faut également porter attention aux semi-génériques qui sont extrêmement trompeurs, mais cela ne vous a pas échappé dans ces propositions de conclusion. C'est le cas également pour le champagne de Californie.

L'approche concernant les appellations d'origine est très différente aux Etats-Unis. Il y a eu par exemple des accords en 2005 entre l'Union et ces derniers qui prévoyaient l'abandon des semi génériques. Or, ceci n'a jamais été transcrit dans les lois américaines et n'est donc jamais entré en vigueur.

Je pense que les termes de vos conclusions ne sont pas assez impératifs. Si la Commission européenne a demandé un nouveau mandat de négociation, quelle sera la position de la France vis-à-vis de cette demande ? Comment faire en sorte que nos souhaits deviennent en quelques sortes des impératifs ?

La présidente Danielle Auroi m'a chargée de vous dire qu'elle était favorable à une abstention bienveillante sur les conclusions proposées, et Jean-Louis Roumegas serait plutôt partisan d'une opposition à ces conclusions, du fait de la faiblesse des impératifs. Je vous remercie.

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